The Project Gutenberg EBook of Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III. by Napoléon Bonaparte This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Oeuvres de Napoléon Bonaparte, TOME III. Author: Napoléon Bonaparte Release Date: July 12, 2004 [EBook #12893] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK NAPOLEON, TOME III *** Produced by Robert Connal, Renald Levesque and the Online Distributed Proofreading Team. This file was produced from images generously made available by gallica (Bibliothèque nationale de France) at http://gallica.bnf.fr OEUVRES DE NAPOLÉON BONAPARTE. TOME TROISIÈME. MDCCCXXI. EXPÉDITION D'ÉGYPTE. (Suite) Au quartier-général du mont Carmel, le 28 ventose an 7 (18 mars 1799.) _Au général Reynier ou au commandant de Césarée_. Le scheick qui vous remettra cette lettre, citoyen général, me fait espérer qu'il pourra réunir assez de moyens de transport pour faire venir à Caïffa le riz et le biscuit qui doivent être arrivés à Césarée: concertez-vous avec lui et donnez-lui toute l'assistance dont il peut avoir besoin. Nous sommes maîtres de Caïffa, où nous avons trouvé des magasins de coton et entre autres trois mille quintaux de blé. La route de Césarée à Saint-Jean d'Acre passe par Caïffa et va toujours le long de la mer. Le général Reynier doit avoir reçu l'ordre de laisser un bataillon à Césarée et de se rendre avec le reste à Saint-Jean d'Acre. Faites passer la lettre ci-jointe à l'adjudant-général Grezieux. BONAPARTE. Au quartier-général du mont Carmel, le 28 ventose an 7 (18 mars 1799). _A l'adjudant-général Grézieux._ Nous nous sommes emparés de Caïffa, où nous avons trouvé des magasins de coton et trois mille quintaux de blé, prise d'autant meilleure, que ce blé était destiné à l'approvisionnement de l'escadre qui bloque Alexandrie. Le capitaine Smith, avec deux vaisseaux de guerre anglais, est arrivé d'Alexandrie à Saint-Jean d'Acre: ainsi, si notre flottille arrivait, vous feriez débarquer promptement les denrées, vous feriez entrer dans la rade les bâtimens, tels que _la Fortune_, qui pourraient y entrer, et vous renverriez sur-le-champ les autres prendre leur station à Damiette. Nous avons eu une affaire au village de Kakoun avec la cavalerie de Djezzar, réunie à des Arabes et à des paysans. Après quelques coups de canon, tout s'est dispersé; la cavalerie de Djezzar a fait en quatre heures deux journées de marche; elle est arrivée à Acre le même jour de l'affaire, et y à porté là consternation et l'effroi; la plupart de cette cavalerie est aujourd'hui dispersée. L'investissement d'Acre sera fait ce soir: faites connaître ces nouvelles à Damiette et au Caire. Envoyez-nous le plus de biscuit et de riz que vous pourrez, sur des bâtimens qui débarqueront à Courra ou à Tentoura: nous sommes bien avec les habitans de ce pays, qui sont venus au devant de nous et se comportent fort bien. BONAPARTE. Au quartier-général du mont Carmel, le 28 ventose an 7 (18 mars 1799). _Au contre-amiral Ganteaume_. Vous donnerez l'ordre, citoyen général, à la flottille commandée par le capitaine Stendelet, si elle n'est pas encore sortie de Damiette, de ne pas sortir: il fera seulement sortir _le Pluvier_, chargé de riz et de biscuit, lequel se rendra à Jaffa, où il débarquera son chargement, et après quoi il s'en retournera. Si la flottille était partie, vous lui enverriez l'ordre de rentrer, en déchargeant les denrées à Jaffa, si elle peut le faire sans éprouver aucun retard: elle ira à Damiette, ou, si elle le peut, à Bourlos. Vous donnerez l'ordre au contre-amiral Perrée de ne pas opérer sa sortie, et, s'il l'avait opérée et qu'il ne trouvât votre ordre qu'à Jaffa, de faire une tournée du côté de Candie, afin de recueillir des nouvelles des bâtimens venant d'Europe, et de venir quinze ou vingt jours après son départ de Jaffa à Damiette, où il trouvera de nouvelles instructions: dans l'intervalle du temps, il enverra à Damiette un brick pour faire part des nouvelles qu'il aurait pu apprendre. BONAPARTE. Au quartier-général du mont Carmel, le 28 ventose an 7 (18 mars 1799). PROCLAMATION. _Aux scheicks, ulemas, schérifs, orateurs de mosquées et autres habitans du pachalic d'Acre_. Dieu est clément et miséricordieux. Dieu donne la victoire à qui il veut; il n'en doit compte à personne. Les peuples doivent se soumettre à sa volonté. En entrant avec mon armée dans le pachalic d'Acre, mon intention est de punir Djezzar-Pacha de ce qu'il a osé me provoquer à la guerre, et de vous délivrer des vexations qu'il exerce envers le peuple. Dieu, qui tôt ou tard punit les tyrans, a décidé que la fin du règne de Djezzar était arrivée. Vous, bons musulmans, habitans, vous ne devez pas prendre l'épouvante, car je suis l'ami de tous ceux qui ne commettent point de mauvaises actions et qui vivent tranquilles. Que chaque commune ait donc à m'envoyer ses députés à mon camp, afin que je les inscrive et leur donner des sauf-conduits, car je ne peux pas répondre sans cela du mal qui leur arriverait. Je suis terrible envers mes ennemis, bon, clément et miséricordieux envers le peuple et ceux qui se déclarent mes amis. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 29 ventose an 7 (19 mars 1799). _Au fils d'Omar-Daher_. Omar-Daher, qui pendant tant d'années a commandé à Acre, dans la Tibériade et dans toute la Galilée, homme recommandable par ses grandes actions, les talens distingués qu'il avait reçus de Dieu, et la bonne conduite qu'il a tenue en tout temps envers les Français, dont il a constamment encouragé le commerce, a été détruit et remplacé par Djezzar-Pacha, homme féroce et ennemi du peuple. Dieu, qui tôt ou tard punit les méchans, veut aujourd'hui que les choses changent. J'ai choisi le scheick Abbas-el-Daher, fils d'Omar-Daher en considération de son mérite personnel, et convaincu qu'il sera comme son père ennemi des vexations et bienfaiteur du peuple, pour commander dans toute la Tibériade, en attendant que je puisse le faire aussi grand que son père. J'ordonne donc, par la présente, au scheick El-Beled et au peuple de la Tibériade de reconnaître le scheick Abbas-El-Daher pour leur scheick. Nous l'avons en conséquence revêtu d'une pelisse. J'ordonne également au scheick El-Beled de Nazareth de lui faire remettre les maisons, jardins et autres biens que le scheick Omar-Daher possédait à Nazareth. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 30 ventose an 7 (20 mars 1799). _A l'émir Bechir_. Après m'être emparé de toute l'Egypte, j'ai traversé les déserts et suis entré en Syrie; je me suis emparé des forts d'El-Arich, Gaza et Jaffa, qu'avaient envahis les troupes de Djezzar-Pacha; j'ai battu et détruit toute son armée; je viens de l'enfermer dans la place d'Acre, dont je suis occupé depuis avant-hier à faire le siége. Je m'empresse de vous faire connaître toutes ces nouvelles, parce que je sais qu'elles doivent vous être agréables, puisque toutes ces victoires anéantissent la tyrannie d'un homme féroce qui a fait autant de mal à la brave nation druse qu'au genre humain. Mon intention est de rendre la nation druse indépendante, d'alléger le tribut qu'elle paye, et de lui rendre le port de Bezuth, et autres villes qui lui sont nécessaires pour les débouchés de son commerce. Je désire que le plus tôt possible vous veniez vous-même ou que vous envoyiez quelqu'un pour me voir ici devant Acre, afin de prendre tous les arrangemens nécessaires pour vous délivrer de nos ennemis communs. Vous pourrez faire proclamer dans tous les villages de la nation druse que ceux qui viendront apporter des vivres au camp et surtout du vin et de l'eau-de-vie, seront exactement payés. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 1er germinal an 7 (21 mars 1799). _Au scheick Mustapha-Békir_. Le scheick Mustapha-Békir, homme recommandable par ses talens et par son crédit, qui lui ont mérité les persécutions d'Achmet-Pacha, qui l'a tenu sept ans dans les fers, est nommé commandant de Saffet et du port de Guerbanet Yakoub. Il est ordonné à tous les scheicks et habitans de lui prêter main-forte pour arrêter les Musselinins, les troupes de Djezzar et autres qui s'opposeront à l'exécution de nos ordres: il a été à cet effet revêtu d'une pelisse. Il lui est expressément recommandé de ne commettre aucune vexation envers les fellahs et de repousser avec courage tous ceux qui prétendraient entrer sur le territoire du pachalic d'Acre. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 2 germinal an 7 (22 mars 1799). _A l'adjudant-général Almeyras_. Je vous ai expédié deux bateaux le 13 et le 16, pour vous faire connaître nos besoins d'artillerie. Les boulets que nous a envoyés l'ennemi, joints a ceux que vous nous avez fait passer à Jaffa, nous mettent à même de pouvoir attaquer dans trois ou quatre jours. Tout le pays est entièrement soumis et dévoué; une armée venue de Damas a été complètement battue; le général Junot, avec trois cents hommes de la deuxième légère, a battu trois à quatre mille hommes de cavalerie, en a mis cinq à six cents hors de combat, et pris cinq drapeaux: c'est une des affaires brillantes de la guerre. Ne perdez pas de vue les fortifications et les approvisionnemens de Lesbeh; car, si l'hiver et le printemps nous nous sommes battus en Syrie, il serait possible que cet été une armée de débarquement nous mît à même d'acquérir de la gloire à Damiette. Donnez de vos nouvelles au général Dugua. BONAPARTE. An camp d'Acre, le 7 germinal an 7 (27 mars 1799) _Au Mollah Murad-Radeh à Damas_. Je m'empresse de vous apprendre, afin que vous en fassiez part à vos compatriotes de Damas, mon entrée en Syrie. Djezzar-Pacha ayant fait une invasion en Egypte, et ayant occupé le fort d'El-Arich avec; ses troupes, je me suis vu obligé de traverser les déserts pour m'opposer à ses agressions: Dieu, qui a décidé que le règne des tyrans tant en Egypte qu'en Syrie devait être terminé, m'a donné la victoire. Je me suis emparé de Gaza, Jaffa et Caïffa, et je suis devant Acre, qui d'ici à peu de jours sera en mon pouvoir. Je désire que vous fassiez connaître aux ulemas, aux schérifs et aux principaux scheicks de Damas, ainsi qu'aux agas des janissaires, que mon intention n'est point de rien faire qui soit contraire à la religion, aux habitans et aux propriétés des gens du pays: en conséquence je désire que la caravane de la Mecque ait lieu comme à l'ordinaire. J'accorderai, à cet effet, protection et tout ce dont elle aura besoin: il suffit qu'on me le fasse savoir. Je désire que, dans cette circonstance essentielle, les habitans de Damas se conduisent avec la même prudence et la même sagesse que les habitans du Caire; ils me trouveront le même, clément et miséricordieux envers le peuple, et zélé pour tout ce qui peut intéresser la religion et la justice. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 13 germinal an 7 (2 avril 1799). _A l'adjudant-général Almeyras._ J'expédie à Damiette un bâtiment, pour vous donner des nouvelles de l'armée et porter des lettres du général Dommartin au commandant de l'artillerie, au contre-amiral Ganteaume et au commandant de la flottille. Je vous prie de prendre toutes les mesures pour nous envoyer le plus promptement possible toutes les munitions de guerre qui sont à Damiette, sur des djermes. Le général Dugua me mande qu'il a envoyé à Damiette deux mille boulets de 12 et de 8, et des obusiers. Si nous les avions ici, Saint-Jean d'Acre serait bientôt pris. Nous éprouvons une grande pénurie de munitions de guerre. Les forts de Saffet-Sour et la plus grande partie des montagnes qui nous entourent, sont soumis; donnez ces nouvelles au Caire et à Alexandrie: une partie de l'armée ne tardera pas à être de retour. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 16 germinal an 7 (5 avril 1799). _Au même._ Je vous ai expédié le 13 un bateau avec un officier de marine, pour vous faire connaître le besoin que nous avons de munitions de guerre: de peur qu'il ne soit pas arrivé, je vous en expédie un second. Faites porter sur des djermes ou sur tout autre bâtiment, tous les boulets de 12 et de 8 d'obusiers, et les cartouches d'infanterie que vous aurez à votre disposition à Damiette. Envoyez-nous également les pièces d'un calibre supérieur à 8, qui seraient arrivées d'Alexandrie à Damiette, ou qui se trouveraient à Damiette par un accident quelconque: ces bâtimens iront droit à Jaffa, où ils débarqueront leurs munitions de guerre. Donnez de nos nouvelles à Alexandrie et au Caire. L'armée est abondamment pourvue de tout, et tout va fort bien; tous les peuples se soumettent: les Mutuelis, les Maronites et les Druses sont avec nous. Damas n'attend plus que la nouvelle de la prise de Saint-Jean d'Acre pour nous envoyer ses clefs; les Maugrabins, les mameloucks et autres troupes de Djezzar se sont battues entre elles: il y a eu beaucoup de sang répandu. Par les dernières nouvelles que j'ai reçues d'Europe, les rois de Sardaigne et des Deux-Siciles n'existent plus. L'empereur a désavoué la conduite du roi de Naples, la paix de Rastadt était sur le point d'être conclue; ainsi la paix générale n'était pas encore troublée: il faisait un froid excessif. Envoyez des ordres à Catieh pour faire filer sur l'armée le plus promptement possible les munitions de guerre qui peuvent y être. Je compte sur votre intelligence et sur votre zèle pour faire passer sans délai les munitions de guerre que je vous ai demandées. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 16 germinal an 7 (5 avril 1799). _A l'adjudant-général Grézieux._ Je vous réexpédie, citoyen général, le bateau qui nous est arrivé ce matin de Jaffa, pour vous faire connaître nos besoins. Il y a huit jours qu'un bataillon avec tous les moyens de charrois du parc, est parti pour prendre à Jaffa des pièces de 4 et autres munitions de guerre: nous espérons qu'il sera de retour demain. Le contre-amiral Ganteaume a expédié, il y a quatre jours, un officier sur un bâtiment, pour Damiette: j'apprends qu'il a passé à Jaffa. Il a été expédié a Damiette pour porter des ordres pour que toutes les munitions de guerre qui sont à Damiette partent pour Jaffa. Nous avons le plus grand besoin de boulets de 12, de 8, d'obus et de bombes, des mortiers de Jaffa et des cartouches d'infanterie: ce ne sera qu'à leur arrivée que nous pourrons attaquer et prendre Acre. Dès l'instant que le convoi par terre sera arrivé, on le laissera reposer un jour, et on le renverra pour aller prendre à Jaffa les munitions de guerre qui pourraient y être arrivées. Faites mettre sur une djerme trois des obusiers turcs que nous avons trouvés à Jaffa avec tous les obus propres à ces obusiers, qui se trouvent à Jaffa. Faites mettre aussi toutes les bombes des mortiers que nous avons trouvées à Jaffa, et qui ne seraient pas parties par terre. Le bâtiment peut se rendre à Tentoura, où il débarquera, s'il y trouve des troupes françaises; sinon il profitera de la nuit pour venir à Caïffa. Le commodore Sidney Smith avec les deux vaisseaux _le Tigre_ et _le Thèsée_, après avoir été absent dix jours, vient de rétablir sa croisière depuis deux jours. La flotte du citoyen Stendelet a reçu ordre de se rendre à Jaffa; il débarquera les vivres et l'artillerie qu'il peut avoir. L'aviso _l'Etoile_ a ordre de désarmer et de laisser les deux pièces de 18 que vous nous enverrez par le prochain convoi. Le contre-amiral Perrée a reçu également l'ordre de faire arriver à Jaffa trois pièces de 24, quatre de 18 et des mortiers, avec sis cents boulets de 12. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 19 germinal an 7 (8 anil 1799). _Au général Marmont._ Vous aurez sans doute reçu, citoyen général, les différentes lettres que je vous ai écrites depuis la prise d'El-Arich jusqu'à celle de Jaffa. Nous sommes depuis quinze jours devant Saint-Jean d'Acre, où nous tenons enfermé Djezzar-Pacha. La grande quantité d'artillerie que les Anglais y ont jetée avec un renfort de canonniers et d'officiers, joint à notre peu d'artillerie, a retardé la prise de cette place; mais les deux vaisseaux de guerre anglais se sont lâchés hier contre nous, et nous ont tiré plus de deux mille boulets, ce qui nous en a approvisionnés: j'ai donc lieu d'espérer que sous peu de jours nous serons maîtres de cette place. Nous sommes maîtres de Saffet-Sour: les Mutuelis et les Druses sont avec nous. J'espère que vous n'aurez pas perdu un instant pour l'armement et pour l'approvisionnement d'Alexandrie, et que vous serez en mesure pour recevoir les ennemis, s'ils se présentent de ce côté. Je compte, dans le mois prochain, être en Egypte et avoir fini toute mon opération de Syrie. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 24 germinal an 7 (13 avril 1799). _Au général Kléber._ J'ai reçu, citoyen général, vos différentes lettres. L'adjudant-général Leturcq, qui est arrivé à Caïffa avec le convoi, nous apporte de quoi faire une grande quantité de cartouches. Dès l'instant qu'elles seront faites, on vous en enverra le plus qu'il sera possible. Le général Murat laissera à Saffet les cent cinquante hommes de la vingt-cinquième que vous aviez laissés à Caïffa; vous les prendrez là pour les placer où vous jugerez à propos. Je désirerais qu'avec le reste de sa colonne il pût être de retour pour l'assaut d'Acre, qui pourra avoir lieu le 30. Ecrivez à Gherrar qu'il a tort de se mêler d'une querelle qui le conduira à sa perte: comment, lui qui a eu tant à se plaindre d'un homme aussi féroce que Djezzar, peut-il exposer la fortune et la vie de ses paysans pour un homme aussi peu fait pour avoir des amis? que sous peu de jours Acre sera pris, et Djezzar puni de tous ses forfaits, et qu'alors il regrettera, peut-être trop tard, de ne pas s'être conduit avec plus de sagesse et de politique. Si cette lettre est nulle, elle ne peut, dans aucun cas, faire un mauvais effet. Votre bataille est fort bonne; cela ne laisse pas de beaucoup dégoûter cette canaille, et j'espère que si vous les revoyez, vous pourrez trouver moyen d'avoir leurs pièces. Est-il bien sûr que le pont, qui est plus bas que le lac Tabarieh, soit détruit? Les habitans du pays, dans les différens renseignemens qu'ils me donnent, me parlent toujours de ce pont comme si les renforts pouvaient venir par là, et dès lors comme s'il n'était pas détruit. Le mont Thabor est témoin de vos exploits. Si ces gens-là tiennent un peu, et que vous ayez une affaire un peu chaude, cela vous vaudra les clefs de Damas. Si dans les différens mouvemens qui peuvent se présenter, vous trouvez moyen de vous mettre entre eux et le Jourdain, il ne faudrait pas être retenu par l'idée que cela les ferait marcher sur nous. Nous nous tenons sur nos gardes, nous en serions bien vite prévenus, et nous irions à leur rencontre; mais alors il faudrait que vous les poursuivissiez en queue assez vivement. Mais je sens que ces gens-là ne sont pas assez résolus pour cela. Si cela arrivait, ils s'éparpilleraient tout bonnement en route. J'ai envoyé, il y a trois jours, à Saffet un homme qui est depuis Jaffa avec nous, pour avoir une conférence avec Ibrahim-Bey, et doit être de retour demain, et, si la cavalerie qui est devant Saffet l'a empêché de remplir sa mission, je vous l'enverrai: il sera plus à portée de la remplir de chez vous. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 25 germinal an 7 (14 avril 1799). _Au général Marmont._ J'imagine qu'à l'heure qu'il est, citoyen général, vous aurez approvisionné le fort de Raschid de mortiers avec de bonnes pièces à cinq cents coups au moins. J'ai reçu votre lettre du 8 germinal, et j'ai appris avec plaisir que _le Pluvier_ s'était sauvé à Alexandrie: il doit avoir douze cents quintaux de riz à son bord; vous pouvez vous en servir pour augmenter vos approvisionnemens. Recrutez et complétez les quatre bataillons qui sont sous vos ordres, ainsi que la légion nautique. Les recrues que vous nous avez envoyées d'Alexandrie se sont sauvées à la première affaire, ont tenu bon à la seconde., et se battent aujourd'hui tous les jours à la tranchée avec le plus grand courage. Le général Junot s'est couvert de gloire le 19, au combat de Nazareth; avec trois cents hommes de la deuxième d'infanterie légère, il a battu quatre mille hommes de cavalerie; il a pris cinq drapeaux et tué ou blessé près de six cents hommes: c'est une des affaires brillantes de la guerre. Notre siège avance: nous avons une galerie de mine qui déjà dépasse la contrescarpe, chemine sous le fossé à trente pieds sous terre, et n'est plus qu'à dix-huit pieds du rempart. Sur le front d'attaque, nous avons deux batteries à soixante toises, et quatre à cent toises, pour contrebattre les flancs. Depuis quinze jours nous ne tirons pas un seul boulet: l'ennemi tire comme un enragé; nous nous contentons de ramasser humblement ses boulets, de les payer vingt sous et de les entasser au parc, où il y en a déjà près de quatre mille. Vous voyez qu'il y a de quoi faire un beau feu pendant vingt-quatre heures, et faire une bonne brèche. J'attends, pour donner le signal, que le mineur puisse faire sauter la contrescarpe à l'extrémité d'une double sape, qui marche droit a une tour. Nous sommes encore à huit toises de la contrescarpe: c'est l'histoire de deux nuits. L'ennemi nous a tiré trois ou quatre mille bombes; il y a dans la place beaucoup d'Anglais et d'émigrés français: vous sentez que nous brûlons d'y entrer: il y a à parier que ce sera le 1er floréal: le siège, à défaut d'artillerie et vu l'immense quantité de celle de l'ennemi, est une des opérations qui caractérisent le plus la constance et la bravoure de nos troupes: l'ennemi tire ses bombes avec une grande précision. Jusqu'à cette heure, ce siège nous coûte soixante hommes tués et trente blessés. L'adjoint Mailly, les adjudans-généraux Lescale et Hacigue sont du nombre des premiers. Le général Caffarelli, mon aide-de-camp Duroc, Eugène, l'adjudant-général Valentin, les officiers de génie Sanson, Say et Souhait sont du nombre des blessés; on a été obligé d'amputer le bras du général Caffarelli: sa, blessure va bien. Damas n'attend que la nouvelle de la prise d'Acre pour se soumettre. Je serai dans le courant de mai de retour en Egypte: profitez des bâtimens de transport qui partiraient, ou expédiez-en un pour donner de nos nouvelles en France. Vous avez dû recevoir la relation de Jaffa, qui a été imprimée. Approvisionnez-vous, et que vos soins ne se bornent pas à Alexandrie; songez que cela n'est rien si le fort de Raschid n'est pas en état de faire une bonne résistance; il faut qu'il y ait un bon massif de terre, des mortiers, des obusiers, des canons approvisionnés à six cents coups par pièce. Après avoir fortifié votre arrondissement, vous aurez la gloire de le défendre cet été: je vous répète ce que je vous ai dit dans ma lettre du 21 pluviose, de me faire faire une bonne carte de votre arrondissement, en y comprenant une partie du lac Bourlos: vous savez combien cela est nécessaire dans les opérations militaires. Faites connaître dans votre arrondissement que j'ai revêtu le fils de Daher, et que je l'ai reconnu le scheick de Saffet et du pachalic d'Acre. Nous pourrions bien aujourd'hui donner un million si nous avions ici les pièces de siége embarquées à Alexandrie. Si les Anglais laissent la sortie un peu libre, vous pourriez envoyer un petit bâtiment à Jaffa pour me porter de vos nouvelles et pour en recevoir des nôtres; il faudrait qu'il fût assez petit pour pouvoir aller à Damiette ou sur le lac Bourlos. BONAPARTE. Au camp d'Acre, le 25 germinal an 7 (14 avril 1799). _Au commandant de Jaffa._ Je vous envoie, citoyen commandant, un nouveau convoi par terre, pour prendre les pièces et les munitions de guerre qui se trouvent à Jaffa. Faites filer par mer sur des bateaux à Tentoura tout ce que le convoi ne pourra pas porter. Faites l'inspection des différens magasins, et veillez à ce que les garde-magasins soient en règle, à ce que les hôpitaux soient tenus proprement et qu'on y trouve tous les secours que permettent les circonstances. BONAPARTE. Au mont Thabor, le 29 germinal an 7 (18 avril 1799). _Au général Ganteaume._ Je reçois a l'instant la lettre par laquelle vous m'annoncez l'arrivée du contre-amiral Perrée à Jaffa; vous lui enverrez sur-le-champ l'ordre 1°. de rembarquer deux pièces de 18 avec la moitié des boulets de 12, qu'en conséquence de votre ordre il avait laissés à Jaffa. 2°. De remplacer les pièces de 18, qu'il se trouve avoir laissées à Jaffa, par un pareil nombre de pièces de 12, qu'il prendrait sur _la Courageuse_. Si _l'Etoile_ était arrivée, il pourrait prendre les pièces de 18 de _l'Etoile_, pour se compléter. Si la grosse mer s'opposait à tous ses mouvemens, et lui faisait perdre trop de temps, vous lui ferez sentir que, dans sa position, il faut qu'il calcule avant tout le temps. 3°. Laissez le contre-amiral Perrée maître de se porter soit sur Candie, soit sur Chypre, afin de pouvoir reparaître du 6 an 10 du mois prochain, soit sur Jaffa, soit sur Sour. La place d'Acre sera prise alors, et je l'expédierai en Europe avec une mission particulière. Pour peu que le contre-amiral Perrée soit poursuivi par l'ennemi, vous le laisserez maître de se réfugier soit à Alexandrie, soit dans un port d'Europe; dans ce dernier cas, vous lui ferez connaître que j'attends de lui qu'il ne tarde pas à nous amener des fusils, des sabres et quelques renforts, ne fût-ce que quelques centaines d'hommes. Il pourra diriger sa marche sur Damiette, sur Jaffa, sur Saint-Jean d'Acre ou sur Sour, et, s'il avait plus de quinze cents hommes, il pourrait même les débarquer à Derne. Faites-lui sentir cependant que je compte assez sur son zèle et sur ses talens pour espérer qu'il pourra croiser huit jours, faire beaucoup de mal aux Anglais, dont les vaisseaux marchands couvrent le Levant. Dans tous les cas, mon intention est que, avec ses trois frégates, il hasarde un de ses meilleurs avisos, en se dirigeant sur Sour. Vous connaissez-la position dans laquelle nous sommes, la situation de la côte; ajoutez-y tout ce que les connaissances de votre métier peuvent vous suggérer. Le contre-amiral Perrée est autorisé à prendre tous les gros bâtimens turcs. Si les vents le poussaient du côté de Tripoli, de Syrie, faites-lui connaître que les Anglais reçoivent leurs vivres et leurs munitions de ce côté, et qu'il pourrait leur intercepter quelque convoi. En tout cas, j'imagine que vous lui direz de porter toujours pavillon anglais et de se tenir fort loin des côtes. