Project Gutenberg's Oeuvres poétiques Tome 1, by Christine de Pisan This eBook is for the use of anyone anywhere at no cost and with almost no restrictions whatsoever. You may copy it, give it away or re-use it under the terms of the Project Gutenberg License included with this eBook or online at www.gutenberg.org Title: Oeuvres poétiques Tome 1 Author: Christine de Pisan Release Date: March 27, 2006 [EBook #18061] Language: French Character set encoding: ISO-8859-1 *** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK OEUVRES POÉTIQUES TOME 1 *** Produced by Pierre Lacaze, Carlo Traverso and the Online Distributed Proofreading Team at http://www.pgdp.net (This file was produced from images generously made available by the Bibliothèque nationale de France (BnF/Gallica))
PARIS
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ne vie complète de Christine de Pisan ne pourra être utilement élaborée que le jour où les oeuvres de cette célèbre femme auront été entièrement publiées et seront enfin sorties de l'oubli dans lequel elles demeurent injustement depuis plus de quatre siècles. Nous tenterons de l'écrire si nous réussissons à mener à bonne fin la tâche que nous nous sommes imposée. A l'heure présente il semble plus prudent de donner seulement au lecteur un simple aperçu biographique, contenant quelques notions indispensables, et de lui indiquer rapidement les sources principales auxquelles il pourra puiser de plus amples informations:
Jean Boivin.—Vie de Christine de Pisan (Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, II (1736), p. 704-14).
Abbé Sallier.—Notice sur Christine de Pisan (Mémoires de l'Académie des Inscriptions, XVII (1751), p. 515-25).
Mlle de Kéralio.—Collection des meilleurs ouvrages composés par des dames. Paris, 1787, II.
Raimond Thomassy.—Essai sur les écrits politiques de Christine de Pisan. Paris, 1838.
Robineau.—Christine de Pisan, sa vie et ses oeuvres. Saint-Omer, 1882.
Friedrich Koch.—Leben und Werke der Christine de Pizan. Goslar, 1885.
Indépendamment des indications fournies par les ouvrages précités, de nombreuses et consciencieuses recherches, tant dans les archives de France que dans celles d'Italie, pourront seules donner des détails biographiques ignorés jusqu'ici.
Une étude approfondie de l'ensemble de l'oeuvre de Christine apportera en même temps un précieux contingent à l'histoire de sa vie, de son influence littéraire. Car dans ses travaux mêmes l'auteur s'est plu à parler de ses propres impressions, à soulever discrètement le voile de sa vie, à retracer ses joies et ses malheurs; mais de toutes ses compositions la Mutation de Fortune et la Vision ont été surtout les dépositaires de ses sentiments personnels.
Voici quant à présent les grands traits de la vie de notre poète:
Christine de Pisan naquit à Venise vers 1363. Son père, homme distingué, avait épousé la fille d'un conseiller de la République vénitienne, charge à laquelle l'appelèrent bientôt lui-même l'estime et la considération de ses compatriotes. Thomas de Pisan jouissait en même temps d'une grande réputation de philosophe et d'astrologue. La renommée de son savoir et de son mérite étant parvenue jusqu'à la cour de France, Charles V lui fit des offres avantageuses pour l'attirer et l'attacher à sa personne. Notre savant italien ayant obtenu, avec les bonnes grâces du souverain, une place dans le Conseil royal, se résolut bientôt à adopter une nouvelle patrie et fit venir auprès de lui toute sa famille. Sa femme et la jeune Christine, âgée seulement de cinq ans, magnifiquement parées de riches costumes vénitiens, arrivèrent au Louvre (1368) et furent présentées au roi qui leur fit le plus gracieux accueil.
Elevée au milieu de cette cour de France, alors aussi renommée par sa magnificence que par la distinction des personnes qui la fréquentaient, Christine de Pisan y développa par une instruction soignée, par une éducation empreinte du meilleur ton et des sentiments les plus recherchés, les précieuses dispositions dont la nature avait si heureusement doté son intelligence supérieure. A peine fut-elle parvenue à sa quinzième année (1378) que les charmes de son esprit et de sa personne la firent rechercher d'un grand nombre de gentilshommes, mais son père fixa son choix sur un jeune homme d'une bonne maison de Picardie, Etienne du Castel, dont les qualités et le mérite tenaient lieu des avantages de la fortune.
L'avenir qui semblait s'ouvrir plein de promesses heureuses pour ces jeunes époux, réservait cependant à Christine de dures épreuves; les premières années de son mariage furent le point de départ de ses infortunes et de ses malheurs. Le roi mourut le 16 septembre 1380. Thomas de Pisan, déchu de son crédit et éloigné de la Cour, ne survécut que quelques années à son maître et à son bienfaiteur. Étienne du Castel, par sa valeur personnelle et par l'influence que lui donnait sa charge de secrétaire du roi, continuait encore les traditions de la famille de son beau-père, lorsqu'il fut emporté lui-même par une maladie contagieuse à l'âge de 34 ans (1389). Christine qui n'avait que 25 ans reste veuve avec trois enfants. Plongée dans sa profonde douleur elle est encore attristée par de nombreux procès avec des débiteurs de mauvaise foi et par des pertes d'argent qui en furent la conséquence; c'est alors qu'elle demande au travail, à la poésie, à la littérature, la consolation et l'oubli de ses peines. Elle commence une vie nouvelle, entièrement consacrée à l'étude, mais plus heureuse en douces satisfactions. Son talent se révèlera d'abord dans des poésies légères, pleines de charme et de saveur, jusqu'au jour où l'essor de son génie l'élèvera à la hauteur des grandes compositions qui ont immortalisé son nom.
Christine de Pisan, que sa situation précaire avait engagée à tirer parti de son instruction et de son remarquable talent, devait rechercher avec empressement toute occasion destinée à lui procurer quelques ressources. Aussi fit-elle exécuter un grand nombre de copies de ses oeuvres, afin de les offrir aux princes et aux riches seigneurs auxquels leur amour pour les lettres et la réputation de l'auteur faisaient un devoir d'apprécier ces gracieux hommages à leur juste valeur. Cette multiplicité de manuscrits rend aujourd'hui plus lourde et plus difficile la tâche que doit s'imposer tout éditeur consciencieux. En raison de cette considération nous avons cru préférable de préparer pour chaque tome une préface donnant la liste et l'appréciation des manuscrits renfermant les oeuvres que nous devons publier.
Notre riche Bibliothèque nationale possède plusieurs recueils contenant les poésies dont nous offrons le texte dans ce premier volume.
A¹.—(Bibl. Nat. F. français 835, 606, 836 et 605). Ces quatre volumes forment le ms. qui doit servir de base à cette édition, l'exécution en fut préparée et surveillée par Christine elle-même qui le destinait au duc de Berry; il est ainsi décrit dans les Inventaires publiés par M. L. Delisle1.
Note 1: Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale, III, p. 193.
«Un livre compilé de plusieurs balades et ditiés, fait et composé par damoiselle Cristine de Pisan, escript de lettre de court, bien historié et enluminé, lequel Monseigneur a acheté de la dite damoiselle 200 escus.—Tous mes bons jours.—50 liv. (Evaluation faite à la requête des exécuteurs testamentaires du duc de Berry).—Inventaire de l'année 1413, Arch. nat. KK 258.—Inventaire de l'année 1416, Bibl. Sainte-Geneviève, mss. L. 54 f.—Baillé à la Duchesse de Bourbonnais».
M. L. Delisle n'a pas rapporté cette mention au ms. de la Bibl. nat. qui porte actuellement le n° 835 du fonds français parce qu'une interversion de feuillets l'a empêché d'établir la concordance du premier vers du second feuillet, «Tous mes bons jours.»
Cette identification reconnue, nous devons en outre faire remarquer que le ms. de la bibliothèque du duc de Berry est aujourd'hui divisé en quatre fragments portant les numéros 835, 606, 836 et 605. Les oeuvres que renferment ces quatre tomes offrent une numérotation continue, ainsi qu'il suit:
Le ms. 835 contient les articles 1 à 13:
1 Cent Ballades.
2 Virelais.
3 Ballades «d'estrange façon».
4 Lais.
5 Rondeaux.
6 Jeux à vendre.
7 Ballades de divers propos.
8 Épitre au dieu d'Amours.
9 Complainte amoureuse.
10 Le Débat de deux Amants.
11 Le Dit des trois jugements amoureux.
12 Le Dit de Poissy.
13 Les Épitres sur le Roman de la Rose.
Le ms. 606 renferme l'art. 14:
14 L'Épitre d'Othéa.
Le ms. 836 comprend les art. 15 à 21:
15 Le Chemin de long estude.
16 Les Enseignements moraux.
17 Oraison Notre Dame.
18 Les quinze joies Notre Dame.
19 Le Dit de la «Pastoure».
20 Oraison Notre Seigneur.
21 Le duc des vrais amants.
Enfin le ms. 605 complète le vol. par les art. 22 à 25.
22 Épitre à la Reine Isabelle.
23 Épitre à Eustache Morel.
24 Proverbes moraux.
25 Le livre de Prudence.
Ces divers numéros d'articles, indiquant l'ordre dans lequel les différentes pièces ont été transcrites, permettent ainsi de reconstituer d'une façon certaine l'ensemble du ms. tel qu'il était à l'origine. D'ailleurs, si quelque doute subsistait encore après ce rapprochement pourtant bien caractéristique, il serait vite dissipé par un examen sommaire de l'écriture, de la disposition identique des quatre fragments, de l'enluminure des miniatures ou des lettres ornées, dues certainement à la même plume et au même pinceau.
M. Paulin Paris2 avait déjà reconnu l'ancienne composition du ms. pour les fractions portant les numéros 835, 836 et 605, mais il n'a pas reconstitué la totalité du volume. M. L. Delisle a également soupçonné cette corrélation sans l'expliquer et en l'étendant plus qu'il n'est légitime, car il semble faire rentrer dans la même famille des mss. tout à fait disparates3.
Note 2: Manuscrits françois de la Bibl. du Roi, V, 180, et VI, 399, 402.
Note 3: Inventaire des mss. français, I, p. 74.
Cette division existait d'ailleurs dès le commencement du XVIe siècle, ainsi qu'il est permis de le constater par trois mentions que la même main a tracées à cette époque sur le premier feuillet de garde collé aujourd'hui à la reliure des mss. 835, 606 et 605. La première note indique les oeuvres contenues dans le fragment 835, la seconde (ms. 606) est ainsi conçue: «En ce livre a cent une hystoire et XLVI feuilletz escriptz, et fut reveu par frere le IIe jour de avril Mil V c et dix», la troisième mention donne la même date. Il est donc probable qu'à l'origine le ms. se trouvait en cahiers simplement rattachés entre eux, mais non recouverts d'une reliure, et que pour le consulter plus facilement on le sépara bientôt en plusieurs parties qui furent reliées et inventoriées comme autant de livres différents. Le fragment 835 fut d'abord relié en velours rouge, aujourd'hui il l'est en maroquin rouge aux armes de France sur les plats, à la fleur de lis sur le dos; le ms. 836 était également recouvert de velours rouge, et aujourd'hui de veau racine au chiffre de Louis XVIII sur le dos. Quant à la reliure des autres fractions elle paraît avoir été identique, ainsi qu'il résulte des renseignements que l'on trouvera plus loin dans l'inventaire de la Bibliothèque des ducs de Bourbon.
Ces différents fragments réunis forment un superbe ms. composé des principales poésies de Christine, ne comprenant pas moins de 269 feuillets et illustré de 125 jolies miniatures.
Cette reconstitution nous permet en outre de fixer d'une façon précise l'époque de la confection du recueil. En effet, l'oeuvre la plus récente qui y soit insérée doit être sans aucun doute les Épitres sur le Roman de la Rose en tête desquelles se trouve la lettre d'envoi adressée à la reine Isabelle et datée de l'avant-veille de la Chandeleur 1407. C'est donc dans un intervalle de quatre ans, entre 1408 et 1413 (date du premier inventaire mentionnant le vol. de Christine) que notre ms. a été préparé et offert au duc de Berry. L'importance de l'ouvrage et la valeur des oeuvres qu'il renferme expliquent maintenant tout le prix que Jean de Berry devait y attacher et la générosité (200 écus) avec laquelle il sut reconnaître l'hommage de l'auteur. Il avait du reste accueilli avec beaucoup de grâce et de largesse le Livre du Chemin de longue étude le 20 mars 1403, le Livre de la Mutation de Fortune en mars 14044, les Faits et Bonnes moeurs de Charles V, le 1er janvier 1405, les Sept Psaumes, le 1er janvier 1410; il reçut encore plus tard, les Faits d'Armes et de Chevalerie, le 1er janvier 1413, et le Livre de la Paix le 1er janvier 1414; sa riche bibliothèque renfermait aussi un exemplaire distinct de l'Épitre d'Othéa et le livre de la Cité des Dames5; Christine lui avait donc offert successivement presque tous ses ouvrages.
Note 4: Ce ms. est aujourd'hui à la Bibl. royale de La Haye, n° 701.
Note 5: Fonds français, n° 607.
Le précieux ms., dont nous avons reconstitué l'ensemble, fut recueilli dans la succession du duc de Berry (inventaire de 1416), par sa fille Marie, épouse de Jean Ier duc de Bourbon; cette princesse, très versée dans l'étude des lettres, conserva de la superbe collection de son père 41 mss. qui lui furent attribués pour une somme de 2,500 liv.6; on estima 50 liv. l'exemplaire des oeuvres de Christine. Notre ms. prit désormais place dans la librairie que les ducs de Bourbon avaient installée dans leur château de Moulins, et pendant tout le XVe siècle resta entre les mains de ces princes qui se distinguèrent autant par la noblesse de leur race que par leur goût des livres et les encouragements qu'ils aimaient à donner aux savants leurs contemporains. En 1523 lorsque François Ier fit saisir les biens du connétable de Bourbon, on dressa l'inventaire de la librairie de Moulins. Un commissaire du roi, Pierre Antoine, en constata l'état le 19 septembre 1523 et se servit à cet effet d'anciens inventaires qui lui furent communiqués par Mathieu Espinete, chanoine de Moulins, commis à la garde des livres du duc de Bourbon. Parmi les nombreux mss. qui ornaient cette riche bibliothèque, nous trouvons sous la rubrique suivante (correspondant justement à la date des mentions inscrites sur les feuillets de garde des volumes et que nous avons signalées plus haut), une description détaillée et exacte des oeuvres comprises dans les divers fragments qui formaient à l'origine le ms. offert par Christine au duc de Berry.
Note 6: Voy. Delisle, le Cabinet des manuscrits, I, 167.
«Ce sont les livres qui ont été restituez et aportez de Paris l'an M. V c X. C'est assavoir:
—Ung volume ou a cent ballades, plusieurs laiz et virelay, l'espitre au dieu d'amours, le débat des deux amans, les troys jugemens, le dit de Poissy, les espitres sur le rommant de la Roze, en parchemin, à la main.
—Ung autre ou est le livre du chemin de long estude, les ditz de la Pastour, une belle oraison de Sainct Gregoires, et le livre du duc des vraiz amans, en parchemin, a la main.
—Ung autre volume contenant les troys livres de la cité des Dames, en parchemin, à la main (ms. indiqué à l'inventaire du duc de Berry, n° 293, auj. f. fr. 607.)
—Ung autre volume des espitres que Othea deesse de prudence envoya a Hector de Troye, en parchemin, a la main.
—Ung autre volume ou est ecrit le livre de Prudence, les proverbes moraulx, une espitre a la Royne de France, une autre a Eustace Morel, en parchemin, a la main.
Lesdits cinq livres sont touz couvers de veloux rouge et tenné, garnys de fermaus de leton, de boulhons et carrées».
(Inventaire des livres qui sont en la librairie du chasteau de Molins, 19 sept. 1523.—Bibl. Nat. coll. Dupuy; vol. 438.—Publié par M. Le Roux de Lincy, Paris, 1850, dans les Mélanges de la Société des bibliophiles français.—Réimprimé par M. Chazaud à la suite des Enseignements d'Anne de France. Moulins, 1878, in-4°, p. 255-6).
Ces mss. furent ensuite transportés au château de Fontainebleau où François Ier se glorifiait d'avoir formé une des collections les plus considérables de l'Europe. La Bibliothèque du Roi revint à Paris à la fin du règne de Charles IX; notre ms. y est conservé depuis cette époque, il figure en effet dans les inventaires de 1620 (Rigault) sous les cotes 593, 672, 673; de 1645 (Dupuy) comme portant les numéros 408, 409, 466, 862, et enfin dans le catalogue de 1682 sous les numéros 7088, 7089, 7216, 7217.
A²—Musée britannique, Harl. 4431.—Ornée de riches miniatures et d'une exécution très soignée, cette belle copie a été préparée pour être offerte à la reine Isabelle de Bavière, comme le témoigne la Dédicace de Christine de Pisan. Il est probable qu'à l'époque des malheurs qui affligèrent la France au XVe siècle ce ms. fut transporté en Angleterre. Une mention inscrite sur un feuillet de garde permet de constater qu'au XVIIe siècle il faisait partie de la collection du duc de Newcastle; cette indication est ainsi conçue «Henry Duke of Newcastle, his booke, 1676.» Le volume renferme 398 feuillets et est illustré de superbes miniatures7. Ce bel exemplaire est d'un grand prix en raison de son origine, de sa richesse et de la qualité de son texte, mais ce qui lui donne surtout une valeur exceptionnelle, c'est qu'il renferme un certain nombre de poésies qui n'existent pas dans les divers mss. des dépôts publics de notre pays; il nous fournit le texte de cinq nouvelles ballades et de quatre rondeaux, plus une complainte amoureuse inconnue jusqu'ici; il contient, en outre, un poème tout entier intitulé «Cent Balades d'Amant et de Dame», véritable peinture des impressions délicates et variées de deux amoureux dont les sentiments sont tracés avec beaucoup de grâce et d'expression. Cette oeuvre assez considérable a dû être composée uniquement pour la reine Isabelle de Bavière, ainsi que peuvent le laisser supposer quelques mots de la Dédicace et de la première ballade8. Ce recueil de ballades n'est mentionné dans aucune des publications qui comprennent l'énumération des compositions poétiques de Christine de Pisan et nous serons heureux d'en offrir la primeur dans l'un des volumes suivants. Nous donnons dès à présent la Dédicace à la reine Isabelle:
Note 7: Voy. Bibliographer's s Decameron, par Rev. T. F. Dibdin, London, 1817, p. 134.—Schaw. Dresses and Decorations of the Middle Age, London, 1843; et The Illuminator's Magazine, 1862, numéros 8 et 9.
Note 8: Voy. vers 50 à 60 de la Dédicace à la reine Isabelle et le passage suivant des «Cent Balades d'amant et de dame»:
Quoy que n'eusse corage ne pensée
Quant a present de dits amoureux faire,
Car autre part adès suis a pensée,
Par le command de personne, qui plaire
Doit bien a tous, ay empris a parfaire
D'un amoureux et sa dame ensement,
Pour obeïr a autrui et complaire,
Cent balades d'amoureux sentement.
Trés excellent, de grant haultesse
Couronnée, poissant princesse,
Trés noble roÿne de France,
4Le corps enclin vers vous m'adresce
En saluant par grant humblece;
Pry Dieu qu'il vous tiengne en souffrance
Lonc temps vive, et après l'oultrance
8De la mort vous doint la richece
De Paradis, qui point ne cesse,
Et au monde sanz decevrance
Paix, joye et toute recouvrance
12De quanqu'il affiert a leece.
Haulte dame, en qui sont tous biens,
Et ma trés souvraine, je viens
Vers vous, comme vo creature,
16Pour ce livre cy que je tiens
Vous presenter, ou il n'a riens,
En histoire n'en escripture,
Que n'aye en ma pensée pure
20Pris ou stile que je detiens
Du seul sentement que retiens
Des dons de Dieu et de nature,
Quoy que mainte aultre creature
24En ait plus en fait et maintiens.
Et sont ou volume compris
Plusieurs livres es quieulx j'ay pris
A parler en maintes manieres
28Differens, et pour ce l'empris
Que on en devient plus appris
D'oÿr de diverses matieres,
Unes pesans, aultres legieres,
32A qui se delitte ou pourpris
Des livres, qui maint ont en pris
Fait monter et prendre manieres
Belles; si doit on avoir chieres
36Escriptures, non en despris.
Car, si que les sages tesmoignent
En leurs escrips, les gens qui songnent
De lire en livres voulentiers,
40Ne peut qu'aucunement n'eslongnent
Ygnorence, que ceulx ressongnent
Qui de sens suivent les sentiers,
Si en valent mieulx ceulx le tiers,
44Voire plus qui s'en embesongnent
Et qui la peine ne ressongnent
D'apprendre, il n'est si beaulx mestiers
Ne qui face gens si entiers,
48Quoy que les folz, peut estre, en grongnent
Si l'ay fait, ma dame, ordener
Depuis que je sceus qu'assener
Le devoye a vous, si qu'ay sceu
52Tout au mieulx et le parfiner
D'escripre et bien enluminer,
Dès que vo command en receu,
Selons qu'en mon cuer j'ay conceu
56Qu'il faloit des choses finer
Pour bien richement l'affiner
A fin que fust apperceü
Que je mets pouoir, force et sceu,
60Pour vo bon vueil enteriner.
Dont vous plaise, trés haulte et digne,
Le prendre en gré, tout soye indigne
Que mon euvre estre presentée
64Vous doye, mais vostre benigne
Condicion qui ne decline
D'umilité, trés redoubtée
Dame, tout soiez hault montée,
68Ne vous seuffre en fait ne en signe
Que ne soyez, comme roÿne
Doit estre, humaine et arrestée;
Et pour ce ne me suis doubtée
72Que vous l'ayés a ce termine.
De mon labour et lonc travail
Du livre que mes en vo bail,
Qui contient grant euvre et penible,
76Combien que peut estre g'y fail
En maint lieux parce que je vail
Trop pou en sens, bien est possible,
Ne vueillez pas, dame sensible,
80Pour tant prendre garde au deffail,
Mais a ce que je me travail
Voulentiers de ce que possible
M'est a faire en chose loisible,
84Qu'a haulte gent voulentiers bail.
Si suppli en conclusion,
Haulte dame d'atraction
D'empereurs de digne memoire,
88Qu'en benigne devocion
Vous plaise mon entencion
Prendre en gré, qui loyale et voire
Est et sera, et si notoire
92Ceste mienne posicion
Vous soit qu'a tousjours mencion
Soit de moy en vostre memoire,
Si que vostre grace m'avoire
96Qu'ayés a moy affection.
Le ms. du Musée Britannique contient les mêmes formes de langue que nous rencontrons dans le ms. de la Bibl. Nat. Comme ce dernier il renferme 50 ballades «de divers propos», tandis que 29 seulement se trouvent dans les autres mss.; de plus il n'apporte pour ainsi dire pas de variantes au texte du ms. que nous avons reconstitué plus haut et paraît avoir été confectionné sur le même plan ou d'après les mêmes documents, mais à une époque un peu postérieure. Il contient en effet des oeuvres qui ne se trouvent pas dans le ms. du duc de Berry, à côté duquel nous le jugeons cependant digne à tous égards de prendre place.
Toutefois, malgré les avantages que peut offrir le ms. du Musée britannique, nous n'avons pas eu d'hésitation pour adopter dans cette édition le texte du ms. du duc de Berry et lui donner la préférence pour toutes les poésies qu'il renferme. Il est facile du reste d'invoquer en sa faveur les meilleures considérations, tirées non seulement de son origine bien établie, mais surtout de l'excellence de son texte. Enfin une dernière raison, et elle a bien son importance, il est de tous les mss. que nous ayons retrouvés, celui qui se rapproche le plus de la date de composition des différentes pièces dont il donne le texte9.
Note 9: La confection du ms. du Musée britannique ne peut en aucune façon être considérée comme antérieure à celle du ms. du duc de Berry. Ces recueils contiennent tous deux les Epîtres sur le Roman de la Rose renfermant une pièce datée de la fin de l'année 1407, or nous avons vu que notre ms., figurant à l'inventaire de 1413, a dû être composé entre cette dernière date et 1408, on pourrait tout au plus admettre que les deux mss. sont absolument contemporains, mais comme le ms. de Londres se trouve complété de diverses poésies nouvelles, il est logique d'en inférer qu'il est plus jeune de quelques années que son frère de la Bibl. Nat. (Voy. plus loin ce que nous disons au sujet des ballades de divers propos, Autres Balades § VII, p, XXXVI.)
Ce ne sera donc que pour mémoire, et afin d'établir une généalogie complète, que nous signalerons les mss. suivants, exécutés vers le milieu du XVe siècle et bien inférieurs sous tous les rapports aux deux mss. précédents:
B¹.—Le ms. 604 du fonds français, sur vélin, très volumineux (314 feuillets), mais incomplet de plusieurs feuillets, contient la plus grande partie des oeuvres poétiques de Christine; cependant sa préparation est restée inachevée, la place des miniatures est en blanc et les lettres initiales, destinées à recevoir une ornementation ne sont même pas indiquées10. Il était coté dans l'ancien fonds (Inventaire de 1682) sous le n° 7087-2 et provenait de la collection De La Mare n° 413.
Note 10. C'est d'après ce ms. inférieur que M. Guichard a donné le texte des Cent Ballades dans le Journal des savants de Normandie (année 1844, p. 371 et s.). Cette publication est, en outre, parsemée de fautes ou de mauvaises lectures.
B².—Le ms. 12779 (174 feuillets), à peu près de la même époque que le précédent, mais plutôt de la seconde moitié du XVe siècle, ne présente pas grand intérêt; défectueux de quelques feuillets, il renferme des miniatures très médiocres. Il a appartenu à La Curne de Sainte-Palaye qui en fit faire deux copies, l'une conservée aujourd'hui à la Bibliothèque de l'Arsenal sous le n° 3295 (provenant de la collection Mouchet, n° 6), et l'autre à la Bibl. Nat. Fonds Moreau, 1686 (Mouchet, n° 8).
B³.—Nous devons indiquer en même temps un autre ms. faisant partie de la même famille, et déposé par M. le comte de Toustain chez MM. Morgand et Fatout, libraires11. Il contient en deux volumes presque toutes les poésies de Christine, mais il est absolument identique pour le texte aux mss. 604 et 12779. Nous ferons également remarquer que ce ms. porte, comme ses deux contemporains de la Bibl. nat., la rubrique suivante inscrite sur la feuille de garde:
Note 11: Voir le Répertoire général de la librairie Morgand et Fatout, 1882, p. 190 (n° 1482).
«Cy commencent les rebriches de la table de ce présent volume, fait et compilé par Christine de Pisan, demoiselle, commencié l'an de grâce Mil c.c.c. iiij xx xix, Eschevé et escript en l'an Mil quatre cens et deux, la veille de la nativité Saint Jean-Baptiste.»
Cette mention, qui ne peut se rapporter qu'à la date de composition des premières poésies contenues dans ces trois mss., nous fournit une indication certaine pour établir la parenté rapprochée qui existe entre eux. Cette alliance se manifeste sous bien d'autres rapports. Nous en trouvons la preuve dans l'ordre identique suivi pour la transcription des différentes pièces, dans le nombre des ballades de divers propos qui est le même dans les trois mss., dans la forme orthographique des mots, dans la similitude des variantes, et enfin dans certaines lacunes et quelques vers faux qui se trouvent rectifiés dans les mss. A12.
Note 12: Voici quelques renvois qui prouvent en faveur de l'excellence du texte donné par la famille A:
Ainsi les vers suivants manquent dans la famille B: Cent Ballades, XI vers 22 à 25, XXIX v. 12 et 21, LXXII v. 22 à 25; Virelais, IX v. 10; Ier Lai, v. 73 et 74, 77, 208, 213, 241; IIe Lai, v. 55, 61, 74 à 76, 212; etc.
De plus, les vers indiqués ci-dessous se trouvent justes dans A tandis qu'ils sont faux dans B: Cent Ballades, III vers 5, XV v. 16, XX v. 7, XXIX v. 3, XXXVIII v. 13, XLIX v. 18; Virelais, XIII v. 5; Autres Ballades, VI v. 6, XII v. 6, etc.
Nous pourrions multiplier les exemples, mais ces indications nous semblent suffisantes pour édifier le lecteur.
Ces divers rapprochements nous ont permis de reconstituer dans le tableau suivant la généalogie probable des mss. contenant les oeuvres que nous publions dans ce premier volume:
ORIGINAL /\ A¹ A² «B» / \ B¹ B² B³
Les quelques indications données plus haut sur la disposition des différentes oeuvres d'après les familles de manuscrits et sur le nombre variable des compositions, principalement des ballades de divers propos, ressortiront plus clairement encore des deux tableaux ci-joints, qui seront en même temps les meilleures pièces justificatives de la généalogie que nous venons d'établir.
Ordre suivant lequel sont disposées les diverses oeuvres contenues dans les manuscrits des familles A et B.
A¹ A² B¹ B² B³ I. 1.--CENT BALLADES. 1.--CENT BALLADES. 1.--CENT BALLADES. II. 2.--16 VIRELAIS. 2.--16 VIRELAIS. 2.16 VIRELAIS III. 3.--4 BALLADES 3.--4 BALLADES 3.--3 BALLADES D'ESTRANGE FAÇON. D'ESTRANGE FAÇON. D'ESTRANGE FAÇON. La 4e se trouve reportée au milieu des autres Ballades, sous le n° XXI. IV. 4.--2 LAIS. 4.--2 LAIS. 4.--29 BALLADES DE DIVERS PROPOS (29 ballades seulement). V. 5.--67 RONDEAUX. 5.--67 RONDEAUX. 5.--COMPLAINTE AMOUREUSE. Les rondeaux 59, 62, Le même ordre 63 et 64 manquent sauf pour les dans B. rondeaux XXVII et XXVIII qui portent ici les numéros XLVII et XLVIII. VI. 6.--70 JEUX A VENDRE. 6.--70 JEUX A VENDRE. 6.--2 LAIS. VII. 7.--50 AUTRES BALLADES ou 7.--50 BALLADES DE 7.--65 RONDEAUX BALLADES DE DIVERS DIVERS PROPOS. Les rondeaux 54 et PROPOS 69 manquent dans A. La ballade 44 de A2 manque Même ordre et même et est nombre, mais la remplacée par une autre (45) ballade 46 de A1 qui ne manque et est se trouve pas dans A2. remplacée par une nouvelle. VIII. 8.--ÉPITRE AU DIEU 8.--UNE COMPLAINTE 8.--70 JEUX A D'AMOURS. AMOUREUSE. VENDRE. IX. .................. 9.--ENCORE AUTRES .................. BALLADES. X. 9.--COMPLAINTE AMOUREUSE 10.--ÉPITRE AU DIEU 9.--LE DÉBAT DE DEUX D'AMOURS. AMANTS. XI. .................. 11.--UNE AUTRE .................. COMPLAINTE AMOUREUSE. XII. 10.--LE DÉBAT DE DEUX 12.--LE DÉBAT DE DEUX 10.--ÉPITRE AU DIEU AMANTS. AMANTS. D'AMOURS. XIII. .................... .................... 11.--LE DIT DE LA ROSE. XIV. 11.--LE DIT DES 11.--LE DIT DES 12.--LE DIT DES TROIS JUGEMENTS TROIS JUGEMENTS TROIS JUGEMENTS AMOUREUX. AMOUREUX. AMOUREUX. XV. 12.--LE DIT DE POISSY. 14.--LE DIT DE POISSY. 13.--LE DIT DE POISSY. XVI. 13.--LES ÉPITRES SUR 15.--L'ÉPITRE D'OTHEA. 14.--L'ÉPITRE LE ROMAN DE LA ROSE. D'OTHEA. XVII. 14.--L'ÉPITRE D'OTHEA. 16.--LE DUC DES VRAIS 15.--LES ÉPITRES SUR AMANTS. LE ROMAN DE LA ROSE. XVIII. 15.--LE CHEMIN DE LONGUE 17.--LE CHEMIN DE 16.--LES ÉTUDE. LONGUE ÉTUDE. ENSEIGNEMENTS MORAUX. XIX. 16.--LES ENSEIGNEMENS 18.--LE DIT DE LA 17.--ORAISON NOTRE MORAUX. PASTOURE. DAME[13]. XX. 17.--ORAISON NOTRE DAME. 19.--LES ÉPITRES SUR 18.--LES QUINZE LE ROMAN DE LA ROSE. JOYES NOTRE DAME[13]. XXI. 18.--LES QUINZE JOYES 20.--ÉPITRE A EUSTACHE 19.--ORAISON NOTRE NOTRE DAME. MOREL. SEIGNEUR[14]. XXII. 19.--LE DIT DE LA 21.--ORAISON NOTRE 20.--LE DIT DE LA PASTOURE. SEIGNEUR. PASTOURE[15]. B¹ B³ XXIII. 20.--ORAISON NOTRE 22.--PROVERBES MORAUX. 21.--LE CHEMIN DE SEIGNEUR. LONGUE ÉTUDE[16]. XXIV. ............... ................... 22.--LA MUTATION DE FORTUNE. B¹ XXV. 21.--LE DUC DES VRAIS 23.--LES ENSEIGNEMENTS 23.--ÉPITRE A LA AMANTS. MORAUX. REINE ISABELLE (incomplet) (feuillets arrachés). XXVI. 22.--ÉPITRE A LA REINE 24.--ORAISON NOTRE DAME. ISABELLE. XXVII. 23.--ÉPITRE A EUSTACHE 25.--LES QUINZE JOYES MOREL. NOTRE DAME. XXVIII. 24.--PROVERBES MORAUX. 26.--LE LIVRE DE PRUDENCE. XXIX. 25.--LE LIVRE DE 27.--LA CITÉ DES DAMES. PRUDENCE. XXX. 28.--CENT BALLADES D'AMANT ET DE DAME.
Note 13: Ces deux pièces manquent dans le ms B¹ par suite de feuillets arrachés, mais sont indiquées dans les «rebriches» de la table de ce manuscrit.
Note 14: Le ms. B¹ ne renferme qu'un fragment de cette oraison; dans B² plusieurs feuillets ont été arrachés à la place qu'elle devait occuper; seul B³ dans la famille en donne le texte complet.
Note 15: Quelques feuillets ont été coupés dans B¹ à l'endroit qui devait contenir «le Dit de la Pastoure»; dans B² l'oeuvre n'est pas complète, tous les derniers feuillets du volume ayant été enlevés.
Note 16: Dans B¹ les 100 premiers vers du poème manquent, plusieurs feuillets ayant été coupés.
TABLEAU PRÉSENTANT LA CONCORDANCE
DES BALLADES DE DIVERS PROPOS
SELON LES FAMILLES DE MANUSCRITS A ET B
(N) REFRAINS DES BALLADES (A) (B) I. --Car qui est bon doit estre appelle riche 1 1 II. --Si com tous vaillans doivent estre 2 3 III. --Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir 3 2 IV. --Et honneur en toutes querelles 4 4 V. --Avisons nous qu'il nous convient morir 5 5 VI. --Ne les princes ne les daignent entendre 6 6 VII. --Car de Juno n'ay je nul reconfort 7 7 VIII. --Il veult trestout quanque je vueil 8 » IX. --Amours le veult et la saison le doit 9 8 X. --Amours le veult et la saison le doit 10 9 XI. --Assez louer, ma redoubtée dame 11 10 XII. --Si qu'a tousjours en soit memoire 12 11 XIII. --Vous semble il que ce fausseté soit? 13 12 XIV. --Juno me het et meseür me nuit 14 13 XV. --Se Dieu et vous ne la prenez en cure 15 14 XVI. --Ce premier jour que l'an se renouvelle » 15 XVII. --N'on n'en pourroit assez mesdire 16 16 XVIII. --Ce jour de l'an, ma redoubtée dame 17 17 XIX. --Ce jour de l'an vous soiez estrené 18 18 XX. --Ce plaisant jour premier de l'an nouvel 19 19 XXI. --Si le vueillez recepvoir pour estreine 20 » XXII. --Si le vueilliez, noble duc, recevoir 21 20 --[17] Aime le; si feras que sage » 21 XXIII. --Faittes voz faiz à voz ditz accorder 22 22 XXIV. --Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure 23 23 XXV. --Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours 24 » XXVI. --Et certes le doulz m'aime bien 25 » XXVII. --Et ce vous fait à tout le monde plaire 26 24 XXVIII. --En ce jolis plaisant doulz moys de May » 25 XXIX. --De hault honneur et de chevalerie 27 26 XXX. --Sera retrait de leur haulte vaillance 28 27 XXXI. --On vous doit bien de lorier couronner 29 28 XXXII. --A pou que mon cuer ne font? 30 » XXXIII. --D'entreprendre armes et peine 31 29 XXXIV à LIII. Ces ballades existent seulement dans les 32 à 50 » mss. de la famille _A_ et suivant un ordre identique; remarquons en outre, 50 29 que l'écriture de _A¹_ se modifie d'une façon très sensible à partir de la ballade XL (fol. 41 v°) ---- --
[N] Numéros des ballades dans la présente édition
[A] Numéros des ballades dans la famille A
[B] Numéros des ballades dans la famille B
Note 17: Cette ballade se trouve dans A sous la rubrique «Balades d'estrange façon».
L'ordre dans lequel nous donnons les poésies de Christine de Pisan est sensiblement le même que celui adopté dans tous les mss.; nous avons d'ailleurs suivi exactement la disposition du ms. du duc de Berry, il nous a été seulement indispensable d'intercaler les pièces nouvelles heureusement retrouvées dans le ms. du Musée britannique, et de faire un simple rapprochement nécessaire à la composition du cadre du volume18.
Note 18: C'est ainsi que nous avons dû réunir à la fin du volume les deux Complaintes amoureuses, bien que la première de ces complaintes soit placée dans le ms. du duc de Berry après l'Epitre au dieu d'amours.
Les petites poésies reproduites dans les pages qui suivent forment le début de la carrière poétique de Christine, encore tout émue de son veuvage prématuré. Elles ont établi sa réputation en lui attirant de puissants protecteurs tels que la reine Isabelle de Bavière; le duc de Berry; la duchesse de Bourbon; le duc d'Orléans; Philippe le Bon, duc de Bourgogne; Charles d'Albret, connétable de France, etc. Leur place en tête de cette édition était donc tout indiquée. Nous allons du reste passer en revue les différentes oeuvres contenues dans notre premier volume et esquisser rapidement l'impression que nous a produite leur lecture.
Les Cent Ballades doivent être considérées comme les premiers essais de Christine. Elles ne sont certainement pas postérieures aux rondeaux et autres petites pièces que l'auteur a composées dans sa jeunesse; d'ailleurs dans tous les mss. elles occupent le premier rang. Rassemblées à la prière d'un ami resté inconnu (voy. ballade C) les ballades qui forment ce recueil traitent de sujets fort différents et paraissent avoir été inspirées à des époques diverses ou tout au moins à des intervalles de temps assez notables. Car la date de la mort d'Etienne du Castel étant connue19, il a été possible de fixer d'une façon précise l'époque de la composition de deux ballades, en premier lieu la ballade IX, écrite cinq ans après la mort de l'époux regretté, c'est-à-dire en 1394, puis la ballade XX, par laquelle nous apprenons que le coeur de la veuve n'a éprouvé aucune impression de joie depuis près de dix ans, ce qui permet d'assigner à cette pièce la date de 1399. Nous pensons donc que c'est dans un intervalle d'au moins cinq ou six années qu'ont dû être composés la plupart de ces morceaux poétiques. Il était d'ailleurs d'usage à cette époque de réunir ainsi des pièces détachées, inspirées dans les circonstances les plus diverses et traduisant les impressions les plus opposées. On les rassemblait en nombre suffisant pour former un livre sous la rubrique «Cent Ballades». C'est ainsi que la cour d'amour de Louis d'Orléans nous a donné le livre des Cent Ballades20 et que notre poète lui-même, comme nous l'avons annoncé plus haut, a désigné sous un titre analogue ses Ballades «d'Amant et de Dame».
Note 19: Il y a lieu d'adopter, selon toute vraisemblance, l'année 1389 comme celle de la mort d'Etienne du Castel. Au commencement de son livre du Chemin de long estude, Christine nous apprend en effet que son deuil remonte à environ 13 ans, et comme un peu plus loin elle ajoute qu'elle a commencé à écrire ce poème au mois d'octobre 1402, la date de 1389 s'obtient logiquement de ce simple rapprochement.
Note 20: Le livre des Cent Ballades, publié par M. le marquis de Queux de Saint-Hilaire. Paris, 1868.
Dès les premiers vers Christine nous prévient qu'elle cède à de pressantes sollicitations et que ses poésies reflèteront la douleur qui s'est emparée d'elle depuis la mort de celui en qui consistait tout son bonheur; «Seulette», tel est l'écho de ses vers!
Les premières ballades sont en effet empreintes de la plus profonde tristesse, et l'auteur semble se complaire à retracer longuement ses regrets amers et son désespoir, mais à partir de la vingt-et-unième ballade la veuve éplorée, s'abandonnant à des inspirations plus séduisantes, élève ses pensées vers les régions de l'amour le plus pur, et peint avec une exquise sensibilité les sentiments si divers qui peuvent agiter les coeurs de ceux qui ont aimé ou qui aiment encore.
Christine révèle dans cette poésie toute la richesse de son talent et de son art des développements; elle déploie ses pensées en modulations infinies, et exprime sous les formes les plus variées les effets d'un même sentiment; vingt fois elle refait chaque pièce sans se répéter, et les ballades se succèdent, traduisant sans cesse la même idée, et cependant ce sont toujours des ballades nouvelles.
Ces impressions sont touchantes de vérité et de simplicité, mais nous ne pouvons y voir, comme l'a supposé M. Paulin Paris21, l'image des sentiments personnels de l'auteur. Car l'aimable poète a pris soin lui-même de nous prévenir contre toute pensée de ce genre. Ne fallait-il pas d'ailleurs expliquer l'étrange contraste que produisent ces chants d'amour succédant à des cris d'infortune et de douleur?
Note 21: Voy. Manuscrits françois de la Bibliothèque du roi, V, p. 152 et 153.
La ballade L doit faire disparaître les moindres doutes, Christine y fait allusion à ses scrupules et s'excuse de traiter de sujets d'amours qui paraissent se rapporter à elle, craignant que ce ne soit un motif d'insinuations malveillantes22; elle ajoute que ces pensées n'ont nullement les tendances que l'on pourrait supposer; car, bien que de grands seigneurs aient montré pour elle de l'affection, son coeur ne ressent aucune impression d'amour ni de dépit, elle fait d'ailleurs appel, dans le refrain de sa ballade, au jugement de «tous sages ditteurs». Plus loin (ballade C) la même préoccupation se traduit encore dans ses deux vers:
Qu'on le tiengne a esbatement
Sans y gloser mauvaisement.