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au citoyen Fourier, commissaire près le divan._ J'ai reçu, citoyen, vos différentes lettres. Je vous autorise à correspondre avec l'Institut national, pour lui témoigner au nom de l'Institut d'Egypte le désir, qu'il a de recevoir promptement les différentes commissions à faire, et l'empressement que l'Institut d'Egypte mettra à y répondre. Faites connaître au divan du Caire les succès que nous avons eus contre nos ennemis, la protection que j'ai accordée à tous ceux qui se sont bien comportés, et les exemples sévères que je fais des villes et des villages qui se sont mal conduits, entre autres celui de Djerme, habité par Gherrar, scheick de Naplouse. Annoncez au divan que lorsqu'il recevra cette lettre, Acre sera pris, et que je serai en route pour me rendre au Caire, où j'ai autant d'impatience d'arriver que l'on en a de m'y voir. Un de mes premiers soins sera de rassembler l'Institut, et de voir si nous pouvons parvenir à avancer d'un pas les connaissances humaines. BONAPARTE Devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au général Desaix._ Je reçois, citoyen général, à l'instant vos lettres depuis le 8 pluviose au 27 ventose. Je les ai lues avec tout l'intérêt qu'elles inspirent. Je vois surtout avec plaisir que vous vous disposez à vous emparer de Cosseir; sans ce point-là, vous ne serez jamais tranquille. La marine a encore dans ce point déçu mes espérances. Je serai de retour en Egypte dans le courant du mois. Je compte être maître d'Acre dans six jours. Le général Dugua me mande qu'il vous a envoyé tous les objets que vous avez demandés, je le lui recommande avec toutes les instances possibles. Nous avons eu affaire, à la bataille du Mont-Thabor, à près de trente mille hommes: c'est à peu près un contre dix. Les janissaires de Damas se battaient au moins aussi bien que les mameloucks; et les Arnautes, Maugrabins, Naplousins sont sans contredit les meilleures troupes de l'Europe. Au reste, par vos lettres je vois que nous n'avons rien à vous conter, que vous n'ayez à nous répondre. Assurez tous les braves qui sont sous vos ordres de l'empressement que je mettrai à récompenser leurs services et à les faire connaître à la France entière. Le contre-amiral Perrée, avec _la Junon_, _l'Alceste_ et _la Courageuse_, nous a amené à Jaffa des pièces de siége, et est en ce moment derrière la flotte anglaise, lui enlevant ses avisos, bâtimens de transport, etc. Il fera des prises immenses, et nous enverra à Tyr, Jaffa et Acre, lorsque nous en serons maîtres, de fréquentes nouvelles de l'Europe. Vous avez appris, par le Caire, les dernières nouvelles de France et d'Europe. Rien ne prouvait encore qu'il y eût la guerre. BONAPARTE. Au quartier-général devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au chef de l'état-major général._ Le commandant de la croisière anglaise devant Acre ayant eu la barbarie de faire embarquer, sur un bâtiment qui avait la peste, les prisonniers français faits sur les deux tartanes chargées de munitions, qu'il a prises près de Caïffa, dans la sortie qui a eu lieu le 18; les anglais ayant été remarqués à la tête des barbares, et le pavillon anglais ayant été au même instant arboré sur plusieurs tours de la place; la conduite féroce qu'ont tenue les assiégés en coupant la tête à deux volontaires qui avaient été tués, doit être attribuée au commandant anglais; conduite si opposée aux honneurs que l'on a rendus aux officiers et soldats anglais trouvés sur le champ de bataille, et aux soins que l'on a eus des blessés et des prisonniers. Les Anglais étant ceux qui défendent et approvisionnent Acre, la conduite horrible de Djezzar, qui a fait étrangler et jeter à l'eau, les mains liées, plus de deux cents chrétiens, naturels du pays, parmi lesquels se trouvait le secrétaire d'un consul français, doit également être attribuée à cet officier, puisque, par les circonstances, le pacha se trouve entièrement sous sa dépendance. Cet officier refusant d'ailleurs d'exécuter aucun des articles d'échange établi entre les deux puissances; et ses propos dans toutes les communications qui ont eu lieu, ses démarches depuis qu'il est en croisière étant celles d'un fou, mon intention est que vous donniez des ordres aux différens commandans de la côte pour qu'on cesse toute communication avec la flotte anglaise, actuellement en croisière dans ces mers. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 2 floréal an 7 (21 avril 1799). _Au général Kléber._ J'ai reçu, citoyen général, vos lettres des 29 germinal et 1er floréal. Nos mineurs sont depuis vingt-quatre heures sous la tour; demain ils commencent le travail pour les fourneaux: ils espèrent le 4 faire sauter la tour. Nos pièces de 24 sont en chemin: nous les attendons le 4. Une seconde flottille, que j'avais fait préparer à Alexandrie, et qui était en station au lac Bourlos, vient d'arriver. Une troisième flottille, que j'avais fait préparer à Alexandrie, et qui était en station à Damiette depuis un mois, vient de partir, chargée de grosses pièces et de mortiers. Tous ces moyens ne sont pas nécessaires pour prendre Acre: la réussite d'un seul suffit. Si nous n'étions même à regarder à vingt-quatre heures près, les moyens que nous avons au parc seraient suffisans. Le citoyen Perrée, qui, avec ses trois frégates, voltige à vingt et trente lieues d'Acre, a déjà fait des prises, et il est probable que cette flottille s'enrichira et fera beaucoup de mal aux ennemis. M. Smith n'en sait encore rien; car il tire des boulets fort et ferme. Faites faire par votre officier du génie un croquis du cours du Jourdain depuis le pont d'Iacoub jusqu'à quatre lieues plus bas que celui de Medjamé, avec la nature du terrain à une lieue sur l'une et l'autre rive. Ordonnez des reconnaissances à quatre lieues en avant de chaque pont, afin de bien reconnaître la nature du terrain. Faites-moi faire une note par vos officiers de génie et d'artillerie sur le degré de défense dont seraient susceptibles les ponts d'Iacoub et de Medjamé, les forts de Safit et de Tabariéh. BONAPARTE. An camp devant Acre, le 8 floréal an 7 (27 avril 1799). _Au même._ La mine, citoyen général, a joué le 5; elle n'a point fait l'effet que les mineurs en attendaient: une partie de la muraille de terre s'est cependant écroulée avec tous les décombres, ainsi que la plus grande partie des trois voûtes; le fossé, à dix toises de chaque côté, a absolument disparu. Nous n'avons pu nous emparer d'une petite voûte supérieure, qui nous aurait mis à même de nous emparer de toutes les maisons de gauche, et nous aurait donné l'entrée dans la place. Plusieurs barils de poudre enflammés que l'ennemi a jetés dans la brèche, ont beaucoup effrayé les trente grenadiers qui étaient déjà parvenus a se loger. Nous avons canonné toute la journée du 6. Nous avons eu dans le centre de la tour, pendant toute la journée du 6 au 7, vingt hommes de logés; ils n'ont pas pu parvenir à se loger à l'endroit convenable, et nous avons dû abandonner le logement qu'ils s'étaient fait, avant le jour. Hier et aujourd'hui nous canonnons. Nos boyaux vont jusqu'au pied de la brèche, de sorte que l'on arrive à couvert jusque dans l'intérieur de la tour. Nos pièces de 18 et de 24 arrivent demain ou après demain. Les munitions qui nous sont arrivées hier de Damiette, nous mettent à même de continuer notre feu. L'ennemi ne tire plus que des bombes, hormis M. Smith, qui ne nous laisse pas de repos, même la nuit, et ne produit d'autre mal que de ruiner notre caisse. Ou dit que le corps des Dilettis s'est porté à huit lieues en avant de Damas, en forme d'avant-garde, et que leur peur commence à passer. Faites votre possible pour approvisionner et améliorer nos têtes de ponts. Les Naplousins paraissent vouloir bien se conduire. Ghérar a répondu à la lettre que je lui avais écrite. Le général Damas est arrivé à Damiette. L'Egypte est parfaitement tranquille. Le général Caffarelli est mort. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floréal an 7 (2 mai 1799). _Au citoyen Bart, commandant à Jaffa._ Tous les savons qui se trouvaient dans la savonnerie de Sédon-Harau doivent rester au profit de la république. Je compte sur votre zèle pour nous faire passer le plus tôt possible la poudre dont nous avons le plus grand besoin. Veillez, je vous prie, à ce qu'on ne dilapide pas nos magasins. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floréal an 7 (2 mai 1799). _Au général Junot._ Vous pouvez assurer, citoyen général, le scheick Saleh-Daher que mon intention est de le nommer scheick de Saïd, place qui, par son importance, est au-dessus de Scheffamme. Qu'il tâche de rassembler le plus de monde possible, afin de pouvoir se maintenir dans ce poste, que je ne tarderai pas à lui mettre entre les mains. Faites-moi passer toutes les nouvelles que vous pourrez avoir de Damas. Nos pièces de 18 et de 24 sont arrivées. Nous espérons sous peu de jours, malgré la grande obstination des assiégés, entrer dans Acre. Le feu de leur artillerie est entièrement éteint. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floréal an 7 (2 mai 1799). _Au général Kléber._ J'envoie tous les ingénieurs géographes qui sont au camp, pour prendre le croquis du pays. Vous sentez combien il est essentiel de leur répartir la besogne, afin que j'aie le plus tôt possible un canevas du pays. Nos pièces de 18 jouent depuis deux jours. La tour n'est plus qu'une ruine; le flanc qui s'opposait au passage du fossé est ruiné. L'ennemi n'a plus qu'un seul canon qui tire; sentant qu'il ne peut plus défendre ses murailles, il a couronné ses glacis par des boyaux, où il est protégé par la mousqueterie de la place, et empêche l'abord des différentes brèches: cela nous engage dans des affaires pénibles. Une compagnie de grenadiers avait canonné hier la brèche; ils sortirent de leurs boyaux avec tant d'impétuosité, qu'il fallut passer tout la soirée à les faire rentrer dans la place. Ils ont perdu beaucoup de monde; nous avons eu trente blessés et douze à quinze tués, parmi lesquels le chef de la quatre-vingt-cinquième, qui était de tranchée. Après-demain nous plaçons nos pièces de 24 pour faire une brèche, et dès l'instant qu'elle sera praticable, nous donnons un assaut général et en masse. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floréal an 7 (2 mai 1799). _Au commandant du génie._ Je vous prie, citoyen commandant, d'envoyer les citoyens Jacotin et Favier, ingénieurs-géographes, pour lever à la main le cours du Jourdain et les différentes gorges qui y aboutissent, ainsi que la position du général Kléber. Ils se rendront aujourd'hui au camp de ce général. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floréal an 7 (2 mai 1799). _A l'ordonnateur en chef._ Je vous envoie, citoyen ordonnateur, un ordre au payeur de tenir en Egypte cent mille francs à votre disposition. Il fera escompter sur cette somme tout ce que l'ordonnateur chargé du service aura dépensé. Faites activer le plus qu'il vous sera possible l'évacuation de vos blessés et de vos malades sur Damiette. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 13 floréal an 7 (2 mai 1799). _Au même._ Donnez, citoyen ordonnateur, au citoyen Desgenettes, une ordonnance de 2,000 francs sur le Caire. J'ai écrit à Paris, pour qu'il soit payé la même somme à la femme du citoyen Larrey. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 20 floréal an 7 (9 mai 1799). _Au contre-amiral Perrée._ Le contre-amiral Ganteaume vous fait connaître, citoyen général, ce que vous avez à faire pour enlever quatre à cinq cents blessés que je fais transporter à Tentoura, et qu'il est indispensable que vous transportiez à Alexandrie et à Damiette: vous vaincrez, par votre intelligence, vos connaissances nautiques et votre zèle, tous les obstacles que vous pourriez rencontrer; vous et vos équipages acquerrez plus de gloire par cette action que par le combat le plus brillant: jamais croisière n'aura été plus utile que la vôtre, et jamais frégates n'auront rendu un plus grand service à la république. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 21 floréal an 7 (10 mai 1799). _Au Directoire exécutif._ Je vous ai fait connaître qu'Achmet Djezzar, pacha d'Acre, de Tripoli et de Damas, avait été nommé pacha d'Egypte, qu'il avait réuni un corps d'armée, et avait porté son avant-garde à El-Arich, menaçant le reste de l'Egypte d'une invasion prochaine; Que les bâtimens de transport turcs se réunissaient dans le port de Miri, menaçant de se porter devant Alexandrie, dans la belle saison; que par les mouvemens qui existaient dans l'Arabie, on devait s'attendre que le nombre des gens d'Yambo qui avaient passé la mer Rouge, augmenterait au printemps. Vous avez vu, par ma dernière dépêche, la rapidité avec laquelle l'armée a passé le désert, la prise d'El-Arich, de Gaza, de Jaffa, la dispersion de l'armée ennemie, qui a perdu ses magasins, une partie de ses chameaux, ses outres et ses équipages de campagne. Il restait encore deux mois avant la saison propre au débarquement, je résolus de poursuivre les débris de l'armée ennemie, et de nourrir pendant deux mois la guerre dans le coeur de la Syrie. _Affaire de Kakoun._ Le 25 ventose, à dix heures du matin, nous aperçûmes, au delà du village de Kakoun, l'armée ennemie, qui avait pris position sur nos flancs; sa gauche composée de gens de Naplouse, anciens Samaritains, était appuyée à un mamelon d'un accès difficile; la cavalerie était formée à droite. Le général Kléber se porta sur la cavalerie ennemie; le général Lannes attaqua la gauche; le général Murat déploya sa cavalerie au centre. Le général Lannes culbuta l'ennemi, tua beaucoup de monde, et le poursuivit pendant deux lieues dans les montagnes. Le général Kléber, après une légère fusillade, mit en fuite la droite des ennemis, et les poursuivit vivement; ils prirent le chemin d'Acre. _Combat de Caïffa._ Le 27, à huit heures du soir, nous nous emparâmes de Caïffa; une escadre anglaise était mouillée dans la rade. Quatre pièces d'artillerie de siége, que j'avais fait embarquer à Alexandrie sur quatre bâtimens de transport, furent prises à la hauteur de Caïffa par les Anglais. Plusieurs bateaux chargés de bombes et de vivres échappèrent et vinrent mouiller à Caïffa: les Anglais voulurent les enlever; le chef d'escadron Lambert les repoussa, leur blessa ou tua cent hommes, fit trente prisonniers, et s'empara d'une grosse chaloupe avec une caronade de trente-six. Nous n'avions plus à mettre en batterie devant Acre que notre équipage de campagne: nous battîmes en brèche une tour qui était la partie la plus saillante de la ville; la mine manqua, la contrescarpe ne sauta pas. Le citoyen Mailly, adjoint à l'état-major, qui se porta pour reconnaître l'effet de la mine, fut tué. Vous verrez, par le journal du siége, que les 6, 10, 18, et 26 germinal, l'ennemi fit des sorties vives où il fut repoussé avec de grandes pertes par le général Vial. Que, le 12, nos mineurs firent sauter la contrescarpe, mais que la brèche ne se trouva pas praticable. Le 11, le général Murat prit possession de Saffet, l'ancienne Béthulie. Les habitans montrent l'endroit où Judith tua Holopherne. Le même jour, le général Junot prit possession de Nazareth. _Combat de Nazareth._ Cependant une armée nombreuse s'était mise en marche de Damas, elle passa le Jourdain le 17. L'avant-garde se battit toute la journée du 19 contre le général Junot qui, avec cinq cents hommes des deuxième et dix-neuvième demi-brigades, la mit en déroute, lui prit cinq drapeaux, et couvrit le champ de bataille de morts; combat célèbre, et qui fait honneur au sang-froid français. _Combat de Cana._ Le 20, le général Kléber partit du camp d'Acre, il marcha à l'ennemi, et le rencontre près du village de Cana; il se forma en deux carrés: après s'être canonné et fusillé une partie de la journée, chacun rentra dans son camp. _Bataille du mont Thabor._ Le 22, l'ennemi déborda la droite du général Kléber, et se porta dans la plaine d'Esdrélon pour se joindre aux Naplousins. Le général Kléber se porta entre le Jourdain et l'ennemi, tourna le mont Thabor, et marcha toute la nuit du 26 au 27 pour l'attaquer de nuit. Il n'arriva en présence de l'ennemi qu'au jour; il forma sa division en bataillon carré: une nuée d'ennemis l'investit de tous côtés; il essuya toute la journée des charges de cavalerie: toutes furent repoussées avec la plus grande bravoure. La division Bon était partie le 25 à midi du camp d'Acre, et se trouva le 27, à neuf heures du matin, sur les derrières de l'ennemi qui occupait un immense champ de bataille. Jamais nous n'avions vu tant de cavalerie caracoler, charger, se mouvoir dans tous les sens; on ne se montra point, notre cavalerie enleva le camp ennemi qui était à deux heures du champ de bataille. On prit plus de quatre cents chameaux et tous les bagages, spécialement ceux des mameloucks. Les généraux Vial et Rampon, à la tête de leurs troupes formées en bataillons carrés, marchèrent dans différentes directions, de manière à former, avec la division Kléber, les trois angles d'un triangle équilatéral de deux mille toises de côté: l'ennemi était au centre. Arrivés à la portée du canon, ils se démasquèrent: l'épouvante se mit dans les rangs ennemis; en un clin d'oeil, cette nuée de cavaliers s'écoula en désordre, et gagna le Jourdain; l'infanterie gagna les hauteurs, la nuit la sauva. Le lendemain, je fis brûler les villages de Djényn, Noures, Oualar, pour punir les Naplousins. Le général Kléber poursuivit les ennemis jusqu'au Jourdain. _Combat de Ssafet._ Cependant le général Murat était parti le 23 du camp pour faire lever le siége de Ssafet, et enlever les magasins de Thabaryéh; il battit la colonne ennemie et s'empara de ses bagages. Ainsi, cette armée, qui s'était annoncée avec tant de fracas, aussi nombreuse, disaient les gens du pays, _que les étoiles du ciel et les sables de la mer_, assemblage bizarre de fantassins et de cavaliers de toutes les couleurs et de tous les pays, repassa le Jourdain avec la plus grande précipitation, après avoir laissé une grande quantité de morts sur le champ de bataille. Si l'on juge de son épouvante par la rapidité de sa fuite, jamais il n'y en eut de pareille. Vous verrez dans le journal du siège d'Acre, les différens travaux qui furent faits de part et d'autre pour le passage du fossé, et pour se loger dans la tour que l'on mina et contremina; Que, plusieurs pièces de vingt-quatre étant arrivées, on battit sérieusement la ville en brèche, que les 7, 10 et 13 floréal, l'ennemi fit des sorties, et fut vigoureusement repoussé; Que, le 19 floréal, l'ennemi reçut un renfort porté sur trente bâtimens de guerre turcs; Qu'il fît le même jour quatre sorties; qu'il remplit nos boyaux de ses cadavres; Que nous nous logeâmes, après un assaut extrêmement meurtrier, dans un des points les plus essentiels de la place. Aujourd'hui, nous sommes maîtres des principaux points du rempart. L'ennemi a fait une seconde enceinte ayant pour point d'appui le château de Djezzar. Il nous resterait à cheminer dans la ville; il faudrait ouvrir la tranchée devant chaque maison, et perdre plus de monde que je ne le veux faire. La saison d'ailleurs est trop avancée; le but que je m'étais proposé se trouve rempli; l'Egypte m'appelle. Je fais placer une batterie de vingt-quatre pour raser le palais de Djezzar, et les principaux monumens de la ville; je fais jeter un millier de bombes qui, dans un endroit aussi resserré, doivent faire un mal considérable. Ayant réduit Acre en un monceau de pierres, je repasserai le désert, prêt à recevoir l'armée européenne ou turcque, qui, en messidor ou thermidor, voudrait débarquer en Egypte. Je vous enverrai du Caire une relation des victoires que le général Desaix a remportées dans la Haute-Egypte; il a déjà détruit plusieurs fois les gens arrivés d'Arabie, et dissipé presque entièrement les mameloucks. Dans toutes ces affaires, un bon nombre de braves sont morts, à la tête desquels les généraux Caffarelli et Rambaud: un grand nombre sont blessés; parmi ces derniers, les généraux Bon et Lannes. J'ai eu, depuis mon passage du désert, cinq cents hommes tués, et le double de blessés. L'ennemi a perdu plus de quinze mille hommes. Je vous demande le grade de général de division pour le général Lannes, et le grade de général de brigade pour le citoyen Sougis, chef de brigade d'artillerie. J'ai donné de l'avancement aux officiers, dont je vous enverrai l'état. Je vous ferai connaître les traits de courage qui ont distingué un grand nombre de braves. J'ai été parfaitement content de l'armée: dans des évènemens, et dans un genre de guerre si nouveaux pour des Européens, elle fait voir que le vrai courage et les talens guerriers ne s'étonnent de rien, et ne se rebutent d'aucun genre de privation. Le résultat sera, nous l'espérons, une paix avantageuse, un accroissement de gloire et de prospérité pour la république. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 22 floréal an 7 (11 mai 1799). _Au général d'artillerie Dommartin._ Je désire, citoyen général, que vous preniez vos mesures de manière à avoir quarante coups à mitraille par pièce de 24, à tirer dans le cas où l'ennemi voudrait faire des sorties, et dix à boulets; trente coups de 18 par pièce à mitraille et dix à boulets; quarante coups à mitraille par pièce de 12, et dix à boulets. Vous réserverez également vos bombes pour les jeter au moment où l'ennemi se réunirait pour faire des sorties: vous pouvez mettre la moitié de la charge ordinaire. BONAPARTE. Au quartier-général devant Acre, le 27 floréal an 7 (16 mai 1799). _Bonaparte, général en chef, à l'armée._ Soldats, Vous avez traversé le désert qui sépare l'Afrique de l'Asie avec plus de rapidité qu'une armée Arabe. L'armée qui était en marche pour envahir l'Egypte est détruite; vous avez pris son général, son équipage de campagne, ses bagages, ses outres, ses chameaux. Vous vous êtes emparés de toutes les places fortes qui défendent les puits du désert. Vous avez dispersé, aux champs du Mont-Thabor, cette nuée d'hommes accourus de toutes les parties de l'Asie, dans l'espoir de piller l'Egypte. Les trente vaisseaux que vous avez vus arriver dans Acre, il y a douze jours, portaient l'armée qui devait assiéger Alexandrie; mais obligée d'accourir à Acre, elle y a fini ses destins: une partie de ses drapeaux orneront votre entrée en Egypte. Enfin, après avoir, avec une poignée d'hommes, nourri la guerre pendant trois mois dans le coeur de la Syrie, pris quarante pièces de campagne, cinquante drapeaux, fait six mille prisonniers, rasé les fortifications de Gaza, Jaffa, Caïffa, Acre, nous allons rentrer en Egypte: la saison des débarquemens m'y rappelle. Encore quelques jours, et vous aviez l'espoir de prendre le pacha même au milieu de son palais; mais, dans cette saison, la prise du château d'Acre ne vaut pas la perte de quelques jours: les braves que je devrais d'ailleurs y perdre sont aujourd'hui nécessaires pour des opérations plus essentielles. Soldats, nous avons une carrière de fatigues et de dangers à courir. Après avoir mis l'orient hors d'état de rien faire contre nous cette campagne, il nous faudra peut-être repousser les efforts d'une partie de l'occident. Vous y trouverez une nouvelle occasion de gloire; et si, au milieu de tant de combats, chaque jour est marqué par la mort d'un brave, il faut que de nouveaux braves se forment, et prennent rang à leur tour parmi ce petit nombre qui donne l'élan dans les dangers, et maîtrise la victoire. BONAPARTE. Au camp devant Saint-Jean d'Acre, le 27 floréal an 7 (16 mai 1799). _Au général Dugua._ Vous devez avoir reçu, citoyen général, le bataillon de la quatrième légère, que j'ai fait partir, il y a quinze jours, et qui, à cette heure, doit être arrivé au Caire. Sous trois jours je partirai avec toute l'armée pour me rendre au Caire: ce qui me retarde, c'est l'évacuation des blessés, j'en ai six à sept cents. Je me suis emparé des principaux points de l'enceinte d'Acre: nous n'avons pas jugé à propos de nous obstiner à assiéger la deuxième enceinte, il eût fallu perdre trop de temps et trop de monde. Djezzar a reçu, il y a deux jours, une flotte de trente gros bâtimens grecs et cinq à six mille hommes de renfort: cette expédition était destinée pour Alexandrie. Perrée a pris deux de ces bâtimens, dans lesquels étaient les canonniers, les bombardiers et mineurs, ainsi que plusieurs pièces de canon. Prenez des mesures pour que la navigation de Damiette au Caire soit sûre et que les blessés puissent filer rapidement dans les hôpitaux du Caire. Si le citoyen Cretin est au Caire, et que vous ayez une escorte suffisante à lui donner, faites-lui connaître que je désire qu'il vienne à ma rencontre à El-Arich, afin que nous puissions arrêter ensemble les travaux à faire au fort, à Catieh et à Salahieh. Consultez-vous avec Rouvière pour faire filer deux pièces de 12 et de 18, pour réarmer _l'Etoile_ et _le Sans-Quartier_, dont les pièces ont été envoyées au siège et sont cassées. Vous sentez combien il est essentiel que la bouche de Damiette soit bien gardée. Dans les quinze premiers jours du mois prochain, je compte être bien près du Caire. Bon est blessé; Lannes ne l'est que légèrement: mon aide-camp Duroc, qui avait été blessé, est guéri. Venture est mort de maladie. Je vous amènerai beaucoup de prisonniers et de drapeaux. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 27 floréal an 7 (16 mai 1799). _Au divan du-Caire._ Enfin, j'ai à vous annoncer mon départ de la Syrie pour le Caire, où il me tarde d'arriver promptement. Je partirai dans trois jours, et j'arriverai dans quinze; j'amènerai avec moi beaucoup de prisonniers et de drapeaux. J'ai rasé le palais de Djezzar, les remparts d'Acre, et bombardé la ville, de manière qu'il ne reste pas pierre sur pierre. Tous les habitans ont évacué la ville par mer. Djezzar est blessé et retiré avec ses gens dans un des forts du côté de la mer; il est grièvement blessé. De trente bâtimens chargés de troupes, qui sont venus à son secours, trois ont été pris avec l'artillerie qu'ils portaient, par mes frégates; le reste est dans le plus mauvais état, et entièrement détruit. Je suis d'autant plus impatient de vous voir et d'arriver au Caire, que je sais que, malgré votre zèle, un grand nombre de méchans cherchent à troubler la tranquillité publique. Tout cela disparaîtra à mon arrivée, comme les nuages aux premiers rayons du soleil. Venture est mort de maladie: sa perte m'a été très-sensible. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 27 floréal an 7 (16 mai 1799). _A l'adjudant-général Almeyras._ On va évacuer le plus de blessés possible sur Damiette; si les communications sont libres, faites-les filer sur-le-champ au Caire où ils trouveront plus de commodités. Il y en aura quatre à cinq cents. Ecrivez à Alexandrie pour qu'on vous remplace les pièces et la poudre que vous avez envoyées à Acre. Vous sentez combien il est nécessaire que Lesbeh soit dans un état de défense respectable. Demandez tout ce qui est nécessaire pour approvisionner vos pièces à cent coups. Demandez aussi deux pièces de 12 et de 13 pour réarmer _l'Etoile_ et _le Sans-Quartier_. Il est nécessaire d'avoir le plus de bâtimens possible à l'embouchure du Nil. Nous nous sommes emparés de la première enceinte d'Acre; nous avons rasé le palais de Djezzar et écrasé la ville avec des bombes. Les habitans se sont tous sauvés, Djezzar lui-même a été blessé. L'armement de Chypre, dont vous me parlez, est effectivement arrivé ici; il avait cinq mille hommes de débarquement: presque tous ont été tués ou blessés dans les différentes affaires du siège. Ne négligez aucun moyen pour terminer les fortifications de Lesbeh et pour vous approvisionner, réorganisez votre flottille, tant sur le lac Menzaleh que sur le Nil. Dans trois ou quatre jours, je partirai pour le Caire; il sera possible qu'arrivé à Catieh, je passe par Damiette. Il sera nécessaire d'avoir à Omm-Faredge une certaine quantité de barques prêtes pour les malades ou blessés que nous pourrions avoir avec nous. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 27 floréal an 7 (16 mai 1799). _A l'adjudant-général Leturc._ Faites filer, citoyen, demain matin, quatre cents blessés sur Tentoura. L'adjudant-général Boyer me mande qu'il en a fait partir aujourd'hui quatre cents par terre et cent cinquante par mer. Vous me mandez que vous n'en avez fait partir aujourd'hui que cent. Ainsi, il serait possible que les frégates se présentassent et qu'il n'y eût pas de blessés, ce qui serait un contre-temps fâcheux: ne perdez donc pas un moment. Faites en sorte que, demain à midi, j'aie un état des blessés à Caïffa et au mont Carmel. Les malades devront être aussi évacués, mais séparément. Il est nécessaire que, le 29 au soir, il ne reste pas un seul malade ni blessé à Caïffa ou au mont Carmel. BONAPARTE. Au camp devant Acre, le 27 floréal an 7 (16 mai 1799). _A l'adjudant-général Boyer._ Faite filer les blessés sur Jaffa ou sur les frégates. L'adjudant-général Leturc, qui est à Caïffa, vous enverra demain un grand convoi. Faites en sorte que le 30 au matin, il n'y ait à Tentoura, ni malades ni blessés. Deux cents malades vont être évacués demain à Tentoura, venant de mont Carmel, faites-les évacuer de suite sur Jaffa. Faites embarquer, autant qu'il vous sera possible, l'artillerie qui vous a été envoyée à Jaffa, sans cependant faire tort aux malades. Faites en sorte que, demain au soir, j'aie un état exact des blessés évacués et de ce qui reste. Faites connaître aux blessés que l'ennemi a voulu faire une sortie, qu'il a perdu quatre cents hommes, et qu'on a pris neuf drapeaux. BONAPARTE. [1]Au camp devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au citoyen Poussielgue._ J'ai reçu vos différentes lettres. Vous aurez appris par Damiette le succès des combats de Nazareth, Saffet, Cana et du mont Thabor; le nombre des ennemis était immense. Nous avons déjà ici, au camp d'Acre, assez d'artillerie pour prendre cette place; nous attendons encore les cinq pièces de 24 et les pièces de 18 et de 12 que le contre-amiral Perrée a débarquées à Jaffa, et qui seront ici dans trois jours. Vous pouvez calculer que le 5 ou le 6 floréal Acre sera pris: je partirai immédiatement pour me rendre au Caire. Je vous prie de faire meubler mes nouvelles salles. Comme je serai au Caire dix ou quinze jours après la réception de mes lettres, je crois inutile de répondre en détail aux différens articles de vos dépêches. BONAPARTE. [Footnote 1: Cette lettre, ainsi que la suivante, furent écrites au commencement du siège.] Au camp devant Acre, le 30 germinal an 7 (19 avril 1799). _Au général Dugua._ J'ai reçu, citoyen général, vos différentes lettres jusqu'au 8 germinal. Acre sera pris le 6 floréal, et je partirai sur-le-champ pour me rendre au Caire. La conduite de l'émir Hadji est bien extravagante; mais l'idée que vous avez qu'il pourrait tramer quelque chose de redoutable, est, je vous assure, bien mal fondée; croyez, je vous prie, qu'avant de lui faire jouer un certain rôle, je me suis assuré qu'il était peu dangereux; aucune habitude guerrière, point de relations, encore moins d'audace, c'est un ennemi très-peu redoutable. Je ne réponds pas en détail à vos lettres, parce que je serai bientôt de retour. Vous pouvez incorporer dans les différens corps qui sont dans la Basse-Egypte les mameloucks qui n'auraient pas plus de vingt ans. Je suis extrêmement mécontent de la scène scandaleuse du commandant de la place: je lui envoie l'ordre de l'état-major de se rendre dans la Haute-Egypte sous les ordres du général Desaix; vous vous chargerez en attendant de ce commandement: l'état-major vous adressera l'ordre, afin que, si vous jugiez que son exécution eût plus d'inconvéniens que d'avantage, vous la différassiez jusqu'à mon arrivée. BONAPARTE. A Jaffa, le 8 prairial an 7 (17 mai 1799). _Au Directoire exécutif._ Je vous ai fait connaître par le courrier que je vous ai expédié le 21 floréal, les événemens glorieux pour la république qui se sont passés depuis trois mois en Syrie, et la résolution où j'étais de repasser promptement le désert pour me retrouver en Egypte avant le mois de juin. Les batteries de mortiers de 24 furent établies comme je vous l'ai annoncé dans la journée du 23 floréal, pour raser le palais de Djezzar et détruire les principaux monumens d'Acre: elles jouèrent pendant soixante-douze heures, et remplirent l'effet que je m'étais proposé: le feu fut constamment dans la ville. La garnison désespérée fit une sortie le 27 floréal: le général de brigade Verdier était de tranchée; le combat dura trois heures. Le reste des troupes arrivées le 19 de Constantinople, et exercées à l'européenne, débouchèrent sur nos tranchées en colonnes serrées; nous repliâmes les postes que nous occupions sur les remparts: par là les batteries de pièces de campagne purent tirer à mitraille à quatre-vingts toises sur les ennemis. Près de la moitié resta sur-le-champ de bataille: alors nos troupes battirent la charge dans nos tranchées; on poursuivit l'ennemi jusque dans la ville la baïonnette dans les reins; on leur prit dix-huit drapeaux. L'occasion paraissait favorable pour emporter la ville; mais nos espions, les déserteurs et les prisonniers, s'accordaient tous dans le rapport que la peste faisait d'horribles ravages dans la ville d'Acre; que tous les jours, plus de soixante personnes en mouraient; que les symptômes en étaient terribles: qu'en trente-six heures on était emporté au milieu de convulsions pareilles à celles de la rage. Répandu dans la ville, il eût été impossible d'empêcher le soldat de la piller; il aurait rapporté le soir dans le camp les germes de ce terrible fléau; plus à redouter que toutes les armées du monde. L'armée partit d'Acre le 1er prairial, et arriva le soir à Tentoura. Elle campa le 3 sur les ruines de Césarée, au milieu des débris des colonnes de marbre et de granit, qui annoncent ce que devait être autrefois cette ville. Nous sommes arrivés a Jaffa le 5. Depuis deux jours, des détachemens filent pour l'Egypte. Je resterai encore quelques jours a Jaffa, pour en faire sauter les fortifications; j'irai punir ensuite quelques cantons qui se sont mal conduits, et dans quelques jours je passerai le désert en laissant une forte garnison à El-Arich. Ma première dépêche sera datée du Caire. BONAPARTE. A Salahieh, le 21 prairial an 7 (9 juin 1799). _Au général Marmont._ Nous voici, citoyen général, arrivés à Salahieh. J'ai laissé au fort d'El-Arich dix pièces de canon et cinq à six cents hommes de garnison, autant à Catieh. Kléber doit être arrivé a Damiette. L'armée qui devait se présenter devant Alexandrie, et qui était partie de Constantinople le 1er rhamadan, a été détruite sous Acre. Si cependant cet extravagant commandant anglais en faisait embarquer les restes pour se présenter à Aboukir, je ne compte pas que cela puisse faire plus de deux mille hommes. Dans ce cas, faites en sorte de leur donner une bonne leçon. Le commandant anglais prendra toute espèce de moyens pour se mettre en communication avec la garnison. Prenez les mesures les plus sévères pour l'en empêcher. Ne recevez que très-peu de parlementaires et très au large. Ils ne font que répandre des nouvelles ridicules pour les gens sensés, et qu'il vaut tout autant qu'on ne donne pas. Surtout, quelque chose qui arrive, ne répondez pas par écrit. Vous aurez vu par mon ordre du jour que l'on ne doit à ce capitaine de brûlots que du mépris. Quand vous aurez reçu cette lettre, je serai au Caire. Le général Bon et Croizier sont morts de leurs blessures. Lannes et Duroc se portent bien. Armez donc le fort de Rosette de manière qu'il y ait huit ou dix mille coups de canon à tirer. BONAPARTE. A Salahieh, le 21 prairial an 7 (9 juin 1799). _Au général Dugua._ L'état-major vous a écrit hier, citoyen général, par un homme du pays, pour vous faire connaître l'arrivée de toute l'armée à Salahieh. Nous avons assez bien traversé le désert. Le château d'El-Arich, qui est bien armé et en bon état de défense, a cinq ou six cents hommes de garnison. J'en ai laissé autant à Catieh. Le commandant anglais qui a sommé Damiette, est un extravagant. Comme il a été toute sa vie capitaine de brûlots, il ne connaît ni les égards, ni le style que l'on doit prendre quand on est à la tête de quelques forces. L'armée combinée dont il parle a été détruite devant Acre, où elle est arrivée quinze jours avant notre départ, comme je vous en ai instruit par ma lettre du 27 floréal. Je partirai d'ici demain, et je serai probablement le 26 ou le 27 à Matarieh, où je désire que vous veniez à la rencontre de l'armée avec toutes les troupes qui se trouvent au Caire, hormis ce qui est nécessaire pour garder les forts. Vous amènerez avec vous le divan et tous les principaux du Caire, et vous ferez porter les drapeaux que je vous ai envoyés en différentes occasions, par autant de Turcs à cheval; il faut que ce soit des odjaklis: après quoi nous rentrerons ensemble dans la ville. Quand vous serez à cent toises devant nous, vous vous mettrez en bataille, la cavalerie au centre, et l'infanterie sur les ailes; nous en ferons autant. Le général Kléber doit, à l'heure qu'il est, être arrivé à Damiette avec sa division. Gardez le bataillon de la vingt-unième avec vous jusqu'à mon arrivée. Il me tarde beaucoup d'être au Caire, pour pouvoir, de vive voix, vous témoigner ma satisfaction des services que vous avez rendus pendant mon absence. Je vous fais passer la relation que je vous ai envoyée par mon courrier Royer. Comme il y a fort long-temps qu'il est parti par mer, je ne sais pas s'il est arrivé. Faites-la imprimer le plus tôt possible, ainsi que celle que je vous ai envoyée de Jaffa, et dont je vous fais passer la copie. BONAPARTE. Au Caire, le 26 prairial an 7 (14 juin 1799). _Au général Davoust._ J'ai lu, citoyen général, avec intérêt, la relation que vous m'avez envoyée des événemens qui se sont passés dans la Haute-Egypte, et j'approuve le parti que vous avez pris de vous rendre au Caire. Ce point était d'une telle importance dans l'éloignement où se trouvait l'armée, qu'il devait principalement fixer toutes les sollicitudes. BONAPARTE. Au Caire, le 26 prairial an 7 (14 juin 1799). _Au général Dommartin._ Il est indispensable, citoyen général, que vous partiez au plus tard, le 1er du mois prochain, pour vous rendre à Rosette et à Alexandrie, pour visiter par vous-même les approvisionnemens de ces places, réformer les équipages de campagne et pourvoir à l'approvisionnement des autres places de l'Egypte. Faites partir demain au soir pour Alexandrie le citoyen Danthouard. Mon intention est qu'il y reste tout l'été pour y commander l'artillerie, sous les ordres du citoyen Faultrier: il pourra être porteur de vos dispositions. Vous connaissez mes intentions par rapport à Rosette, Rahmanieh, Salahieh, etc., et à la formation de l'équipage de campagne. Mon intention est d'établir à Bourlac un fort, et provisoirement une batterie capable de défendre la passe de ce lac. Il faut donc que vous preniez des mesures pour y faire parvenir les pièces d'artillerie nécessaires. BONAPARTE. Au Caire, le 27 prairial an 7 (15 juin 1799). _Au général Desaix._ Je suis arrivé hier ici, citoyen général, avec une partie de l'armée. J'ai laissé une bonne garnison dans le fort d'El-Arich, qui est déjà dans une situation respectable. Le général Kléber est à Damiette. Vous trouverez dans les relations imprimées le véritable récit des événemens qui se sont passés. Il est nécessaire que vous me fassiez une relation de tout ce qui s'est passé dans la Haute-Egypte depuis votre départ du Caire, afin que je puisse le faire connaître. Je crois qu'il me manque de vos lettres, de sorte qu'il y a des lacunes. D'ailleurs, c'est un travail que personne ne peut bien faire que vous-même. J'attends, d'ici à deux ou trois jours, la nouvelle que vous occupez Cosseir, ce qui me fera un très-grand plaisir. Nous voici arrivés à la saison où les débarquemens deviennent possibles, je ne vais pas perdre une heure pour me mettre en mesure; les probabilités sont cependant que cette année, il n'y en aura point. Je vous écrirai plus au long dans trois jours, en vous envoyant un officier de l'état-major. BONAPARTE. Au Caire, le 27 prairial an 7 (15 juin 1799). Bonaparte, général en chef, ordonne: Les fermiers des villages de l'Egypte solderont le prix de leur bail d'ici au 10 messidor. Ceux qui, au 30 germinal dernier, n'avaient pas soldé les deux tiers du prix de leur bail, paieront cinq pour cent des sommes qu'ils étaient en retard de payer, et en outre du prix du bail. Ceux qui n'auront pas soldé la totalité au 10 messidor paieront, en outre du prix du bail, dix pour cent des sommes dont ils seront débiteurs à cette époque; passé le 10 messidor, il sera ajouté un pour cent pour chaque jour de retard sur les sommes qui resteront à payer. L'administrateur général des finances remettra au payeur général, d'ici au 1er du mois, l'état de ce que chaque fermier doit, et de l'amende à laquelle il aura été condamné en conséquence des articles précédens. Les revenus des villages affermés, dont le prix du bail n'aura pas été soldé au 30 messidor, seront séquestrés et perçus au profit de la république comme ceux des autres villages. Tout fermier qui, n'ayant pas payé les termes de son bail, sera cependant convaincu d'avoir perçu les villages qui lui étaient affermés, sera et demeurera arrêté, et ses biens seront séquestrés jusqu'à ce qu'il se soit entièrement acquitté. L'administration des domaines enverra, le 1er thermidor, aux directeurs dans les provinces l'état des fermiers qui auront encouru la peine portée par l'article 5 ci-dessus. Le présent arrêté sera imprimé en français et en arabe. L'administrateur général des finances tiendra la main à son exécution. BONAPARTE. An Caire, le 27 prairial an 7 (14 juin 1799). Bonaparte, général en chef, ordonne: Un mois après la publication du présent arrêté dans les provinces de l'Egypte, toutes propriétés dont les titres n'auront pas été présentés à l'enregistrement, demeureront irrévocablement acquises à la république, et il ne sera plus admis aucun titre de propriété à l'enregistrement. Tout propriétaire qui, au 30 messidor prochain, n'aura pas entièrement acquitté le miri de ses propriétés pour l'an 1213, sera déchu, et ses propriétés seront confisquées au profit de la république. Le présent sera imprimé en français et en arabe. BONAPARTE. Au Caire, le 27 prairial an 7 (15 juin 1799). Bonaparte, général en chef, ordonne: Les juifs du Caire n'ayant pas satisfait à la contribution extraordinaire, paieront à titre de contribution extraordinaire une somme de 50,000 francs, qui sera versée dans la caisse du payeur général d'ici au 10 messidor. Il sera ajouté cinq pour cent, pour chaque jour de retard, aux somme qui n'auront pas été payées à cette époque. BONAPARTE. Au Caire, le 27 prairial an 7 (15 juin 1799). Bonaparte, général en chef, ordonne: Les femmes de Hassan-Bey-El-Geddaoni et de sa suite paieront une contribution de 10,000 talaris, à titre de rachat de leurs maisons et de leur mobilier. Ladite somme devra être versée dans la caisse de l'administrateur des domaines d'ici au 10 messidor prochain, sous peine d'arrestation desdites femmes, et de confiscation de leurs maisons et de leurs meubles. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au général Dommartin._ Le bateau _le Nil_ que j'avais destiné pour moi en cas que les événemens m'eussent forcé de me rendre à Damiette, Rosette, ou dans la Haute-Egypte, est prêt pour vous conduire à Rosette. Arrivé à Rosette, vous le renverrez sur-le-champ avec le rapport que vous me ferez sur la situation de Rahmanieh, et de la défense de l'embouchure du Nil. Je vous prie de déterminer près d'Alkan, dans une position très-favorable et près d'un endroit où les bateaux échouent ordinairement, l'emplacement d'une redoute, que trente ou quarante hommes devraient pouvoir défendre, mais qui en pourrait contenir un plus grand nombre; son but principal serait d'empêcher les bâtimens qui viendraient de Rosette de remonter le Nil, et de bien prendre sous sa protection les bâtimens français qui seraient poursuivis par les Arabes. Je me charge spécialement de faire descendre ces différens bateaux à Rosette. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au général Destaing._ Arrivé au premier village de la province de Bahireh, vous commencerez, citoyen général, par vous faire rendre compte de la levée des impositions, et de forcer les villages à payer: par ce moyen nous utiliserons votre passage. Arrivé à Rahmanieh, vous me ferez passer, le plus tôt possible, au Caire, la légion nautique. Vous ferez remettre à l'ingénieur des ponts et chaussées, qui est à Rahmanieh, les sommes qui lui ont été prises pour les travaux du génie militaire, afin de le mettre à même de commencer le travail du canal de Rahmanieh. Le général Marmont vous fera passer des ordres ultérieurs. Vous ferez passer à Alexandrie le résultat des impositions de la province: vous y ferez également passer tous les grains, bestiaux. Dans tous les événemens qui pourraient survenir, vous suivrez les ordres du général Marmont qui commande les trois provinces. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au général Marmont._ Je donne ordre, citoyen général, au général Destaing de faire remettre à l'ingénieur des ponts et chaussées à Rahmanieh l'argent qui lui a été pris pour le génie militaire. Voyez, je vous prie, à donner les ordres pour qu'on fasse à ce canal les travaux les plus urgens, afin qu'il soit navigable. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au même._ Le général Destaing se rend, citoyen général, dans le Bahireh avec un bataillon de la soixante-unième, un bataillon de la quatrième s'y étant précédemment rendu de Menouf. Mon intention est que la légion nautique et la dix-neuvième, qui se trouvent à Rosette, en partent sur-le-champ pour se rendre au Caire, et que le détachement de la vingt-cinquième, qui est à Rosette, se rende à Damiette. Le général Dommartin part pour Alexandrie; mon intention est que tout l'équipage de campagne sans distinction, et la partie de l'équipage de siège qu'il jugera nécessaire, se rendent sur-le-champ au Caire. Il est autorisé à laisser à Alexandrie quatre pièces de campagne. Vous aurez reçu plusieurs lettres que je vous ai écrites de Jaffa et de Catieh. Tous les projets de l'ennemi ont été tellement déconcertés par la campagne imprévue et prématurée de Syrie, que, s'ils tentent quelque chose, cela sera découvert et facile à repousser. La province de Bahireh vous fournira de l'argent; nous sommes ici fort pauvres. Je ne conçois pas comment un brick anglais, restant à croiser devant Alexandrie, se trouve maître de la mer: pourquoi une frégate ou des bricks ne sortent-ils pas? Le citoyen Dumanoir a été autorisé à le faire. Je vous prie de m'envoyer au Caire l'agent divisionnaire qui a été surpris vendant cent ardeps de blé, et le Français qui les achetait. Faites venir au Caire tout l'argent provenant de la vente des effets de ces deux individus. Une grande quantité d'employés, d'officiers de santé se sont embarqués pour France sans permission. Il me semble que cette police était aisée à faire. Vous avez eu tort dans toutes les discussions d'autorité que vous avez eues. Le commissaire Michau se trouvait sous les ordres de l'ordonnateur Laigle, et, eût-il été indépendant, la politique eût dû vous engager à avoir des procédés différens, puisque tous les magasins de l'Egypte se trouvant à la disposition de l'ordonnateur Laigle, c'est peu connaître les hommes, que de ne pas voir que c'était vous priver des approvisionnemens que je désirais avoir dans une place comme Alexandrie. Sans cette discussion malentendue, vous auriez eu à Alexandrie quatre cent mille rations de biscuit de plus. L'ennemi se présentant devant Alexandrie ne descendra pas au milieu de la place: ainsi, vous auriez le temps de rappeler les détachemens que vous enverriez pour soutenir le général Destaing et lever les impositions. Vous n'avez rien à espérer que de nos provinces de Rosette et de Bahireh. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _Au citoyen Cretin._ Lorsque je vous ai confié, citoyen commandant, l'arme du génie, je n'ai pas eu pour seule considération votre ancienneté. Veuillez donc partir le plus tôt possible pour Rosette. Vous pourrez profiter, pour venir au Caire, du bateau _le Nil_ qui part après demain avec le général Dommartin; votre prompte arrivée au Caire est nécessaire. En passant à Rahmanieh, visitez dans le plus grand détail les établissemens. Ordonnez également une redoute sur la rive de l'embouchure du lac Madieh, du côté de Rosette. Mon but serait que l'ennemi ne pût raisonnablement opérer un débarquement entre le lac et le bogaz pour marcher sur Rosette, sans s'être, au préalable, emparé de cette redoute, tout comme il ne pourrait débarquer entre le lac et Alexandrie sans s'être emparé du fort d'Aboukir. BONAPARTE. Au Caire, le 29 prairial an 7 (17 juin 1799). _A l'ordonnateur Leroy._ J'ai reçu, citoyen ordonnateur, les différentes lettres que vous m'avez écrites. Nous allons faire tout ce qui sera possible pour vous mettre à même d'améliorer le sort des marins, et activer les travaux que j'ai ordonnés. BONAPARTE. Au Caire, le 30 prairial an 7 (18 juin 1798). _Au général Dommartin._ J'approuve, citoyen général, toutes les mesures que vous proposez pour l'organisation de l'artillerie de campagne de l'armée. Faites-moi un projet de réglement par articles, pour l'artillerie des bataillons; vous y mettrez les masses telles que vous pensez que l'on doit les accorder aux corps. Les brigades de cavalerie étant faibles, une artillerie trop nombreuse ne fait que les embarrasser. Ainsi, je pense que deux pièces de 3, attachées à chaque brigade de cavalerie; seront suffisantes: la cavalerie est divisée en deux brigades. Je désirerais que vous organisassiez de suite l'artillerie des guides et les deux brigades de cavalerie, en donnant aux guides la pièce de 5 du général Reynier et la pièce de 5 de la cavalerie, et en donnant à la cavalerie la pièce de 3 qu'a le général Lannes, la pièce de 3 des guides, la pièce de 3 qu'a le général Lanusse, et en laissant provisoirement une pièce de 5, jusqu'à ce que vous la puissiez remplacer par une pièce de 3 autrichienne. Il est nécessaire que vous complétiez l'approvisionnement de toutes ces pièces à trois cents coups. Il est également nécessaire de commencer à donner à chaque division deux grosses pièces. Il faudrait approvisionner les pièces de 8 qu'ont les généraux Lannes et Reynier, la pièce de 8 et l'obusier qu'a aujourd'hui le général Davoust; envoyer le plus tôt possible à Kléber deux affûts de rechange, afin qu'il puisse se monter les deux pièces de 8; faire remplacer les pièces de 8 des généraux Lanusse et Fugières par des pièces de 3 vénitiennes, et les attacher aux divisions Lannes ou Rampon. Il est nécessaire de distribuer les pièces de 3 ou de 4, de manière que chaque division se trouve en avoir deux ou trois; et lorsqu'on donnera aux bataillons leurs pièces, on se trouvera en avoir dans chaque division pour les premiers bataillons des demi-brigades. Le général Kléber se trouve déjà avoir trois petites pièces. La pièce qui est à Belbeis peut être attachée à la division Reynier. Il sera nécessaire d'en procurer le plus tôt possible aux divisions Lannes et Rampon. L'armée pourra attendre dans cette situation que vous ayez eu le temps de faire venir l'artillerie de Rosette, et de pouvoir donner a chaque division l'artillerie, comme vous le projetez. Donnez l'ordre que l'on ne distribue des fusils que par mon ordre: mon intention est de ne commencer à les distribuer que dans cinq ou six jours, et lorsque les corps seront réorganisés. BONAPARTE. Au Caire, le 30 prairial an 7 (18 juin 1799). _Au général Desaix._ Le général Dugua me fait part, citoyen général, de vos dernières lettres des 15 et 22 prairial. J'ai appris avec plaisir votre occupation de Cosseir. Je donne ordre qu'on vous envoie plusieurs officiers du génie, afin de diriger les travaux dans la Haute-Egypte, et spécialement les ouvrages de Cosseir et du fort de Keneh. Nous sommes toujours sans nouvelles de France. Tout est parfaitement tranquille en Egypte. Il paraît que les mameloucks refluent dans la Scharkieh et le Bahhireh: on va y mettre ordre. Vous êtes fort riche. Soyez assez généreux pour nous envoyer 150,000 fr. Nous dépensons de 2 à 300,000 fr. par mois pour les travaux d'El-Arich, Catieh, Salahieh, Damiette, Rosette, Alexandrie, etc. Faites, je vous prie, mon compliment au général Friant, au général Belliard et à votre adjudant-général, sur l'occupation de Cosseir. J'attends toujours une relation générale de toute votre campagne de la Haute-Egypte, avec une note de tous les officiers et soldats auxquels vous voulez donner de l'avancement. Croyez, je vous prie, que rien n'égale l'estime que j'ai pour vous, si ce n'est l'amitié que je vous porte. BONAPARTE. Au Caire, le 30 prairial an 7 (18 juin 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Je vous prie de faire connaître, citoyen administrateur, aux quatre principaux négocians damasquains, que je désire qu'ils me prêtent chacun 30,000 liv. Vous leur donnerez à chacun une lettre de change de 30,000 livres, payable à la caisse du payeur de l'armée, le 15 thermidor: ces lettres de change seront acceptées par le payeur. Je désire que cet argent soit versé dans la journée de demain. Lorsque les Cophtes auront versé les 120,000 liv., vous leur ferez connaître que mon intention n'est point qu'ils se payent de ces 120,000 livres sur les adjudications des villages, car alors ce serait comme s'ils ne nous avaient rien prêté. Vous arrangerez avec eux la manière dont ils devront être payés, de sorte qu'ils le soient dans le courant de thermidor. BONAPARTE. Au Caire, le 1er messidor an 7 (19 juin 1799). _Au général Dugua._ Faites fusiller, citoyen général, tous les Maugrabins, Mecquains, etc., venus de la Haute-Egypte, et qui ont porté les armes contre nous. Faites fusiller les deux Maugrabins, Abd-Alleh et Achmet qui ont invité les Turcs à l'insurrection. L'homme qui se vante d'avoir servi quinze pachas et qui vient de la Haute-Egypte, restera au fort pour travailler aux galères. Faites-vous donner par le capitaine Omar des notes sur tous les Maugrabins de sa compagnie qui sont arrêtés, et faites fusiller tous ceux qui se seraient mal conduits. Faites