Note 22: Les différentes pièces des Cent Ballades doivent être considérées essentiellement comme des jeux d'esprit et de sentiment. Il est possible que certaines d'entre elles traduisent les impressions ressenties par quelques personnages de l'époque ou aient été composées à l'intention de seigneurs familiers de la cour de Charles VI, mais la révélation de l'auteur à la ballade C
Ne les ay faittes pour merites
Avoir ne aucun paiement
nous interdit de penser qu'il ait pu transformer son talent en officine de compliments et de complaintes favorables à des intrigues amoureuses.
Le soin que la célèbre femme met à défendre sa réputation pourrait, jusqu'à un certain point, paraître exagéré, si l'on ne tenait justement compte des récriminations violentes qu'avait dû susciter son ardente polémique contre l'oeuvre la plus estimée et la plus admirée de son époque, le Roman de la Rose.
Celle qui excellait à retracer dans ses vers la défense de l'honneur des femmes et la louange de leurs vertus23, devait bien être jalouse pour elle-même de semblables éloges. N'avait-elle pas d'ailleurs le droit de dissiper les moindres doutes qui auraient pu planer sur son veuvage irréprochable et d'étouffer à l'avance les calomnies de ses adversaires? C'est, comme nous le verrons par la suite, la préoccupation constante d'une vie pleine de candeur que tous les historiens se sont accordés à nous représenter comme le modèle de la douce et simple vertu.
Note 23: Voy. l'Epitre au dieu d'amours, le Dit de la Rose,... etc...
Les pensées d'amour ne forment pas exclusivement les sujets de toutes les ballades de Christine de Pisan. On trouve parsemées çà et là les idées les plus diverses, et l'auteur sait varier avec un art accompli l'expression et le tour de ses poésies: ici le sentiment des tristesses produites par la maladie (Ball. XLIII), là l'éloge finement ironique d'un personnage contemporain (Ball. LVIII), puis une dissertation sur les qualités des bons chevaliers (Ball. LXIV), plus loin une pièce satirique contre les maris jaloux (Ball. LXXVIII). Mentionnons encore, en raison de leur mérite et de leur originalité, la louange d'un grand chevalier (Ball. XCII), les angoisses causées par la maladie du roi Charles VI (Ball. XCV), enfin l'aspiration à la félicité éternelle (Ball. XCIX), comme placée en opposition avec les sentiments les plus délicats d'amour et de bonheur que l'on puisse éprouver sur cette terre.
Les virelais, au nombre de 16, n'ont pas le même mérite que les ballades. Il importe cependant de signaler le premier qui traduit heureusement les efforts pénibles du poète pour dissimuler sa douleur, et le dixième qui nous offre une jolie pièce sur la Saint-Valentin.
Enfin, notons également le virelai XV parce qu'il fournit quelques indications sur le sentiment et l'objet de ces diverses compositions. Christine y constate de nouveau que ses poésies sont souvent l'expression de ses pensées d'amertume et de regrets, mais elle ajoute que, si on lui donne mission de traduire les impressions des autres, il lui faut improviser des sentiments opposés, et qu'alors, pour alléger un peu sa douleur, elle compose des pièces qui reflètent généralement la joie et le bonheur.
Ces quatre ballades ont été préparées suivant le goût et la mode de l'époque. Elles n'ont d'autre mérite que celui de la difficulté vaincue.
Les deux compositions que Christine nous donne sous forme de lais ne présentent aucun caractère particulier qui puisse nous permettre de leur assigner une date quelconque ou de supposer avec la moindre apparence de vraisemblance les motifs possibles de leur confection.
Nous n'y remarquons qu'un nouveau mode de poésie d'un genre encore inconnu à notre poète, et sur lequel il a voulu exercer la verve de son talent en se conformant d'une façon générale aux principes exposes par Eustache Deschamps dans son «Art de dictier et de fere chançons, balades, virelais et rondeaux24» et en montrant son habileté à assembler les rimes léonines.
Note 24: Voy. Poésies d'Eustache Deschamps, éd. Crapelet, p. 278. M. de Queux de Saint-Hilaire a reproduit dans son édition le passage relatif aux Lais, t. II, p. 357.
Malheureusement, les règles étroites auxquelles se trouve assujettie la diction de l'auteur ont pour inconvénient d'obscurcir fortement la pensée et de ne laisser entrevoir le plus souvent qu'un sens à peine intelligible. Car il serait assez difficile de déterminer exactement la raison d'être du premier lai dont le sujet réside tout entier dans une éloge vague de l'amour en général.
Le second lai a pour objet la louange intarissable d'un parfait gentilhomme; l'allure du poète est ici plus dégagée, plus précise, sa pensée devient plus claire, la strophe lyrique prend en même temps une forme plus nette, plus harmonieuse, et l'on y trouve des réminiscences de la littérature classique parmi lesquelles nous devons surtout signaler une longue exposition d'impossibilités évidemment inspirée des auteurs anciens. (Voy. Virgile, Egl. I.)
Ces rondeaux sont au nombre de 69; le recueil débute, comme les Cent Ballades, par l'expression de la douleur et des regrets de Christine, qui fait remonter son deuil à sept années, ce qui nous a permis de donner au premier rondeau la date de 1396. Notre poète commença donc la composition de ses rondeaux deux ou trois ans seulement après avoir écrit ses premières ballades, et poursuivit la confection de ces jolis morceaux parallèlement à celle des Cent Ballades et de la plupart de ses petites poésies.
Jusqu'au rondeau VIII nous voyons Christine s'abandonner à sa douleur; mais plus loin, craignant sans doute de fatiguer le lecteur par la monotonie d'un sujet aussi triste, elle fait un effort sur elle-même, et, comme elle l'exprime si bien dans le rondeau XI, il lui faut désormais «de triste cuer chanter joyeusement».
A partir de ce moment se succèdent en effet les peintures des sentiments multiples auxquels peuvent donner lieu les différentes formes de l'amour. Inutile d'insister à nouveau sur le mobile de ces compositions légères, nous savons depuis longtemps que nous ne devons y voir que des jeux d'esprit et de sentiment. Mais on nous permettra toutefois de recommander le mérite de ces petites poésies si remarquables par leur douce monotonie et leur finesse d'expression, et où la grâce, s'alliant à une harmonie parfaite, révèle toutes les délicatesses de la femme sentimentale que devait être Christine.
Ces gracieux petits morceaux servaient de distraction et d'amusement à la meilleure société des XIVe et XVe siècles. Une dame lançait à un gentilhomme ou un gentilhomme lançait à une dame le nom d'une fleur, d'un objet quelconque, et la personne interpellée devait à l'instant même et sans hésitation répondre par un compliment ou une épigramme rimés; c'était un véritable assaut d'esprit et d'à-propos tout à fait conforme au caractère vif et enjoué de l'époque. Aussi ne faut-il nullement s'étonner si ce genre de distraction, qui nous paraîtrait aujourd'hui un peu fastidieux, obtint rapidement un grand succès de vogue25, et si Christine elle-même crut devoir satisfaire à la mode en accroissant avec son abondance habituelle un répertoire d'ailleurs facile à étendre à l'infini. Elle ne composa pas moins de 70 jeux à vendre.
Note 25: Les mss. du XVe siècle en fournissent le témoignage. Voy. notamment un ms. contenant 180 couplets de ventes d'amour et appartenant à Monseigneur le duc d'Aumale, un autre ms. de la même époque conservé à la bibliothèque d'Epinal sous le n° 189, et un recueil de poésies françaises à Westminster Abbey, signalé par M. Paul Meyer dans le Bulletin de la Société des Anciens Textes, 1875, p. 25.
Le succès de ces devises de société alla grandissant jusqu'à la fin du XVIe siècle, comme on peut en juger par les nombreuses éditions de ventes d'amour qui se succédèrent depuis la découverte de l'imprimerie26. Plus tard, la poésie populaire en conserva seule la tradition jusqu'à nos jours, et particulièrement en Lorraine, sous l'ancien nom de daiemants ou dây'mans27. Ajoutons que certains jeux enfantins, comme les Boîtes d'amourette et le Corbillon, rappellent encore aujourd'hui les récréations de nos pères.
Note 26: Voy. dans le Bulletin de la librairie Morgand et Fatout, n° 7866, l'intéressante notice de M. E. Picot.
Note 27: Voy. sur cet usage Mélusine, I, col. 570, et II, col. 327, et Les Chants populaires de la Provence, publiés par M. Damase Arbaud, I, p. 220.
Les pièces suivantes, comprises sous la rubrique de «Balades de divers propos» sont dignes des meilleures poésies du recueil des Cent Ballades; leur nombre s'élève à 53. Toutefois les mss. de la famille B n'en contiennent que 29; seuls, comme nous l'avons déjà dit, les mss. A¹ et A² fournissent le complément. Il est utile de faire également remarquer que dans A¹, à partir de la ballade XL (fol. 41 v°), l'écriture se modifie d'une façon très apparente et n'est plus évidemment tracée par la même main. L'orthographe et la forme des mots subissent en même temps une transformation contraire aux règles suivies jusqu'ici par le scribe du ms. Les nouvelles leçons de graphie affectent la forme qui leur est donnée dans les mss. B, copiés à une époque certainement postérieure. Ce qui paraîtrait démontrer que ces dernières pièces ont été composées plus tard et transcrites après coup sur des feuillets laissés en blanc. Le ms. Harley du Musée britannique, qui contient un plus grand nombre de ballades que tous les autres mss., renferme deux feuillets blancs préparés pour recevoir de nouvelles compositions. Du reste les différentes ballades rassemblées sous le présent titre ne constituent nullement un recueil composé d'avance et dans lequel on puisse reconnaître un certain ordre. La diversité des sujets traités, l'absence complète de tout lien, de toute transition, autorisent, au contraire, à penser que ces ballades ont été écrites à des époques assez éloignées les unes des autres, suivant un peu le cours des événements contemporains qui forment d'ailleurs le thème de quelques-unes d'entre elles et permettent ainsi de leur assigner une date certaine. L'ordre chronologique nous paraît avoir été généralement suivi, et c'est pour ce motif que le ms. Harley, le plus récent, à notre avis, qui ait été copié directement sur des originaux, renferme sous la rubrique «Encore aultres Balades» des compositions ne se trouvant dans aucun autre ms., et faisant allusion, comme la pièce IX, à des faits que l'on ne peut placer qu'entre 1410 et 1415.
Ainsi, même lorsqu'elle eut abordé ses grandes compositions, ses oeuvres de longue haleine, Christine ne dédaigna pas de rimer encore quelques ballades quand la circonstance s'en présentait et que ce cadre convenait à son inspiration.
Presque toutes ces ballades sont d'ailleurs d'un très grand mérite et permettent de constater le progrès réel accompli par le génie de notre poète. Les notes placées à la fin du volume feront connaître l'objet de ces différentes pièces et donneront quelques indications sur les faits ou sur les personnages historiques auxquels elles se rapportent.
Longues et languissantes tirades de poursuivants d'amour qui aspirent aux faveurs de leur dame; cette monotonie douce, quelquefois même expressive, est heureusement interrompue par des comparaisons empruntées à la Mythologie, comme l'amour de Pygmalion, l'aventure de Deuchalion et de Pyrrha, la punition de l'insensible Anaxarète.
Note Rubrique B¹: Ci c. cent bonnes b.
I
Aucunes gens me prient que je face
Aucuns beaulz diz, et que je leur envoye,
Et de dittier dient que j'ay la grace;
4Mais, sauve soit leur paix, je ne sçaroye
Faire beaulz diz ne bons; mès toutevoye,
Puis que prié m'en ont de leur bonté,
Peine y mettray, combien qu'ignorant soie,
8Pour acomplir leur bonne voulenté.
Mais je n'ay pas sentement ne espace
De faire diz de soulas ne de joye:
Car ma douleur, qui toutes autres passe,
12Mon sentement joyeux du tout desvoye;
Mais du grant dueil qui me tient morne et coye
Puis bien parler assez et a plenté;
Si en diray: voulentiers plus feroye
16Pour acomplir leur bonne voulenté.
Et qui vouldra savoir pour quoy efface
Dueil tout mon bien, de legier le diroye:
Ce fist la mort qui fery sanz menace
20Cellui de qui trestout mon bien avoye;
Laquelle mort m'a mis et met en voye
De desespoir; ne puis je n'oz santé;
De ce feray mes dis, puis qu'on m'en proie,
24Pour accomplir leur bonne voulenté.
Princes, prenez en gré se je failloie;
Car le ditter je n'ay mie henté,
Mais maint m'en ont prié, et je l'ottroye,
28Pour accomplir leur bonne voulenté.
Note I:—A prie—2 A² Quelques b. d.—12 A¹ du manque—18 B voulentiers le—22 A¹ despoir—23 A que on.
II
Ou temps jadis, en la cité de Romme,
Orent Rommains maint noble et bel usage.
Un en y ot: tel fu que quant un homme
4En fais d'armes s'en aloit en voyage,
S'il faisoit la aucun beau vasselage,
Après, quant ert a Romme retourné,
Cellui estoit, pour pris de son bernage,
8Digne d'estre de lorier couronné.
De cel' honneur on prisoit moult la somme;
Car le plus preux l'avoit ou le plus sage.
Pour ce pluseurs, qu'yci pas je ne nomme,
12S'efforçoient d'en avoir l'avantage;
Bien y paru, car de hardi visage
Domterent ceulz d'Auffrique en leur regné,
Dont maint furent, au retour de Cartage,
16Digne d'estre de laurier couronné.
Ce faisoit on jadis; mais une pomme
Ne sont prisié en France, c'est domage,
Adès les bons, mais tous ceulz on renomme
20Qui ont avoir ou trés grant heritage.
Mais par bonté, trop plus que par lignage,
Doit estre honneur et pris et loz donné
A ceulx qui sont, pour leur noble corage,
24Digne d'estre de lorier couronné.
Princes, par Dieu c'est grant dueil et grant rage
Quant les biens fais ne sont guerredonné
A ceulx qui sont, au dit de tout lengage,
28Digne d'estre de lorier couronné.
Note II:—5 B Et la f.—6 B Et puis s'en feust a—10 B et le p.—22 B loz et p.
III
Quant Lehander passoit la mer salée,
Non pas en nef, ne en batel a nage,
Mais tout a nou, par nuit, en recellée,
4Entreprenoit le perilleux passage
Pour la belle Hero au cler visage,
Qui demouroit ou chastel d'Abidonne,
De l'autre part, assez près du rivage;
6Voyez comment amours amans ordonne!
Ce braz de mer, que l'en clamoit Hellée,
Passoit souvent le ber de hault parage
Pour sa dame veoir, et que cellée
12Fust celle amour ou son cuer fu en gage.
Mais Fortune qui a fait maint oultrage,
Et a mains bons assez de meschiefs donne,
Fist en la mer trop tempesteux orage.
16Voiés comment amours amans ordonne!
En celle mer, qui fu parfonde et lée,
Fu Lehander peri, ce fu domage;
Dont la belle fu si fort adoulée
20Qu'en mer sailli sanz querir avantage.
Ainsi pery furent d'un seul courage.
Mirez vous cy, sanz que je plus sermone,
Tous amoureux pris d'amoureuse rage.
24Voyez comment amours amans ordonne!
Mais je me doubt que perdu soit l'usage
D'ainsi amer a trestoute personne;
Mais grant amour fait un fol du plus sage.
28Voyez comment amours amans ordonne!
Note III:—6 A¹ de Bidonne—9 A, B Herlée—21 A² tout d'un; B¹ tuit d'un—27 A² Au fort a.
IV
Par envie, qui le monde desroye,
Est trayson couvertement nourrie
En mains faulz cuers, qui se mettent en voye
4De mettre a fin leur fausse lecherie,
Et en leurs fais usent de tricherie,
Dont ilz prenent sur maint grant avantage,
7En traïson, non pas par vacellage.
En grant pouoir fu la cité de Troye,
Un temps qui fu, sur toute seigneurie;
Et la regnoit de ce monde, a grant joye,
11En haulte honneur, fleur de chevalerie;
Qui par Grigois fu puis arse et perie,
Et Troyens pris et menez en servage,
14En traïson, non pas par vacellage.
Alixandre qui du monde ot la proye
Si fu trahy; aussi grant desverie
Reffist Mordret a Artus par tel voye,
18Dont maint dient qu'il est en faerie.
Le preux Hector, ou ot bonté florie,
Ne l'occist pas Achillès par oultrage,
21En traïson, non pas par vacellage.
Princes, je dis, nel tenez moquerie,
Que l'en se gard de tel forsennerie,
Voire qui puet, car on fait maint domage
25En traïson, non pas par vacellage.
Note IV:—17 A Mortrett—19 B Le bon H. ou b. fu f.—22 B Pour ce je dy ce n'est pas m.
V
Hé! Dieux, quel dueil, quel rage, quel meschief,
Quel desconfort, quel dolente aventure,
Pour moy, helas, qui torment ay si grief,
Qu'oncques plus grant ne souffri creature!
L'eure maudi que ma vie tant dure,
Car d'autre riens nulle je n'ay envie
Fors de morir; de plus vivre n'ay cure,
8Quant cil est mort qui me tenoit en vie.
O dure mort, or as tu trait a chief
Touz mes bons jours, ce m'est chose molt dure,
Quant m'as osté cil qui estoit le chief
12De tous mes biens et de ma nourriture,
Dont si au bas m'as mis, je le te jure,
Que j'ay desir que du corps soit ravie
Ma doulante lasse ame trop obscure,
16Quant cil est mort qui me tenoit en vie.
Et se mes las dolens jours fussent brief,
Au moins cessast la dolour que j'endure;
Mais non seront, ains toudis de rechief
20Vivray en dueil sanz fin et sanz mesure,
En plains, en plours, en amere pointure.
De touz assaulz dolens seray servie.
D'ainsi mon temps user c'est bien droitture,
24Quant cil est mort qui me tenoit en vie.
Princes, voiez la trés crueuse injure
Que mort me fait, dont fault que je devie;
Car choite suis en grant mesaventure,
28Quant cil est mort qui me tenoit en vie.
Note V:—4 A¹ Que o.; B n'endura—10 B c. trop d.—15 A Ma doloreuse; B Ma doulante a. qui t. se treuve o.—19 B seroit—25 B v. comment t. grant i.—26 A¹ d. fait q.; B La m. me f.—27 A¹ cheoite.
VI
Dueil engoisseux, rage desmesurée,
Grief desespoir, plein de forsennement,
Langour sanz fin, vie maleürée
4Pleine de plour, d'engoisse et de tourment,
Cuer doloreux qui vit obscurement,
Tenebreux corps sus le point de perir,
Ay, sanz cesser, continuellement;
8Et si ne puis ne garir ne morir.
Fierté, durté de joye separée,
Triste penser, parfont gemissement,
Engoisse grant en las cuer enserrée,
12Courroux amer porté couvertement,
Morne maintien sanz resjoïssement,
Espoir dolent qui tous biens fait tarir,
Si sont en moy, sanz partir nullement;
16Et si ne puis ne garir ne morir.
Soussi, anuy qui tous jours a durée,
Aspre veillier, tressaillir en dorment,
Labour en vain, a chiere alangourée
20En grief travail infortunéement,
Et tout le mal, qu'on puet entierement
Dire et penser sanz espoir de garir,
Me tourmentent desmesuréement;
24Et si ne puis ne garir ne morir.
Princes, priez a Dieu que bien briefment
Me doint la mort, s'autrement secourir
Ne veult le mal ou languis durement;
28Et si ne puis ne garir ne morir.
Note VI:—5 A¹ q. vid—19 A¹ alanguorée.
VII
Ha! Fortune trés doloureuse,
Que tu m'as mis du hault au bas!
Ta pointure trés venimeuse
4A mis mon cuer en mains debas.
Ne me povoyes nuire en cas
Ou tu me fusses plus crueuse,
Que de moy oster le soulas,
8Qui ma vie tenoit joyeuse.
Je fus jadis si eüreuse;
Ce me sembloit qu'il n'estoit pas
Ou monde plus beneüreuse;
12Alors ne craignoie tes las,
Grever ne me pouoit plein pas
Ta trés fausse envie haïneuse,
Que de moy oster le soulas,
16Qui ma vie tenoit joyeuse.
Horrible, inconstant, tenebreuse,
Trop m'as fait jus flatir a cas
Par ta grant malice envieuse
20Par qui me viennent maulx a tas.
Que ne vengoyes tu, helas!
Autrement t'yre mal piteuse,
Que de moy oster le solas,
24Qui ma vie tenoit joyeuse?
Trés doulz Princes, ne fu ce pas
Cruaulté male et despiteuse,
Que de moy oster le solas,
28Qui ma vie tenoit joyeuse?
Note VII:—6 A cruese; B Dont tu me f. si c.—7 B¹ ce de—9 A Helas j. f. si e.—10 A¹ n'estois; B n'avoit—17 B Trés faulse h. et t.
VIII
Il a long temps que mon mal comença,
N'oncques despuis ne fina d'empirer
Mon las estat, qui puis ne s'avança,
4Que Fortune me voult si atirer
Qu'il me convint de moy tout bien tirer;
Et du grief mal qu'il me fault recevoir
7C'est bien raison que me doye doloir.
Le dueil que j'ay si me tient de pieça,
Mais tant est grant qu'il me fait desirer
Morir briefment, car trop mal me cassa
11Quant ce m'avint qui me fait aïrer;
Ne je ne puis de nul costé virer,
Que je voye riens qui me puist valoir.
14C'est bien raison que me doye doloir.
Ce fist meseur qui me desavança,
Et Fortune qui voult tout dessirer
Mon boneür; car depuis lors en ça
18Nul bien ne pos par devers moy tirer,
Ne je ne scay penser ne remirer
Comment je vif; et de tel mal avoir
21C'est bien raison que me doye doloir.
Note VIII:—6 A² Dont du g. m.—7 B q. m'en d. d.—12 B¹ Ne je le p.—15 B¹ Ce fu m.—18 B d. m. atirer.
IX
O dure Mort, tu m'as desheritée,
Et tout osté mon doulz mondain usage;
Tant m'as grevée et si au bas boutée,
4Que mais prisier puis pou ton seignorage.
Plus ne me pues en riens porter domage,
Fors tant sanz plus de moy laissier trop vivre.
Car je desir de trestout mon corage
8Que mes griefs maulx soyent par toy delivre.
Il a cinq ans que je t'ay regraittée
Souventes fois, a trés pleureux visage,
Depuis le jour que me fu joye ostée,
12Et que je cheus de franchise en servage.
Quant tu m'ostas le bel et bon et sage,
Laquelle mort a tel tourment me livre
Que moult souvent souhait, pleine de rage,
16Que mes griefs maulx soyent par toy delivre.
Se trés adonc tu m'eusses emportée,
Trop m'eusses fait certes grant avantage,
Car depuis lors j'ay esté si hurtée
20De grans anuis, et tant reçu d'oultrage,
Et tous les jours reçoy au feur l'emplage,
Que riens ne vueil, ne n'ay desir de suivre,
Fors seulement toy paier tel truage
24Que mes griefs maulx soyent par toy delivre.
Princes, oyés en pitié mon language,
Et toy Mort, pri, escry moy en ton livre,
Et fay que tost je voye tel message,
28Que mes griefs maulx soyent par toy delivre.
Note IX:—3 A² au b. menée—15 B Que je souhaid s. p. de r.—20 B De g. meschiefs—22 B ne v. je n.
X
Se Fortune a ma mort jurée,
Et du tout tasche a moy destruire,
Ou soye si maleürée,
4Qu'il faille qu'en dueil vive et muire,
Que me vault donc pestrir ne cuire,
Tirer, bracier, ne peine traire,
7Puis que Fortune m'est contraire?
Pieça de joye m'a tirée,
Ne puis ne fina de moy nuire,
Encore est vers moy si yrée,
11Qu'adès me fait de mal en pire,
Quanque bastis elle descire,
Et quel proffit pourroye attraire,
14Puis que Fortune m'est contraire?
Son influance desraée
Cuidoye tous jours desconfire,
Par bien faire a longue endurée,
18Cuidant veoir aucun temps luire
Pour moy qui meseür fait fuire.
Mais riens n'y vault, je n'y puis traire,
21Puis que Fortune m'est contraire.
Note X:—2 A² Ou du tout—15 A¹ S. i. desirée.
XI
Seulete suy et seulete vueil estre,
Seulete m'a mon doulz ami laissiée,
Seulete suy, sanz compaignon ne maistre,
4Seulete suy, dolente et courrouciée,
Seulete suy en languour mesaisiée,
Seulete suy plus que nulle esgarée,
7Seulete suy sanz ami demourée.
Seulete suy a huis ou a fenestre,
Seulete suy en un anglet muciée,
Seulete suy pour moy de plours repaistre,
11Seulete suy, dolente ou apaisiée,
Seulete suy, riens n'est qui tant me siée,
Seulete suy en ma chambre enserrée,
14Seulete suy sanz ami demourée.
Seulete suy partout et en tout estre.
Seulete suy, ou je voise ou je siée,
Seulete suy plus qu'autre riens terrestre,
18Seulete suy de chascun delaissiée,
Seulete suy durement abaissiée,
Seulete suy souvent toute esplourée,
21Seulete suy sanz ami demourée.
Princes, or est ma doulour commenciée:
Seulete suy de tout dueil menaciée,
Seulete suy plus tainte que morée,
25Seulete suy sanz ami demourée.
Note XI:—12 A¹ messiée—16 A¹ sié—19 A¹ abaissié—22 à 26 Omis dans B.
XII
Qui trop se fie es grans biens de Fortune,
En verité, il en est deceü;
Car inconstant elle est plus que la lune.
4Maint des plus grans s'en sont aperceü,
De ceulz meismes qu'elle a hault acreü,
Trebusche tost, et ce voit on souvent
7Que ses joyes ne sont fors que droit vent.
Qui vit, il voit que c'est chose commune
Que nul, tant soit perfait ne esleü,
N'est espargné quant Fortune repugne
11Contre son bien, c'est son droit et deü
De retoulir le bien qu'on a eü,
Vent chierement, ce scet fol et sçavent
14Que ses joyes ne sont fors que droit vent.
De sa guise qui n'est pas a touz une
Bien puis parler; car je l'ay bien sceü,
Las moy dolens! car la fausse et enfrune
18M'a à ce cop trop durement neü,
Car tollu m'a ce dont Dieu pourveü
M'avoit, helas! bien vois apercevent
21Que ses joyes ne sont fors que droit vent.
Note: Rubrique placée entre la b. XI et la b. XII, B²: Balades de personnages.
Note XII:—3 B Car variable—b A¹ que elle—8 A¹ Qui vid—12 A que on—15 B ne s. mais que—20 B¹ voy appertement—21 B ne s. mais que.
XIII
C'est fort chose qu'une nef se conduise,
Es fortunes de mer, a tout par elle,
Sanz maronnier ou patron qui la duise,
4Et le voile soit au vent qui ventelle;
Se sauvement a bon port tourne celle,
En verité c'est chose aventureuse;
7Car trop griefment est la mer perilleuse.
Et non obstant que parfois soleil luise,
Et que si droit s'en voit que ne chancelle,
Si qu'il semble que nul vent ne lui nuise,
11Ne nul decours, ne la lune nouvelle,
Si est elle pourtant en grant barelle
De soubdain vent ou d'encontre encombreuse;
14Car trop griefment est la mer perilleuse.
Si est pitié, quant fault que mort destruise
Nul bon patron, ou meneur de nacelle;
Et est bien droit que le cuer dueille et cuise.
18Qui a tresor, marchandise ou vaisselle,
Ou seul vaissel qui par la mer brandelle:
N'est pas asseur, mais en voie doubteuse;
21Car trop griefment est la mer perilleuse.
Note XIII:—11 A¹ Ne n. secours.
XIV
Seulete m'a laissié en grant martyre,
En ce desert monde plein de tristece,
Mon doulz ami, qui en joye sanz yre
4Tenoit mon cuer, et en toute leesce.
Or est il mort, dont si grief dueil m'oppresse,
Et tel tristour a mon las cuer s'amord
7Qu'a tousjours mais je pleureray sa mort.
Qu'en puis je mais, se je pleure et souspire
Mon ami mort, et quelle merveille est ce?
Car quant mon cuer parfondement remire
11Comment souef j'ay vescu sans asprece
Trés mon enfance et premiere jeunece
Avecques lui, si grant doulour me mord
14Qu'a tousjours mais je pleureray sa mort.
Com turtre sui sanz per qui ne desire
Nulle verdour, ains vers le sec s'adrece,
Ou com brebis que lop tache a occire,
18Qui s'esbaïst quant son pastour la laisse;
Ainsi suis je laissiée, en grant destrece,
De mon ami, dont j'ay si grant remord
21Qu'a tousjours mais je pleureray sa mort.
Note XIV:—5 B d. si grant deuil—6 A² en m. l. c.—12 B T. m'enfance et p. en j.—13 A¹ Avec—16 B mais sus le s.—17 B Et.
XV
Helas! helas! bien puis crier et braire,
Quant j'ay perdu ma mere et ma nourrice,
Qui doulcement me souloit faire taire.
4Or n'y a mais ame qui me nourrice,
Ne qui ma faim de son doulz lait garisse.
Jamais de moy nul ne prendra la cure,
7Puis qu'ay perdu ma doulce nourriture.
Plaindre et plourer je doy bien mon affaire;
Car je me sens povre, foiblet et nyce,
Et non sachant pour aucun proffit faire;
11Car jeune suis de sens et de malice.
Or convendra qu'en orphanté languisse,
Et que j'aye mainte male aventure,
14Puis qu'ay perdu ma doulce nourriture.
Le temps passé, a tous souloie plaire,
Et m'offroit on honneurs, dons et service,
Quant ma mere la doulce et debonnaire
18Me nourrissoit; or fault que tout tarrisse,
Et qu'a meschief et a doleur perisse
Plein de malons et de pouvre enfonture,
21Puis qu'ay perdu ma doulce nourriture.
Note XV:—5 A de s. d. l. tarice—7 A P. que ay—16 A² B Et maint m'offroient et honneur et s.
XVI
Qui vivement veult bien considerer
Ce monde cy ou il n'a joye entiere,
Et les meschiefs qu'il fault y endurer,
4Et comment mort vient qui tout met en biere,
Qui bien penser veult sus ceste matiere,
Il trouvera, s'il a quelque grevance,
Que sur toute reconfortant maniere,
8C'est souvrain bien que prendre en pascience
Puis qu'ainsi est qu'on n'y puet demorer,
Pourquoy a l'en ceste vie si chiere?
Et une autre convient assavourer,
12Qui aux pecheurs ne sera pas legiere.
Si vault trop mieulx confession plainiere
Faire en ce monde, et vraye penitence;
Et qui ara la penance trop fiere,
16C'est souvrain bien que prendre en pascience.
Chascun vray cuer se doit enamourer
De la vraye celestiel lumiere,
Et du seul Dieu que l'en doit aourer.
20C'est nostre fin et joye derreniere:
Qui sages est, autre solas ne quiere,
Tout autre bien si n'est fors que nuisance,
Et se le monde empesche ou trouble arriere,
24C'est souvrain bien que prendre en pascience.
Note XVI:—3 B¹ q. y f. e.—9 A¹ P. que a.—13 B c. entiere—15 B Et q. a. penitence—20 A¹ derrenier.
XVII
Se de douloureux sentement
Sont tous mes dis, n'est pas merveille;
Car ne peut avoir pensement
4Joyeux, cuer qui en dueil traveille.
Car, se je dors ou se je veille,
Si suis je en tristour a toute heure,
Si est fort que joye recueille
8Cuer qui en tel tristour demeure.
N'oublier ne puis nullement
La trés grant douleur non pareille
Qui mon cuer livre a tel tourment,
12Que souvent me met a l'oreille
Grief desespoir, qui me conseille
Que tost je m'occie et accueure;
Si est fort que joye recueille
16Cuer qui en tel tristour demeure.
Si ne pourroye doulcement
Faire dis; car, vueille ou ne vueille,
M'estuet complaindre trop griefment
20Le mal, dont fault que je me dueille;
Dont souvent tremble comme fueille,
Par la douleur qui me cueurt seure.
Si est fort que joye recueille
24Cuer qui en tel tristour demeure.
Note XVII:—12 B m. en l'—17 A² Dont ne p.—21 A² Et s.
XVIII
Aucunes gens ne me finent de dire
Pour quoy je suis si malencolieuse,
Et plus chanter ne me voyent ne rire,
4Mais plus simple qu'une religieuse,
Qui estre sueil si gaye et si joyeuse.
Mais a bon droit se je ne chante mais;
7Car trop grief dueil est en mon cuer remais.
Et tant a fait Fortune, Dieu lui mire!
Qu'elle a changié en vie doloreuse
Mes jeux, mes ris, et ce m'a fait eslire
11Dueil pour soulas, et vie trop greveuse.
Si ay raison d'estre morne et songeuse,
Ne n'ay espoir que j'aye mieulx jamais;
14Car trop grief dueil est en mon cuer remais.
Merveilles n'est se ma leesce empire;
Car en moy n'a pensée gracieuse,
N'autre plaisir qui a joye me tire.
18Pour ce me tient rude et maugracieuse
Le desplaisir de ma vie anuieuse,
Et se je suis triste, je n'en puis mais;
21Car trop grief dueil est en mon cuer remais.
Note XVIII:—1 B A. g. si ne me font que d.—7 B C. t. grant d.—8 B Car—11 B et paine t. g.—12 A¹ m. et soigneuse—17 B N'aucun.
XIX
Long temps a que je perdi
Tout mon soulas et ma joye,
Par la mort que je maudi
4Souvent; car mis m'a en voye
De jamais nul bien avoir;
Si m'en doy par droit blasmer;
N'oncques puis je n'oz vouloir
8De faire ami, ne d'amer.8
Ne sçay qu'en deux ne fendi
Mon cuer, du dueil que j'avoye
Trop plus grant que je ne di,
12Ne que dire ne sçaroye,
Encor mettre en nonchaloir
Ne puis mon corroux amer;
N'oncques puis je n'oz vouloir
16De faire ami, ne d'amer.
Depuis lors je n'entendi
A mener soulas ne joye;
Si en est tout arudi
20Le sentement que j'avoye.
Car je perdi tout l'espoir
Ou me souloie affermer.
N'oncques puis je n'oz vouloir
24De faire ami, ne d'amer.
Note XIX:—13 B N'encor.
XX
Comment feroye mes dis
Beaulx, ne bons, ne gracieux,
Quant des ans a près de dix
4Que mon cuer ne fu joyeux,
N'il n'a femme soubz les cieulx
Qui plus ait eu de meschief?
7Encor n'en suis pas a chief.
J'os des biens assez jadis;
Mais en yver temps pluieux
Si pesent, si enlaidis,
11N'est, ne si trés anuieux,
Comme adès en trestous lieux
M'est le temps; mais, par mon chief,
14Encor n'en suis pas a chief.
Si ay bien droit se je dis
Mes plains malencolieux;
Car en tristour est tousdis
18Mon dolent cuer, ce scet Dieux,
Ne jamais je n'aray mieulx,
Se ma pesance n'achief;
21Encor n'en suis pas a chief.
Note XX:—7 B E. n'en suis je p. a c.—8 A Je os.
XXI
Tant me prie trés doulcement
Cellui qui moult bien le scet faire,
Tant a plaisant contenement,
4Tant a beau corps et doulz viaire,
Tant est courtois et debonaire,
Tant de grans biens oy de lui dire
7Qu'a peine le puis escondire.
Il me dit si courtoisement,
En grant doubtance de meffaire,
Comment il m'aime loyaument,
11Et de dire ne se peut taire,
Que neant seroit du retraire;
Et puis si doulcement souspire
14Qu'a peine le puis escondire.
Si suis en moult grant pensement
Que je feray de cest affaire;
Car son plaisant gouvernement,
18Vueille ou non, Amours me fait plaire,
Et si ne le vueil mie attraire;
Mais mon cuer vers lui si fort tire
21Qu'a peine le puis escondire.
Note XXI:—6 B T. oy de l. de g. b. d.—15 B Si s. en trop g.
XXII
Tant avez fait par vostre grant doulceur,
Trés doulz ami, que vous m'avez conquise.
Plus n'y convient complainte ne clamour,
4Ja n'y ara par moy deffense mise.
Amours le veult par sa doulce maistrise,
Et moy aussi le vueil, car, se m'ait Dieux,
Au fort c'estoit folour quant je m'avise
8De reffuser ami si gracieux.
Et j'ay espoir qu'il a tant de valour
En vous, que bien sera m'amour assise,
Quant de beaulté, de grace et tout honnour
12Il y a tant que c'est drois qu'il souffise;
Si est bien drois que sur tous vous eslise;
Car vous estes digne d'avoir trop mieulx,
Et j'ay eu tort, quant tant m'avez requise,
16De reffuser ami si gracieux.
Si vous retien et vous donne m'amour,
Mon fin cuer doulz, et vous pri que faintise
Ne soit en vous, ne nul autre faulx tour;
20Car toute m'a entierement acquise
Vo doulz maintien, vo maniere rassise,
Et vos trés doulz amoureux et beaulz yeux.
Si aroye grant tort en toute guise
24De reffuser ami si gracieux.
Mon doulz ami, que j'aim sur tous et prise,
J'oy tant de bien de vous dire en tous lieux
Que par raison devroye estre reprise
28De reffuser ami si gracieux.
Note XXII:—9 A¹ Et j. espour—14 B C. v. e. bien d. d. m.—15 A Et je ay; B Si ay—19 B Ne treuve—21 A¹ Vou d. m. vou m.
XXIII
Bien doy louer Amours de ses biens fais,
Qui m'a donné ami si trés parfait,
Qu'en trestous lieux chascun loue ses fais
4Et sa beaulté, sa grace et tout son fait,
Qu'il n'a en lui ne blasme ne meffait;
Dieu l'a parfait en valeur et en grace,
N'on ne pourroit mieulx vouloir par souhait;
8Certes c'est cil qui tous les autres passe.
Et avec ce qu'il est sur tous parfais,
Et que son bien est en mains lieux retrait,
Pour moy servir porte tous pesans fais,
12Et m'aime et craint plus que riens sanz retrait;
Ne paour n'ay d'y trouver ja faulz trait.
Car il est tel que trestous maulx efface
De son bon cuer, ou il n'a nul forfait.
16Certes c'est cil qui tous les autres passe.
Si a mon cuer du tout a lui attrais
Qui est tout sien, c'est bien raison qu'il l'ait;
Car tout acquis l'a par ses trés doulx trais;
20Et vrayement si en mon cuer portrait
Est son gent corps, qu'il n'en sera fors trait
Jamais nul jour, se ma vie ne passe;
Car sanz mentir dire puis tout a fait:
24Certes c'est cil qui tous les autres passe.
Note XXIII:—5 B Il—7 A¹ Ne on.
XXIV
Ma doulce amour, ma plaisance cherie,
Mon doulz ami, quanque je puis amer,
Vostre doulceur m'a de tous maulz garie,
4Et vrayement je vous puis bien clamer
Fontaine dont tout bien vient,
Et qui en paix et joye me soustient,
Et dont plaisirs me vienent a largece;
8Car vous tout seul me tenez en leece.
Et la doulour qui en mon cuer norrie
S'est longuement, qui tant m'a fait d'amer,
Le bien de vous a de tous poins tarie;
12Or ne me puis complaindre ne blasmer
De Fortune qui devient
Bonne pour moy, se en ce point se tient.
Mis m'en avez en la voye et adrece;
16Car vous tout seul me tenez en leece.
Si lo Amours qui, par sa seigneurie,
A tel plaisir m'a voulu reclamer;
Car dire puis de vray sanz flaterie,
20Qu'il n'a meilleur de la ne de ça mer
De vous, m'amour, ainsi le tient
Mon cuer pour vray, qui tout a vous se tient,
N'a aultre rien sa pensée ne drece;
24Car vous tout seul me tenez en leece.
Note XXIV:—10 B¹ Est—20 B de ça ne de la m.; B¹ Q. n'i a m.—21 Sic dans tous les mss.; corr. ainsi en si?—22 B q. a v. t. se t.—23 B Si ne desir nulle plus grant richesce.
XXV
Dites moy, mon doulz ami,
S'il est voir ce que j'oy dire,
Que dedens la Saint Remi
4Devez aler en l'Empire,
En Alemaigne, bien loings,
Demourer, si com j'entens,
Quatre moys ou trois du moins?
8Helas! que j'aray mautemps!
Ne me puet jour ne demi
Sanz vous veoir riens souffire,
Et quant vous serez de mi
12Loins, quel sera mon martire!
De mourir me fust besoings
Mieulx que le mal que j'atens;
Rungier me fauldra mes froins.
16Helas! que j'aray mautemps! 16
Mon cuer partira par mi,
Au dire a Dieu j'en souspire
Souvent et de dueil fremi.
20Car je fondray com la cire
Des soussis et des grans soings
Que pour vous aray par temps;
Se je vous pers de tous poins,
24Helas! que j'aray mautemps!
Note XXV:—2 A ce q. j'oz d.
XXVI
Mon doulz ami, n'aiez malencolie
Se j'ay en moy si joyeuse maniere;
Et se je fais en tous lieux chiere lie,
4Et de parler a maint suis coustumiere,
Ne croiez pas pour ce, que plus legiere
Soye envers vous, car c'est pour decepvoir
7Les mesdisans qui tout veulent savoir.
Car se je suis gaye, cointe et jolie,
C'est tout pour vous que j'aim d'amour entiere.
Si ne prenez nul soing qui contralie
11Vostre bon cuer, car pour nulle priere
Je n'ameray autre qui m'en requiere;
Mais on doit moult doubter, a dire voir,
14Les mesdisans qui tout veulent savoir.
Sachiez de voir qu'amours si fort me lie
En vostre amour que n'ay chose tant chiere.
Mais ce seroit a moy trop grant folie
18De ne faire, fors a vous, bonne chiere.
Ce n'est pas drois, ne chose qui affiere
Devant les gens, pour faire apercevoir
24Les mesdisans qui tout veulent savoir.
Note XXVI:—3 A² Car se—8 A² B C. se je s. ne g. ne j.—12 A¹ Je n'aimeray.
XXVII
Ne cuidiez pas que je soye
Si fole, ne si legiere,
Sire, qu'accorder je doye
4M'amour a toute priere;
Trop seroye vilotiere,
Ce que oncques mais ne fus;
7J'en ay fait a maint reffus.
Ja pour ce ne vous anoye,
Ne me faittes pire chiere,
Car amer je ne saroye,
11Ne je n'en suis coustumiere,
Pour homme qui m'en requiere;
Aprendre n'en vueil les us;
14J'en ay fait a maint reffus.
Ne faire je n'en vouldroie
En fais, en dis, en maniere,
Chose que faire ne doye
18Femme qui honneur a chiere.
Trop mieulx vouldroie estre en biere.
Pour ce, soyent beaulx ou drus,
21J'en ay fait a maint reffus.
Note XXVII:—9 B Ne m'en f.—13 A li us—15 B Car f. je ne v.—16 A¹ e. d. (blanc) m.—17 B q. f. n'en d.—20 B P. ce et a b. et a d.