venir le scheick Soliman des Terrabins, et qu'il vous dise quels sont les Arabes qui viennent à El-Barratain. Il est chargé de la police de ce canton, et on s'en prendra à lui si les Arabes viennent faire des courses. BONAPARTE. Au Caire, le 1er messidor an 7 (19 juin 1799). _A l'ordonnateur en chef._ Le nombre des employés, citoyen ordonnateur, est trop considérable, veuillez me présenter un état de réduction. Un grand nombre d'officiers et sous-officiers blessés de manière à ne pas pouvoir servir pourraient être employés dans les administrations, et un grand nombre de jeunes gens qui peuvent porter le mousquet et qui sont dans les administrations, pourraient entrer dans les corps. Voyez à me présenter un projet sur chacun de ces objets. BONAPARTE. Au Caire, le 1er messidor an 7 (19 juin 1799). _Au chef de brigade du génie Samson._ Je vous prie, citoyen commandant, de me remettre le devis de ce qu'a coûté le fort Camin, et de ce qu'il en aurait coûté si, au lieu de placer le moulin au-dessus du fort, on l'eût placé à côté. Je désirerais que vous pussiez faire construire sur la hauteur, derrière le quartier-général, une petite tour qui défendrait la place Esbekieh. Il faudrait qu'elle fût la plus simple et la moins coûteuse possible, de manière à y placer une pièce de canon et quelques hommes de garde. Je vous prie de me présenter le projet. BONAPARTE. Au Caire, le 1er messidor an 7 (19 juin 1799). _Au directoire exécutif._ Citoyens directeurs, Pendant mon invasion en Syrie, il s'est passé dans la Basse-Egypte des événemens militaires que je dois vous faire connaître. _Révolte de Bénêçoùef._ Le 12 pluviose, une partie de la province de Bénêçoùef se révolta. Le général Veaux marcha avec un bataillon de la vingt-deuxième; il remplit de cadavres ennemis quatre lieues de pays. Tout rentra dans l'ordre. Il n'eut que trois hommes tués et vingt blessés. _Bombardement d'Alexandrie._ Le 15 pluviose, la croisière anglaise devant Alexandrie se renforça, et, peu de temps après, elle commença à bombarder le port. Les Anglais jetèrent quinze à seize cents bombes, ne tuèrent personne; ils firent écrouler deux mauvaises maisons, et coulèrent une mauvaise barque. Le 16 ventose, la croisière disparut; on ne l'a plus revue. _Flottille de la mer Rouge._ Quatre chaloupes canonnières partirent, le 13 pluviose, de Suez, arrivèrent le 18 devant Qosseyr, où elles trouvèrent plusieurs bâtimens chargés des trésors des mameloucks que le général Desaix avait défaits dans la Haute-Egypte. Au premier coup de canon, la chaloupe canonnière _le Tagliamento_ prit feu, et sauta en l'air. La république n'aura jamais de marine, tant que l'on ne refera pas toutes les lois maritimes. Un hamac mal placé, une gargousse négligée, perdent toute une escadre. Il faut proscrire les jurys, les conseils, les assemblées, à bord d'un vaisseau; il ne doit y avoir qu'une autorité, celle du capitaine, qui doit être plus absolue que celle des consuls dans les armées romaines. Si nous n'avons pas eu un succès sur mer, ce n'est ni faute d'hommes capables, ni de matériel, ni d'argent, mais faute de bonnes lois. Si l'on continue à laisser subsister la même organisation maritime, mieux vaut-il fermer nos ports; c'est y jeter notre argent. _Charqyéh._ Le citoyen Duranteau, chef du troisième bataillon de la trente-deuxième, se porta, le 24 ventose, dans la Charqyéh; le village de Bordéyn, qui s'était révolté, fut brûlé, et ses habitans passés au fil de l'épée. _Arabes du grand désert à Gyseh._ Le 15 ventose, le général Dugua, instruit qu'une nouvelle tribu du fond de l'Afrique arrivait sur les confins de la province de Gyseh, fit marcher le général Lanusse, qui surprit leur camp, leur tendit plusieurs embuscades, et leur prit une grande quantité de chameaux, après leur avoir tué plusieurs centaines d'hommes. Le fils du général Leclerc, jeune homme distingué, fut blessé. _Révolte de l'émir Hhadjy._ L'émir Hhadjy, homme d'un caractère faible et irrésolu, que j'avais comblé de bienfaits, n'a pu résister aux intrigues dont il a été environné; il s'est inscrit lui-même au nombre de nos ennemis. Réuni à plusieurs tribus d'Arabes et à quelques mameloucks, il s'est présenté dans l'arène. Chassé, poursuivi, il perdit dans un jour les biens que je lui avais donnés, ses trésors et une partie de sa famille qui était encore au Caire, et la réputation d'un homme d'honneur qu'il avait eue jusqu'alors. _L'ange el-Mohdy._ Au commencement de floréal, une scène, la première de ce genre que nous ayons encore vue, mit en révolte la province de Bahireh. Un homme, venu du fond de l'Afrique, débarqué à Derneh, arrive, réunit des Arabes, et se dit l'ange _el-Mohdy_, annoncé dans le Coran par le prophète. Deux cents Maugrabins arrivent quelques jours après comme par hasard, et viennent se ranger sous ses ordres. L'ange _el-Mohdy_ doit descendre du ciel; cet imposteur prétend être descendu du ciel au milieu du désert: lui qui est nu, prodigue l'or qu'il a l'art de tenir caché. Tous les jours, il trempe ses doigts dans une jatte de lait, se les passe sous les lèvres: c'est la seule nourriture qu'il prend. Il se porte sur Damanhour, surprend soixante hommes de la légion nautique, que l'on avait eu l'imprudence d'y laisser, au lieu de les placer dans la redoute de Rahmanieh, et les égorge. Encouragé par ce succès, il exalte l'imagination de ses disciples; il doit, en jetant un peu de poussière contre nos canons, empêcher la poudre de prendre, et faire tomber devant les vrais croyans les balles de nos fusils: un grand nombre d'hommes attestent cent miracles de cette nature qu'il fait tous les jours. Le chef de brigade Lefebvre partit de Ramanieh avec quatre cents hommes, pour marcher contre l'ange; mais voyant à chaque instant le nombre des ennemis s'accroître, il sent l'impossibilité de pouvoir mettre à la raison une si grande quantité d'hommes fanatisés. Il se range en bataillon carré, et tue toute la journée ces insensés qui se précipitent sur nos canons, ne pouvant revenir de leur prestige. Ce n'est que la nuit que ces fanatiques, comptant leurs morts (il y en avait plus de mille) et leurs blessés, comprennent que _Dieu ne fait plus de miracles._ Le 19 floréal, le général Lanusse, qui s'est porté avec la plus grande activité partout où il y a eu des ennemis à combattre, arrive à Damanhour, passe quinze cents hommes au fil de l'épée; un monceau de cendres indique la place où fut Damanhour. L'ange _el-Mohdy,_ blessé de plusieurs coups, sent lui-même son zèle se refroidir; il se cache dans le fond des déserts, environné encore de partisans; car, dans des têtes fanatisées, il n'y a point d'organes par où la raison puisse pénétrer. Cependant la nature de cette révolte contribua à accélérer mon retour en Egypte. Cette scène bizarre était concertée, et devait avoir lieu au même instant où la flotte turque, qui a débarqué l'armée que j'ai détruite sous Acre, devait arriver devant Alexandrie. L'armement de cette flotte, dont les mameloucks de la Haute-Egypte avaient été instruits par des dromadaires, leur fit faire un mouvement sur la Basse-Egypte; mais, battus plusieurs fois par le chef de brigade Destrées, officier d'une bravoure distinguée, ils descendirent dans la Charqyéh. Le général Dugua ordonna au général Davoust de s'y porter. Le 19 floréal, il attaqua Elfy-bey et les Billys: quelques coups de canon ayant tué trois des principaux kachefs d'Elfy, il fuit épouvanté dans les déserts. _Canonnade de Suez._ Un vaisseau et une frégate anglaise sont arrivés à Suez vers le 15 floréal. Une canonnade s'est engagée; mais les Anglais ont cessé dès l'instant qu'ils ont reconnu Suez muni d'une artillerie nombreuse en état de les recevoir: les deux bâtimens ont disparu. _Combat sur le canal de Moyse._ Le général Lanusse, après avoir délivré la province de Bahyreh, atteignit, le 17 prairial, au village de Kafr-Fourniq, dans la Charqyéh, les Maugrabins et les hommes échappés de la Bahyreh; il leur tua cent cinquante hommes, et brûla le village. Le 15 prairial, j'arrivai a El-Arich, de retour de Syrie. La chaleur du sable du désert a fait monter le thermomètre à quarante-quatre degrés: l'atmosphère était à trente-quatre; Il fallait faire onze lieues par jour pour arriver aux puits, où se trouve un peu d'eau salée, sulfureuse et chaude, que l'on boit avec plus d'avidité que chez nos restaurateurs une bonne bouteille de vin de Champagne. Mou entrée au Caire s'est faite le 26 prairial, environné d'un peuple immense qui avait garni les rues, et de tous les muphtis montés sur des mules, parce que _le prophète montait de préférence ces animaux_, de tous les corps de janissaires, des odjaqs, des agas de la police du jour et de nuit, de descendant d'Abou-Bekr, de Fathyme, et des fils de plusieurs saints révérés par les vrais croyans; les chefs des marchands marchaient devant, ainsi que le patriarche Qohthe: la marche était fermée par les troupes auxiliaires grecques. Je dois témoigner ma satisfaction au général Dugua, au général Lanusse, et au chef de bataillon Duranteau. Les scheick el-Bekry, el-Cherqaouy, el-Sadat, el-Mahdy, Ssaouy, se sont comportés aussi bien que je le pouvais désirer; ils prêchent tous les jours dans les mosquées pour nous. Leurs firmans font la plus grande impression dans les provinces. Ils descendent pour la plupart des premiers califes et sont dans une singulière vénération parmi le peuple. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au commandant du génie._ J'ai visité hier, citoyen commandant, la citadelle du Caire: je me suis convaincu par moi-même que le citoyen Farnée, duquel j'avais eu lieu d'être satisfait, prend, avec le commandant, un ton qui n'est pas convenable. Le chef de brigade Dupas, uniquement occupé de sa place, commence à connaître a fond les détails de la citadelle, ce qui lui a fait venir un grand nombre d'idées que j'ai trouvées raisonnables. Je vous prie de conférer avec lui sur ces différens travaux, et de me faire connaître le parti que vous croirez devoir prendre sur plusieurs objets essentiels, tels que le fossé qu'il propose pour isoler entièrement la citadelle du côté de la ville, qu'il faudrait faire calculer avec l'occupation de la tour des janissaires, un chemin qui conduirait tout de suite de la première place sur le rempart de droite en entrant; un chemin qui conduirait droit de la première place à celle du pacha; enfin plusieurs idées de détails sur la facilité des communications autour de la forteresse. Le citoyen Dupas a un grand nombre de prisonniers. En fournissant quelques outils, vous pourrez activer les travaux de manière à faire promptement beaucoup de besogne. Quant aux logemens intérieurs, la chose dont il faut principalement s'occuper, c'est de nettoyer les souterrains où on pourrait placer la garnison en cas de siège, placer les poudres et la salle d'artifice dans un endroit à l'abri de la bombe; avoir un hôpital à l'abri de la bombe. Sans cela, trois ou quatre mortiers ruinent tout, et rendent une place intenable. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au général Dugua._ Le nommé Caraoui, prévenu d'être l'un des assassins du général Dupuy, sera fusillé. Seïd-Abd-Salem, prévenu d'avoir tenu des propos contre les Français, sera fusillé. Emir-Ali, mamelouck d'Omar-Cachef, rentré au Caire sans passeport, sera fusillé. Muhammed, mamelouck de Muhammed-Cachef, rentré au Caire sans passeport, sera fusillé. Kemeas-Achic, scheick-beled du village de Kobibal, sera retenu en prison jusqu'à ce qu'il ait versé deux mille talaris dans la caisse du payeur général de l'armée, indépendamment de ce qu'il pourrait devoir pour son village. Tous les déserteurs de la compagnie Omar seront interrogés, et vous m'enverrez les notes que donnera sur eus le capitaine Omar. Vous me ferez passer l'interrogatoire de Dollah-Mahmed, derviche indien. Mahed-El-Tar, prévenu d'avoir tenu de mauvais propos contre les Français, sera fusillé. Vous me ferez un rapport sur la fortune et les renseignemens que donne l'aga de Hassan, chez qui l'on a trouvé de la poudre. Hussan, mamelouck d'Achmet-Bey, sera fusillé. Vous me ferez un rapport sur la fortune et sur ce que disent avoir été faire dans la Haute-Egypte les dix personnes qui sont détenues pour être revenues sans passeports. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au général Dugua._ Tous les officiers turcs prisonniers, citoyen général, seront interrogés pour savoir quelle rançon ils veulent payer pour avoir leur liberté. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au général Fugières._ Je reçois, citoyen général, votre lettre du 29 prairial. Votre payeur doit verser tous les fonds qu'il reçoit dans la caisse du Caire. Tâchez de nous envoyer, le plus tôt possible, 100,000 francs dont nous avons grand besoin; j'aurai aussi besoin de quarante beaux chevaux pour la remonte de mes guides. La province de Garbieh en a de très-bons, tâchez de nous les envoyer. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au contre-amiral Ganteaume._ Vous vous rendrez, citoyen général, à Rosette et à Alexandrie. Vous passerez la revue des bâtimens qui se trouvent pour la défense de l'embouchure de Rosette; vous y ferez envoyer d'Alexandrie tout ce qui pourrait y manquer. Mon intention est que les bâtimens qui n'ont qu'une pièce soient approvisionnés à trois cents coups, et ceux qui en ont deux à deux cents. Vous ferez partir d'Alexandrie tous les bâtimens propres à la navigation du Nil, et spécialement tous les avisos armés eu guerre qui peuvent entrer dans le Nil ou à Bourlos. Vous prendrez à bord de tous les bâtimens, soit de guerre, soit de convoi, tous les canons, toutes les armes, et autres objets de quelque espèce que ce soit, qui peuvent être utiles à la défense du Nil. Vous trouverez à Alexandrie le général Dommartin, et vous l'aiderez dans le transport de toutes les poudre, canons, munitions de guerre, etc., qu'il doit envoyer à Rosette, Bourlos et Damiette. Je désirerais que l'on pût embosser à l'embouchure du lac Bourlos un gros bâtiment armé de grosses pièces, de manière à ce que ce bâtiment pût défendre la passe, et tenir lieu d'un fort que l'on va commencer à construire, mais pour lequel il faudra du temps. Vous désarmerez à Alexandrie tous les bâtimens, hormis _la Muiron_ et _la Carrère_ et une demi-douzaine d'avisos ou bâtimens marchands bons marcheurs, qu'il faut tenir prêts à partir pour France. Vous me ferez faire un rapport sur la meilleure des frégates qui restent, et vous ordonnerez toutes les dispositions pour l'armer, au premier ordre, en matériel. Vous aurez soin de vous assurer que les futailles des deux frégates _la Muiron_ et _la Carrère_ soient en meilleur état que celles de l'escadre du contre-amiral Barée. Vous aurez soin, hormis ce qui vous est nécessaire, de laisser dans chaque bâtiment de guerre de quoi les armer en flûte le plus promptement possible. Je vous fais passer l'ordre pour que l'ordonnateur de la marine et le commandant des armes ne portent aucun obstacle à vos opérations, et vous secondent de leur pouvoir. Vous ferez mettre en construction deux à trois petits chebecks semblables à _la Fortune_, et qui puissent entrer dans le Nil et à Omm Faredge. BONAPARTE. Au Caire, le 3 messidor an 7 (21 juin 1799). _Au général Desaix._ Les trois officiers du génie, une compagnie de canonniers et une centaine d'hommes de cavalerie à pied, ont ordre, citoyen général, de se rendre dans la Haute-Egypte. Les commandans de l'artillerie et du génie font partir des outils et des cartouches. Si vous écrivez au schérif de la Mecque, faites-lui connaître que l'on m'a présenté hier les différens reïs de ses bâtimens, et que l'on fait passer à force du blé et du riz à Suez pour les lui envoyer. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au même._ Je désirerais, citoyen général, acheter deux ou trois mille nègres ayant plus de seize ans, pour pouvoir en mettre une centaine par bataillon. Voyez s'il n'y aurait pas moyen de commencer le recrutement en commençant les achats. Je n'ai pas besoin de vous faire sentir l'importance de cette mesure. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au commandant du génie._ Je désirerais, citoyen commandant, que l'on pût placer le plus tôt possible le moulin à vent dont la charpente est faite à la citadelle; il était destiné pour le fort Camin; on placera à ce fort le premier que l'on fera. Voyez donc, je vous prie, a faire choisir un emplacement pour ce moulin, et faites-moi un rapport sur cet objet. Je désirerais également que le nouveau chemin de Boulac à la place Esbekieh fût fini le plus tôt possible. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au même._ Mon intention, citoyen commandant, est d'établir une redoute à Mit-Kamar et une à Mansoura, remplissant les buts suivans: Défendre la navigation du Nil, protéger les barques françaises, construire des magasins capables de nourrir un corps de dix mille hommes pour un mois, contenir une ambulance d'une cinquantaine de lits et enfin maintenir les villes de Mansoura et Mit-Kamar. Je vous prie de me présenter un projet pour ces deux redoutes, auxquelles je désire qu'on travaille de suite, de manière qu'entre Rosette et le Caire il y aura les deux redoutes de Rahmanieh et d'Alkan, et entre Damiette et le Caire celles de Mansoura et de Mit-Kamar. Je vous prie aussi de me faire un rapport sur la redoute de Rahmanieh. Voilà long-temps que l'on y travaille, et je vois qu'on ne finit jamais. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au citoyen Lepère, ingénieur des ponts et chaussées._ Je désirerais, citoyen, que le nouveau chemin du Caire à Boulac fût fini le plus promptement possible. Je désirerais connaître s'il ne serait pas possible de profiter du fossé que vous faites d'un des côtés du chemin, pour s'en servir de canal de communication du Caire à Boulac, au moins pendant sept à huit mois de l'année, et si l'année prochaine on ne pourrait pas s'en servir constamment. Il est nécessaire également de préparer un rapport sur la conduite des eaux au Nil dans le Kalidj, sûr l'inondation des places du Caire et terres adjacentes. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au contre-amiral Ganteaume._ Les demi-galères _la Coquette_, _l'Amoureuse_ et la canonnière _la Victoire_, seront armées aussi bien qu'il est possible. La djerme _la Boulonnaise_ sera mise, ainsi que les felouques _le Nil_ et _l'Eléphantine_, dans le même état qu'était _l'Italie_, pour servir au même usage. Vous me ferez faire un rapport sur les djermes _la Syrie_ et _la Carinthie_, et sur l'artillerie et autres objets nécessaires pour armer les quatre bâtimens dont il est ci-dessus parlé. La compagnie des canonniers de la marine qui est au Caire, sera distribuée entre ces quatre bâtimens, _l'Etoile_ et _le Sans-Quartier._ Vous me remettrez demain un état général des bâtimens armés dans le Nil, avec le nombre de canons, d'approvisionnemens, et le nombre d'équipages. BONAPARTE. Au Caire, le 4 messidor an 7 (22 juin 1799). _Au citoyen Baille, capitaine des grenadiers de la soixante-neuvième demi-brigade._ J'ai reçu, citoyen, les notes que vous m'avez remises, qui prouvent que votre compagnie n'était pas avec les deux autres compagnies au moment où je fus mécontent d'elles, ce qui m'a porté à leur défendre de porter des palmes à leur entrée au Caire, et qu'elle venait au contraire d'être envoyée par le général Rampon à l'attaque d'un poste où elle a montré le courage, l'impétuosité et la bravoure qui doivent distinguer les grenadiers. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7(23 juin 1799). _Au général Kléber._ Je reçois, citoyen général, vos lettres des 26, 28 et 29 prairial. L'année passée, nous avions permis le commerce avec la Syrie, et Djezzar-Pacha s'y était opposé. Quelque inconvénient qu'il puisse y avoir, le premier besoin pour nous étant de ne pas laisser tomber l'agriculture, je ne vois pas d'inconvénient à ce que, d'ici à thermidor, vous permettiez le commerce avec la Syrie; mais je crois qu'il est bon de laisser passer tout messidor. Le bataillon de la vingt-cinquième se rend en droite ligne à Catieh avec le général Leclerc. J'ai envoyé le général Destaing à Rahmanieh. Le général Dommartin doit être rendu à Alexandrie. Si Lesbeh n'est pas en état aujourd'hui, il est au moins nécessaire que vous donniez les ordres qu'on y travaille avec une telle activité, que tous les mois il acquière un nouveau degré de force, et que, l'année prochaine, il puisse remplir le but qu'on s'était proposé. Hassan-Thoubar est au Caire, je dois le voir dans une heure. Je ne sais pas trop le parti que je prendrai avec cet homme. Si je lui rends ce qu'il me demande, le préalable sera qu'il me remette ses enfans en ôtage. Nous sommes toujours ici sans nouvelles du continent. On m'assure aujourd'hui que des vaisseaux anglais ont paru devant Alexandrie; qu'ils ont expédié à Mourad trois exprès sur des dromadaires. Ils auront de la peine à le trouver, car le général Friant est dans ce moment dans les oasis. Le général Desaix est en pleine jouissance de la Haute-Egypte et de Cosseir. Les impositions se payent régulièrement, et sa division est au courant de sa solde. Avec les impositions des provinces de Damiette et de Mansoura, vous viendrez facilement à bout de payer votre division. Mettez-vous en correspondance avec Rosette, afin que l'on vous prévienne promptement de tout ce qui pourrait se passer sur la côte. Dès l'instant qu'il y aura un peu d'eau, je vous enverrai les deux demi-galères et la chaloupe canonnière _la Victoire_, qui sont fort bien armées. Dans ce moment-ci les eaux sont trop basses. Je crois qu'il serait toujours utile de tenir à Omm-Faredge le bateau _le Menzaleh_, et de remplir sa cale de jarres pleines d'eau, car d'ici à un ou deux mois le lac Menzaleh sera un moyen efficace de communication avec Catieh et El-Arich. Le général Menou n'est pas encore de retour de son inspection d'El-Arich. Quatre ou cinq négocians de Damiette, chrétiens ou turcs, peuvent vous prêter les 60,000 livres que vous demandez; je crois que cela vaut mieux que de s'adresser à un trop grand nombre. Choisissez six négocians turcs et deux on trois chrétiens; et imposez chacun à tant. Je ne connais pas les membres du divan de Damiette. Cette province a toujours été faiblement administrée, et je ne la calculerai de niveau avec celles de Rosette, du Caire et d'Alexandrie que trois ou quatre décades après votre arrivée. Faites tout ce que la prudence vous fera juger nécessaire. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au Directoire exécutif._ Citoyens directeurs, Après la bataille des Pyramides, les mameloucks se divisèrent. Ibrahim-Bey se retira dans la Charqyéh, passa le désert, séjourna à Gaza et à Damas. Affaibli par les pertes qu'il a essuyées pendant mon incursion en Syrie, il est aujourd'hui dans la plus profonde misère. Mourad-Bey remonta le Nil avec une nombreuse flottille, et se retira dans la Haute-Egypte. Battu à Sédyman, il était toujours maître des provinces supérieures, et dans une position menaçante. Le 20 frimaire, le général Desaix, ayant été renforcé de la plus grande partie de la cavalerie de l'armée, se mit en marche, et arriva le 9 nivose à Djirdjéh. A deux journées plus haut, Mourad-Bey l'attendait, réuni à Hhaçan-Bey, à deux mille Arabes d'Yambo, qui venaient de débarquer à Qosséyr, et à une grande quantité de paysans qu'il avait soulevés. _Combats de Soheïdje et de Tahhtah._ Le général Desaix, ayant appris que plusieurs rassemblemens armés occupaient les rives du Nil, et s'opposaient à la marche de la flottille qui portait ses munitions de guerre et ses vivres, envoya le général Davoust avec la cavalerie. Il trouva et dissipa, les 14 et 19 nivose, des rassemblemens de paysans à Soheïdje et à Tahhtah: il massacra dans ces deux affaires plus de deux mille hommes. Le chef de brigade Pinon, à la tête du quinzième, et Boussard, à la tête du vingtième de dragons, se sont particulièrement distingués. _Affaire de Samhoud._ Ayant été rejoint par sa cavalerie et sa flottille, le général Desaix marcha à l'ennemi, qu'il rencontra, le 3 pluviose, au village de Samhoud. Il prit l'ordre de bataille accoutumé, en plaçant son infanterie en carré sur ses ailes, sa cavalerie en carré au centre. La droite était commandée par le général Friant, la gauche par le général Belliard, et le centre par le général Davoust. L'ennemi investit avec un tourbillon de cavalerie notre petite armée; mais ayant été vigoureusement repoussé par la mitraille et la mousqueterie, il fit un mouvement en arrière. Notre cavalerie se déploya alors et le poursuivit. Une centaine d'Arabes et de paysans furent massacrés; le reste s'éparpilla et fuit dans les déserts. Le citoyen Rapp, aide-de-camp du général Desaix, officier d'une grande bravoure, a été blessé d'un coup de sabre. Le drapeau de la république flotta sur les Cataractes; toute la flottille de Mourad-Bey se trouva prise, et, dès ce moment, la Haute-Egypte fut conquise. Le général Desaix plaça sa division en cantonnemens le long du Nil, et commença l'organisation des provinces. Le reste des mameloucks et des Arabes d'Yambo ne pouvait vivre dans le désert; la nécessité de se procurer de l'eau du Nil et des vivres engagea différens combats qui, politiquement, ne pouvaient plus être dangereux. N'ayant plus ni artillerie ni flottille, le succès d'un combat n'avait pour but que le pillage; mais les bonnes dispositions du général Desaix, et la bravoure des troupes, ne leur donnèrent pas même cette consolation. _Combat de Qénéh._ Le chef de brigade Conroux, avec la soixante-unième, fut attaqué à Qénéh, le 22 pluviose, par cinq ou six cents Arabes; il joncha le champ de bataille de morts. _Combat de Samathah._ Le général Friant marcha, le 24 pluviose, à Samathah, où il savait que se réunissaient les Arabes d'Yambo; il leur tua deux cents hommes. _Combat de Thèbes._ Sur les ruines de Thèbes, deux cents hommes du vingt-deuxième de chasseurs et du quinzième de dragons chargèrent, le 23 pluviose, deux cents mameloucks, qu'ils dispersèrent. Ils regagnèrent le désert, après avoir laissé une partie de leur monde sur le champ de bataille. Le chef de brigade Lasalle, du vingt-deuxième de chasseurs, s'est conduit avec son intrépidité ordinaire. _Combat d'Esné._ Le 7 ventose, Mourad-Bey se porta à Esné: le citoyen Clément, aide-de-camp du général Desaix, le dispersa et l'obligea de regagner le désert. _Combat de Benouthah._ Instruits que j'avais quitté l'Egypte, que j'avais passé le désert pour aller en Syrie, les mameloucks crurent le général Desaix affaibli, et dès-lors le moment favorable pour l'attaquer. Ils redoublèrent d'efforts, accoururent de tous les points du désert sur plusieurs points du Nil; ils s'emparèrent d'une de nos djermes, en égorgèrent l'équipage, prirent huit pièces de canon, et, renforcés par quinze cents hommes qui venaient de débarquer à Qosséyr, ils se réunirent à Benouthah, où ils se retranchèrent. Le général Belliard marcha à eux, le 20 ventose, les attaqua, tua la moitié de leur monde, et dispersa le reste: c'est le combat où l'ennemi a montré le plus d'opiniâtreté. _Combat de Byralbarr._ Le 13 germinal, le général Desaix, instruit que Hhaçan-Bey avait le projet de se porter sur Qénéh, marcha dans le désert pour le chercher; le septième de hussards et le dix-huitième de dragons découvrirent l'ennemi, le chargèrent, le dispersèrent après un combat très-opiniâtre. Le citoyen Duplessis, commandant le septième de hussards, fut tué en chargeant à la tête de son régiment. _Combat de Djirdjéh._ Le 16 germinal, le chef de bataillon Moran, attaqué dans le village de Djirdjéh, fut secouru par les habitans, et mit en fuite les Arabes et les paysans, après leur avoir tué plus de cent hommes. _Combat de Théméh._ Le chef de brigade Lasalle marcha à Tehnéh pendant la nuit du 20 germinal, surprit un rassemblement qui s'y trouvait, tua une cinquantaine d'hommes, et le dispersa. _Combat de Bényhady._ Les mameloucks, voyant la Haute-Egypte garnie de troupes, filèrent par le désert dans la Basse-Egypte. Le général Desaix envoya le général Davoust a leur suite. Il les rencontra au village de Bényhady, les attaqua, les dispersa, après leur avoir tué un millier d'hommes. Nous avons eu trois hommes tués et trente blessés; mais parmi les tués se trouve le chef de brigade Pinon, du quinzième de dragons, officier du plus rare mérite. _Prise de Qosséyr_ (le 10 prairial). Le 10 prairial, le général Belliard et l'adjudant-général Donzelot sont entrés à Qosséyr, et ont pris possession de ce poste important: on s'occupe à le mettre dans le meilleur état de défense. Cette occupation, celle de Suez et d'El-Arich, ferment absolument l'entrée de l'Egypte du côté de la mer Rouge et de la Syrie, tout comme les fortifications de Damiette, Rosette et Alexandrie, rendent impraticable une attaque par mer, et assurent à jamais à la république la possession de cette belle partie du monde, dont la civilisation aura tant d'influence sur la grandeur nationale et sur les destinées futures des plus anciennes parties de l'univers. Mourad-Bey est retiré avec peu de monde dans les oasis, d'où il va être encore chassé. Hhaçan-Bey est à plus de quinze jours au-dessus des Cataractes; la plupart des tribus arabes sont soumises, et ont donné des ôtages; les paysans s'éclairent, et reviennent tous les jours des insinuations de nos ennemis; des forts nombreux, établis de distance en distance, les retiennent d'ailleurs, s'ils étaient malintentionnés; les Arabes d'Yambo ont péri pour la plupart. L'état-major vous enverra les noms des officiers auxquels j'ai accordé de l'avancement. J'ai nommé au commandement du quinzième de dragons le citoyen Barthélémy, chef d'escadron des guides à cheval, ancien officier de cavalerie distingué par ses connaissances. Je vous demande le grade de général de brigade pour le citoyen Donzelot, adjudant-général du général Desaix. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au chef de la soixante-neuvième demi-brigade._ J'ai reçu, citoyen, votre mémoire historique sur vos compagnies de grenadiers. Votre tort est de ne pas vous être donné des sollicitudes nécessaires pour purger ces compagnies de quinze à vingts mauvais sujets qui s'y trouvaient. Aujourd'hui, il ne faut penser qu'à organiser ce corps, et le mettre à même de soutenir, aux premiers événemens, la réputation qu'il s'était acquise en Italie. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au commandant du génie._ Je vous prie, citoyen, de profiter du départ du bataillon de la soixante-neuvième qui se rend demain à Mit-Kamar, pour y envoyer les officiers du génie qui doivent tracer la redoute que j'y ai ordonnée. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Je vous prie, citoyen, de me proposer une mesure, afin qu'il ne sorte de Suez qu'une quantité de riz, blé et sucre, proportionnée à celle du café qui nous arrive. Il ne faudrait pas que le schérif de la Mecque nous enlevât, pour quelques fardes de café, la plus grande partie de nos subsistances. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au général Kléber._ Hassan-Thoubar, citoyen général, sort de chez moi. Il remet ici, ce soir, son fils en otage: c'est un homme âgé de trente ans. Hassan-Thoubar part sous peu de jours pour Damiette; il paraît un peu instruit par le malheur: d'ailleurs, son fils nous assure de lui. Je crois qu'il vous sera très-utile pour l'organisation du lac Menzaleh, la province de Damiette, les communications avec El-Arich, et votre espionnage en Syrie. Je suis en guerre avec presque tous les Arabes. J'ai rompu, à ce sujet, tous les traités possibles, parce que aujourd'hui qu'ils nous connaissent, et qu'il n'y a presqu'aucune tribu qui n'ait eu des relations avec nous, je veux avoir des otages. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au commandant du génie._ Je vous prie, citoyen commandant, de faire déblayer au plus tôt les murailles qui sont contre les créneaux de la porte du Delta. Je vous fais passer une lettre de l'administrateur-général des finances; je vous prie de la prendre en considération, et de vous concerter avec les autorités, les ingénieurs des ponts et chaussées et l'administrateur des finances, et de me présenter un projet: 1°. Des maisons nationales à démolir; 2°. Des maisons particulières à acquérir et à démolir, pour avoir une communication large et commode d'ici au quartier de l'Institut, avec une place au milieu de ladite communication; 3°. Pour avoir une communication de la place Esbekieh à la place Birket-el-Fil, avec une place au milieu. Les maisons que l'on a démolies à droite et à gauche défigurent la ville et ruinent les habitations, que nous serons obligés un jour de rétablir. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au général Kléber._ La province de Mansoura, citoyen général, nous a fourni quelques bons chevaux, elle en doit fournir encore une centaine. Je vous prie de donner l'ordre qu'on procède sans délai à les lever; cela nous est extrêmement essentiel: surtout, ordonnez qu'on ne prenne pas de chevaux au-dessous de cinq ans. BONAPARTE. Au Caire, le 5 messidor an 7 (23 juin 1799). _Au général Desaix._ Je vous envoie, citoyen général, trois officiers du génie, des cartouches, des outils et des hommes à pied à monter. Vous garderez les hommes du vingt-deuxième de chasseurs et du vingtième de dragons, et vous me renverrez tout le reste au Caire. Nous avons besoin d'un corps de cavalerie considérable, pour veiller à la défense de la côte. Nous sommes toujours très-tranquilles. J'attends toujours de vos nouvelles. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _Au même._ Quoique la caravane de Darfour se soit très-mal conduite, citoyen général, mon intention est que vous fassiez rendre à Krabino, un des chefs de la caravane, sa propre fille qui a été enlevée, et qui est demeurée à un des chirurgiens de votre division. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _Aux citoyens Hamelin et Liveron._ J'ai reçu, citoyens, votre lettre du 28 prairial. Le citoyen Poussielgue, qui a mis en vous toute sa confiance pour un objet aussi essentiel, garantit votre activité et les moyens que vous aurez pour réussir. J'écris au général Desaix pour qu'il vous donne toute la protection que vous pourrez désirer. Autant qu'il sera possible, on lèvera toutes les difficultés qui pourraient s'opposer à la marche de votre opération. La réussite pourrait faire apprécier les motifs qui vous ont fait mettre en avant, comme seule elle sera la mesure du service que vous vous trouverez avoir rendu. Vous n'aurez réussi que lorsque, vous aurez fait verser, à Boulac, 600,000 ardeps de blé. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _Au payeur général._ Ayant autorisé le général Kléber à percevoir, dans les provinces de Mansoura et de Damiette toutes les sommes nécessaires pour sa division, je vous prie de donner l'ordre à vos préposés de faire recette de tous les fonds que fera rentrer le général Kléber, et de suivre tous les ordres qu'il leur donnera pour le paiement, sauf à vous rendre compte. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _A l'ordonnateur en chef._ J'ai donné, citoyen ordonnateur, au général Kléber l'autorité nécessaire pour administrer les provinces de Damiette et de Mansoura, de manière à pouvoir solder tout ce dont a besoin sa division. La même autorité a été donnée au général Marmont pour les provinces d'Alexandrie, Rosette et Bahhireh. Même autorité au général Desaix pour les trois provinces de la Haute-Egypte. Je vous prie donc, dans les besoins de l'administration, de distinguer les besoins de la division Desaix, ceux de la division Kléber, l'arrondissement d'Alexandrie, et enfin le Caire et les troupes qui sont dans les autres provinces. Si vous accordiez pour les divisions Kléber, Desaix et l'arrondissement d'Alexandrie plus qu'il ne faut, les généraux ne feraient pas solder les crédits que je vous ai donnés. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _Au chef de brigade d'artillerie Grobert._ Je vous prie, citoyen, de me remettre demain l'état général des pièces et munitions qui se trouvent, soit en batterie à Gizeh, soit au parc général de l'armée, soit au magasin général de la direction. Je vous prie de tenir à la disposition du commandant de la marine toutes les pièces d'un calibre inférieur à 3, et qui dès-lors ne sont pas propres au service de terre. Je vous prie de faire remettre au commandant de la marine deux pièces de 6 pour armer la demi-galère embossée à Gizeh. BONAPARTE. Au Caire, le 7 messidor an 7 (25 juin 1799). _A l'ordonnateur en chef._ Je viens de faire la visite de l'hôpital de la maison d'Ibrahim-Bey. J'ai vu, avec mécontentement, qu'il y manque plusieurs médicamens essentiels, et surtout la pierre infernale. Donnez les ordres pour qu'avant le 10 du mois, tous ces objets soient à l'hôpital. J'ai trouvé que les pharmaciens n'étaient pas à leur poste. Il y avait quelques plaintes sur les chirurgiens. Il manquait beaucoup de draps, et les chemises étaient plus sales qu'elles ne l'auraient été à l'ambulance devant Acre. Fixez, je vous prie, vos yeux sur cet objet essentiel. Faites-vous remettre l'état du linge, des chemises qui ont été données au directeur de l'hôpital, et faites de manière à ce que, d'ici au 10, il y ait cinq ou six cents chemises à cet hôpital. BONAPARTE. Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799). _Au général Marmont._ Je n'ai point reçu, citoyen général, la lettre que vous m'annoncez m'avoir écrite le 1er messidor, je viens de recevoir celle du 3. Le général Destaing est arrivé à Rahmanieh; il a mené avec lui un bataillon de la soixante-unième, le général Lanusse y avait envoyé un bataillon de la quatrième. Le chef de la quatrième est parti avant-hier avec un autre bataillon. Ainsi, il ne manque pas de forces pour faire payer les contributions et dissiper les rassemblemens. Vous-même, vous pouvez avec une partie de vos forces, vous porter sur Mariout, et détruire ces maudits Arabes. Le contre-amiral Ganteaume doit être arrivé à Alexandrie. Secondez, je vous prie, toutes ses opérations. Smith est un jeune fou qui veut faire sa fortune, et cherche à se mettre souvent en évidence. La meilleur manière de le punir, est de ne jamais lui répondre. Il faut le traiter comme un capitaine de brûlot. C'est au reste un homme capable de toutes les folies, et auquel il ne faut jamais prêter un projet profond et raisonné: ainsi, par exemple, il serait capable de faire faire une descente à 800 hommes. Il se vante d'être entré déguisé à Alexandrie. Je ne sais si ce fait est vrai, mais il est très-possible qu'il profite d'un parlementaire pour entrer dans la ville, déguisé en matelot. La province de Rosette doit beaucoup d'argent, prenez des mesures pour faire tout solder. Le Nil n'augmente pas encore, mais du moment qu'il sera un peu haut, je vous enverrai six cent mille rations de biscuit et une grande quantité de blé. BONAPARTE. Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799). _Au général Kléber._ Je vous prie, citoyen général, d'envoyer au Caire l'osmanli que vous avez déjà renvoyé d'Alexandrie, et qui, par sa mauvaise étoile, n'est pas encore parti. Je le garderai prisonnier à la citadelle; il servira d'otage pour les Français prisonniers à Constantinople. BONAPARTE. Au Caire, le 8 messidor an 7 (26 juin 1799). _Au divan du Caire._ J'ai fait arrêter le cadi, parce que j'ai lieu de m'en méfier, et que son père, que j'avais comblé de bienfaits, m'a payé de la plus noire ingratitude. Je vous prie de me présenter quelqu'un pour remplir cette place. Il faut que ce soit un homme né en Egypte. BONAPARTE. Au Caire, le 9 messidor an 7 (27 juin 1799). _Au général Dugua._ Je vous prie de réunir demain matin, chez vous, citoyen général, les membres du divan, et de leur faire connaître la lettre ci-jointe, en réponse à celle qu'il m'a écrite ce matin. Je désire que vous envoyiez de suite quelqu'un rassurer les femmes du cadi, et que vous donniez l'ordre à la citadelle qu'il soit traité avec les plus grands égards. Je désire également que vous lui fassiez demander le lieu où il désire se rendre, soit qu'il veuille aller en Syrie, soit à Constantinople; je l'y ferai conduire. BONAPARTE. Au Caire, le 9 messidor an 7 (27 juin 1799). _Au divan du Caire._ J'ai reçu votre lettre ce matin. Ce n'est pas moi qui ai destitué le cadi; c'est, le cadi lui-même qui, comblé de mes bienfaits, a poussé l'oubli de ses devoirs jusqu'à quitter son peuple et abandonner l'Egypte pour se retirer en Syrie. J'avais consenti que, provisoirement, pendant la mission qu'il devait avoir en Syrie, il laissât son fils jour gérer sa place pendant son absence; mais je n'aurais jamais cru que ce fils, jeune, faible, dût remplir définitivement la place de cadi. La place de cadi s'est donc trouvée vacante. Qu'ai-je donc fait pour suivre le véritable esprit du Coran? C'est de faire nommer le cadi par l'assemblée des scheiks; c'est ce que j'ai fait. Mon intention est donc que le scheik El-Arichi, qui a obtenu vos suffrages, soit reconnu et remplisse les fonctions de cadi. Les premiers califes, en suivant le véritable esprit du Coran, n'ont-ils pas eux-mêmes été nommés par l'assemblée des fidèles? Il est vrai que j'ai reçu avec bienveillance le fils du cadi lorsqu'il est venu me trouver, aussi mon intention est-elle de ne lui faire aucun mal; et si je l'ai fait conduire à la citadelle, où il est traité avec autant d'égards qu'il le serait chez lui, c'est que j'ai pensé devoir le faire par mesure de sûreté; mais dès que le nouveau cadi sera publiquement revêtu et exercera ses fonctions, mon intention est de rendre la liberté au fils du cadi, de lui restituer ses biens, et de le faire conduire avec sa famille dans le pays qu'il désirera. Je prends ce jeune homme sous ma spéciale protection; aussi bien je suis persuadé que son père même, dont je connaissais les vertus, n'a été qu'égaré. C'est à vous à éclairer les bien intentionnés, et faites ressouvenir enfin aus peuples d'Egypte qu'il est temps que le règne des osmanlis finisse; leur gouvernement est plus dur cent fois que celui des mameloucks, et y a-t-il quelqu'un qui puisse penser qu'un scheick, natif d'Egypte, n'ait pas le talent et la probité nécessaires pour remplir la place importante de cadi. Quant aux malintentionnés et à ceux qui seraient rebelles à ma volonté, faites-les moi connaître: Dieu m'a donné la force pour les punir; ils doivent savoir que mon bras n'est pas faible. Le divan et le peuple d'Egypte doivent donc voir dans cette conduite une preuve toute particulière de ces sentimens que je nourris dans mon coeur pour leur bonheur et leur prospérité; et si le Nil est le premier des fleuves de l'Orient, le peuple d'Egypte, sous mon gouvernement, doit être le premier des peuples. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Je vous prie, citoyen, de faire au général Kléber un acte de donation de sa maison. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au général Dugua._ Vous ferez fusiller, citoyen général, le nommé Joseph, natif de Cherkem, près la mer Noire; Le nommé Sélim, natif de Constantinople, tous deux détenus à la citadelle. Quant au nommé Ibrahim-Kerpouteli, on fera interroger celui qu'il cite pour être son père, afin de savoir s'il l'avoue, et vous me ferez donner des notes sur la manière dont son père s'est conduit. Je vous renvoie les interrogatoires de ces hommes, afin que vous les puissiez mieux reconnaître. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au citoyen Dupas, commandant la citadelle._ Le citoyen James, canonnier au quatrième régiment d'artillerie, citoyen commandant, est détenu depuis six mois à la citadelle. Si vous ignorez les motifs de son arrestation, je vous prie de le faire mettre sur-le-champ en liberté. Vous ferez mettre en liberté les citoyens Jersay, sapeur à la deuxième compagnie; Billou, canonnier à la septième compagnie d'artillerie; Michel Gazette, sapeur; Robin, mineur. Vous ferez consigner le citoyen Philippe Bouette au chef de brigade de la vingt-deuxième, pour le mettre dans son corps. Vous ferez mettre en liberté, le 15 du mois, le citoyen Bataille, soldat à la légion maltaise. Vous ferez mettre en liberté les citoyens Merel, dromadaire; Dubourg, volontaire au deuxième bataillon de la soixante-neuvième. Vous ferez mettre en liberté, ou traduire à un conseil militaire, s'il y a eu lieu, le citoyen Signal, caporal du deuxième bataillon de la trente-deuxième. Vous ferez mettre en liberté le citoyen Roanet, volontaire au deuxième bataillon de la trente-deuxième. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au citoyen Fourier, commissaire, près le divan._ Je vous prie, citoyen, de me faire un rapport sur les membres qui composent le grand et le petit divan du Caire, pour me faire, connaître s'il y a des places vacantes dans l'un ou l'autre. Je désire également que vous me fassiez connaître si, parmi les membres du grand divan, il s'en trouverait qui ne mériteraient pas la place qu'ils ont, soit par leur peu de considération, soit par une raison quelconque; que vous me présentiez un certain nombre d'individus pour remplir les places vacantes. Mon intention est de composer ce divan de manière à former un corps intermédiaire entre le gouvernement et l'immense population du Caire, de manière qu'en parlant à ce grand divan, on soit sûr de parler à la masse de l'opinion. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au général Destaing._ Je reçois presque en même temps vos lettres des 5 et 7 messidor. Le premier bataillon de la quatrième est parti le 6 à quatre heures après midi du Caire, pour se rendre à Rahmanieh. Si vous êtes parti le 9, comme c'était votre projet, pour remonter votre province, vous vous serez probablement joint à portée de tomber sur le rassemblement de l'ennemi. Le quinzième de dragons et tous les dromadaires disponibles partent cette nuit pour se rendre à Menouf; je donne l'ordre au général Lanusse de se porter au village de ..., et de le brûler, ainsi que le village de Zaïra; après quoi il vous fera passer le quinzième et les dromadaires. Ces secours et les trois bataillons que vous avez, vous mettent à même de soumettre la province de Bahireh. Dès l'instant que vous aurez frappé quelques coups dans votre province, faites-moi passer la légion nautique, dont j'ai le plus grand besoin pour l'organisation de l'armée. BONAPARTE. Au Caire, le 10 messidor an 7 (28 juin 1799). _Au Directoire exécutif._ Je vous fais passer plusieurs imprimés qui vous mettront au fait des événemens qui se sont succédés depuis plusieurs mois. La peste a commencé à Alexandrie, il y a six mois, avec des symptômes très-prononcés. A Damiette elle a été plus bénigne. A Gaza et à Jaffa elle a fait plus de ravages. Elle n'a été ni au Caire, ni à Suez, ni dans la Haute-Egypte. (_Il résulte de l'état que je vous envoie que l'armée française, depuis son arrivée en Egypte jusqu'au 10 messidor an 7, avait perdu 5344 hommes._) Vous voyez qu'il nous faudrait cinq cents hommes pour la cavalerie, cinq mille pour l'infanterie, cinq cents pour l'artillerie, pour mettre l'armée dans l'état où-elle était lors du débarquement. La campagne de Syrie a eu un grand résultat: nous sommes maîtres de tout le désert, et nous avons déconcerté pour cette année les projets de nos ennemis. Nous avons perdu des hommes distingués. Le général Bon est mort de ses blessures; Caffarelli est mort; mon aide-de-camp, Croisier est mort; beaucoup de monde a été blessé. Notre situation est très-rassurante. Alexandrie, Rosette, Damiette, El-Arich, Catieh, Salahieh, se fortifient à force; mais si vous voulez que nous nous soutenions, il nous faut, d'ici en pluviose, six mille hommes de renfort. Si vous nous en faites passer en outre 15,000, nous pourrons aller partout, même à Constantinople. Il nous faudrait alors deux mille hommes de cavalerie pour incorporer dans nos régimens, avec des carabines, selles à la hussarde et sabres; six cents hussards ou chasseurs; six mille hommes de troupes pour incorporer dans nos corps et les recruter; cinq cents canonniers de ligne; cinq cents ouvriers, maçons, armuriers, charpentiers, mineurs, sapeurs; cinq demi-brigades à deux mille hommes chacune; vingt mille fusils; quarante mille baïonnettes; trois mille sabres; six mille paires de pistolets; dix mille outils de pionniers. S'il vous était impossible de nous faire, passer tous ces secours, il faudrait faire la paix; car il faut calculer que, d'ici au mois de messidor, nous perdrons encore six mille hommes. Nous serons, à la saison prochaine, réduits à quinze mille hommes effectifs, desquels, ôtant deux mille hommes aux hôpitaux, cinq cents vétérans, cinq cents ouvriers qui ne se battent pas, il nous restera douze mille hommes, compris cavalerie, artillerie, sapeurs, officiers d'état-major, et nous ne pourrons pas résister à un débarquement combiné avec une attaque par le désert. Si vous nous faisiez passer quatre ou cinq mille Napolitains, cela serait bon pour recruter nos troupes. Il nous faudrait dix-huit à vingt médecins, et soixante ou quatre-vingts chirurgiens; il en est mort beaucoup. Toutes les maladies de ce pays-ci ont des caractères qui demandent à être étudiés. Par là, on peut les regarder toutes comme inconnues; mais toutes les années elles seront plus connues et moins dangereuses. Je n'ai point reçu de lettres de France depuis l'arrivée de Moureau, qui m'a apporté des nouvelles du 5 nivose, et de Belleville, du 20 pluviose. J'espère que nous ne tarderons pas à en avoir. Nos sollicitudes sont toutes en France. Si les rois l'attaquaient, vous trouveriez dans nos bonnes frontières, dans le génie guerrier de la nation et dans vos généraux, des moyens pour leur rendre funeste leur audace. Le plus beau jour pour nous sera celui où nous apprendrons la formation de la première république en Allemagne. Je vous enverrai incessamment le nivellement du canal de Suez, les cartes de toute l'Egypte, de ses canaux, et de la Syrie. Nous avons de fréquentes relations avec la Mecque et Mokka. J'ai écrit plusieurs fois aux Indes, à l'Ile-de-France; j'en attends les réponses sous peu de jours. C'est le schérif de la Mecque qui est l'entremetteur de notre correspondance. Le contre-amiral Perrée est sorti d'Alexandrie le 19 germinal avec trois frégates et deux bricks; il est arrivé devant Jaffa le 24, s'est mis eu croisière, a pris deux bâtimens du convoi turc, chargés de trois cents hommes, cent mineurs et bombardiers, est revenu devant Tentoura pour prendre nos blessés; mais il a été chassé par la croisière anglaise, et a disparu; il sera arrivé en Europe. Je lui avais remis des instructions pour son retour: personne n'est plus à même que cet officier de nous faire passer des nouvelles et des secours; depuis la bouche d'Omm-Faredge, Damiette, Bourlos, Rosette, Alexandrie, il peut choisir dans ce moment-ci; et depuis le 15 ventose il n'y a point de croisière devant Alexandrie ni Damiette: cela nous a été utile pour l'approvisionnement d'Alexandrie. J'ai été très-satisfait de la conduite du contre-amiral Perrée dans toute cette croisière, je vous prie de le lui faire connaître. BONAPARTE. Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799). _Au sultan de Darfour._ Au nom de Dieu clément et miséricordieux: il n'y a d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. Au sultan de Darfour Abd-el-Rahman, serviteur des deux cités saintes, calife du glorieux prophète de Dieu et maître des mondes. J'ai reçu votre lettre, j'en ai compris le contenu. Lorsque votre caravane est arrivée, j'étais absent, ayant été en Syrie pour punir et pour détruire nos ennemis. Je vous prie de m'envoyer par la première caravane deux mille esclaves noirs ayant plus de seize ans, forts et vigoureux: je les achèterai tous pour mon compte. Ordonnez à votre caravane de venir de suite, et de ne pas s'arrêter en route. Je donne des ordres pour qu'elle soit protégée partout. BONAPARTE. Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799). _Au schérif de la Mecque._ Au nom de Dieu clément et miséricordieux: il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. J'ai reçu votre lettre, et j'en ai compris le contenu. J'ai donné les ordres pour que tout ce qui peut vous persuader de l'estime et de l'amitié que j'ai pour vous, soit fait. J'espère qu'à la saison prochaine vous ferez partir une grande quantité de bâtimens chargés de café et de marchandises des Indes: ils seront toujours protégés. Je vous remercie de ce que vous avez fait passer mes lettres aux Indes et à l'Ile de France: faites-y passer celles-ci, et envoyez-moi la réponse. Croyez à l'estime que j'ai pour vous et au cas que je fais de votre amitié. BONAPARTE. Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799). _Au commandant de l'Ile de France._ Je vous prie, citoyen commandant, de faire payer au schérif de la Mecque la somme de 94,000 fr., que le payeur de l'armée tire en trois lettres de change sur le payeur de l'Ile de France, et dont la trésorerie nationale tiendra compte. J'ai pensé devoir me servir de ce moyen pour avoir un canal sûr pour correspondre avec vous, malgré les croiseurs qui infestent la mer Rouge. Je vous salue. BONAPARTE. Au Caire, le 12 messidor an 7 (30 juin 1799). _Au commandant des Iles de France et de la Réunion._ Vous aurez sans doute appris, citoyen commandant, que depuis un an la république est maîtresse de l'Egypte. Je vous ai fait passer plusieurs lettres par la voie de Mokka, et j'espère que vous les aurez reçues. Les ports de Suez et de Cosseir sont occupés par des garnisons françaises et armés, les avisos que vous pourriez m'envoyer pour correspondre avec moi, seront donc sûrs d'y être protégés. Je désirerais que vous me fissiez passer le plus tôt possible quelques avisos pour pouvoir correspondre avec les Indes, et que vous profitassiez de ces bâtimens pour nous envoyer trois mille fusils de calibre, quinze cents paires de pistolets, mille sabres. La grande quantité de vaisseaux anglais qui inondent la Méditerranée, rend difficile l'arrivée des bâtimens de Toulon. Mes dernières nouvelles de France sont du mois de ventose: nous nous étions emparés du royaume de Naples, qui s'était déclaré pour les Anglais, et la république était dans l'état le plus florissant. Faites-moi passer par vos avisos toutes les nouvelles que vous pourriez avoir des Indes. L'établissement solide que la république vient de faire en Egypte sera une source de prospérité pour l'Ile de France. L'état-major vous fait passer différens imprimés qui vous feront connaître les événemens qui se sont passés dans ce pays-ci. Croyez, je vous prie, au désir que j'ai de faire quelque chose qui vous soit agréable. BONAPARTE. Au Caire, le 13 messidor an 7 (1er juillet 1799). _Au général Marmont._ J'ordonne au payeur, citoyen général, de faire passer 50,000 fr. à Alexandrie pour pourvoir à un mois de solde et aux différens crédits que le payeur ouvrira au génie, à l'artillerie et aux administrations. Les ouadis sont venus me trouver: quoique ces scélérats eussent bien mérité que je profitasse du moment pour les faire fusiller, j'ai pensé qu'il était bon de s'en servir contre la nouvelle tribu, qui parait décidément être leur ennemie. Ils ont prétendu n'être entrés pour rien dans tous les mouvemens du Bahireh: ils sont partis trois cents des leurs avec le général Murat, qui a trois cents hommes de cavalerie, trois compagnies de grenadiers de la soixante-neuvième, et deux pièces d'artillerie. Je lui ai donné ordre de rester huit ou dix jours dans le Bahireh pour détruire les Arabes et aider le général Destaing à soumettre entièrement cette province: mon intention est que tous les Arabes soient chassés au-delà de Marcouf. Le général Destaing avait reçu auparavant un bataillon de la quatrième, le quinzième de dragons et une compagnie du régiment des dromadaires. J'espère que des sommes considérables entreront promptement dans la caisse du payeur d'Alexandrie. Du moment où le Nil sera navigable, on vous enverra deux cent mille rations de biscuit, qui sont ici toutes prêtes. BONAPARTE. Au Caire, le 13 messidor an 7 (1er juillet 1799). _Au général Kléber._ Hassan Thoubar, citoyen général, se rend à Damiette. Il a laissé ici son fils en ôtage. Il compte habiter Damiette, ou du moins y laisser sa femme et sa famille pour assurer davantage de sa fidélité. Je lui ai restitué ses biens patrimoniaux. Quant aux femmes qu'il réclame, je n'ai rien statué, parce que j'ai pensé qu'elles étaient données à d'autres, et que d'ailleurs il serait ridicule qu'un homme dont nous avons eu tant à nous plaindre, reprit tout a coup une si grande autorité dans le pays. Par la suite, vous verrez le parti que vous pourrez tirer de cet homme. BONAPARTE. Au Caire, le 14 messidor an 7 (2 juillet 1799). _Au général Dugua._ Je vous envoie, citoyen général, les noms de cinq mameloucks, qui, je crois, sont ici sans passeport, puisqu'ils ne sont pas sur votre état. Prenez des renseignemens sur ces hommes, et, s'ils sont les mêmes que ceux que l'on m'a adressés comme mauvais sujets, faites-les arrêter de suite et conduire à la citadelle: Hussein, de la suite d'Oshman; Bey-Cherchaoui; l'émir Ahmed-Aboukul, de la maison Hussein-Bey; l'émir Hassan, mamelouck d'Ayoub-Bey; Aly-Effendi, de chez Sélim-Bey. Faites rechercher, je vous prie, s'il y aurait dans la ville d'autres mameloucks également sans passeport. BONAPARTE. Au Caire, le 14 messidor an 7 (3 juillet 1799). _Au général Desaix._ Je reçois, citoyen général, votre lettre du 3 messidor. J'ai reçu en même temps une lettre du général Friant de Bénêçoùef, du 12 messidor; il m'annonce que Mourad-Bey fuit dans le Bahhireh. Il est indispensable que vous fassiez partir tout de suite pour le Caire tous les escadrons ou hommes montés des neuvième de hussards, troisième, quatorzième et quinzième de dragons. Gardez avec vous tous les hommes du vingt-deuxième de chasseurs et du vingtième de dragons. Il me paraît qu'il'se trame quelque chose dans le Bahhireh; plusieurs tribus d'Arabes et quelques centaines de Maugrabins s'y sont rendus de l'intérieur de l'Afrique; Mourad-Bey s'y rend. Si ce rassemblement prenait de la consistance, il pourrait se faire que les Anglais et les Turcs y joignissent plusieurs milliers d'hommes. Nous n'avons encore, ni devant Damiette, ni devant Alexandrie, aucune espèce de croisière ennemie. On travaille tous les jours avec la plus grande activité aux fortifications d'El-Arich et de Catieh. On vous envoie tout ce qui reste du vingt-deuxième de chasseurs et du vingtième de dragons. Il part également une centaine d'hommes de votre division qui vont vous rejoindre. Si vous pouvez vous passer du bataillon de la soixante-unième, envoyez-le ici. Le général Davoust est tombé malade et n'a pu remplir la mission que je voulais lui confier. L'état-major n'a pas l'état des officiers auxquels vous avez accordé de l'avancement, envoyez-le moi, ainsi que celui des soldats auxquels vous désirez qu'il soit accordé des récompenses. J'attends des nouvelles d'Europe, Le vent commence à devenir bon et nos ports sont ouverts. Au reste, Perrée, avec ses trois frégates, doit y être arrivé: il était chargé de nos instructions particulières. J'attache une importance majeure à la prompte exécution du mouvement de cavalerie dont je vous ai parlé plus haut. Le général Dommartin se rendant a Alexandrie sur un bâtiment armé, a été attaqué par les Arabes. Il est parvenu, quoique échoué, à les repousser avec la mitraille; mais il a deux blessures qui ne sont pas dangereuses. On dit que vous avez quelques gros bâtimens provenant des mameloucks, et quelques djermes désarmées: faites passer tout cela au Caire, nous tâcherons d'en tirer parti. BONAPARTE. Au Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799). _Au scheick El-Békir, le premier des schérifs et notre ami._ Je vous écris la présente pour vous faire passer la demande que vous m'avez faite pour votre femme, pour dix karats de village, uniquement pour vous donner une preuve de l'estime que je fais de vous, et du désir que j'ai de voir tous vos voeux et tout ce qui peut vous rendre heureux s'accomplir. BONAPARTE. Au Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799). _Au général Reynier._ J'ai reçu, citoyen général, votre lettre de Seneta, du 10 messidor. Toute la cavalerie de l'armée est dans ce moment-ci dans le Rahhireh; il sera possible, cependant, de réunir une centaine de chevaux d'ici au 20, en y mettant une partie de mes guides. Faites en sorte que, ce jour-là, les cent hommes de cavalerie que vous avez soient à Belbeis, afin que ces deux cents hommes réunis, avec une pièce de canon, et deux cents hommes d'infanterie puissent nettoyer l'oasis. Je confierai cette opération au général Lagrange. Le seul moyen qui vient de réussir parfaitement au général Rampon, et qui lui a fait lever en très-peu de temps cent chevaux et tout le miri du Kelioubeh, c'est d'arrêter les scheicks qui ne payent pas, et de les tenir en ôtages jusqu'à ce qu'ils aient donné de bons chevaux et payé le miri. Avec votre infanterie et votre pièce de canon, vous en avez autant qu'il vous en faut pour ne pas vous détourner un instant de l'importante affaire de la levée du miri. Pour surprendre Elfy-Bey dans l'ouadi, il faut que les troupes partent le soir de Belbeis, marchent toute la nuit dans le désert, de manière à arriver, à la petite pointe du jour, au santon. BONAPARTE. An Caire, le 15 messidor an 7 (3 juillet 1799). _Au général Friant._ J'ai reçu, citoyen général, la lettre que vous m'avez écrite du Fayoum. La rapidité et la précision de votre marche vous ont mérité la gloire de détruire Mourad-Bey. Le général Murat, qui est depuis cinq à six jours dans le Bahhireh, et que j'ai prévenu de l'intention où était Mourad-Bey de s'y rendre, vous le renverra probablement. L'état-major vous écrit pour que vous fassiez une course dans la province d'Alfiéli, afin de détruire les mameloucks qui pourraient s'y être établis. BONAPARTE. Au Caire, le 17 messidor an 7 (5 juillet 1799). _Au général Lanusse._ Je reçois, citoyen général, votre lettre du 17 messidor: je suis fort aise que le village de Tatau soit innocent. Le général Friant m'instruit, par une lettre du 14, que Mourad-Bey est toujours à la fontaine de Rayenne. Il paraît qu'il y est malade de sa personne. Le général Friant va se mettre en route pour le déloger. Faites passer cette lettre au général Murat, et donnez-moi exactement toutes les nouvelles que vous pourrez avoir de ce qui se passe dans le Bahhireh. Je vous ai envoyé plusieurs procès-verbaux sur les assassinats commis sur nos courriers dans les villages de votre province; faites punir les scheicks de ces villages. Faites qu'avant l'inondation le miri soit levé. Envoyez-moi la note des villages qui, selon vous, ne sont pas assez taxés, afin de leur demander un supplément. J'attends les trente chevaux que je vous ai demandés. Je vais sous peu de jours me rendre à Menouf, pour, de là, reconnaître l'emplacement d'un fort au ventre de la Vache. Faites-moi connaître le nombre d'ouvriers que vous pourrez rassembler dans votre province, afin de pouvoir pousser vivement ce travail. Je désire fort que vous ayez la gloire de joindre Mourad-Bey. Elle serait due a l'activité et aux services que vous avez rendus pendant notre absence. Je n'ai point reçu le rapport du général Destaing, qui aura probablement été pris sur un des courriers, égarés. Faites-moi part des renseignement qu'il vous aurait donnés. BONAPARTE. Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799). _Au général Fugières._ Le nommé Achmet Abouzahra, scheick arabe, doit se rendre dans son village, où je désire que vous le rétablissiez dans ses terres et dans ses maisons. Il paiera trois mille talaris dans la caisse du payeur. Cela est soumis cependant aux renseignemens que vous aurez sur les lieux. Il est fort recommandé par des gens de considération. BONAPARTE. Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799). _Au général Murat._ Je reçois, citoyen général, votre lettre sans date, par laquelle vous m'annoncez que vous avez pris plusieurs mameloucks dans un santon, et que vous vous mettez en marche pour tomber à la pointe du jour sur le rassemblement. On m'assure que Sélim-Cachef, qui est votre prisonnier, est un grand coquin; méfiez-vous-en et envoyez-le moi sous bonne garde. Ne leur donnez pas un moment de relâche. Si Mourad-Bey descend dans le Bahhireh, ce qui ne paraît pas probable actuellement, il n'a pas avec lui plus de deux ou trois cents hommes mal armés et écloppés. D'ailleurs, je le ferai suivre par une bonne colonne. Si vous n'avez pas encore marché sur Mariouf, je désire que vous y alliez, et, dans ce cas, que vous ordonniez au général Marmont d'y envoyer de son côté une forte colonne d'Alexandrie. Tâchez de nous envoyer une cinquantaine de dromadaires, pour monter les hommes qui sont au dépôt. BONAPARTE. Au Caire, le 19 messidor an 7 (7 juillet 1799). _Au général Lanusse._ Je reçois votre lettre du 19, citoyen général; je crois faux les renseignements que vous avez. Mourad-Bey n'a pas bougé de la fontaine de Rayenne, située à douze lieues de Fayoum et à quatre journées du lac Natron. Le général Friant est parti le 18, et a dû arriver le 19 à la fontaine de Rayenne. Si Mourad-Bey avait pris le parti de se rendre au lac Natron, il arriverait le 22. Ainsi, sous ce point de vue, votre séjour à Terraneh peut être utile pour remplir le but que vous vous proposez. Je ne crois pas qu'il se rende au lac Natron. Je donne ordre au commandant de la province de Gizeh de partir avec seize hommes et une pièce de canon pour lever le miri dans sa province. Il combinera sa marche de manière à être le 22 à Wardam. Si donc vous faisiez une course au lac Natron, vous lui donneriez l'ordre de vous y suivre. C'est le chef de bataillon Faure qui commande cette province. BONAPARTE. Au Caire, le 20 messidor an 7 (8 juillet 1799). _A l'ordonnateur en chef._ Le médecin en chef désire retourner en France, citoyen ordonnateur; sa demande me paraît fondée sur un besoin réel de famille. Veuillez lui faire connaître que j'ai demandé au gouvernement son remplacement, je ne doute pas qu'il ne l'accorde; mais, dans tous les cas, je ne consentirai à son départ que lorsqu'il sera remplacé. BONAPARTE. Au Caire, le 20 messidor an 7 (8 juillet 1799). _Au général Dugua._ Vous ferez, citoyen général, trancher la tête à Abdalla-Aga, ancien gouverneur de Jaffa, détenu à là citadelle. D'après ce que m'ont dit les habitans de Syrie, c'est un monstre dont il faut délivrer la terre. BONAPARTE. Au Caire, le 21 messidor an 7 (9 juillet 1799). _Au général Lagrange._ Vous ferez partir ce soir, citoyen général, les deux cents hommes d'infanterie et les deux pièces de canon, qui iront coucher à Birket-el-Hadji. Ils en partiront demain pour se rendre à El-Menayer. Vous partirez avec la cavalerie demain au jour pour vous rendre à Birket-el-Hadji; vous y resterez toute la journée de demain, et vous en partirez à la nuit, pour arriver au jour au petit village à une lieue en deçà de Belbeis. En passant à El-Menayer, vous prendrez notre infanterie. Vous partirez le 20, à la nuit, de ce village, pour vous rendre par le désert dans l'Ouadi, à la suite d'Elfy-Bey. Le général Reynier doit avoir envoyé cent hommes de cavalerie à Belbeis pour tromper les espions; vous lui enverrez l'ordre de venir vous joindre à la nuit dans l'endroit où vous serez: ce mouvement rétrograde pourra faire croire que cette cavalerie va au Caire. Si cette cavalerie n'était pas encore arrivée, vous donneriez l'ordre qu'elle vienne vous rejoindre. Vous ferez prendre à vos troupes pour cinq jours de vivres au Caire. Je donne ordre à l'ordonnateur de vous fournir huit chameaux, sur lesquels vous mettrez pour cinq jours de vivres. Vous aurez soin que chacun de vos hommes ait un bidon, et vous ferez mener un chameau avec des outres par cent hommes; vous prendrez pour cela les chameaux du corps. Le but de votre expédition est d'obliger Elfi-Bey de dépasser El-Arich, si vous ne pouvez pas le surprendre et le détruire; de reconnaître la route qui va à Suez sans passer par Salabiar. Il doit y avoir des puits dans cette direction. Votre colonne doit être composée de deux cents hommes d'infanterie, de cent cinquante de cavalerie, de cent hommes de cavalerie que vous devez trouver à Belbeis, de cent Grecs à pied, commandés par le capitaine Nicolet, de trente à quarante hommes à cheval, commandés par le chef de bataillon Barthélémy. Vous aurez avec vous deux pièces d'artillerie et un ingénieur des ponts et chaussées. Vous ferez passer les ordres au chef de bataillon Barthélémy et au capitaine Nicolet de partir ce soir avec votre infanterie. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au sultan de Darfour_. Au nom de Dieu, clément et miséricordieux. Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. Au sultan de Darfour, Abd-El-Rahmons, serviteur des deux cités saintes, et calife du glorieux prophète de Dieu, maître des mondes. Je vous écris la présente pour vous recommander Aga-Cachef, qui est auprès de vous, et son médecin Soliman, qui se rend à Darfour et vous remettra ma lettre. Je désire que vous me fassiez passer deux mille esclaves mâles, ayant plus de seize ans. Croyez, je vous prie, au désir que j'ai de faire quelque chose qui vous soit agréable. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au général Dugua._ Vous ferez fusiller, citoyen général, les nommés Hassan, Jousset, Ibrahim, Saleh, Mahamet, Bekir, Hadj-Saleh, Mustapha, Mahamed, tous mameloucks. Quant aux nommés Osman, Ismael, Hussein, autres mameloucks, vous les ferez tenir en prison à la citadelle jusqu'à nouvel ordre. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au général Lanusse._ Mourad-Bey, après avoir fait semblant de se rendre dans la Haute-Egypte, citoyen général, a fait contre-marche dans la nuit, et à couché le 22 à Zaoé. Il est passé hier, à quatre heures après midi, à Aboukir, à trois lieues de Girgeh. On pense qu'il a été au lac Natron. Faites passer cet avis en toute diligence au général Destaing et au général Murat: j'attends dans une heure des détails ultérieurs. Il a avec lui deux cents hommes, compris les domestiques; il n'a que quarante chevaux; il est dans un grand état de délabrement; il est vivement poursuivi par le général Friant. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au Directoire exécutif._ Le citoyen Venture, secrétaire interprète pour les langues orientales, est mort en Syrie: c'était un homme de mérite. Il a laissé une famille qui a des titres à la protection du gouvernement. Le payeur général envoie à sa famille un bon de 12,000 fr. sur la trésorerie nationale pour une année d'appointemens. BONAPARTE. Au Caire, le 24 messidor an 7 (12 juillet 1799). _Au général Murat._ Je reçois, citoyen général, votre lettre du 23 messidor, aujourd'hui à cinq heures du soir. Vous m'apprenez votre voyage au lac Natron et votre départ, à cinq heures du soir pour Terraneh, où je suppose que vous êtes arrivé le 24 au matin. Vous verrez, par la copie de la lettre du général Friant, qu'il a pris quelques chameaux à Mourad-Bey, qui, après avoir fait une marche dans la Haute-Egypte, est rapidement retourné sur ses pas, a marché trois jours et trois nuits, et est arrivé hier 23 à quatre heures du soir au village de Dachour, près les pyramides de Sahara; il en est parti à cinq heures du soir pour prendre la route du désert: on croit qu'il s'est rendu au lac Natron. Le général Junot est aux pyramides: j'ai envoyé de tous côtés des hommes pour m'instruire de la marche de Mourad-Bey. Mourad-Bey a avec lui deux cents mameloucks, moitié à cheval, moitié sur des chameaux, en très-mauvais état, et cinquante à soixante Arabes: si le bonheur eût voulu que vous fussiez resté vingt-quatre heures de plus au lac Natron, il est très-probable que vous nous apportiez sa tête. Vous vous conduirez selon les nouvelles que vous recevrez; vous vous rendrez au lac Natron ou sur tout autre point du Bahhireb où vous penserez devoir vous porter pour nous débarrasser de cet ennemi si redoutable et aujourd'hui en si mauvais état. Le général qui aura le bonheur de détruire Mourad-Bey aura mis le sceau à la conquête de l'Egypte: je désire bien que le sort vous ait réservé cette gloire. BONAPARTE. Gizeh, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1799). _Au général Kléber._ L'adjudant-général Julien vous aura sans doute appris, citoyen général, la nouvelle de l'arrivée d'une flotte turque dans la rade d'Aboukir, le 24 messidor; et si la présence de l'ennemi ne vous en pas empêché, vous aurez opéré votre mouvement sur Rosette, en vous portant avec la majeure partie de vos forces sur l'extrémité de votre province, afin de pouvoir, dans le moins de temps possible, combiner vos mouvemens avec le reste. Je pars dans la nuit pour Terraneh, d'où je me rendrai probablement à Rahmanieh. Il faut livrer El-Arich et Catieh à leurs propres forces; et si aucune force imposante n'a encore paru devant Damiette, vous vous porterez dans une position quelconque, le plus près possible de Rosette. J'ai toute la journée couru les déserts, au-delà des pyramides, pour donner la chasse à Mourad-Bey. BONAPARTE. Gizeh, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1799). _Au général Dugua._ Je vais, citoyen général, partir pour quelques jours. Je retournerai au Caire, aussitôt que la nature des bâtimens qui ont paru et les forces qu'ils pourront porter me seront connues. Je vous fais passer copie de la lettre que j'écris au général Desaix: si jamais mes exprès étaient interceptés, et que vous appreniez qu'il se passe des événemens majeurs, vous êtes autorisé à le faire venir. Faites-moi passer tous les dromadaires et toute la cavalerie qui viendra de la Haute-Egypte ou du général Lagrange. Vous sentez combien il est nécessaire que j'aie quelques centaines d'hommes de cavalerie. Je donne ordre au payeur de vous faire solder tout ce qui vous est dû pour frais de table et bureaux de la place. Quant aux généraux Reynier et Lagrange, vous verrez que je ne décide encore rien sur leur destination: je les préviens seulement de se tenir prêts à faire un mouvement sur moi. Comme mes ordres pourraient être interceptés, ce sera à vous, si les circonstances l'exigent, à les en prévenir. J'ai donné ordre au capitaine Nicolet de rentrer au Caire avec ses Grecs. Envoyez plusieurs exprès pour le lui réitérer. Je vous prie de faire partir demain, par terre, une copie de ma lettre au général Desaix. BONAPARTE. Au Caire, le 27 messidor an 7 (15 juillet 1759). _Au citoyen Poussielgue._ Je m'éloigne pour quelques jours, citoyen administrateur; je vous prie de me donner très-souvent des nouvelles de ce qui se passera au Caire. Je ne doute pas que vous ne contribuiez, par votre activité et votre esprit conciliateur, à y maintenir la tranquillité, comme vous l'avez fait précédemment pendant mon incursion en Syrie. BONAPARTE. Terraneh, le 29 messidor an 7 (15 juillet 1799). _Au général Kléber._ Le quartier-général est aujourd'hui, citoyen général, à Terraneh. Le général Lanusse va se réunir avec le général Fugières et le général Robin pour former, dans le Delta, une colonne mobile, qui pourra se porter rapidement, soit sur un des points de là côte, soit sur les communications qui seraient sérieusement menacées. Je compte être le 1er thermidor à Rahmanieh. BONAPARTE. P.S. J'ai reçu des lettres, du 26, d'Alexandrie, par lesquelles on m'informe qu'il avait été aperçu, depuis le 24, une flotte ennemie, composée, tant gros que petits bâtimens, d'une soixantaine de voiles, dont seulement cinq de guerre. Terraneh, le 29 messidor an 7 (15 juillet 1799). _Au général Marmont._ J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 24, à la pointe du jour, de Rosette. Je n'ai eu aucune sollicitude pour Alexandrie. Soutenez Rosette. Je pense que vous serez posté à Aboukir, comme vous me l'annonciez, pour tomber sur les flancs de l'ennemi, s'il osait débarquer entre Aboukir et Rosette pour tenter un coup de main. Des troupes arrivent ce soir à Rahmanieh. Je couche ici ce soir avec l'armée. Je serai, le 1er thermidor, au soir, à Rahmanieh. J'ai fait mettre garnison et des canons dans les couvens du lac Natron. Mourad-Bey, chassé, poursuivi de tous côtés, s'est retiré dans le Fayoum; il a avec lui une centaine de mameloucks, 50 arabes et quarante hommes, tous exténués de fatigues et dans le dernier délabrement. Vous avez sans doute appris que le 24 du mois le général Lagrange est arrivé à la pointe du jour dans les oasis situés dans le désert, entre Suez, la Syrie et Belbeis, a surpris deux cents mameloucks, tué Osman-Bey-Cherkaoui, un des coryphées du pays, et pris sept cents chameaux. BONAPARTE. Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799). _A Moussa, chef de la tribu des Annadis._ Nous vous faisons savoir par une lettre, que nous sommes arrivés aujourd'hui à Terraneh avec l'armée, pour nous porter dans le Bahhireh, afin de pouvoir anéantir d'un seul coup nos ennemis, et confondre tous les projets qu'ils pourraient avoir conçus. Nous désirons que vous nous envoyiez, pour le premier thermidor au soir, à Rahmanieh, quelqu'un de votre part pour nous donner des nouvelles de tout ce qui se passe à Marion et dans le désert, ainsi que de tout ce qui serait à votre connaissance. Nous désirons aussi vous voir bientôt, avec bon nombre de vos gens, pour éclairer notre armée. Recommandez à tous vos Arabes de se bien comporter, afin qu'ils méritent toujours notre protection. J'ai fait occuper par nos troupes, et mettre des canons dans les couvens du lac Natron. Il sera donc nécessaire, quand quelqu'un de votre tribu ira, qu'il se fasse reconnaître, car j'ai ordonné qu'ils soient traités comme amis. Faites connaître le contenu de cette lettre à tous les scheicks, sur qui soit le salut. BONAPARTE. Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799). PROCLAMATION. Il n'y a d'autre dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. Aux scheicks, ulémas, schérifs, imans et fellahs de la province de Bahhireh. Tous les habitans de la province de Bahhireh mériteraient d'être châtiés; car les gens éclairés et sages sont coupables lorsqu'ils ne contiennent pas les ignorans et les méchans. Mais Dieu est clément et miséricordieux, le prophète a ordonné, dans presque tous les chapitres du Koran, aux hommes sages et bons d'être clément et miséricordieux: je le suis envers vous. J'accorde par le présent firman un pardon général à tous les habitans de la province de Bahhireh qui se seront mal comportés, et je donne des ordres pour qu'il ne soit formé contre eux aucune recherche. J'espère que désormais le peuple de la province de Bahhireh me fera sentir par sa conduite qu'il est digne de pardon. BONAPARTE. Terraneh, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799). _Au général Dugua._ Le nombre des vaisseaux ennemis, citoyen général, s'est augmenté d'une quinzaine de bâtimens légers. Vous sentez combien il serait nécessaire de presser le départ de tous les hommes dispersés. J'espère que le général Lagrange sera parti du Caire pour l'armée quand vous recevrez ceci. Il y a beaucoup de chefs de bataillon qui ne sont pas à leurs corps, parce qu'ils sont un peu incommodés, et qui ont pensé que ce n'était seulement qu'une course contre les Arabes. Faites que tous ces hommes nous rejoignent; il est essentiel que tout cela marche en corps: j'estime que les détachemens doivent être au moins de deux cents hommes. Ecrivez au général Desaix les nouvelles que je reçois, et que j'imagine que la colonne mobile contre Mourad-Bey est partie, et qu'il presse le départ de la cavalerie que je lui ai demandée. Dès que le bataillon de la 22e, ainsi que le général Rampon et sa colonne, seront arrivés au Caire, qu'il file en toute diligence sur Rahmanieh. Instruisez le général Reynier qu'il est nécessaire qu'il réunisse la garnison de Salahieh, en y laissant en tout, compris sapeurs et canonniers, cent vingt hommes, et qu'il soit prêt, à tout événement, à se porter de Belbeis par le Delta sur Rahmanieh: vous lui enverrez tous les grenadiers et l'artillerie de sa division. Il pourra aussi m'amener un millier d'hommes, qui pourront m'être d'un grand secours. Si dans trente-six heures vous ne recevez pas de lettre de moi, vous ordonnerez ce mouvement. Envoyez un des généraux qui sont au Caire en convalescence pour commander à Gizeh. Faites partir les deux demi-galères et la chaloupe canonnière _la Victoire_ pour Rahmanieh. Faites-y embarquer deux mille paires de souliers. Envoyez-nous sous leur escorte à Rahmanieh encore deux ou trois cent mille rations de biscuit et de la farine: l'ordonnateur en chef donne des ordres pour cet objet. Le convoi escorté par les trois djermes _la Vénitienne,_ etc., n'est pas encore arrivé. Je serai le 1er thermidor au soir à Rahmanieh. Je vous expédierai constamment deux courriers par jour. Si les Anadis continuent à nous rester fidèles, vous ne manquerez pas de nouvelles. Le citoyen Rosetti peut vous servir beaucoup en cela: ayez cependant l'oeil sur les démarches de cet homme. Sélim-Cachef, le dernier qui est venu du Bahhireh, m'est représenté comme un homme extrêmement dangereux; faites-le appeler, dites-lui que comme je vais dans le Bahhireh, je désire l'avoir avec moi, à cause de ses connaissances locales, et sur ce faites-le embarquer sur une des demi-galères, en le consignant au commandant et lui recommandant d'avoir pour lui quelques égards: que cependant il en répond comme d'une chose capitale. Faites fusiller les prisonniers qui se permettront le moindre mouvement. Fixez les yeux sur les approvisionnemens de la citadelle de Gizeh, Ibrahim-Bey et des petits forts. Faites connaître au divan que, vu les troubles survenus dans le Bahhireh et le grand nombre de mécontens qui s'y trouvent, j'ai jugé à propos de m'y rendre moi-même. Quant aux bâtimens qu'ils pourraient savoir être sur la côte, dites que nous croyons que ce sont des Anglais, et que l'on dit que la paix est faite entre les deux puissances. Dites que vous savez que je leur ai écrit, et sur ce demandez-leur s'ils ont reçu ma lettre: montrez-leur ma proclamation aux habitans du Bahhireh; amusez-les avec l'expédition du général Menou au lac Natron et du général Destaing à Mariouf. BONAPARTE. Au Caire, le 29 messidor an 7 (17 juillet 1799). _Au général Desaix._ Mourad-Bey a été au lac Natron, citoyen général; il n'a pas trouvé le rassemblement des bayouchi et des mameloucks: il est retourné: il a couché la nuit du 25 au 26 aux pyramides. Bertram, chef des Arabes, lui a fourni ce dont il avait besoin: il a disparu. Il est, à ce que mande le général Murat, au village de Dachour, à six ou sept heures d'ici: cela me contrarie beaucoup. Le 24, une flotte turque, composée de cinq vaisseaux de ligne, trois frégates, cinquante à soixante bâtimens légers ou de transport, a mouillé dans la rade d'Aboukir. Je n'ai des nouvelles de Damiette que du 23. Ibrahim-Bey est à Gaza, où il menace. Le général Lagrange a nettoyé les ouadis, près le camp des mameloucks, descendus de la Hautes-Egypte, tué Osman-Bey-Cherkaoui et chassé le reste dans le désert; mais il occupe le reste de ma cavalerie: ainsi il faut, dans ce moment, contenir Mourad-Bey qui est sur la lisière de la province de Gizeh, Osman-Bey, etc., et pourvoir au débarquement. Vous voyez qu'il est nécessaire de prendre des mesures promptes et essentielles. Je suis fâché que le général Friant n'ait pas suivi Mourad-Bey, ou du moins il ne devait pas, étant à portée du Caire, s'en éloigner sans savoir ce que j'en pensais. Il faut vous approcher de Bénêçoùef, réunir toutes vos troupes en échelon, de manière à pouvoir en peu de jours, être au Caire, avec la première colonne et les suivantes, à trente-six heures d'intervalle les unes des autres; tenir à Cosseir cent hommes, autant dans le fort de Keneh. Si le débarquement est une chose sérieuse, il faudra évacuer la Haute-Egypte, laissant vos dépôts en garnison dans vos forts; s'il n'est composé que de cinq ou six mille hommes, alors il faut que vous envoyiez une colonne pour contenir Mourad-Bey, le suivre partout où il descendra, dans le Bahhireh, le Delta, la Scharkieh ou dans la province de Gizeh. Pour ce moment, mon intention est que vous vous prépariez à un grand mouvement, et que vous vous contentiez de faire partir de suite une colonne pour poursuivre Mourad-Bey. Vous la dirigerez sur Gizeh. Je pense que vous aurez fait partir tous les hommes des septième de hussards, quatorzième, troisième et quinzième de dragons: nous en avons bien besoin. Je vais me porter dans le Bahhireh, avec cent hommes de mes guides, pour toute cavalerie. Je suis fâché que Destrée ne soit pas parti avec son régiment. BONAPARTE. Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799). _Au général Kléber._ Nous arrivons à Rahmanieh, citoyen général; l'adjudant-général Jullien m'apprend que l'avant-garde de votre division arrive à Rosette, et que vous-même n'en êtes pas éloigné avec le reste de votre division. Il paraît que l'ennemi a décidément débarqué à Aboukir, et est dans ce moment maître de la redoute. Ma ligne d'opération sera Alexandrie, Birket et Rosette. Je me tiendrai avec la masse de l'armée à Birket. Le général Marmont est à Alexandrie, et vous vous trouverez à Rosette l'un et l'autre ayant à peu près autant de monde, de sorte que vous vous trouvez former la droite, le général Marmont la gauche, et je suis au centre. Si l'ennemi est en force, je me battrai dans un bon champ de bataille, ayant avec moi ou ma droite ou ma gauche: celle des deux qui ne pourra pas être avec moi, je tâcherai qu'elle puisse arriver pour servir de réserve. Birket est à une lieue de la hauteur d'Elouah et à une lieue du village de Bécentor, village assez considérable. Prenez tous les renseignemens nécessaires sur la situation d'Efkout, village sur la route de Rosette à Aboukir par rapport a Birket, et tâchez de vous organiser de manière à pouvoir au premier ordre vous porter le plus promptement possible à Efkout ou à Birket, et comme il serait possible que nos communications fussent interceptées, tâchez d'avoir beaucoup de monde en campagne pour savoir ce que je fais et où je suis, afin que s'il arrivait des cas où il n'y eût pas d'inconvénient à un mouvement et où des avis vous feraient penser que j'ai dû vous ordonner de le faire, vous le fassiez. Vous trouverez à Rosette quelques pièces de campagne dont vous pourrez vous servir. Je vous envoie quatre copies de cette lettre, afin qu'elle vous parvienne. Quelque chose qui arrive, je compte entièrement sur la bravoure de seize à dix-huit mille hommes que vous avez avec vous: je ne pense pas que l'ennemi en aurait autant, quand même ces cent bâtimens seraient chargés de troupes. BONAPARTE. Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799). _Au divan de Rosette._ Je vous écris cette lettre pour vous faire connaître que je suis arrivé à Rahmanieh, et que je me dispose à me porter contre ceux qui voudraient troubler la tranquillité de l'Egypte. Depuis assez long-temps l'Egypte a été sous le pouvoir des mameloucks et des osmanlis, qui ont tout détruit et tout pillé. Dieu l'a mise en mon pouvoir, afin que je lui fasse reprendre son ancienne splendeur. Pour accomplir ses volontés, il m'a donné la force nécessaire pour anéantir tous nos ennemis. Je désire que vous teniez note de tous les hommes qui dans cette circonstance se conduiront mal, afin de pouvoir les châtier exemplairement. Je désire également que vous me fassiez passer deux fois par jour des exprès, pour me faire savoir ce qui se passe, et que vous envoyiez à Aboukir des gens intelligens pour en être instruits. Le général Abdallah Menou va se rendre à Rosette. BONAPARTE. Rahmanieh, le 2 thermidor an 7 (21 juillet 1799). _Au général Marmont._ Les divisions Rampon et Lannes, citoyen général, achèvent d'arriver aujourd'hui. Le général Murat, avec la soixante-neuvième, la cavalerie, un escadron de dromadaires et de l'artillerie, sera cette nuit sur la hauteur d'Ellouah. Si l'ennemi a pris Aboukir, envoyez la cavalerie et les dromadaires à Birket avec deux pièces de 8 bien approvisionnées, mon intention étant au préalable de réunir toute la cavalerie de l'armée. Si l'ennemi n'a pas pris Aboukir, mais qu'il y ait une nécessité imminente de le secourir, partez; le général Murat a ordre de vous seconder. Si Aboukir peut attendre encore que je prenne un parti moi-même, faites en sorte que j'aie demain au soir des nouvelles positives de l'état des choses. Je n'attends que ce rapport et la journée de demain pour le repos des troupes, pour marcher. Dans ces deux cas, préparez votre artillerie de campagne et vos obusiers. Dans tous les cas, vous recevrez un renfort de canonniers. Les rassemblemens du Bahhireh ayant été absolument détruits, Mourad poursuivi, réduit à une poignée de monde, ne sachant où se réfugier, je regarde l'opération des ennemis comme entièrement manquée. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _A l'adjudant-général Jullien._ J'ai reçu, citoyen commandant, des nouvelles d'Alexandrie; l'ennemi n'a encore fait aucun mouvement; on croit que le fort d'Aboukir tient toujours. J'attends ce soir le général Menou avec une colonne. Envoyez tous les jours des reconnaissances, afin que je puisse être prévenu à temps si l'ennemi faisait un mouvement sur vous. J'attends ce soir quatre cents hommes de cavalerie, et dans quelques jours autant: alors il y aura des postes en échelons jusqu'au débouché du lac Madieh, qui vous couvriront; mais jusqu'alors, envoyez tous les matins de fortes reconnaissances pour me prévenir à temps; et, pour vous, rentrez dans votre fort. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au général Murat._ J'attends ce soir, citoyen général, le chef de brigade Duvivier avec les cent soixante hommes qu'avait le général Lagrange, et deux cents hommes des septième hussards, quatorzième et quinzième de dragons, venant de la Haute-Egypte, et qui étaient arrivés le 29 à Boulac. Le chef de brigade Destrées arrivera trois jours après avec deux cents hommes. J'ai eu des nouvelles de Rosette en date d'hier au matin; il n'y avait rien de nouveau. Je fais partir ce soir cent canonniers, et j'envoie cent hommes de troupes de la garnison d'Alexandrie pour s'y rendre; je vous les adresse pour que vous régliez la marche pour le passage. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au général Dugua._ Je reçois, citoyen général, votre lettre du 30. J'attends avec la plus grande impatience la cavalerie que vous m'annoncez. Le général Reynier a dû vous envoyer tous les hommes du quatorzième qu'il a. Bessières m'assure qu'une trentaine de mes guides seraient disponibles en leur donnant des chevaux. Ecrivez à Destrées d'activer sa marche avec le plus de monde qu'il pourra. La trente-deuxième et la dix-huitième ont laissé, à elles deux, plus de six cents hommes au Caire. Si vous ne faites pas partir tous ces hommes de suite, je me trouverai avec fort peu de monde. Faites une revue scrupuleuse, et que tout ce qui appartient à la vingt-deuxième, même le bataillon qui doit être arrivé de Bénêçoùef, à la dix-huitième, à la trente-deuxième, à la treizième, à la soixante-neuvième, parte sans le moindre délai. Le général Rampon aura sans doute, à l'heure qu'il est, dépassé le Caire. Il avait avec lui soixante hommes d'artillerie à cheval qu'il faut m'envoyer. Faites partir le chef de bataillon Faure avec cent canonniers qui sont nécessaires pour jeter dans Alexandrie. L'ennemi débarque toujours à Aboukir. J'ai trouvé ici et à Rosette des pièces de campagne. Je m'organise. J'ai été joint par les généraux Lanusse, Robin et Fugières. On a cependant laissé à Menouf une centaine d'hommes. J'attends aujourd'hui à midi le général Menou qui est de retour du lac Natron. Je vous envoie une lettre que vous remettrez au divan du Caire. Que tous les envois que vous me faites soient toujours de deux cent cinquante à trois cents hommes, afin d'éviter toute espèce d'accidens. Je demande au payeur de nous envoyer 100,000 fr.; il sera bon alors pour l'escorte de profiter d'un moment où vous aurez quatre cents hommes à nous envoyer. Je vous recommande de nous envoyer jour par jour, et même deux fois par jour, les hommes qui doivent nous rejoindre: vous en sentez l'importance. Toutes les heures il peut y avoir une affaire décisive, et dans le petit nombre de troupes que j'ai, trois cents hommes ne sont pas une faible chance. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au divan du Caire._ Choisis parmi les gens les plus sages, les plus instruits et les plus éclairés, que le salut du prophète soit sur eux! Je vous écris cette lettre pour vous faire connaître qu'après avoir fait occuper le lac Natron, et presque le Bahhireh, pour rendre la tranquillité à ce malheureux pays et punir nos ennemis, nous nous sommes rendus à Rahmanieh. Nous avons accordé un pardon général à la province, qui est aujourd'hui parfaitement tranquille. Quatre-vingts bâtimens, petits et gros, se sont présentés pour attaquer Alexandrie; mais, ayant été accueillis par des bombes et des boulets, ils ont été mouiller à Aboukir, où ils commencent à débarquer. Je les laisse faire, parce que mon intention est, lorsqu'ils seront tous débarqués, de les atteindre, de tuer tout ce qui ne voudra pas se rendre, et de laisser la vie aux autres pour les mener prisonniers, ce qui fera un beau spectacle pour la ville du Caire. Ce qui avait conduit cette flotte ici, était l'espoir de se réunir aux mameloucks et aux Arabes pour piller et dévaster l'Egypte. Il y a sur cette flotte des Russes, qui ont en horreur ceux qui croient à l'unité de Dieu, parce que, selon leurs mensonges, ils croient qu'il y en a trois. Mais ils ne tarderont pas à voir que ce n'est pas le nombre des dieux qui fait la force, et qu'il n'y en a qu'un seul, père de la victoire, clément et miséricordieux, combattant toujours pour les bons, confondant les projets des méchans, et qui, dans sa sagesse, a décidé que je viendrais en Egypte pour en changer la face, et substituer à un régime dévastateur un régime d'ordre et de paix. Il donne par là une marque de sa haute puissance: car ce que n'ont jamais pu faire ceux qui croient à trois, nous l'avons fait, nous qui croyons qu'un seul gouverne la nature et l'univers. Et, quant aux musulmans qui pourraient se trouver avec eux, ils seront réprouvés, puisqu'ils se sont alliés, contre l'ordre du prophète, à des puissances infidèles et à des idolâtres. Ils ont donc perdu la protection qui leur aurait été accordée; ils périront misérablement. Le musulman qui est embarqué sur un bâtiment où est arboré la croix, celui qui tous les jours entend blasphémer contre le seul Dieu, est pire qu'un infidèle même. Je désire que vous fassiez connaître ces choses aux différens divans de l'Egypte, afin que les malintentionnés ne troublent pas la tranquillité des différentes villes: car ils périront comme Dahmanour et tant d'autres, qui, par leur mauvaise conduite, ont mérité ma vengeance. Que le salut de paix soit sur les membres du divan! BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au général Dugua._ Tous les drogmans, citoyen général, nous ont manqué: ces messieurs ont probablement assez volé. Je vous prie de faire arrêter le citoyen Bracevich, et en général tous les drogmans des généraux qui sont ici, de les embarquer sur une djerme armée, et de les envoyer à Rahmanieh. Le citoyen Poussielgue a deux jeunes gens de ceux que j'avais amenés de France, je vous prie de m'envoyer le plus intelligent. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au général Marmont._ Un renfort de canons, citoyen général, quelques hommes épars de votre garnison, et, ce qui est plus précieux encore, le citoyen Faultrier, partent pour vous rejoindre. Le général Murat, qui est parti hier pour reconnaître l'ennemi à Aboukir et prendre position à Birket, aura déjà communiqué avec vous, et vous aura fait passer mes dépêches. Le général Menou part dans l'instant même pour prendre le commandement de Rosette et de la province. Gardez-vous avec la plus grande vigilance; ne dormez que de jour; baraquez vos corps très à portée; faites battre la diane bien avant le jour; exigez qu'aucun officier, surtout officier supérieur, ne se déshabille la nuit; faites battre souvent de nuit l'assemblée ou toute autre sonnerie convenue, pour voir si tout le monde connaît bien le poste qui lui a été désigné, et réservez la générale pour les alertes réelles. Il doit y avoir à Alexandrie une grande quantité de chiens dont vous pouvez aisément vous servir en en liant un grand nombre à une petite distance de vos murailles. Relisez avec soin le règlement sur le service des places assiégées: c'est le fruit de l'expérience, il est rempli de bonnes choses. L'état-major vous envoie les signaux convenus pour pouvoir communiquer pendant le siége ou le blocus, si le cas arrivait. Si d'Aboukir ils vous écrivent pour vous sommer de vous rendre, faites beaucoup d'honnêtetés au parlementaire; faites-leur sentir que l'usage n'est pas de rendre une place avant qu'elle soit investie, que s'ils l'investissent, alors vous pourrez devenir plus traitable; poussez cette négociation aussi loin que vous pourrez, car je regarderais comme un grand bonheur, si la facilité avec laquelle ils ont pris Aboukir pouvait les porter à vous bloquer: ils seraient alors perdus. Sous peu de jours, j'aurai ici un millier d'hommes de cavalerie. S'ils ne vous font pas de proposition, et que vous ayez une ouverture naturelle de traiter avec eux, vous pourriez les tâter. La transition alors pourrait être de connaître la capitulation d'Aboukir, les sûretés qu'on a données à la garnison de passer en France, et si on tiendra cette promesse: ce qui, naturellement, vous mène à pouvoir faire sentir que vous les trouvez très-heureux. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au général Menou._ Arrivé à Rosette, citoyen général, votre première sollicitude sera de débarrasser le fort de tout ce qui l'encombre, vivres, artillerie, malades, d'envoyer tout à Rahmanieh. Le général Kléber doit avoir opéré son mouvement sur Rosette. Ma ligne d'opérations est Alexandrie, Birket et Rosette. Il faut que vous désigniez d'abord une garnison raisonnable pour le fort, qu'avec le reste vous vous teniez toujours organisé pour pouvoir vous porter sur Birket, qui est le point de toutes mes opérations. Faites partir demain soir de Rosette trente chameaux chargés de riz pour Birket, et dix chargés de biscuit: ce sera un grand service que vous me rendrez. Les chameaux retourneront pour faire un second voyage. Si vous pouvez aussi nous y faire passer vingt mille cartouches, cela nous rendra un service essentiel. Les cent hommes que vous chargerez de cette escorte, formeront une première patrouille de Rosette à Birket. Entretenez une correspondance très-active avec le général Kléber, et faites écrire par le divan de Rosette aux divans de Garbieh, Menouf et Damiette, pour leur donner les nouvelles telles qu'elles sont, et détruire les faux bruits qui pourraient circuler. Si l'ennemi faisait un mouvement en force sur Rosette, et que vous ne vous jugiez pas suffisant pour pouvoir le culbuter, vous vous renfermeriez dans le fort, et vous attendriez qu'une colonne partie de Birket se portât sur Ef-Kout pour prendre l'ennemi en flanc et par ses derrières; il en échapperait fort peu. Si le bataillon de Rosette vous avait rejoint, vous laisseriez l'adjudant-général Jullien dans le fort, et vous opéreriez votre retour sur Birket ou Rahmanieh. Dès l'instant que la cavalerie que j'attends sera arrivée, il y aura de très-fréquentes patrouilles de Birket à Ef-Kout et à Rosette. Au reste, dans toutes les circonstances qui peuvent arriver, le principal but, si vous êtes attaqué sérieusement, c'est de défendre le fort de Rosette, afin que l'ennemi n'ait pas l'embouchure du Nil; le second but est d'empêcher l'ennemi d'arriver à Rosette. Vous vous trouverez, avec une pièce de canon et votre garnison, à même de vous opposer à un détachement de quatre à cinq cents hommes qui voudraient passer Rosette. Enfin de vous trouver prêt, avec la colonne dont vous pouvez disposer, à me rejoindre sur le point de Birket. BONAPARTE. Rahmanieh, le 3 thermidor an 7 (22 juillet 1799). _Au divan de Rosette._ Dieu est grand et miséricordieux. Au divan de Rosette, choisi parmi les plus sages et les plus justes. J'ai reçu vos lettres et j'en ai compris le contenu. J'ai appris avec plaisir que vous avez les yeux ouverts pour maintenir tout le monde de la ville de Rosette dans le bon ordre. Le général Menou partira ce soir avec un bon corps de troupes; je porterai moi-même mon quartier-général à Birket, où je vous prie de m'envoyer les renseignement que vous pourrez avoir. Faites une circulaire pour faire connaître à tous les villages de la province, que heureux ceux qui se comporteront bien et contre qui je n'ai pas de plainte à faire: car ceux qui sont mes ennemis périront indubitablement. Que le salut du prophète soit sur vous. BONAPARTE. Rahmanieh, le 4 thermidor an 7 (23 juillet 1799). _Au général Desaix._ L'ennemi, citoyen général, a été renforcé de trente bâtimens, ce qui fait cent vingt ou cent trente bâtimens existans dans la rade d'Aboukir, et il est maître de la redoute et du fort d'Aboukir depuis le 23 messidor. Je pars aujourd'hui pour aller reconnaître sa position et voir s'il est possible de l'attaquer et culbuter dans la mer: car il paraît qu'il ne veut pas se hasarder à attaquer Alexandrie, et qu'il se contente, en attendant qu'il connaisse les mouvemens de Mourad-Bey et d'Ibrahim-Bey, de se fortifier dans la presqu'île d'Aboukir. Je désirerais bien avoir la cavalerie que je vous ai demandée, si je reste en position devant lui, parce que sa position serait telle qu'il serait impossible de l'attaquer. Le général Friant sera sans doute à la suite de Mourad-Bey: vous serez réunis de manière à pouvoir vous porter promptement au Caire. Je désire que vous vous y portiez de votre personne avec votre première colonne: vous vous ferez remplacer à Bénêçoùef par votre seconde colonne. Arrivé au Caire, vous réunirez ce qui s'y trouve de la division Reynier, pour vous trouver à même de marcher à Ibrahim-Bey s'il passait le désert sans toucher à El-Arich ni à Catieh; il devrait avoir, dans cette hypothèse, un millier de chameaux avec lui, et dès l'instant qu'il aurait touché eux terres d'Egypte, ce qui pourrait être entre Belbeis et le Caire, il faudrait marcher à lui. La garnison du Caire trouvera dans les forts un refuge certain, qui contiendront la ville, quelque événement qu'il puisse arriver. BONAPARTE. Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au général Desaix._ Vous aurez appris, par l'état-major, les succès de la bataille d'Aboukir: de quinze mille hommes qui étaient débarqués, mille sont restés sur le champ de bataille, huit mille se sont noyés en voulant rejoindre à la nage leur escadre, qui était si éloignée, que pas un n'a pu arriver; trois mille sont cernés dans le château, six mortiers tirent dessus; cinq cents hommes se sont noyés hier en voulant rejoindre leur escadre. Il y a déjà eu plusieurs parlementages pour se rendre; mais ils sont dans la plus grande anarchie. Le pacha est prisonnier: c'est ce si célèbre Mustapha qui a battu les Russes plusieurs fois la campagne passée. Nous avons pris plus de deux cents drapeaux, et quarante canons de campagne, la plupart de 4 de modèle français. Le général Fugières et le général Murat, le chef de brigade Morangié et Cretin ont été blessés: ce dernier est mort; le chef de brigade Duvivier a été tué, ainsi que l'adjudant-général Leturc, et mon aide-de-camp Guibert. La cavalerie s'est couverte de gloire: nous avons eu cent hommes tués et quatre cents blessés. Si vous êtes au Caire, retournez le plus tôt possible dans la Haute-Egypte, pour y achever la levée des impositions et des six cents dromadaires; je vous recommande surtout de faire filer les hommes du septième de hussards, du troisième, du quatorzième et quinzième de dragons. BONAPARTE. Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au général Reynier._ Vous avez reçu en route, citoyen commandant, l'ordre de retourner dans la Scharkieh. Ne perdez pas un instant, puisque l'inondation approche, pour lever les impositions. L'ennemi avait débarqué quinze mille hommes à Aboukir, pas un ne s'est échappé; plus de huit mille hommes se sont noyés en voulant rejoindre les bâtimens: leurs cadavres ont été jetés sur la côte au même endroit où furent, l'année dernière, jetés les cadavres anglais et français. Le pacha a été fait prisonnier. L'on m'assure que le visir, avec huit mille hommes, est arrivé à Damas; et qu'il avait le projet de se rendre dans la Scharkieh. Aux moindres nouvelles que vous en auriez, réunissez toute votre division à Belbeis; ayez soin que Salahieh soit approvisionné; faites-y une visite pour activer les travaux de manière que les redoutes soient à l'abri d'un coup de main. Je donne ordre pour qu'on vous fasse passer de Rahmanieh un obusier et une pièce de 8; nous ne manquons pas de pièces de 4, car nous en avons pris trente à l'ennemi; nous avons eu cent hommes tués et quatre cents blessés; Murat, Fugières, Morangié sont des seconds; Leturc, Cretin, Duvivier et mon aide-de-camp Guibert, sont des premiers. Le bataillon de la quatre-vingt-cinquième, qui est à Rosette, va retourner au Caire. BONAPARTE. Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au général Dugua._ L'état-major vous aura instruit du résultat de la bataille d'Aboukir, c'est une des plus belles que j'aie vues; de l'armée ennemie débarquée, pas un homme ne s'est échappé. Le bataillon de la quatre-vingt-cinquième part de Rosette pour se rendre au Caire. Aux moindres nouvelles de Syrie, réunissez toutes les troupes de la division Reynier à Belbeis. J'écris au général Desaix de retourner dans la Haute-Egypte. Le général Lanusse se rend à Menouf. Le général Kléber sera à Damiette lorsque vous recevrez cette lettre. Je reste ici quelques jours pour débrouiller ce chaos: d'Alexandrie, au moindre événement, je puis être au Caire dans trois jours. Comme il est possible que je passe par Rosette, envoyez-m'y les dépêches importantes, que vous m'adresseriez par duplicata. Je pense rester à Alexandrie jusqu'au 12. BONAPARTE. Au camp d'Aboukir, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au général Menou._ La place d'Aboukir est un poste important, je n'ai pas cru pouvoir la confier en meilleures mains que celles de l'adjudant-général Jullien. Le bataillon de la soixante-neuvième va se rendre auprès de vous pour remplacer celui de la quatre-vingt-cinquième, qu'il est très-urgent de faire passer au Caire. Dix-huit vaisseaux de guerre français ont passé de Brest à Toulon, où ils sont bloqués par l'escadre anglaise. L'hiver les fera arriver. Restez à votre position jusqu'à ce que le fort soit pris. La moitié de la garnison veut se rendre, et l'autre moitié aime mieux se noyer. Ce sont des animaux avec lesquels il faut beaucoup de patience. Au reste, la reddition ne nous coûtera que des boulets. BONAPARTE. Au quartier-général d'Alexandrie, le 9 thermidor an 7 (27 juillet 1799). _Au Directoire exécutif._ _Bataille d'Aboukir._ Je vous ai annoncé, par ma dépêche du 21 floréal, que la saison des débarquemens me déterminait à quitter la Syrie. Le 23 messidor, cent voiles, dont plusieurs de guerre, se présentent devant Alexandrie, et mouillent à Aboukir. Le 27, l'ennemi débarque, prend d'assaut, et avec une intrépidité singulière, la redoute palissadée d'Aboukir. Le fort capitule; l'ennemi débarque son artillerie de campagne, et, renforcé par cinquante voiles, il prend position, sa droite appuyée à la mer, sa gauche au lac Maadieh, sur de hautes collines de sable. Je pars de mon camp des Pyramides le 27, j'arrive le 1er thermidor à Rahmanieh, je choisis Birket pour le centre de mes opérations, et, le 7 thermidor, à sept heures du matin, je me trouve en présence de l'ennemi. Le général Lannes marche le long du lac, et se range en bataille vis-à-vis la gauche de l'ennemi, dans le temps que le général Murat, qui commande l'avant-garde, fait attaquer la droite par le général Destaing: il est soutenu par le général Lanusse. Une belle plaine de quatre cents toises sépare les ailes de l'armée ennemie; notre cavalerie y pénètre, et, avec la rapidité de la pensée, se trouve sur les derrières de la gauche et de la droite de l'ennemi, qui, sabré, culbuté, se noie dans la mer: pas un n'échappe. Si c'eût été une armée européenne, nous eussions fait trois mille prisonniers: ici ce furent trois mille hommes morts. La seconde ligne de l'ennemi, située à cinq ou six cents toises, occupe une position formidable. L'isthme est là extrêmement étroit; il était retranché avec le plus grand soin, flanqué par trente chaloupes canonnières: en avant de cette position, l'ennemi occupait le village d'Aboukir, qu'il avait crénelé et barricadé. Le général Murat force le village, le général Lannes, avec la vingt-deuxième et une partie de la soixante-neuvième, se porte sur la gauche de l'ennemi; le général Fugières, en colonnes serrées, attaque la droite. La défense et l'attaque sont également vives, mais l'intrépide cavalerie du général Murat a résolu d'avoir le principal honneur de cette journée; elle charge l'ennemi sur sa gauche, se porte sur les derrières de la droite, la surprend à un mauvais passage; et en fait une horrible boucherie. Le citoyen Bernard, chef de bataillon de la soixante-neuvième, et le citoyen Baylle, capitaine de grenadiers de cette demi-brigade, entrent les premiers dans la redoute, et par là se couvrent de gloire. Toute la seconde ligne de l'ennemi, comme la première, reste sur le champ de bataille ou se noie. Il reste à l'ennemi trois mille hommes de réserve qu'il a placés dans le fort d'Aboukir, situé à quatre cents toises derrière la seconde ligne; le général Lanusse l'investit: on le bombarde avec six mortiers. Le rivage, où, l'année dernière, les courans ont porté les cadavres anglais et français, est aujourd'hui couvert de ceux de nos ennemis: on en a compté plusieurs milliers: pas un seul homme de cette armée ne s'est échappé. Kuceiï Mustapha, pacha de Romélie, général en chef de l'armée, et cousin germain de l'ambassadeur turc à Paris, est prisonnier avec tous ses officiers: je vous envoie ses trois queues. Nous avons eu cent hommes tués, et cinq cents blessés. Parmi les premiers, l'adjudant-général Leturcq, le chef de brigade Duvivier, le chef de brigade Crétin, et mon aide-de-camp Guibert. Les deux premiers étaient deux excellens officiers de cavalerie, d'une bravoure à toute épreuve, que le sort de la guerre avait long-temps respectés; le troisième était l'officier du génie que j'ai connu qui possédait le mieux cette science difficile, et dans laquelle les moindres bévues ont tant d'influence sur le résultat des campagnes et les destinées des états: j'avais beaucoup d'amitié pour le quatrième. Les généraux Murât et Fugières, et le chef de brigade Morangié, ont été blessés. Le général Fugières a eu le bras gauche emporté d'un coup de canon; il crut mourir: _Général,_ me dit-il, _vous envierez un jour mon sort, je meurs_ _sur le champ d'honneur_. Mais le calme et le sang-froid, premières qualités d'un véritable soldat, l'ont déjà mis hors de danger; et, quoiqu'il ait été amputé a l'épaule, il sera rétabli avant quinze jours. Le gain de cette bataille est dû principalement au général Murat: je vous demande pour ce général le grade de général de division; sa brigade de cavalerie a fait l'impossible. Le chef de brigade Bessières, à la tête des guides, a soutenu la réputation de son corps; l'adjudant-général de cavalerie Roize a manoeuvré avec le plus grand sang-froid: le général Junot a eu son habit criblé de balles. Je vous enverrai dans quelques jours de plus grands détails, avec l'état des officiers qui se sont distingués. J'ai fait présent au général Berthier, de la part du directoire exécutif, d'un poignard d'un beau travail, comme marque de satisfaction des services qu'il n'a cessé de rendre pendant toute la campagne. BONAPARTE Alexandrie, le 10 thermidor an 7 (28 juillet 1799). _Au citoyen Faultrier._ Indépendamment, citoyen général, des quatre pièces de 24, des deux mortiers à la Gomère, de douze pouces, et des deux mortiers de 10 pouces à grande portée, j'ordonne qu'on vous fasse encore passer deux pièces de 24. Il faut les placer de manière à raser les maisons qui sont hors du fort. Arrangez-vous de manière à tirer cent vingt bombes par mortier dans vingt-quatre heures: c'est le seul moyen d'avoir quelque bon résultat. J'ordonne qu'on fasse partir cent cinquante marins pour servir aux travaux. Il faut décidément éloigner les chaloupes canonnières, raser les maisons du village, et de vos sept mortiers accabler le fort de bombes. J'espère que, dans la matinée ou demain tout ce résultat sera rempli. Vous aurez par là rendu un grand service. BONAPARTE. Alexandrie, le 15 thermidor an 7 (2 août 1799). Au général Dugua. Le fort d'Aboukir, citoyen général, où l'ennemi avait sa réserve pendant la bataille, et qui avait été renforcé par quelques fuyards, vient de se rendre. Nous n'avons pas cessé de lui jeter des bombes avec sept mortiers, et nous l'avons entièrement rasé avec huit pièces de 24. Nous avons fait deux mille cinq cents prisonniers, parmi lesquels se trouvent le fils du pacha et plusieurs de leurs grands: indépendamment de cela, il y a un grand nombre de blessés et une quantité infinie de cadavres. Ainsi, de quinze à dix-huit mille hommes qui avaient débarqué en Egypte, pas un homme n'a échappé; tout a été tué dans les différentes batailles, noyé ou fait prisonniers. Je laisse un millier de ces derniers pour les travaux d'Alexandrie, le reste file sur le Caire. Le 18, nous serons tous à Rahmanieh. Faites mettre les Anglais au fort de Sullowski; faites préparer un logement à la citadelle pour le pacha, son fils, le grand trésorier, une trentaine de grands, et à peu près deux cents officiers du grade de colonel jusqu'à celui de capitaine. S'il est nécessaire, vous pourrez mettre les prisonniers arabes dans un autre fort. Quant aux soldats, j'en enverrai du Caire à Damiette, Belbeis, Salabieh, pour les travaux. Dix-huit vaisseaux de guerre et l'escadre de Brest sont depuis deux mois à Toulon; ils sont bloqués par l'escadre anglaise. Les marins prétendent ici qu'ils arriveront en toute sûreté au mois de novembre. Il doit vous être arrivé des cartouches et beaucoup d'artillerie que j'ai ordonné d'envoyer de Rosette au Caire. BONAPARTE. Alexandrie, le 15 thermidor an 7 (2 août 1799). _Au général Menou._ Vous devez avoir reçu, citoyen général, les ordres de l'état-major relativement aux troupes qui sont actuellement sous vos ordres, et aux prisonniers. Dans la journée de demain, il ne-vous restera plus qu'un bataillon de la soixante-neuvième, les trois bataillons de la quatrième légère, et différens détachemens d'artillerie; faites sur-le-champ travailler à démolir les deux villages; faites déblayer toute l'artillerie de siège sur Alexandrie, hormis quatre pièces de 24, qui resteront à Aboukir, et deux mortiers à la Gomère. Faites embarquer à Rosette pour le Caire la pièce de 8 et l'obusier qui s'y trouvent; faites évacuer sur Rosette toutes les pièces de 4 ou de 3 qui ont été prises sur les Turcs, hormis deux qui resteront à Aboukir. Ordonnez qu'à mesure qu'elles arriveront à Rosette, on les fasse partir pour le Caire, hormis deux que l'on gardera pour le service de Rosette. Faites rétablir le ponton pour servir au passage du lac; faites armer de deux pièces de 12 ou de 16 la batterie Picot, et, comme il est nécessaire qu'elle soit à l'abri d'un coup de main, commencez par faire fermer par un bon fossé et un mur crénelé cette batterie. Faites recueillir et mettez dans un magasin toutes les tentes; avec le temps on les évacuera sur Rosette. Quant aux blessés, j'ai écrit par un parlementaire aux Anglais de venir les reprendre, je vous ferai connaître leur réponse. Pour ce moment, faites-les réunir ensemble sous quelques tentes dans une mosquée. Je désire que vous restiez encore quelques jours à Aboukir pour mettre les travaux en train, et réorganiser tout dans cette partie. Ordonnez à l'adjudant-général Jullien de se rendre à Aboukir. Vous lui laisserez le commandement lorsque vous verrez les choses dans un état satisfaisant. BONAPARTE. Rahmanieh, le 20 thermidor an 7 (7 août 1799). _Au général Destaing._ Vous avez mal fait, citoyen général, d'attaquer les Anadis, et vous avez encore bien plus mal calculé de penser que je vous enverrais de la cavalerie pour une attaque que j'ignorais et qui était contre mes intentions. Je ne vois pas effectivement pourquoi aller sans artillerie, presque sans cavalerie, attaquer des tribus nombreuses qui sont toujours à cheval, et qui ne nous disaient rien. Puisque vous pensiez que je ne devais pas tarder à arriver à Rahmanieh avec la cavalerie, il était bien plus simple de l'attendre. Je n'ai reçu votre lettre que près de Rahmanieh, et j'avais alors envoyé le général Andréossi avec toute la cavalerie et deux pièces de canon à la poursuite des Ouladis. Je ne sais pas s'il les rencontrera et ce qu'il fera. Vous nous avez fait perdre une occasion que nous ne retrouverons que difficilement. Nous nous étions cependant bien expliqués à Alexandrie, de commencer à traiter avec les Anadis pour pouvoir les surprendre ensuite avec la cavalerie. J'imagine que les Arabes seront actuellement bien loin dans le désert. Au reste, je laisse l'ordre à Rahmanieh, au général Andréossi, de protéger, avec la cavalerie et les dromadaires, les opérations qui pourraient être nécessaires pour éloigner les Arabes, en supposant qu'ils ne seraient pas acculés dans le désert. BONAPARTE. Au Caire, le l3 thermidor an 7 (10 août 1799). _Au directoire exécutif._ _Siège du fort d'Aboukir._ Le 8 thermidor, je fis sommer le château d'Aboukir de se rendre: le fils du pacha, son kiaya et les officiers voulaient capituler; mais ils n'étaient pas écoutés des soldats. Le 9, on continua le bombardement. Le 10, plusieurs batteries furent établies sur la droite et la gauche de l'isthme: plusieurs chaloupes canonnières furent coulées bas, une frégate fut démâtée, et prit le large. Le même jour, l'ennemi, commençant à manquer de vivres, se faufila dans quelques maisons du village qui touche le fort: le général Lannes y étant accouru fut blessé à la jambe; le général Menou, le remplaça dans le commandement du siége. Le 12, le général Davoust était de tranchée; il s'empara de toutes les maisons où était logé l'ennemi, et le jeta dans le fort, après lui avoir tué beaucoup de monde. La vingt-deuxième demi-brigade d'infanterie légère et le chef de brigade Magni, qui a été légèrement blessé, se sont parfaitement conduits. Le succès de cette journée, qui a accéléré la reddition du fort, est dû aux bonnes dispositions du général Davoust. Le 15, le général Robin était de tranchée: nos batteries étaient sur la contrescarpe; nos mortiers faisaient un feu très-vif; le château n'était plus qu'un monceau de pierres. L'ennemi n'avait point de communication avec l'escadre, il mourait de soif et de faim; il prit le parti, non de capituler (ces gens-ci ne capitulent pas), mais de jeter ses armes, et de venir en foule embrasser les genoux du vainqueur. Le fils du pacha, le kiaya et deux mille hommes ont été faits prisonniers. On a trouvé dans le château trois cents blessés, dix-huit cents cadavres. Il y a telle de nos bombes qui a tué jusqu'à six hommes. Dans les premières vingt-quatre heures de la sortie de la garnison turque, il est mort plus de quatre cents prisonniers, pour avoir trop bu, et mangé avec trop d'avidité. Ainsi cette affaire d'Aboukir coûte à la Porte dix-huit mille hommes et une grande quantité de canons. Pendant les quinze jours qu'a duré cette expédition, j'ai été très-satisfait de l'esprit des habitans d'Egypte: personne n'a remué, et tout le monde a continué de vivre comme à l'ordinaire. Les officiers du génie Bertrand et Liédot, le commandant de l'artillerie Faultrier, se sont comportés avec la plus grande distinction. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 août 1799). Au général Desaix. J'ai été peu satisfait, citoyen général, de toutes vos opérations pendant le mouvement qui vient d'avoir lieu. Vous avez reçu l'ordre de vous porter au Caire, et vous n'en avez rien fait. Tous les événemens qui peuvent survenir ne doivent jamais empêcher un militaire d'obéir, et le talent, à la guerre, consiste à lever les difficultés qui peuvent rendre difficile une opération et non pas à la faire manquer. Je vous dis ceci pour l'avenir. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 août 1799). Au même. Les provinces de Fayoum, de Minief et de Bénêçoùef, citoyen général, n'ont jamais dû fournir aux besoins de votre division, puisque même l'administration ne vous en a pas été confiée. Je vous prie de ne vous mêler d'aucune manière de l'administration de ces provinces. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 août 1799). Au même. Vous m'avez fait connaître, citoyen général, à mon retour de Syrie, que vous alliez faire passer 150,000 fr. au payeur général; vous m'apprenez par une de vos dernières lettres, que l'ordre du jour qui ordonne le paiement de thermidor et fructidor, vous empêchait d'exécuter ce versement. Cet ordre ne devait pas regarder votre division, puisqu'elle n'est arriérée que de ces deux mois, tandis que tout le reste de l'armée, indépendamment de ces deux mois, l'est encore de sept autres mois; et ce n'est avoir ni zèle pour la chose publique, ni considération pour moi, que de ne voir, surtout dans une opération de la nature de celle-ci, que le point où on se trouve. D'ailleurs, l'organisation de la république veut que tout l'argent soit versé dans les caisses des préposés du payeur général, pour n'en sortir que par son ordre. Le payeur général n'aurait jamais donné un ordre qui favorisât un corps de troupes plutôt qu'un autre. Il est nécessaire que le payeur de votre division envoie, dans le plus court délai, au payeur général l'état des recettes et dépenses; je vous prie de m'en envoyer un pareil. Vous sentez combien il est essentiel pour l'ordre, que l'on connaisse toute la comptabilité de l'armée. Je sais que vous vous êtes empressé d'y mettre tout l'ordre que l'on peut désirer. BONAPARTE. Au Caire, le 24 thermidor an 7 (11 août 1799). Au général Kléber. J'arrive à l'instant, général, au Caire. Le maudit château d'Aboukir nous a occupés six jours. Nous avons fini par y avoir huit mortiers et six pièces de 24. Chaque coup de canon tuait cinq à six hommes. Enfin, ils sont sortis le 15 en foule sans capitulation et jetant leurs armes. Quatre cents sont morts dans les premières vingt-quatre heures de leur sortie, il y avait six jours que ces enragés buvaient de l'eau de la mer. On a trouvé dans le fort dix huit cents cadavres; nous avons en notre pouvoir à peu près autant de prisonniers, parmi lesquels le fils du pacha et les principaux officiers. On va vous envoyer des pièces de campagne, afin que vous en ayez six à votre disposition. Procurez-vous des chevaux. Rien de bien intéressant d'aucun côté. Je vous enverrai demain ou après une grande quantité de galettes anglaises, où vous verrez d'étranges choses. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 août 1799). Au général Desaix. J'ai reçu, citoyen général, votre lettre du 18 thermidor; j'approuve complètement les projets que vous avez formés. Vous n'aurez effectivement achevé votre expédition de la Haute-Egypte qu'en détruisant Mourad-Bey. Il est devenu si petit, qu'avec quelques centaines d'hommes montés sur des chameaux, vous pourrez le pousser dans le désert et en venir à bout. Je vous ai demandé le bataillon de la soixante-unième, afin de reformer cette demi-brigade et de lui donner quelques jours de repos à Rosette. Dès l'instant que vous serez venu à bout de Mourad-Bey, je ferai relever toutes vos troupes. Je prépare, à cet effet, la treizième et une autre demi-brigade. Je serais d'ailleurs fort aise d'avoir vos troupes s'il arrivait quelque événement, ou sur la lisière de la Syrie, ou sur la côte. Les nouvelles que j'ai de Gaza ne me font pas penser que l'ennemi veuille rien entreprendre: ce n'est pas une chose aisée. Il n'y aurait de sensé pour lui que de s'emparer d'El-Arich, et lorsqu'il l'aurait pris, il n'aurait fait qu'un pas. Quant à l'opération de traverser le désert, il faut rester cinq jours et même sept sans eau. Il serait difficile, même impossible de transporter de l'artillerie, ce qui les mettrait bon d'état de prendre même une maison. Je donne ordre qu'on vous envoie quatre pièces de 3 vénitiennes qui sont extrêmement légères. Je vous laisse la vingt-unième, la quatre-vingt-huitième, la vingt-deuxième et la vingtième. Dès l'instant que l'inondation aura un peu couvert l'Egypte, j'enverrai le général Davoust, comme cela avait été mon projet, avec un corps de cavalerie, d'infanterie, pour commander les provinces de Fayoum, Miniet et Bénêçoùef: jusqu'alors, laissez-y des corps de troupes; arrangez vous de manière que vous soyez maître de ne laisser qu'une centaine d'hommes à Cosseir; que Keneh puisse contenir tous vos embarras, et que vous puissiez, en cas d'invasion sérieuse, pouvoir rapidement et successivement replier toutes vos troupes sur le Caire. Faites filer sur le Caire toutes les carcasses de barques, avisos ou bricks appartenant aux mameloucks, nous les emploierons pour la défense des bouches du Nil. J'ai reçu des gazettes anglaises jusqu'au 10 juin. La guerre a été déclarée le 13 mars par la France à l'empereur. Plusieurs batailles ont été livrées; Jourdan a été battu à Feldkirch, dans la forêt Noire, et a repassé le Rhin. Schérer, auquel on avait confié le commandement d'Italie, a été battu à Rivoli, et a repassé le Mincio et l'Oglio. Mantoue était bloquée. Lors de ces affaires, les Russes n'étaient point encore arrivés, le prince Charles commandait contre Jourdan, et M. Kray contre Schérer. L'escadre française, forte de vingt-deux vaisseaux de guerre et de dix-huit frégates, et partie de Brest dans les premiers jours d'avril, est arrivée au détroit, a présenté le combat aux Anglais, qui n'étaient que dix-huit, et est entrée à Toulon. Elle a été jointe par trois vaisseaux espagnols. L'escadre espagnole est sortie de Cadix et est entrée à Carthagène: elle est forte de vingt-sept vaisseaux de guerre, dont quatre à trois ponts; une nouvelle escadre anglaise est, peu de jours après, entrée dans la Méditerranée, et s'est réunie à Jervis et à Nelson. Ces escadres réunies doivent monter à plus de quarante vaisseaux. Les Anglais bloquent Toulon et Carthagène. Le ministre de la marine Bruis commande l'escadre française. A la première occasion, je vous enverrai tous ces journaux. Corfou a été pris par famine. La garnison a été conduite en France. Malte est ravitaillée pour deux ans. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 août 1799). _Au citoyen Poussielgue._ Vous voudrez bien, citoyen administrateur, faire signifier à la femme de Hassan-Bey que, si, dans la journée de demain, elle n'a pas payé ce qui reste dû de sa contribution, elle sera arrêtée et tous ses effets confisqués. Vous prendrez toutes les mesures pour accélérer le paiement de Hadji-Husseim. Les juifs n'ont encore payé que 20,000 fr.: il faut que dans la journée de demain, ils en payent 30,000 autres. Parmi les individus qui doivent, il y en a auxquels il ne fallait qu'une simple lettre pour les faire payer, entre autres Rosetti, Caffe, Calvi, et tous les individus de l'armée. Il y a la négligence la plus coupable de la part de l'administrateur des finances. Mon intention n'est pas d'accepter pour comptant du fermage des Cophtes, les différens emprunts que je leur ai faits, que je leur solderai en temps et lieu. Vous ferez demander 10,000 fr. à titre d'emprunt aux six principaux négocians damasquains, qui doivent être payés dans la journée de demain, et vous leur ferez connaître que mon intention est de les solder en blé. Faites-moi un rapport sur les affaires du tabac de Rosette; les renseignemens que j'ai eus sont que cela a dû rapporter 14 ou 15,000 fr. Faites-moi connaître ce qu'ont produit et ce que doivent les provinces de Gisey et du Caire. Faites-moi également connaître ce qu'ont rendu les douanes de Suez et de Cosseir depuis que nous sommes en Egypte, et ce qui serait dû par ces deux douanes. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 août 1799). _Au général Lanusse._ Je vous prie, citoyen général, de garder mes guides et mes équipages; je n'ai pas pu me rendre à Menouf, vu le désir que j'avais de prendre connaissance des affaires du Caire, et de mettre tout en train: car, selon l'usage des Turcs, ils ne payent rien et ne croient pas à la victoire jusqu'à mon arrivée; mais je compte, dans deux jours, débarquer au ventre de la Vache et vous aller trouver à Menouf. Je vous ferai prévenir vingt-quatre heures d'avance. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 août 1799). _Au général Dugua._ Vous ferez, citoyen général, interroger tous les scheicks El-Belet qui sont à la citadelle, pour savoir pourquoi ils ne payent pas leurs contributions; vous leur ferez connaître que, si, d'ici au premier fructidor, ils ne les ont pas payées, ils paieront un tiers de plus, et que, si, d'ici au 10 fructidor, ils n'ont pas payé ce tiers et l'imposition, ils auront le cou coupé. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 août 1799). _Au général Marmont._ Je donne ordre, citoyen général, que les deux demi-galères et la chaloupe canonnière _la Victoire_ se rendent à Rosette pour concourir à la défense du Bogaz, afin d'être en mesure, si M. Smith, ce que je ne crois pas, voulait tenter quelque chose avec ses chaloupes canonnières: cet homme est capable de toutes les folies. Vous sentez qu'il est nécessaire qu'un aussi grand nombre de bâtimens soient commandés par un homme de tête. Si le commandant des armes à Rosette n'avait pas le courage et le talent nécessaires, tâchez de trouver à Alexandrie un officier qui ait la grande main à cette défense: la faible garnison de Rosette fait que la défense du Nil est spécialement confiée à la flottille. BONAPARTE. Au Caire, le 25 thermidor an 7 (12 août 1799). Il est ordonné au citoyen Desnoyers, officier des guides, de se rendre sur-le-champ à Boulaq; il se présentera chez le commandant de la marine, qui mettra à sa disposition une demi-galère armée. Il s'embarquera dessus, se rendra à Rahmanieh, se présentera chez le commandant de la place, montrera l'ordre ci-joint pour avoir une escorte, et arrivera en toute diligence à Alexandrie; il remettra en propres mains la lettre ci-jointe au général Ganteaume: c'est sa dépêche principale. Il ne partira d'Alexandrie que lorsque le général Ganteaume l'expédiera; il retournera à Rahmanieh, il restera dans le fort jusqu'à ce qu'il reçoive de nouveaux ordres; un officier que je dois y envoyer lui portera les ordres, probablement du 2 au 5. Il est nécessaire qu'il soit rendu à Rahmanieh le 2 à midi, au plus tard. BONAPARTE. Au Caire, le 26 thermidor an 7 (13 août 1799). _Au général Desaix._ Je vous envoie, citoyen général, un sabre d'un très-beau travail, sur lequel j'ai fait graver: _Conquête de la Haute-Egypte_, qui est due à vos bonnes dispositions et à votre constance dans les fatigues. Voyez-y, je vous prie, une preuve de mon estime et de la bonne amitié que je vous ai vouée. BONAPARTE. Au Caire, le 26 thermidor an 7 (13 août 1799). _Au général Veaux._ Je suis très-peiné, citoyen général, d'apprendre que vos blessures vont mal: je vous engage à passer le plus tôt possible en France; je donne tous les ordres que vous désirez, pour vous en faciliter les moyens: j'écris au gouvernement conformément à vos désirs: vous avez été blessé au poste d'un brave qui veut redonner de l'élan à des troupes qu'il voit chanceler. Vous ne devez pas douter que, dans toutes les circonstances, je ne prenne le plus vif intérêt à ce qui vous regarde. BONAPARTE. Au Caire, le 27 thermidor an 7 (14 août 1799). _Au scheick El-Arichi Cadiashier, distingué par sa sagesse et sa justice._ Nous vous faisons connaître que notre intention est que vous ne confiez la place de cadi à aucun Osmanli: vous ne confirmerez, dans les provinces, pour la place de cadi, que des Egyptiens. BONAPARTE. Au Caire, le 27 thermidor an 7 (14 août 1799). _Au général Dugua._ Je vous prie, citoyen général, de faire arrêter tous les hommes de la caravane de Maroc qui seraient restés en arrière, et que les Maugrabins venant à Cosseir ne s'arrêtent qu'un jour, et filent, pour leur pays sans passer par Alexandrie. BONAPARTE. Au Caire, le 26 thermidor an 7 (15 août 1799). _Au sultan de Maroc._ Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. Au nom de Dieu clément et miséricordieux! Au sultan de Maroc, serviteur de la sainte Caabé, puissant parmi les rois, et fidèle observateur de la loi du vrai prophète. Nous profitons du retour des pélerins de Maroc pour vous écrire cette lettre et vous faire connaître que nous leur avons donné toute l'assistance qui était en nous, parce que notre, intention est de faire, dans toutes les occasions, ce qui peut vous convaincre de l'estime que nous avons pour vous. Nous vous recommandons, en échange, de bien traiter tous les Français qui sont dans vos états ou que le commerce pourrait y appeler. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 7 (15 août 1799). _Au bey de Tripoli._ Il n'y a pas d'autre Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète. Au nom de Dieu, clément et miséricordieux! Au bey de Tripoli, serviteur de la Sainte Caabé, le modèle des beys, fidèle observateur de la loi du vrai prophète. Nous profitons de l'occasion qui se présente pour vous recommander de bien traiter tous les Français qui sont dans vos états, parce que notre intention est de faire dans toutes les occasions tout ce qui pourra vous être agréable et de vivre en bonne intelligence avec vous. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 7 (15 août 1799). _Au général Desaix._ J'ai reçu, citoyen général, un grand nombre de lettres de vous, qui avaient été me chercher à Alexandrie et à Aboukir, et qui sont de retour. Vous aurez déjà reçu différentes lettres par lesquelles je vous fais connaître que vous pouvez rentrer dans vos positions de la Haute-Egypte, et de détruire Mourad-Bey. Je vous laisse le maître de lui accorder toutes les conditions de paix que vous croirez utiles. Je lui donnerai son ancienne ferme près de Gizeh; mais il ne pourrait jamais avoir avec lui plus de dix hommes armés: mais si vous pouviez vous en débarrasser, cela vaudrait beaucoup mieux que tous ces arrangemens. BONAPARTE. Au Caire, le 28 thermidor an 7 (15 août 1799).