XXVIII
Mon doulz ami, vueilliez moy pardonner,
Se je ne puis, si tost com je vouldroye,
Parler a vous, car ainçois ordener
4Me fault comment sera, ne par quel voye.
Car mesdisans me vont gaitant
Qui du meschief et du mal me font tant,
Que je ne puis joye ne bien avoir,
8Pour le desir que j'ay de vous veoir.
Si pry a Dieu qu'il leur vueille donner
La mort briefment; car leur vie m'anoye,
Pour ce qu'en dueil me font mes jours finer
12Sanz vous veoir, ou est toute ma joye:
Car ilz se vont entremettant
De moy gaitier nuit et jour, mais pourtant
Ne vous oubli, ce pouez vous savoir,
16Pour le desir que j'ay de vous veoir.
Mais ne sçaront ja eulx si fort pener,
Que, maugré tous, bien briefment ne vous voie.
Car tant feray, se g'y puis assener,
20Que vous verray, quoy qu'avenir m'en doye,
Et vous feray savoir quant.
Mon doulz ami, deportez vous atant.
Car g'y mettray peine, sachiez de voir,
24Pour le desir que j'ay de vous veoir.
Note XXVIII:—9-16 Manquent dans A².—11 B Car en grief d. me f. m. j. mener—12 B S. veoir v.—21 Sic A B; corr. assavoir.
XXIX
Le gracieux souvenir,
Qui de vous me vient,
Me fait gaiement tenir.
4Et il appertient,
Car tout adès me souvient
Comment vostre bonté passe
Tous autres, chascun le tient,
8Par Dieu, c'est grant grace.
Joye doy bien maintenir,
Quant si bien m'avient,
Qu'amours mon cuer retenir,
12Dont plus lié devient,
Vous a fait a qui avient
Bien et bel en toute place
Faire quanque honneur contient,
16Par Dieu, c'est grant grace.
Ne mal ne me peut venir;
Car mon cuer maintient
Qu'a joye puis avenir,
20Par vous qui retient
Pense, dit, fait et detient
Tout bien, et tout mal efface
La bonté qui vous soustient,
24Par Dieu, c'est grant grace.
Note XXIX:—3 B¹ Me f. joyeusement t.—11 A Que mon cuer veult r.; B Qu'amours m'a fait r.—12 manque dans B.—19 A puet—21 manque dans B.
XXX
Faulx mesdisans aront ilz le pouoir
De moy faire mon ami eslongnier?
Nanil, par Dieu! combien que leur savoir
4Mettent a moy grever sanz espargnier,
Mais ja pourtant ne feront recreant
Mon cuer d'amer; a cellui le creant
Qui l'a du tout, car n'ont pas la poissance
8Qu'a vraye amour puissent faire grevance.
Grever peut bien mon corps ou mon avoir
Leur faulx agait, que ne puis engigner,
Ou mon honneur, et si puis recepvoir
12Par eulx maint mal; si le doy ressoigner;
Mais se mon fait devoyent en riant
Partout compter en la ville criant,
Si n'ay je pas ne doubte n'esperance
16Qu'a vraye amour puissent faire grevance.
Par leurs lengues ou il n'a mot de voir
(Je pri a Dieu que l'en leur puist roignier,)
Me destournent mon ami a veoir;
20De ce les voy assez embesoignier,
Et ja par eulx vont maintes gens creant
Pis qu'il n'y a, et ainsi vont grevant
Maint vray amant; mais n'ay point de doubtance
24Qu'a vraye amour puissent faire grevance.
Note XXX:—14 B c. par la v.—23 B car n'ay p. de d.
XXXI
Mon ami, ne plourez plus;
Car tant me faittes pitié
Que mon cuer se rent conclus
4A vostre doulce amistié.
Reprenez autre maniere;
Pour Dieu, plus ne vous doulez,
Et me faittes bonne chiere:
8Je vueil quanque vous voulez.
Ne plus ne soiez reclus,
Ne pensif, ne dehaitié;
Mais de joye aprenez l'us.
12Car bien avez exploitié
Vers Amours qui n'est pas fiere
Encontre vous; or alez,
J'acorde vostre priere:
16Je vueil quanque vous voulez.
Trop mieulx m'atachent qu'a glus,
Et d'amours font le traittié,
De voz larmes les grans flus
20Qui m'occient a moitié,
Ne plus je n'y met enchiere;
Doulz ami, or m'acolez,
Je suis vostre amie chiere;
24Je vueil quanque vous voulez.
Note XXXI:—19 A¹ le grant flus.
XXXII
Helas! m'amour, vous convient il partir
Et eslongnier de moy qui tant vous aim?
Ce poise moy, s'ainsi est, car sentir
4Me convendra, de ce soyez certain,
Trop de griefté jusqu'au retour.
En dueil vivray, en peine et en tristour,
Et me mourray de dueil certainement,
8Se demourez loing de moy longuement.
Car vostre est tout mon cuer, sanz repentir,
Ne n'a nul bien sanz vous, ne soir, ne main,
Ne il n'est rien qui le feist alentir
12De vous amer, tant fust malade ou sain;
Et, comme en une forte tour,
Est enfermé en lui vo gent atour
Qui m'ocira, n'en doubtez nullement,
16Se demourez loing de moy longuement.
Or me ditez, doulz ami, sanz mentir,
Quant revendrez. Pour le dieu souverain
Ne demourez! car ce feroit martir
20Mon povre cuer, qui n'a autre reclaim;
Et ne m'oubliez par nul tour,
Loyal soyez, et loing et cy entour;
Car tant vous aim qu'il m'yra durement
24Se demourez loing de moy longuement.
Note XXXII:—12 B De v. veoir.
XXXIII
En plourant a grosses goutes,
Trés triste et pleine de dueil,
Ma vraye amour dessus toutes,
4Cil que j'aim, n'autre ne vueil,
Vous di a Dieu a grant peine.
Car trop grant doulour soustient
Mon cuer, qui grief dueil demaine,
8Puis que partir vous convient.
Or sont mes joyes desrouptes;
Plus ne chant, si com je sueil;
Des tristes suivray les routes,
12J'en ay ja passé le sueil,
Puis que je seray longtaine
De vous, et il apertient.
Je demeure de dueil pleine,
16Puis que partir vous convient.
Je mourray, n'en faites doubtes,
Sans veoir vo doulz accueil.
Ha! Fortune, tu me boutes
20En dur point, puis que my oeil,
Fors par pensée prochaine,
Ne verront cil qui retient
Mon cuer: c'est chose certaine,
24Puis que partir vous convient.
Note XXXIII:—17 A¹ mouray—18 A¹ vou d. a.—22 A² q. te tient.
XXXIV
Or est venu le trés gracieux moys
De May le gay, ou tant a de doulçours,
Que ces vergiers, ces buissons et ces bois,
4Sont tout chargiez de verdure et de flours,
Et toute riens se resjoye.
Parmi ces champs tout flourist et verdoye,
Ne il n'est riens qui n'entroublie esmay,
8Pour la doulçour du jolis moys de May.
Ces oisillons vont chantant par degois,
Tout s'esjouïst partout de commun cours,
Fors moy, helas! qui sueffre trop d'anois,
12Pour ce que loings je suis de mes amours;
Ne je ne pourroye avoir joye,
Et plus est gay le temps et plus m'anoye.
Mais mieulx cognois adès s'oncques amay,
16Pour la doulçour du jolis moys de May.
Dont regreter en plourant maintes fois
Me fault cellui, dont je n'ay nul secours;
Et les griefs maulx d'amours plus fort cognois,
20Les pointures, les assaulx et les tours,
En ce doulz temps, que je n'avoye
Oncques mais fait; car toute me desvoye
Le grant desir qu'adès trop plus ferme ay,
24Pour la doulçour du jolis moys de May.
Note XXXIV:—3 B prés et b.—4 A Reverdissent partout de commun cours—5 A¹ Et t. r. si s'esjoye, corr. si se resjoye—13 B Et—17 A D. regraittant—18 A¹ Me fait.
XXXV
Je suis loings de mes amours,
Dont je pleure mainte lerme;
Mais en espoir prens secours
4Que tost revendra le terme
Qu'il m'a mis de retourner.
Ja sont passées trois sepmaines,
Six en devoit sejourner,
8Tant ont a durer mes peines.
Tant le desire tousjours
Qu'en suis malade et enferme.
Or venez doncques le cours,
12Amis que j'aim d'amour ferme,
Et vous ferez destourner
Mes angoisses trés grevaines;
Car jusques au retourner
16Tant ont a durer mes peines.
Pour mener mon dueil en plours,
Souvent a par moy m'enferme;
Mais ce garist mes doulours
20Qu'a bon espoir je m'afferme
Que Dieu vous vueille amener,
Ou tost nouvelles certaines;
Jusques la me fault pener,
24Tant ont a durer mes peines.
Note XXXV:—9 B a t.—14 B trop g.—20 B Qu'au doulz souvenir m'a.
XXXVI
Se vraye amour est en un cuer fichée
Sanz varier et sanz nulle faintise,
Certes c'est fort que de legier dechée;
4Ainçois adès de plus en plus l'atise
Ardent desir et l'amour qui s'est mise
Dedens le cuer, qui si le fait lier
Qu'il n'en pourroit partir en nulle guise,
8Et qui pourroit telle amour oublier?
Pour moy le sçay, qui suis toute sechée
Par trop amer; car, sans recreandise,
Ay si m'amour fermement atachée
12A cil amer, ou je l'ay toute assise,
Qu'en ce monde nul autre avoir ne prise,
Ne je ne fais fors melencolier.
Quant loings en suis, riens n'est qui me souffise,
16Et qui pourroit telle amour oublier?
Si ne pourroit jamais estre arrachée
Si faitte amour, car, pour droit que g'y vise,
Je n'ay pouoir qu'en moy de riens dechée,
20Et si suis je d'autres assez requise;
Mais riens n'y vault: un seul m'a tout acquise;
Tant pourchaça, par soy humilier,
Que je me mis du tout a sa franchise,
Et qui pourroit telle amour oublier?
Note XXXVI:—8, 16, 24 B celle a.—17 B Ne ne—19 A q. r. de m. d.—21 A¹ un m'a t. a.—B un m'a du t. a.—22 B pour s. h.—24 A¹ tel a.
XXXVII
Pour vous, m'amour desirée,
Ay joye si adirée,
Sanz mentir,
4Qu'adès vouldroye sentir
La mort, pour estre tirée
Du mal qui m'a empirée,
7Et si ne m'en puis partir.
Ne, pour tost estre curée
La peine qu'ay endurée,
Consentir
11Ne me puis ne assentir
A autre amour procurée;
J'en seroye perjurée,
14Et si ne m'en puis partir.
C'est pour vostre demourée,
Ma doulce amour savourée,
Qui partir
18Fera mon cuer com martir,
J'en suis taintte com morée,
Et toute descoulourée,
21Et si ne m'en puis partir.
Note XXXVII:—8 B Ne p. e. t.
XXXVIII
Helas! doulz loyaulx amis,
En grant desir attendoie
Le terme que m'aviez mis
4De retourner, mais ma joye
Tourne en dueil: tout est cassé
Le bon espoir que j'avoye,
7Puis que le terme est passé.
Vous m'aviez dit et promis,
Et aussi je l'esperoie,
Que deux moys ou trois demis,
11Demourriez en ceste voye,
Dont je me doubt que lassé
Vous soyez que plus vous voye,
14Puis que le terme est passé.
Or est de tous poins desmis
Le soulas qu'avoir soloie,
En pensant que ja remis,
18Du retour fussiez en voye
De venir; mais effacé
Est mon bien; car trop m'anoie,
21Puis que le terme est passé.
Note XXXVIII:—9 B ainsi—13 B omet le second vous.
XXXIX
Qui a mal, souvent se plaint;
Car maladie le doit,
Et pour ce sont mi complaint
4Doulereux, car chascun voit
Comment tourmentée suis
Pour amer, et ma doulour
Nullement celer ne puis;
8Il en pert a ma coulour.
On cognoist bien qui se faint;
Car qui grant griefté reçoipt,
Le visage en a destaint.
12Se le cuer est fort destroit,
Et pour ce mes griefs anuis
Amenrissent ma vigour,
Car repos n'ay jour ne nuys;
16Il en pert a ma coulour.
Mais cil, par qui j'ay mal maint,
Ne scet, ne cognoist, ne voit
Comment mon cuer est attaint;
20Helas! comment le sçaroit,
Car je ne le vis depuis
Demi an, mais son sejour
De la mort m'ovrira l'uis;
24Il en pert a ma coulour.
Note XXXIX:—4 A¹ Douloureux—8 B Il appert a—14 B Amenuissent.
XL
Amours, amours, certes tu fis pechié
De moy lier en tes perilleux las,
Ou mon cuer est si durement fichié,
4Que moult souvent me convient dire helas!
Et voirement dit l'en voir
Que tu ne scés nullui si chier avoir,
Qu'il n'ait, souvent avient, de ses amours
8Pour un seul bien plus de cinq cens doulours.
Au commencier m'as le cuer aluchié,
Par moy donner assés de tes soulas;
Mais quant tu l'as fermement atachié,
12Adonc de ses plaisirs despouillié l'as;
Car, sans lui faire assavoir,
Trestout le bien qu'il souloit recevoir
Lui as osté, et lui rens tous les jours
16Pour un seul bien plus de cinq cens doulours.
Et se cellui, par qui en dur point chié,
Ne vient briefment, mal oncques m'affulas
De tes dangiers par qui du tout dechié
20De joye avoir, et s'il est d'amer las
Trop me convendra douloir;
Car plus que riens le desir a veoir,
Et, s'il ne vient, j'aray pour mes labours
24Pour un seul bien plus de cinq cens doulours.
Note XL:—6 B¹ si chierement a.—7 A pour ses labours—9 B Au premier m'as le c. si a.—B² alechié—10 B Pour m.—18 A² B¹ mar o. m.—19 A¹ donjers—23 B par m. l.
XLI
Helas! au moins se aucune nouvelle
Peusse ouïr, par quoy sçeusse comment
Le fait cellui qui mes maulx renovele,
4Et qui tenu l'a ja si longuement
De moy loingtain, ce feist aucunement
Moy resjouïr, mais nul n'en fait raport,
7Ne plus, ne mains ne que s'il estoit mort.
Ne sçay s'en nef, en barge, ou en nacelle,
Passa la mer ou s'il va autrement;
S'en Aragon, en Espaigne, en Castelle,
11Ou autre part soit alé, ou briefment
Ne puist venir, ou si prochainement;
Car je ne sçay ou il est, n'a quel port,
14Ne plus, ne mains ne que s'il estoit mort.
Ou peut estre qu'il aime autre plus belle
Que je ne suis, si ne lui chaut granment
De revenir; mais il n'est damoiselle
18Ne nulle autre, ce sçay certainement,
Qui jamais jour l'aime plus loiaument;
Mais que me vault? quant je n'en ay confort,
21Ne plus, ne mains ne que s'il estoit mort.
Note XLI:—1 B H. amours—2 B P. avoir—5 A ce fait a—10 A¹ en E. ou en C.—A² ou C.—18 B ne s. c.
XLII
Ovide dit qu'il est un messagier,
Qui en dormant les nouvelles aporte,
Les gens endort, et puis les fait songier
4De joye ou dueil, songes de mainte sorte.
Morpheüs cil messager on appelle;
Au dieu qui dort est filz, ce dit la fable,
Qui en pluseurs formes se renouvelle,
8Cil nonce aux gens mainte chose notable,
Et cellui dieu de someil alegier,
Soye mercy, veult le mal que je porte.
Car nouvelles m'envoye sanz dongier
12De mon ami, autre ne me conforte.
Mais quant chose me dit qui ne m'est belle,
Mon cuer tremble plus que feuille d'arable;
Car en nul cas de riens le voir ne celle,
16Cil nonce aux gens mainte chose notable.
Et ma doulour fait moult assouagier
Le dieu qui dort, certes je fusse morte
Se il ne fust; mais plorer de legier
20Me fait souvent, car trop me desconforte
Quant il me dit qu'une autre damoiselle
Tient mon ami, et qu'il soit veritable
J'ay grant paour; car, de toute querelle,
24Cil nonce aux gens mainte chose notable.
Note XLII:—5 A¹ Orpheüs—10 A¹ Sienne m.—B le dueil q. je p.
XLIII
Hé Dieux! que le temps m'anuie,
Un jour m'est une sepmaine;
Plus qu'en yver longue pluie,
4M'est ceste saison grevaine.
Helas! car j'ay la quartaine,
Qui me rent toute estourdie
Souvent et de tristour pleine:
8Ce me fait la maladie.
J'ay goust plus amer que suye,
Et coulour pasle et mausaine;
Pour la toux fault que m'appuye
12Souvent, et me fault l'alaine.
Et quant l'excès me demaine,
Adonc ne suis tant hardie
Que je boive que tysaine:
16Ce me fait la maladie.
Je n'ay garde que m'enfuye;
Car, quant je vois, c'est a peine
Non pas l'erre d'une luie,
20Mais par une chambre plaine
Encor convient qu'on me maine,
Et souvent fault que je die:
«Soustenez moy, je suis vaine.»
24Ce me fait la maladie.
Medecins, de mal suis plaine,
Garissez moy, je mendie
De santté qui m'est longtaine;
28Ce me fait la maladie.
Note XLIII:—21 A¹ que on.
XLIV
Amours, il est fol qui te croit,
Ne qui a toy servir s'amuse;
Car qui mieulx te sert plus reçoit
4De grans anuis, et sa vie use
A grant meschief qui s'i esluse;
Grant faissel lui fault soutenir,
7Je m'en sçay bien a quoy tenir.
Ton bel accueil chascun deçoit,
Chascun attrait, nul ne reffuse,
Assez promet et moult accroit;
11Mais au payer trestous cabuse,
Et pis y a, car on accuse
Qui ta vie veult maintenir,
14Je m'en sçay bien a quoy tenir.
A la perfin chascun le voit,
Ton fait n'est fors que droitte ruse,
Et s'au commencier on savoit
18Comment la fin en est confuse,
Tel s'en retrairoit qui y muse;
Mais on ne s'i scet contenir,
21Je m'en sçay bien a quoy tenir.
Note XLIV:—14 et 21 A¹ Je me s.
XLV
Le messagier de Renommée,
Qui Pegasus est appellé,
Par qui grant parole est semée,
4Car ce qu'il scet n'est pas cellé,
Cil vole plus tost qu'une aronde,
Et telles nouvelles raporte,
Souvent qu'il semble que tout fonde;
8Et a la fois grant joye aporte.
Les nouvelles de mainte armée,
Ou s'un païs s'est rebellé,
Ou s'aucune chose est blasmée,
12A tantost dit et revellé;
Mais souvent ment, car il abonde
En grant parole droitte et torte;
Par lui sont dolent maint au monde;
16Et a la fois grant joye aporte.
Cellui m'a la guerre nommée,
Ou mon ami s'en est alé,
Et m'a dit qu'une aultre enamée
20A, dont j'ay le cuer adoulé,
N'est ne premiere, ne seconde
Fois, qu'il ainsi me desconforte;
Dont plourer me fait a grant onde;
24Et a la fois grant joye aporte.
Ainsi, en pensée parfonde
Songe m'euvre de deuil la porte,
Si qu'il m'est vis qu'en plours ja fonde;
28Et a la fois grant joye apporte.
Note XLV:—2 A¹ appellez—5 A¹ Sil—6 B apporte—10 B p. est r.—14 A² p. et d. et t.—17 B la g. donné—19 B que a e.—20 A¹ adoulée—25 à 28 omis dans A¹ et B.
XLVI
Mesprendroye vers amours
De faire nouvel ami,
Quant j'ay, sens avoir secours,
4Attendu an et demi
Cellui que je tant amoye?
Bien voy qu'il ne lui souvient
De moy, quant ne vient, n'envoye,
8Ne nouvelles ne m'en vient.
Pour lui ay eu mains maulx jours,
Et se tel mal eust pour mi,
Plus tost venist que le cours;
12Car oncques puis ne dormi
Bien, qu'il parti, ne n'oz joye;
Ne sçay quel cause le tient,
Mais n'en oz ne vent ne voye,
16Ne nouvelles ne m'en vient.
Se ne vueil plus en telz plours
Vivre, j'ay assez gemi;
Estre y pourroye tousjours,
20Qu'il n'en donroit un fremi.
Ce n'est pas drois que je doie
Lui amer, quant ne lui tient;
Ne ne chault que je le voie,
24Ne nouvelles ne m'en vient.
Note XLVI:—1 B M. je v. a.—3 A B² Q. je s.—8 A¹ ne me v.—9 A² Par l.—15 B M. n. oy.
XLVII
Jamais a moi plus ne s'attende,
Cellui a qui plus ne m'attens,
Puis que vers moy ne vient ne mende.
4Attendu l'ay deux ans par temps,
Plus ne m'en quier donner mau temps;
Folie m'en feroit douloir,
7Puis qu'il m'a mis en nonchaloir,
Au vray corps Dieu le recomende,
Qui le gard de mauvais contens,
Et de tout peril le deffende,
11Combien que plus je ne l'attens,
Et a m'en retraire je tens;
Et de ce fais je mon devoir,
14Puis qu'il m'a mis en nonchaloir.
Mespris a vers moy, mais l'amende
N'affiert pas de deniers contens,
Mais du devoir qu'Amours comende
18A ceulz qui sont entremettans
D'amours servir; mais mal contens
S'en tient mon cuer, a dire voir,
21Puis qu'il m'a mis en nonchaloir.
Note XLVII:—1 A² J. p. a m.—11 B² je ne l'entens—12 A¹ jettens—B Et a moy r. j'entens.
XLVIII
Je ne te vueil plus servir,
Amours, a Dieu te comand.
Tu me veulz trop asservir,
4Et paier mauvaisement;
Pour loier me rends tourment.
C'est fort chose a soustenir:
7Je ne m'i vueil plus tenir.
Pour ta grace desservir
Je t'ay servi loiaument,
Mais je ne puis assovir
11Mon service, car griefment,
Me tourmentes, dont briefment
Aime mieulx m'en revenir:
14Je ne m'i vueil plus tenir.
Qui a toy se veult plevir,
Et donner entierement,
Puis descendre, puis gravir,
18Selon ton commandement,
Lui convient peniblement;
Si m'en doit bien souvenir:
21Je ne m'i vueil plus tenir.
Note XLVIII:—11 B trop g.—12 B bien b.
XLIX
N'en parlez plus, je ne vueil point amer;
Sire, pour Dieu vueilliez vous en retraire,
Ne me devez ne haïr ne blasmer,
4Se je ne vueil a nul en tel cas plaire;
Helas! pour Dieu, vueilliez vous ent retraire.
Car plus ne vueil telle complainte oïr;
7Vous me ferez d'environ vous foïr.
Par telz semblans me feriez diffamer;
A vous seroit grant pechié de ce faire.
Ja vont pluseurs partout dire et semer,
11Que cy entour vous n'avez riens que faire,
Et si n'est nul qui autant y repaire;
Mais se vous voy de tel plait esjouïr,
14Vous me ferez d'environ vous fouïr.
Il n'est chanteur, ne sereine de mer,
Qui cuers de gens scevent si bien soubtraire,
Ne beau parler, prier, ne reclamer,
18Qui me feïst a telle amour attraire,
Si vous suppli que vous en vueilliez taire;
Car s'autrement ne puis de ce joïr,
21Vous me ferez d'environ vous foïr.
Note XLIX:—6 B celle c. o.—9 B A. v. sera—18 B Q. me sceüst a t. a. traire—A¹ Q. me faist a tel a.
L
Aucunes gens porroient mesjugier
Pour ce sur moy que je fais ditz d'amours;
Et diroient que l'amoureux dongier,
4Je sçay trop bien compter et tous les tours,
Et que ja si vivement
N'en parlasse, sanz l'essay proprement,
Mais, sauve soit la grace des diseurs,
8Je m'en raport a tous sages ditteurs.
Car qui se veult de faire ditz chargier
Biaulz et plaisans, soient ou longs ou cours,
Le sentement qui est le plus legier,
12Et qui mieulx plaist a tous de commun cours,
C'est d'amours, ne autrement
Ne seront fait ne bien ne doulcement,
Ou, se ce n'est, d'aucunes belles meurs,
16Je m'en raport a tous sages ditteurs.
Qui pensé l'a, s'en vueille deschargier,
Qu'en verité ailleurs sont mes labours.
Pour m'excuser ne le dis ne purgier;
20Car amé ont assez de moy meillours,
Mais d'amours je n'ay tourment
Joye ne dueil; mais pour esbatement
En parlent maint qui ont ailleurs leurs cuers,
24Je m'en raport a tous sages ditteurs.
Note L:—6 A¹ Ne p.—13 B ou a.—14 B Ne seroit—18 B a. soit m. l.—20 B de moy a. m.
LI
Ce n'est pas drois que vous face priere
De moy amer; car mie n'apartient
Que nul amant dame d'amours requiere,
4Car de l'amant ce communement vient.
Mais vraiement c'est grant duel s'il avient
Qu'on ait un tel pour ami retenu,
Qui loiaulté ne verité ne tient;
8Ce poise moy quant ce m'est avenu.
Et non obstant qu'a moy pas il n'afiere
D'en plus parler, puis qu'a vous n'en souvient,
Si ne me puis je encor tenir si fiere
12Que ne die le dueil qui me survient.
Car le mien cuer pour mal content se tient
De vous trouver de vraye amour si nu,
Dont je voy bien retraire m'en convient;
16Ce poise moy quant ce m'est avenu.
Trop me deçut Amours par vostre chiere,
Qui demonstroit, mon cuer bien le retient,
Que m'amissiez de vraye amour entiere.
20Et vrayement je croy que qui maintient
Tel trayson, pou de preu en retient;
Mais je voy bien qu'il vous est souvenu
Moult pou de moy, mais puis que vous n'en tient,
24Ce poise moy quant ce m'est avenu.
Note LI:—4 B ce commencement v.—7 B Q. v. ne l. ne t.—17 B Amours si me d. p.—21 B en detient—23 B puis qu'a v.
LII
De tous les dieux dont Ovide parole
En ses dittiez qui amerent jadis
Tant, par amours qui tous les cuers afole,
4Qu'ilz en vindrent ça jus de paradis,
Soient trestouz les faulz amans maudiz.
Je pri Pluto, Cerberus, Proserpine,
Que grant meschief ne leur soit pas tardis,
8Et que jamais leur meschance ne fine.
Cupido pri le dieux d'amours qui vole,
Et Jupiter, Apollo, Palladis,
La grant Venus qui d'amours tient escole,
12Que de leurs cours banis et entredis
Soient adès, et tous bien contredis,
Et qu'en leurs cuers mettent d'amours l'espine,
Et qu'ilz soient en tous lieux escondis,
16Et que jamais leur meschance ne fine.
Et le dieu Mars qui pas ne porte escole,
Cil qui aïde en battaille aux hardis,
Vueille sur eulx descochier tel bricole,
20Dont ilz gissent vaincus, maz, estourdis;
L'honneur d'armes soit en eulx reffroidis,
Et pri Juno la deesse benigne
Que povreté et mal leur doint tousdis,
24Et que jamais leur meschance ne fine.
Et s'oultremer s'en vont en ce tendis,
Le dieu de mer si trouble la marine
Qu'ilz y soient tous peris et laidis,
28Et que jamais leur meschance ne fine.
Note LII:—13 B S. tousjours—A¹ t. biens c.—14 A² Mais en l.—15 A² Pour tant s—21 A¹ Honneur d'a.—27 B p. ou l.
LIII
Sage seroit qui se saroit garder
Des faulx amans qui adès ont usage
De dire assez pour les femmes frauder;
4Trop se plaignent de l'amoureuse rage
Qui plus les tient que l'oisellet la cage,
Et vont faignant qu'ilz en ont couleur fade;
Mais quant a moy tiens de certain corage,
8Qui plus se plaint n'est pas le plus malade.
Qui les orroit jurer et bien bourder,
Faire semblant d'estre plus serf qu'un page,
Aler, venir, muser et regarder,
12Et en parlant recouper leur langage
Pour decepvoir, a pou n'est il si sage
Eulx guermenter a la plaisant et sade!
Mais on peut bien jugier a leur visaige,
16Qui plus se plaint n'est pas le plus malade.
De telz amans Dieux les vueille amender.
Il en est moult, je croy, dont c'est dommage,
Qui partout vont aux dames demander
20Grace et mercy, ou envoyent message,
Qui ne le font fors pour querre avantage
En certains lieux; pour ce dit ma balade,
Qu'en ce cas cy, tant soit de hault parage,
24Qui plus se plaint n'est pas le plus malade.
Note LIII:—3 A² B l. f. laider—7 A² B M. q. a m. je t. en mon c.—15 A² on p. b. veoir a—22 B En divers.
LIV
Vrays amoureux, jeunes, jolis et gais,
Qui desirez a monter en hault pris,
Ayez les cuers nobles, doulz et en paix,
4Blasme et mesdit soit de vous en despris,
D'acquerre honneur soiez chaulx et espris,
Courtois, loiaulx, sages et gracieux,
Et beaulx parliers, larges, n'aiés envie,
Portez honneur aux vaillans et aux vieulx;
9Ainsi sera grace en vous assouvie.
Ne vous chault ja s'estes ou beaulz ou lais,
Granz ou petiz, ja n'en serez repris,
Mais que renom tesmoigne voz bons fais,
13Et que soiez en toute honneur apris.
Du fait d'autrui ne parlez en mespris,
Vostre maintien soit bel, et en tous lieux
Soit plaisamment dame de vous servie,
Esbatez vous a honnourables jeux;
18Ainsi sera grace en vous assouvie.
Suivez les bons, ne vous vantez jamais,
Ne a mentir souvent n'aiés apris,
Et voulentiers d'armes portez le fais;
22Qui ce mestier faire a entrepris
Nul ne blasmez, comment qu'il vous soit pris,
Dieu et les sains et les saintes des cieulx
Amez, servez trestoute vostre vie,
Et en tous cas vous en sera de mieulx,
27Ainsi sera grace en vous assouvie.
Gentiz amans, or soiez doncques tieulx,
Et deshonneur sera de vous ravie.
Les fais des bons aiez devant les yeulx,
31Ainsi sera grace en vous assouvie.
Note LIV:—4 A¹ Blasdit et m.—6 B L. s. c. et g.—21 B les fais.
LV
Qui bien aime n'oublie pas
Son bon ami pour estre loings
Car en voyage avient maint cas,
4Dont li sejourners est besoings;
Mais aucuns on sieult moult amer
Qu'on oublie par long passage.
Car le voiage d'oultremer
8A fait en amours maint dommage.
Pluseurs en Chipre ou a Damas,
Ou demeurent trois ans ou moins,
S'en vont, ou au corps saint Thomas
12En Ynde, ou ilz ont mains besoings;
Mais Amours qui les fait armer
Leur rend souvent pou d'avantage,
Car le voiage d'oultremer
16A fait en amours maint dommage.
Par telz sejours souvent sont las
Les cuers d'amer, et par telz poinz
Sont oubliez ceulz qui maint pas
20Font par le monde en divers coings;
Aussi n'oseroie affermer
Qu'amis ne changent leur corage,
Car le voiage d'oultremer
24A fait en amours maint dommage.
Note LV:—6 A¹ Que on.
LVI
Mon bel ami, je voy trop bien
De vray, quel que le semblant soit,
Que vostre cuer ne m'aime en rien.
4Bien borgnes est qui ne le voit;
Vous le dites quoy qu'il en soit,
Mais c'est tout pour moy faire pestre,
7Car l'oeuvre loe le maistre.
Il appert a vostre maintien
Comment vo cuer d'amer recroit;
Car tout un moys, si com je tien,
11De moy veoir ne vous chauldroit.
Que m'amissiez qui le croiroit?
Certes, ce ne pourroit estre,
14Car l'oeuvre loe le maistre.
Dont trop pour fole je me tien,
Et aussi chascun m'i tendroit,
De vous amer; car nesun bien
18De ce venir ne me pourroit,
Puis qu'en riens ne vous en seroit,
Et j'aperçoy trop bien vostre estre;
21Car l'oeuvre loe le maistre.
Note LVI:—4 A Pou aperçoit q. ne le v.—13 Sic dans tous les mss. corr. C. ce ne p. [pas] e.—On peut encore faire la correction en maintenant tel quel ce vers et en abrégeant les vers 6 et 20.—16 B Et c. a.
LVII
Se j'ay le cuer dolent je n'en puis mais,
Car mon ami s'en vait en Angleterre,
Ne je ne sçay quant le reverray mais
4Le bel et bon qui mon cuer tient en serre;
Car entre luy et moy ara grant barre;
Mais jamais jour joye ne bien n'aray,
7Jusques a tant que je le reverray.
Et quant je pense a ses gracieux fais
Doulz et plaisans, trop fort le cuer me serre;
Et comment pour morir, certes, jamais
11Ne me courçast, et ou pourroye querre
Nul plus plaisant? or vueil je Dieu requerre
Qui le convoit; mais dolente seray,
14Jusques a tant que je le reverray.
Or est mon cuer chargié de pesant fais,
Dont plains et plours me feront dure guerre;
Et en lui seul seront tous mes regrais;
18Car je l'aim plus que riens qui soit sus terre.
Si convendra que le renvoye querre,
Ou a douleur et meschief languiray,
21Jusques a tant que je le reverray.
Note LVII:—1 A¹ j'en n'en p. m.—2 B¹ va.—3 B q. je r.—11 B¹ Ne me courcist—A² et ou pourroy je q.—17 B Car—20 B Ou en d.
LVIII
Dant chevalier, vous amez moult beaulz ditz;
Mais je vous pri que mieulx amiez beaulz faiz.
Au commencier estes un pou tardis,
4Mais encor vault trop mieulx tart que jamais,
Vous ne servez fors d'un droit entremais:
Parmi ces cours voz baladez baillier;
C'est le beau fait que vous ferez jamais.
8Ha Dieux! Ha Dieux! quel vaillant chevalier!
Vous estes bon chevalier et hardis,
Mais vous amez un petit trop la paix,
Si avez droit, car aux acouardiz
12Est trop pesant des armes le grief fais.
Tel chevalier soit honnis et deffais
Qui pour honneur ressongne a travailler!
Mais le repos vous siet bien desormais.
16Ha Dieux! Ha Dieux! quel vaillant chevalier!
Et pis y a, par Dieu de paradis,
C'est villain fait se vous en pouez mais;
Car malparlier, jengleur, plein de mesdis,
20Estes tenus et pis, mais je m'en tais,
Dont a la Court partout et au Palais
Vont maint disant qu'on le puist exillier;
De quoy sert il? De faire virelais.
24Ha Dieux! Ha Dieux! quel vaillant chevalier!
Le mesdire d'autrui laissiez en paix,
Dant chevalier, car pire en un millier
Il n'a de vous, si dient clers et lais:
28Ha Dieux! Ha Dieux! quel vaillant chevalier!
LIX
Par ces moustiers voy venir et aler
Maint amoureux gracieux et faitis,
Qui n'osent pas a leurs dames parler
4Pour mesdisans qui trop sont ententis
D'eulx agaitier, dont les amans gentilz
S'en vont souvent qu'ilz n'en ont se mal non.
Et quant ilz sont de l'eglise partis,
8Sont ilz aise? certes je croy que non.
Et se bien ont, je croy qu'au paraler
Moult chierement il leur soit departis
Car, qui se veult selon amours riuler,
12Il n'a mie pour soy tous bons partis.
Amours les tient subgiez et moult craintis
Que de leur fait il soit aucun renom.
Ytelle gent, soient grans ou petiz,
16Sont ilz aise? certes je croy que non.
Mais des mauvais on ne se doit mesler;
Car bien n'en ont, ne mal, mais alentis
Ilz sont d'amer et ne scevent celer;
20Malicieux, decepvans et faintis
Sont, et mauvais et en leurs fais soubtilz;
Mais ne leur chault s'ilz sont amez ou non.
Se bien leur vient a si pou d'apetis,
24Sont ilz aise? certes je croy que non.
Note LIX:—2 A Ces a.—3 A¹ a leur dame—4 B q. s. t. e.—7 B de l'e. sortis—9 A¹ que au—18 A¹ et a.—21 A² en l. f. faintifs.
LX
Du mal d'amours soiez vous tourmentez,
Vous qui parlez sus les vrais amoureux!
De les blasmer je dis que vous mentez,
4D'eulx diffamer, ne mesdire sur eulx,
Car bonne gent sont et beneüreux
D'avoir empris si gracieuse vie;
7Mais vous parlez comme gent pleins d'envie.
Car il n'est nul si villain, n'en doubtez,
S'il a gousté des doulz biens savoreux
Qu'Amours depart a ceulx qu'il a domtez,
11Que tout gentil, poissant et vigoreux
Il n'en deviegne et de biens plantureux.
Tache de mal est d'eulx du tout ravie;
14Mais vous parlez comme gent pleins d'envie.
De mieulx valoir qu'ilz ne font vous vantez,
Faulx mesdisans, villains, maleüreux,
Qui en tous lieux estes si deboutez,
18Que chascun fait de vous le dongereux;
Faillis, lasches estes et paoureux,
Et en eulx est toute grace assouvie;
21Mais vous parlez comme gent pleins d'envie.
Note LX:—12 B Il ne d.
LXI
Io fut une damoiselle
Que Jupiter ama moult fort.
Juno en ouÿ la nouvelle;
Se ne lui fu jeu ne deport:
5Du ciel descent en une nue
Pour son mary surprendre ou fait;
Sur eulx est tout a coup venue
Si les y eust surpris de fait;
Mais il n'est nul si grant meschief
10Qu'on ne traye bien a bon chief.
Car Jupiter d'une cautelle
Se couvri; car il fist un sort
Par quoy il tresmüa la belle
En une vache, mais au fort
15S'en est Juno si près tenue,
Qui souspeçon a du meffait,
Qu'elle a la vache retenue
Malgré que Jupiter en ait.
Mais il n'est nul si grant meschief
20Qu'on ne traye bien a bon chief.
La vache en garde bailla celle
A Argus, qui jamais ne dort;
Cent yeulz avoit et la pucelle
Toudis gaitoit, mais il fu mort
25Par Mercures qui l'en desnue,
Car au vachier tant tint de plait
Qu'il l'endort, puis l'a detenue;
Et ce fu a Juno moult lait.
Mais il n'est nul si grant meschief
30Qu'on ne traye bien a bon chief.
Pour ce je di qu'une cenelle
Ne vault la garde tant soit fort,
Ne a vallet ne a basselle;
Puis qu'ilz sont tous deux d'un acort,
35L'amour d'eulz sera maintenue
Et verront, qui que dueil en ait,
L'un l'autre, et en est avenue
Mainte chose par tel agait;
Mais il n'est nul si grant meschief
40Qu'on ne traye bien a bon chief.
Note LXI:—8 A Et—10 A¹ Que on—12 A² Se c. en faisant un s.—17 A Que elle—26 A² C. le v.—32 vers rayé dans A¹.—40 A¹ Q. ne tourne.
LXII
Ha! mon ami, que j'ay long temps amé!
Comment as tu le cuer si desloiaulx,
Que moy qui t'ay si doulcement clamé
4Ami long temps, tu me fais tant de maulz?
Parjur, mauvais, plein de mençonge et faulz,
On te devroit par dessus tous clamer,
7De moy laissier ainsi pour autre amer.
Je t'avoye dessus tous affermé
Pour mon ami sur tous especiaulx,
Et tous jours t'ay chery et reclamé
11De tout mon cuer qui t'a esté loyaulz;
Mais plus mauvais n'a n'en France n'en Caulx,
Ne autre part, le cuer as trop amer
14De moy laissier ainsi pour aultre amer.
Est donc ton cuer si pris et enflammé
De celle qui tant me fait de travaulx,
Que de s'amour soies si affamé
18Que de moy fais contre elle petit taux?
Tu t'avances de ce faire a bas saulx,
Ce m'est avis, et te doit on blasmer
21De moy laissier ainsi pour aultre amer.
Note LXII:—4 B qu'une faiz t. de m.—6 B On te doit bien—9 B P. m. a. trés chier e.—11 B q. t'ay e.—15 B si p. si e.—20 B ce me semble.
LXIII
Amours! Amours! ce m'as tu fait,
Qui m'as mis en si dur parti.
Se ne te feis je oncques meffait,
4Et si ay tant de maulx parti
Largement m'en as departi;
Et qui te fait de son cuer don,
7A il doncques tel guerredon?
Ton soulas est bien contrefait,
Il s'est de moy tost departi,
Contre le bien mal me reffait;
11En grant doulour s'est converti,
Tu m'occis sanz dire «gar t'y!»
Va il ainsi qui te sert don,
14A il doncques tel guerredon?
Et pour quoy, ne pour quel tort fait,
M'as tu un tel ami sorti,
Qui ma vie et mes jours deffait?
18Car par lui suis en tel parti
Que tout mon sens est amorti.
Qui tu esprens de ton brandon,
21A il doncques tel guerredon?
Note LXIII:—15 B Et p. q. et p. q. meffait—20 B Q. t. e. de tel b.—21 A guerdon.
LXIV
Sages et bons, gracieux et courtois,
Doivent estre par droit tous chevaliers;
Larges et frans, doulz, paisibles et cois,
4Pour acquerir honneur grans voiagiers,
En fais d'armes entreprenans et fiers,
Droit soustenir et deffendre l'Eglise,
D'armes porter doit estre leur mestiers,
8Qui maintenir veult l'ordre a droite guise.
Hanter les cours des princes et des roys,
Les fais des bons recorder voulentiers;
Estre doivent d'orphelins et de lois
12Et des femmes deffendre coustumiers,
Acompagnier les nobles estrangiers,
Preux et hardiz et sanz recreandise,
Et voir disans, fermes, vrais et entiers,
16Qui maintenir veult l'ordre a droite guise.
Et noblece dont il est si grant voix
Les doit tenir loiaulx et droituriers;
Pour le renom qu'il est des bons françois
20Leur doit estre tous pesans fais legiers,
Ne orgueilleux, vanteurs ne losengiers
Ne soient pas, car chascun trop desprise
Si fais mahains, bourdeurs ne noveliers,
24Qui maintenir veult l'ordre a droite guise.
Telz chevaliers doit on avoir moult chiers;
Dieu et les sains et le monde les prise.
Or suive donc toudis si fais sentiers,
28Qui maintenir veult l'ordre a droite guise.
Note LXIV:—7 A omet D'—12 A Et de f.—23 A Si f. m. vanteurs ne n.—27 B¹ or s. doncques si f. s.
LXV
Dame sanz per, ou tous biens sont assis,
A qui m'amour j'ay trestoute donnée,
Corps gracieux de doulz maintien rassis,
4Belle beaulté doulcement atournée,
Que j'aim et craim plus qu'autre chose née,
Apercevez que je n'ose
Parler a vous, ne conter mon martire;
Mais s'il m'esteut le dire a la parclose
9Ne me vueilliez, doulce dame, escondire.
Car il a ja des ans bien près de six
Que j'ay en vous m'amour toute assenée,
N'oncques n'osay vous requerir mercis
13Pour la paour que ne soiez tanée
De m'escouter, mais ne puis plus journée
La douleur qui est enclose
Dedens mon cuer endurer sanz le dire;
Mais se voyez que pour vous ne repose,
18Ne me vueilliez, doulce dame, escondire.
Gentil cuer doulz, or soient adoulcis
Par vous mes maulz, et ma douleur sanée.
Car de plorer et plaindre je m'occis,
22Ne je ne puis sanz mort passer l'année,
Se ma douleur n'est brief par vous finée.
Belle, plus fresche que rose,
Vo doulce amour demand que tant desire;
Et quant ne vueil ne requier autre chose,
27Ne me vueilliez, doulce dame, escondire.
Note LXV:—10 B C. il y a d.—11 A² m'a. en v.—13 B q. ne feussiez t.—23 B n'e. tost p.—25 B La vostre a.—26 A Et se voyés que pour vous ne repose.
LXVI
Mon chevalier, mon gracieux servant,
Je sçay de vray que de bon cuer m'amez,
Et de long temps je vois apercevant
4L'amoureux mal dont tant vous vous blamez.
Or ne faites plus mate chiere,
Ne vous doulez plus ne jour ne demi,
Car je vous vueil amer d'amour entiere,
8Et vous retien pour mon loial ami.
Et la douleur qui tant vous va grevant
Pour moye amour, dont pour mort vous clamez,
Je gariray et vous verray souvent.
12Ja ne sera mon corps si enfermez
Que je ne treuve bien maniere
De vous veoir; or soiez tout a mi,
Car estre vueil aussi vo dame chiere,
16Et vous retien pour mon loial ami.
Si gardez bien, ne m'alez decevant,
Car les loyaulz amans sont clersemez;
Ce croy je bien, mais n'alez ensuivant
20Les faulz mauvais qui tant sont diffamez.
Pour ce, se je ne vous suis fiere,
Et ay pitié dont tant avez gemi;
Par quoy ottroy m'amour a vo priere,
24Et vous retien pour mon loial ami.
Note LXVI:—12 B si affermez—20 A² L. f. amans—21 B Pour tant—23 A² m'a. o.
LXVII
Chiere dame, certes je ne pourroie
Vous mercier assez souffisamment
Du noble don que vo doulz cuer envoie
4A moy, qui suis vostre serf ligement,
De me donner l'amour entierement
De vous que j'aim et desir a servir;
7Hé Dieux me doint pouoir du desservir!
Or avez vous remply de toute joye
Mon povre cuer, et osté le tourment
Que par long temps pour vous souffert avoye;
11Or m'avez vous mercy trop grandement.
Pensé avez de mon avancement
De moy vouloir de tous biens assouvir;
14Hé Dieux me doint pouoir du desservir!
Or seray gay trop plus que ne souloie,
Et bien est drois que vive liement;
Car tant me plaist que vostre amour soit moye
18Que, se le monde estoit mien quittement,
Mieulz vouldroie le perdre entierement
Que vostre amour, ou me vueil asservir;
21Hé Dieux me doint pouoir du desservir!
Note LXVII:—3 B¹ q. vostre c. octroye—B² q. vo d. c. octroye—5 B De moy d.—7 B Ha D.—7, 21 A¹ Et D.—8 à 14 omis dans A¹—14 B Ha D.—20 B or m'y v.—21 B Ha D.
LXVIII
Dame, oncques mais je ne vous vi
Que maintenant; mais, sanz mentir,
Mon cuer avez du tout ravi
4A tousjours mais, sanz departir.
Si me fauldra mains maulz sentir,
Se m'escondissiez; ce vous pry.
7Dame, pour Dieu, mercy vous cry.
Grandement m'arez assouvi,
S'il vous plaist a moy consentir
Vostre amour, et je vous plevi
11Que tout vostre, sanz alentir,
Suis et seray, n'en quier partir.
A jointes mains je vous depry;
14Dame, pour Dieu, mercy vous cry.
Durement m'ara asservi,
Vostre beaulté qui amatir
Fera mes ris, et assouvi
18Sera mon bien; se assentir
Voulez ma mort, comme martir
Me mourray; si oyez mon cry:
21Dame, pour Dieu, mercy vous cry.
Note LXVIII:—4 A² B s. repentir—6 A¹ se v. p.—B² et v. p.—14 A² doulce d. m.—18 B se consentir.
LXIX
Il vous est bien pris en sursault
Le mal d'amours qui si vous blece;
Ne voulez pas avoir deffault
4Pour avoir de prier paresce.
Je ne suis pas d'amer maistresse,
Et nyce on me devroit clamer,
7Sire, de si tost vous amer.
Car il m'est vis que dame fault
Contre honneur et contre noblece,
De tost donner ce que tant vault,
11Qu'il n'est nulle plus grant richece
Aux desirans, ne tel leesce.
On vous lairoit pou affamer,
14Sire, de si tost vous amer.
Et desservir avant vous fault
Les biens d'amours a grant destrece,
Et souffrir le froit et le chault,
18Que vous en aiez tel largece;
Bien me tendriez a musarresse,
Vous meismes me devriez blasmer,
21Sire, de si tost vous amer.
Note LXIX:—6 B Aussi me d. on blasmer—15 B Car—19 B B. m'en tendriez—8-21 A intervertit ces deux strophes.
LXX
Voulez vous donc que je muire,
Trés belle, pour vous amer?
Helas! ou pourray je fuire,
4Se vo doulz cuer m'est amer?
Je ne me pourroye armer
Contre amours qui si m'assault
7Que vigueur et cuer me fault.
Pour Dieu ne me vueilliez nuire,
Trés doulce estoille de mer
Par qui je me vueil conduire;
11Vous seule vueil reclamer,
Vueillez moy ami clamer,
Ou je vous diray tout hault
14Que vigour et cuer me fault.
A vo vouloir me vueil duire,
Et de tous poins confermer;
Autre ne me puet deduire.
18Si m'i fault du tout fermer,
Sanz nul jour me deffermer
De vous, dont j'ay tel deffault
21Que vigour et cuer me fault.
LXXI
Vostre beaulté, vo gracieux accueil,
A si mon cuer de vous enamoré,
Dame plaisant, et vo doulz riant oeil,
4Que, se je n'ay vostre amour, je morré
Prochainement, et fremir
Fait tout mon cuer quant vo beaulté remir;
Tant suis forment de vostre amour espris,
8Doulce dame, je me rens a vous pris.
Voiez comment pour vous de plours me mueil,
Par quoy vivre longuement ne porré
Pour l'amoureux mal dont si fort me dueil,
12Que ja m'a près que mort et acouré.
Dame que je vueil cremir,
Aiez pitié de moy qui escremir
Ne puis vers vous, et com d'amer surpris,
16Doulce dame, je me rens a vous pris.
Et trés plaisant cuer, gentil, sanz orgueil,
Doulz corsellet de moy trés aouré,
Je ne desir autre chose, ne vueil
20Qu'un doulz baisier de vous assavoré;
Plus ne devroye gemir
Se du trés doulz viaire ou je me mir
Avoye ce; mais se j'ay riens mespris,
24Doulce dame, je me rens a vous pris.
Note LXXI:—4 A¹ se je n'é—9 B V. comme p. v.—20 A¹ Que un—21 A cremir—22 A² me muyr.
LXXII
Ma dame, je ne sçay que dire
De vous et de vostre maniere;
Vous me voulez du tout destruire
4De moy faire si mate chiere;
Debouter me voulez arriere
De vous, dont suis desconforté;
7Ne sçay qu'on vous a raporté.
Riens ne fais qui vous puist souffire,
Ne chose que je vous requiere
Ne faites, dont j'ay trop grant yre.
11Ne souliez estre coustumiere
D'envers moy estre si trés fiere,
Sanz que me soye mal porté;
14Ne sçay qu'on vous a raporté.
Fondre me feriez com la cire,
Et mon corps moult tost metre en biere,
De moy de tous biens escondire,
18Ou je ne sçay, ma dame chiere,
S'un autre en mes biens met enchiere
Qui vo cuer ait mal enorté;
21Ne sçay qu'on vous a raporté.
Si ne vueilliez qu'a la mort tire
Sanz cause, pour un autre eslire
Qui mon bien en ait enporté;
25Ne sçay qu'on vous a raporté.
Note LXXII:—2 B ne de v.—6 B De v. d. j'ay trop de durté—7 A¹ que on—13 B Se vo cuer est mal enorté—14 A¹ que on—15 A² ferés—20 B Qui de moy vous ait mal porté—21 et 25 A¹ que on—22 à 25 omis dans B.
LXXIII
Helas! ma dame, il me fault eslogner
De vo beaulté, dont le cuer trop me deult.
Si m'assauldront tous maulz sanz espargnier,
4Car plus vous aim que Tristan belle Ysseult,
Belle, ou sont tuit mi ressort.
Or deffauldront mi gracieux deport;
Car vous estes mon reconfort sur tous,
8Las! que feray, doulce dame, sanz vous?
Et tous les jours faudra en plours bagner
Mon pouvre cuer, qui trop de mal recueult;
Car autre bien ne convoite a gaigner
12Fors vous, belle, ce demande et ce veult.
Si suis en grant desconfort;
Car je ne puis vivre sanz vous au fort,
N'estre de mort par nulle autre rescous,
16Las! que feray, doulce dame, sanz vous?
Le departir je doy bien ressongner,
Par quoy perdray ce qu'esjoïr me seult:
C'est vo doulçour quant lui plaist a daigner
20Moy conforter, et doulcement m'acueult;
Or n'en aray reconfort,
Dont grief doulour trop durement me mort;
Or suis je bien de tous biens au dessoubz,
24Las! que feray, doulce dame, sanz vous?
Note LXXIII:—15 B N'e. ne puis p.—A¹ p. nul a. r.—22 B t. griefment.
LXXIV
Doulce dame, a Dieu vous command,
Aler m'en fault, dont il me poise,
Cent fois a vous me recommand,
4Et vous suppli, doulce et courtoise,
Ne m'oubliez ou que je voise;
Et pour retour de ce voiage,
7Je vous laisse mon cuer en gage.
—Amis, vostre departement
Petitement mon cuer renvoise,
Et se m'oubliez nullement,
11Il ne sera nul qui racoise
Mon dolent plour. A basse noise
Vous di a Dieu, et pour partage,
14Je vous laisse mon cuer en gage.
—Belle, sachiez certainement
Que, pour dame ne pour bourgoise,
Ne vous oublieray vraiement;
18D'autre amour ne donne une boise,
Tost revendray comment qu'il voise,
Et de vous renvoier message,
21Je vous laisse mon cuer en gage.
LXXV
Ne me vueilliez pas oublier
Pour tant si je vous suis lontains,
Belle, je vous vueil supplier
4Qu'il vous souviengne que je n'aims
Fors vous, et pour tant, se je mains
Hors du païs si longuement,
7Ne vous oubli je nullement.
Ce me feroit com fol lier,
Et com dervez, et piez et mains,
S'a aultre veoie alier
11Vostre doulz cuer, mieulz vouldroie ains
Morir que part y eussent mains;
Mais pour peine, ne pour tourment,
14Ne vous oubli je nullement.
Si me fault melancolier
Loings de vous, en plours et en plains;
Ne le courroux entroublier
18Ne puis, dont li miens cuers est pleins;
Et si ne sçavez mes reclaims;
Mais sachiez qu'un tout seul moment
21Ne vous oubli je nullement.
Note LXXV:—17 B Ne le c. apalier—18 B le m. c. e. tains—19 B Ne vous ne s.
LXXVI
Je pri a Dieu qu'il lui doint bonne nuit
A la trés belle, ou sont tous mes reclaims,
Et qu'il ne soit chose qui lui anuit,
4Fors seulement que d'elle si loings mains.
Car de tel mal moult bien me plaist qu'atains
Soit son doulz cuer, si qu'adès lui souviegne
7De son ami, desirant qu'il reviegne.
C'est la plus belle et la meilleur, je cuid,
Qui soit ou monde, et si suis tous certains
Que loiaulté du tout gouverne et duit
11Son noble cuer, qui n'est fier ne haultains,
Ne de villain penser taché ne tains;
Si requier Dieu que nouvelles lui viegne
14De son ami, desirant qu'il reviegne.
Ha! que fusse je ores ou doulx reduit,
Ou elle maint, la porté ou ampains!
A lui seroit et a moy grant deduit,
18Si seroient un pou noz maulx estains;
Dieux! que sceust elle au moins comment je l'aims?
Si le sçara, mais qu'en l'amour se tiegne
21De son ami, desirant qu'il reviegne.
Note LXXVI:—3 A qui vous a.—5 B C. de ce m.—13 A¹ Si requiert—15 B Et—18 A¹ moz—B mes m. e.—19 B Hé—20 A m. que.
LXXVII
Je ne suis pas vostre pareil,
Car vous estes la non pareille
Du monde, belle sanz orgueil,
4A qui servir je m'appareille;
Mais sachiez qu'Amours me traveille
Pour vostre amour et me commande,
7Dame, qu'a vous servir j'entende.
Si oiez le plaint de mon dueil
En pitié, de vo doulce oreille;
Et prenez garde que je vueil
11Estre tout vostre, et ja ne vueille
Vostre doulz cuer que tant me dueille,
Ains lui plaise affin que j'amende,
14Dame, qu'a vous servir j'entende.
Regardez moy de vo doulz oeil,
Dame, car je tremble comme fueille.
Present vous, ne passer le sueil
18N'ose que vo courrouz n'acueille,
Vostre grant valour ne s'orgueille
Contre moy, ains tel bien me rende,
21Dame, qu'a vous servir j'entende.
Note LXXVII:—3 B Du m. servir s. o.—7, 14, 21 B q. v. s. e.—11 B E. trestout v. et ne v.—12 B V. doulçour—14 A¹ s. entende—20 B C. vous.
LXXVIII
Que ferons nous de ce mary jaloux?
Je pry a Dieu qu'on le puist escorchier.
Tant se prent il de près garde de nous
4Que ne pouons l'un de l'autre approchier.
A male hart on le puist atachier,
L'ort, vil, villain, de goute contrefait,
7Qui tant de maulz et tant d'anuis nous fait!
Estranglé puist estre son corps des loups,
Qu'aussi ne sert il, mais que d'empeschier!
A quoy est bon ce vieillart plein de toux,
11Fors a tencier, rechigner et crachier?
Dyable le puist amer ne tenir chier,
Je le hé trop, l'arné, vieil et deffait,
14Qui tant de maulz et tant d'anuis nous fait!
Hé! qu'il dessert bien qu'on le face coux
Le baboïn qui ne fait que cerchier
Par sa maison! hé quel avoir! secoux
18Un pou sa pel pour faire aler couchier,
Ou les degrez lui faire, sanz marchier,
Tost avaler au villain plein d'agait,
21Qui tant de maulz et tant d'anuis nous fait!
Note LXXVIII:—8 A¹ s. c. de l.—13 B Je le hé t. l'ort. vil. vilain, d.—15 B Dieux—Vers 17, on pourrait lire aussi: hé que l'avoir!
LXXIX
Helas! ma dame, amours le m'a fait dire
Ce que j'ay dit com rude et mal apris;
Si ay parlé com dolent et plein d'yre.
4Mais ne vueilliez, pour Dieu, tourner a pris
Ce que j'ay dit, doulce dame de pris;
Car je sçay bien qu'ay parlé rudement,
7Si vous en cry mercy trés humblement.
Car a raison toudis pas ne se tire
Le cuer qui est de jalousie espris,
Car il n'est dueil, ne maladie pire;
11Et on m'a dit, l'autryer le vous rescrips,
Que vous avez a autre amer empris;
Et ce me fist parler plus follement,
14Si vous en cry mercy trés humblement.
Mais je vous pry qu'il vous vueille souffire
Moy a ami, combien que plus grant pris
Ont mains meilleurs et je soye le pire,
18Puet bien estre, mais n'aiez en despris
Mon loial cuer de vostre amour surpris,
Je vous nommay fausse, certes je ment,
Si vous en cry mercy trés humblement.
Note LXXIX:—5 A² Mes paroles d.—11 A¹ l'autre yer—B le v. escrips—13 A¹ p. felement—16 A² a. espris—21 A² Je v.
LXXX
Ne pourray je donc jamais avenir
A vostre amour, ma dame debonnaire,
Pour bien amer et loyaulté tenir,
4Ne pour prier ou pour service faire?
N'ay je pouoir de vo doulz cuer attraire,
Belle plaisant, mon gracieux cuer doulz,
7Voulez vous donc que je muire pour vous?
Helas! pour Dieu, vueilliez moy retenir
Pour vostre ami! car il m'est neccessaire
Se vivre vueil, ne puis plus soustenir
11Vostre escondit qui m'oste mon salaire;
Et plus vous serfs et plus m'estes contraire,
Dame d'onneur, me haïez vous sur tous,
14Voulez vous donc que je muire pour vous?
Au moins s'un pou vous daignast souvenir
Du dueil amer qu'il me fault pour vous traire;
Pour quoy vous pleust, quant me voiez venir,
18Vous dire ce dont je ne me puis taire,
Que me feissiez de vostre doulz viaire
Un doulz semblant, mais, quant ne suis rescoux,
21Voulez vous donc que je muire pour vous?
Note LXXX:—4 A² B ne p. s.—12 A¹ m'etez—17 B Par quoy—19 B² Q. me faisiez—20 B m. se ne—15 à 20 A²:
Quant tout mon fait et tout mon maintenir
N'est autre part et ne veez le contraire,
Ne vous deust il quelque foiz souvenir
Du mal que j'ay pour vous que ne puis taire?
N'a il pitié quelconque en vostre affaire?
Me lairez vous finer en tel courroux?
LXXXI
Ce jour de l'an que l'en doit estrener,
Trés chiere dame, entierement vous donne
Mon cuer, mon corps, quanque je puis finer;
4A vo vouloir de tous poins abandonne
Moy, et mes biens vous ottroy, belle et bonne;
Si vous envoy ce petit dyamant,
7Prenez en gré le don de vostre amant.
Je vous doy bien tout quanque j'ay donner;
Car ou monde n'a nulle autre personne
Qui les me peüst tant guerredonner,
11Com vous, belle, qui la fin et la bonne
Estes, qui tous mes biens drece et ordonne;
Si vueil estre tout vostre en vous amant,
14Prenez en gré le don de vostre amant.
Or vueilliez donc vo doulz cuer assener
A moy aussi; ne soiez si felonne
Que me faciez jusqu'a la mort pener.
18Ostez le mal qui en mon cuer s'entonne.
Si porteray des amans la couronne;
Mon cuer vous donne et le vostre demand,
21Prenez en gré le don de vostre amant.
Note LXXXI:—10 A² Q. le.
LXXXII
Doulce dame, vueilliez moy pardonner
Se demouré ay un pou longuement;
Car je n'ay peü plus tost retourner,
4Dont me desplaist; car trop d'empeschement
M'est survenu, mais croiez fermement
Que vostre suis, ou soie près ou loings,
7Le dieu d'amours m'en soit loial tesmoins.
J'ay bien cuidé la ma vie finer,
Tant eus de mal pour le departement
De vous, trés belle, et, sanz joye mener,
11J'ay la esté trés le commencement
Jusqu'a la fin; car resjouïssement
Je n'ay sanz vous, fors mal et tous besoings,
14Le dieu d'amours m'en soit loial tesmoins.
Or suis venu, vueillez moy ordener
Vostre vouloir, car vo commandement
Vueil obeir, et je me doy pener
18De vous servir; ne feray autrement
Tant quan vivray, sachiez certainement.
Car la sont tous mes pensers et mes soins,
21Le dieu d'amours m'en soit loial tesmoins.
Note LXXXII:—1 B Chiere d.—6 B p. et l.—11 A² G'y ay e.—17 B car je m'en vueil p.—A² car je me d.—19 B T. com v.
LXXXIII
Trés faulz parjur, renoyé plein de vice,
Plus que Judas rempli de traïson,
De tout mon cuer t'ay amé comme nyce,
4N'oncques vers toy ne pensay mesprison,
Et pour autre me laisses sanz raison.
Ne deusses pas ce moy faire a nul fueur;
Car tu me metz en trop dure friçon.
8Ha desloial! comment as tu le cuer?
Dieux, que feist on de telle gent justice?
On en pent maint a trop moins d'achoison,
Se m'en vengier peüsse, je garisse
12Des maulx que j'ay pour toy a grant foison.
Que fusses tu destroit en ma prison?
Ton grant orgueil m'atasse, et la grandeur
Dont tu me fais vivre a tel cuisançon.
16Ha desloial! comment as tu le cuer?
De mes bienfais me rens tel benefice,
Ne plus ne moins com fist le faulz Jason
A Medée, qui lui fist tel service
20Qu'il en conquist la dorée toyson,
Pour lui laissa sa terre et sa maison,
Dont lui rendi après petit d'onneur;
Encor me fais pis sanz comparoison.
24Ha desloial! comment as tu le cuer?
Note LXXXIII:—7 A² Mais—9 B¹ de celle g.—18 B m. que f.
LXXXIV
Se vous me donnez congié
Par conseil de mesdisans,
Dame que servie j'é
4Par l'espace de dix ans,
Au lit me mettrez gisans:
N'oncques ne m'amastes brief,
7Se vous me faites tel grief.
N'ay desservi qu'estrangié
Soye, mon devoir faisans,
Et se je suis deslogié
11Pour aultre moins souffisans,
Qui a vous soit plus plaisans,
Sur lui vendra le meschief,
14Se vous me faittes tel grief.
Vo cuer est vers moy changié;
Car tousdis par moz cuisans
Je suis de vous laidengié,
18Com je fusse un païsans;
Mais je croy que mes nuisans
Leur part aront du relief,
21Se vous me faittes tel grief.
Note LXXXIV:—8 A¹ que e.—19 B M. bien c.
LXXXV
L'espoir que j'ay de reveoir ma dame
Prochainement, me fait joyeux chanter
A haulte voix ou vert bois soubz la rame,
4Ou par deduit j'ay apris a hanter
Pour un petit les maulx que j'ay domter,
Pour ce qu'adès suis d'elle si longtains;
7Mais, se Dieux plaist, j'en seray plus prochains.
Et je doy bien avoir desir par m'ame
D'elle veoir, car je m'ose vanter
Qu'il n'est ne roy, ne duc, ne prince, n'ame
11Qui ne voulsist a elle honneur porter,
Pour les grans biens qu'on en ot raconter;
Si me desplait dont d'elle si loins mains;
14Mais, se Dieux plaist, j'en seray plus prochains.
Et sa beaulté, qui le mien cuer enflamme,
Me fait souvent gemir et guermenter
Pour le desir, qui m'estraint et affame,
18D'elle veoir, pour moy reconforter;
Je chanteray pour mon cuer deporter.
Adès suis loings d'elle ou sont mes reclains;
21Mais, se Dieu plaist, j'en seray plus prochains.
Note LXXXV:—1 A¹ reveir—10 A Que il n'e. r.—12 B P. le grant bien—17 A² Tant me destraint d. fort et a.—18 A² et p. m. conforter—19 A² et m. c. d.
LXXXVI
Jadis par amours amoient
Et les dieux et les deesses,
Ce dit Ovide, et avoient
4Pour amours maintes destresses;
Foy, loiaulté et promesses
Tenoient sanz decepvoir,
7Se les fables dient voir.
Et du ciel jus descendoient,
Non obstant leurs grans hauteces,
Et a estre amez queroient
11Les haulz dieux pleins de nobleces;
Pour amours leurs grans richeces
Mettoient en nonchaloir,
14Se les fables dient voir.
Lors si trés contrains estoïent,
Nymphes et enchanterresses,
Et les dieux qui lors regnoient,
18Satirielz et maistresses,
D'amours, qu'a trop grans largeces
Mettoient corps et avoir,
21Se les fables dient voir.
Pour ce, princes et princepces
Doivent amer et savoir
D'amours toutes les adresces,
25Se les fables dient voir.
Note LXXXVI:—16 A¹ Nyphes—19 B qui t. g. l.—24 A¹ tous l. a.—22 à 25 omis dans A².
LXXXVII
Puis qu'ainsi est que je ne vous puis plaire,
Ma belle amour, ma dame souveraine,
Pour nul travail que mete a vous complaire,
4Je n'y fais riens fors que perdre ma peine;
Ainçois me lairiez mourir,
Que daignissiez le mal que j'ay garir.
Si ne vueil plus vous faire l'anuieux,
8A Dieu vous di, gracieuse aux beaulz yeux.
Ce poise moy, quant je ne puis attraire
Vostre doulz cuer, car je vous acertaine
Que se pleü vous eüst mon affaire,
12Oncques plus fort Paris n'ama Heleine
Que feisse vous; mais pourrir
Y pourroie attendant que merir
Me deüssiez; et pour ce, pour le mieulx,
16A Dieu vous di, gracieuse aux beaulz yeulx.
Et non pourtant ne m'en vueil si retraire,
Que s'il est riens, de ce soiez certaine,
Que je puisse pour vous dire ne faire
20A vostre gré, dame de doulçour pleine,
Je le feray, mais perir
Me laisseriez ainçois que secourir
Me voulsissiez; pour ce, ains que soie vieulx,
24A Dieu vous di, gracieuse aux beaulz yeulx.
Note LXXXVII:—3 A¹ traval—23 B Me daingnissiez.
LXXXVIII
Qu'en puis je mais, se je porte le noir,
Quant il convient qu'a tous mes plaisirs faille,
Puis qu'eslongner me fault le doulz manoir
4Ou l'en ne veult plus que je viegne n'aille,
Dont mon cuer est entrez en grant bataille,
Qui de dueil est plus noirci qu'errement;
Mais quant fauldra que tout bien me deffaille,
8Ce sera fort se je vif longuement!
Ha! ma dame, je me doy bien doloir,
Quant il convient que hors du païs saille
Ou vous estes, m'amour et mon vouloir;
12Ne pouoir n'ay que d'aultre riens me chaille;
Tout autre amour je ne prise une maille;
De vous venoit tout mon avancement.
Mais puis qu'Amours si pesant fais me baille,
16Ce sera fort se je vif longuement!
En grant languour vivray et main et soir.
Que maudit soit qui telz morseaux me taille
Par quoy vous pers, dont mieulz vouldroie avoir
20La mort briefment que vous perdre sanz faille;
Car ou monde n'a dame qui vous vaille,
Ne de beaulté, ne de gouvernement.
De vous me part, las! je ne sçay ou j'aille,
24Ce sera fort se je vif longuement!
Note LXXXVIII:—7 A² q. t. mon b. d.—12 B Je n'ay p.—13 B T. a. bien—17 B je v. m. et s.—23 A¹ ou je a.
LXXXIX
Maintes gens sont qui veulent par maistrise
Les biens d'amours avoir et acquerir;
C'est grant folour; car n'est drois qu'en tel guise
4On doie amours contraindre et surquerir.
Car humblement on doit ce requerir
Qui est donné franchement sanz contrainte,
7Ou autrement l'amour est fausse et fainte.
Et s'il avient qu'aucuns aient acquise
Icelle amour par grant soing de querir,
A eulx vuelent qu'elle soit si soubzmise,
11Comme se droit leur faisoit conquerir;
Pour ce souvent font la doulçour perir
Qui doit estre par doulce grace attainte,
14Ou autrement l'amour est fausse et fainte.
Si n'y doit nul user de seigneurise,
N'en fait, n'en dit, mais mieulz voloir morir,
Que maistrisier le doulz don que franchise
18Fait ottroier et rigueur fait perir;
Bien servir doit, pour guerredon merir,
Le vray amant obeïr en grant crainte,
21Ou autrement l'amour est fausse et fainte.
Note LXXXIX:—8 A¹ c'a.—11 A¹ l. f. acquérir—13 A² B p. droitte g.—15 B Si n'y d. nulz y ouvrer de main mise—17 B Que ce qui est octroyé par f.—18 B Vuellent par leur rigueur faire p.
XC
BALADE POUETIQUE
Se de Juno, la deesse poissant,
N'est Adonnis bien briefment secouru,
Le fier dieu Mars l'ira trop angoissant.
4Es fors lians Vulcans est encoru;
Venus l'ama jadis, bien y paru,
Mais ne lui peut adès en riens aidier;
7Il y morra briefment, au mien cuidier.
Et durement lui est Pallas nuisant,
Mais Mercures est pour lui acouru,
Qui fait son fait trouble apparoir luisant,
11Devant le dieu Jupiter comparu
Est Adonnis, contre lui apparu
C'est Cerberus qui trop scet de plaidier;
14Il y morra briefment, au mien cuidier.
Trestous les dieux lui sont mal advisant,
Fors Mercures par qui Argus moru,
Mais s'a Juno aloit abellissant
18Il ne seroit de nul a mort feru;
Mès s'Appollo le fiert a trop grand ru,
Sauldra le sang, tout lui fera vuidier;
21Il y morra briefment, au mien cuidier.
Note XC:—19 A² Se A.—B Et.
XCI
Aucunes gens mettent entente et cure
A espier ce que les autres font,
Et d'autruy fait moult parlent, et n'ont cure
4De riens celer, et les bons contrefont;
Mais envie, qui si les frit et fond,
Les fait parler et de chascun mesdire,
7N'il n'est si bon qu'ilz n'y treuvent a dire.
C'est grant meschief que la vie tant dure
A telle gent, et que Dieu ne confont
Si fais gloutons, par lesquelz grant injure
11Reçoivent maint qui desservi ne l'ont,
Simples et bons semblent de premier bont,
Mains en y a qui sont de Judas pire,
14N'il n'est si bon qu'ilz n'y treuvent a dire.
Leur faulz parler et leur male murmure
Empeschent gent, meismes l'air en corront,
Et qui plus ment volentiers plus en jure,
18C'est le droit cours que gent mesdisant vont;
Merveilles est que la terre ne font
Dessoubz tel gent, car d'eux le monde empire,
21N'il n'est si bon qu'ilz n'y treuvent a dire.
Note XCI:—5 A¹ fruit—7 A¹ Nul—16 A¹ Empesche—18 A² C'e. le maintien q. g. m. ont—B q. g. m. ont.
XCII
Avec les preux bien devez estre mis,
Bon chevalier vaillant, plein de proece,
Qui par valeur d'armes avez soubsmis
4Maint grant païs et mainte forteresse.
Du preux Hector vous ensuivez l'adrece,
Et de Cesar qui fu sage et vaillant,
Alixandre qui s'ala travaillant
8Tant qu'il conquist le monde entierement,
Et a Judas Machabée ensement,
Au bon David, Josüé, par tel guise,
Ainsi est il de vous certainement,
12En qui Dieux a toute proece assise.
Charles le grant a qui Dieu fu amis,
Le bon Artus ou tant ot de noblece,
A Godefroy qui fut grans anemis
16Aux mescreans, trop leur fist de destrece,
Vostre bonté d'eulx ensuivir s'adrece.
Par emploier trestout vostre vaillant
A conquerir a l'espée taillant
20Pris et honneur, si semblez droittement
Le droit soleil qui luit ou firmament,
Que chascun veult desirer, aime et prise,
Ainsi est il de vous certainement,
24En qui Dieux a toute proece assise.
Et tant vous a Dieu donné et promis
De ses hauls biens et a si grant largece,
Que se vivoit adès Semiramis,
28Qui jadis fu roÿne et grant maistresse,
L'amour de vous tendroit a grant richece.
Car bien qui soit n'est en vous deffaillant;
N'en nesun cas nul ne vous voit faillant,
32Par tout le monde en tient on parlement.
Les bons Rommains jadis si vaillamment
Se porterent qu'ilz ont louange acquise,
Ainsi est il de vous certainement,
36En qui Dieux a toute proece assise.
Note XCII:—2 B B. c. p de trés grant p.—14 B ou trop ot—22 B Q. c. v. desire—31 B Ne en nul cas—34 A¹ q. o. vaillance a.
XCIII
Les roys, les princes et les sages,
Et les preux du temps ancïen,
Ilz avoient tout plein d'usages,
4Dont l'en ne fait maintenant rien;
Ilz amoient sur toute rien
Honneur trop plus que convoitise.
Mais adès qui garde le sien,
8Il a assez science acquise.
Proece, honneur, grans vacelages
Ot l'empereur Ottovien,
Sage fu, prudent et moult larges,
12Pour ce de ses fais lui prist bien;
Mais qui tient en destroit lien
Son avoir, adès cil on prise,
Quel que soit le nyce maintien,
16Il a assez science acquise.
Et pour ce font de grans oultrages
Les convoiteux de mal merrien
Aux pouvres gens, et mains domages;
20Mais jamais ne diroient «tien»,
Mais trop bien «ce cy sera mien»;
Qui de traire a soy scet la guise,
Par flaterie ou par moyen,
24Il a assez science acquise.
Note XCIII:—-2 A² B Et les gens—12 B de ses biens—23 A¹ P. f. et p. m.
XCIV
Qui que die le contraire,
On doit loiaulté tenir
En tout quanque l'en veult faire,
4Qui veult a grant preu venir;
Et qui barat maintenir
Veult, a la fin mal lui prent,
7Mais fol ne croit jusqu'il prent.
Loiaulté est neccessaire
A qui tent a avenir
A honneur et grant salaire;
11N'il ne doit apartenir
Que cil doye bien fenir,
Qui a barater se prent,
14Mais fol ne croit jusqu'il prent.
Et trop mieulx se vauldroit taire,
Que de dire et soustenir
Que de loiaulté retraire
18Se convient, qui devenir
Veult riche, et fraude tenir;
Qui le fait au laz se prent,
21Mais fol ne croit jusqu'il prent.
Note XCIV:—15 B Et t. se v. m. t.
XCV
Nous devons bien, sur tout aultre dommage,
Plaindre cellui du royaume de France,
Qui fut et est le regne et heritage
4Des crestiens de plus haulte poissance;
Mais Dieux le fiert adès de poignant lance,
Par quoy de joye et de soulaz mendie;
Pour noz pechiez si porte la penance
8Nostre bon Roy qui est en maladie.
C'est grant pitié; car prince de son aage
Ou monde n'yert de pareille vaillance,
Et de tous lieux princes de hault parage
12Desiroient s'amour et s'aliance.
De tous amez estoit trés son enfance;
Encor n'est pas, Dieux mercis, reffroidie
Ycelle amour, combien qu'ait grant grevance
16Nostre bon Roy qui est en maladie.
Si prions Dieu, de trés humble corage,
Que au bon Roy soit escu et deffence
Contre tous maulz, et de son grief malage
20Lui doint santé; car j'ay ferme creance
Que, s'il avoit de son mal allegance,
Encor seroit, quoy qu'adès on en die,
Prince vaillant et de bonne ordenance
24Nostre bon Roy qui est en maladie.
Note XCV: 3 B² et l'heritage—5 A¹ D. le fiers—20 B c. j'ay f. esperance—21 A¹ omet ce vers—22 B Qu'encor.
XCVI
Bien nobles est qui en soy a bonté,
Il n'est tresor qui a tel valeur monte,
Et en hault pris bien doit estre monté
4Cil qui est bon; et aussi toute honte
Doit bien le mauvais avoir;
Pour tant, s'il a grant poissance ou avoir,
Ou que si bel soit que riens ne lui faille,
8S'il n'a bonté, trestout ne vault pas maille.
Et quant les fais des bons sont raconté,
On s'esjouït partout ou l'en les conte;
Et que des bons mauvais soient donté
12A chascun plaist, et par nombre on les conte
Les bons pour ramentevoir.
Chascun vouldroit, plus qu'il ne fait, valoir;
Car il n'est nul, tant sa richece vaille,
16S'il n'a bonté, trestout ne vault pas maille.
Plus nobles est et plus est ahonté,
Soit prince ou roy, duc, chevalier ou conte,
Se en valeur les autres surmonté
20N'a et en bien. Gentillece que monte/p>
Se mieulx ne se fait valoir
Qu'autres ne font? Il est bon assavoir
Qu'il n'est nulz homs, de quelque lieu qu'il saille,
24S'il n'a bonté, trestout ne vault pas maille.
Note XCVI:—11 A² Et q. d. b. les m. sont d.—B Et se les b. les m. ont d.—15 B Car homs qui soit—21 B Qui—23 A tant sa richesse vaille.
XCVII
De commun cours chascun a trop plus chiers
De Fortune les biens, que de Nature;
Mais c'est a tort, car ilz sont si legiers
4Qu'on n'en devroit a nul fuer avoir cure.
Boëce en fait mension
En son livre de Consolacion,
Qui repreuve de Fortune la gloire;
8Si font pluseurs sages qui font a croire.
Et non obstant que ces dons soient chiers,
Et que chascun a les avoir met cure,
Si veons nous qu'honneurs et grans deniers
12Tost deffaillent, et a maint petit dure
La grant exaltacion
De Fortune, qui a condicion
De tost changier, ce nous dit mainte hystoire;
16Si font pluseurs sages qui font a croire.
Mais si certains de Nature et entiers
Sont les grans biens, que nulle creature
N'en est rempli, qui lui soit ja mestiers
20D'avoir paour de Fortune la dure.
C'est sens et discrecion
Entendement, consideracion,
Aristote moult apreuve memoire;
24Si font pluseurs sages qui font a croire.
Note XCVII:—9 A² q. tes d.—11 A¹ que h.
XCVIII
Tous hommes ont le desir de savoir
Et a bon droit il n'est si grant richece;
Mais puis que tous veulent science avoir,
4Comment veult nul desprisier tel hautece,
Car ilz sont maint qui n'en ont pas largece.
Ne de leur fait n'est nulle mension,
7Qui des sages font grant derrision.
Et pour ce dit le philosophe voir,
Que le plus grand anemi de sagece
C'est l'ignorant; mais maint pour nul avoir
11Ne pourroient hebergier tel hostesse,
Dieux la donne par esleue promesse;
Mais pluseurs sont sanz nulle occasion,
14Qui des sages font grant derrision.
Si doit on bien mettre force et devoir
A acquerir si trés noble richece;
Car qui bien l'a, trop est grant son pouoir.
18Trés eureux sont ceulz dont elle est princece
De gouverner tous leurs fais com maistrece.
Entre eulz et ceulz sont en division
21Qui des sages font grand derrision.
Note XCVIII:—1 B Trestous h. desirent assavoir—4 B Pour quoy—6 B Ne de l. sens—10 A² Est—12 B D. la d. pour—16 B si t. haulte noblesse—18 B Moult sont e. c.—20 A² Mais e.
XCIX
Si comme il est raison que chascun croie
En un seul Dieu, sanz faire aucune doubte,
Qui aux esleus son paradis ottroie
4Et les pervers laidement en deboute,
Est il a tous neccessaire
De parvenir au souverain repaire
A la parfin, ou toute riens repose.
8Dieux nous y maint trestous a la parclose!
Et non obstant qu'en peschié se desvoye
Tout cuer humain, et que le monde boute
En maint meffais, si doit on toutevoie
12Soy retourner vers Dieu; car une goute
De larme fait a Dieu plaire
Le repentant, tant est trés debonnaire;
Si est rescript en la divine prose.
16Dieux nous y maint trestous a la parclose!
Si devons, tous et toutes, querir voie
De parvenir avec la noble route
Des benois sains, ou vit et regne a joye
20Le trés hault Dieu, en qui est bonté toute,
Qui nous donra tel salaire,
Se nous voulons repentir et bien faire,
Ou joye et paix et grant gloire est enclose.
24Dieux nous y maint trestous a la parclose!
Note XCIX:—10 A¹ Tu—15 A¹ Si est escript—19 A De b. s.
C
Cent balades ay cy escriptes,
Trestoutes de mon sentement.
Si en sont mes promesses quites
4A qui m'en pria chierement.
Nommée m'i suis proprement;
Qui le vouldra savoir ou non,
En la centiesme entierement
8En escrit y ay mis mon nom.
Si pry ceulz qui les auront littes,
Et qui les liront ensement,
Et partout ou ilz seront dittes,
12Qu'on le tiengne a esbatement,
Sanz y gloser mauvaisement;
Car je n'y pense se bien non,
Et au dernier ver proprement
16En escrit y ay mis mon nom.
Ne les ay faittes pour merites
Avoir, ne aucun paiement;
Mais en mes pensées eslittes
20Les ay, et bien petitement
Souffiroit mon entendement
Les faire dignes de renom,
Non pour tant desrenierement
24En escrit y ay mis mon nom.
Note C:—7 A proprement—15 A¹ B derrenier—19 A² Fors qu'en—20 B mais b.—On trouve dans les mots «en escrit» l'anagramme de Crestine.
EXPLICIT CENT BALADES
I
Je chante par couverture,
Mais mieulx plourassent mi oeil,
Ne nul ne scet le traveil
4Que mon pouvre cuer endure.
Pour ce muce ma doulour
Qu'en nul je ne voy pitié,
Plus a l'en cause de plour
8Mains treuve l'en d'amistié.
Pour ce plainte ne murmure
Ne fais de mon piteux dueil;
Ainçois ris quant plourer vueil,
Et sanz rime et sanz mesure
13Je chante par couverture.
Petit porte de valour
De soy monstrer dehaitié,
Ne le tiennent qu'a folour
17Ceulz qui ont le cuer haitié
Si n'ay de demonstrer cure
L'entencion de mon vueil,
Ains, tout ainsi com je sueil,
Pour celler ma peine obscure,
22Je chante par couverture.
II
Amis, je ne sçay que dire
De vous, car vostre maniere
Monstre que d'amour legiere
4M'amez, dont j'ay trop grant yre.
Je ne sçay se vous rusez,
Mais a vous ne puis parler,
Et toudis vous excusez
8Qu'il vous fault ailleurs aler.
Bien voy que vo cuer ne tire
Qu'en sus de moy traire arriere;
Et pour vostre morne chiere,
Qui tousdis vers moy empire,
13Amis, je ne sçay que dire.
De maint estes encusez,
Si ne le pouez celer,
Qu'en un lieu souvent mussez,
Ou l'en vous fait engeler
18Pour attendre, et je souspire
Quant l'en me dit que j'enquiere
De vous, combien qu'il n'affiere.
Mais pour ce que oy tant mesdire,
22Amis, je ne sçay que dire.
Note II:—5 B Ne s. se vous vous r.
III
Pour le grant bien qui en vous maint,
Bel et bon, ou mon cuer remaint,
Je vueil vivre joyeusement,
4Car vous me donnez sentement
De trés grans plaisirs avoir maint.
Car quant j'oy dire que l'en tient
Que vostre gent corps se contient,
Si haultement, en toute honnour,
Que grace et loz vous apartient
Sur tous autres, bien le retient
11Mon cuer qui ne pourroit grigneur
Joye avoir, et quant il attaint
A vostre amour qui l'a attaint,
C'est moult grant resjouïssement
Et pour ce vit trés liement
Mon cuer qui d'amer ne se faint
17Pour le grant bien qui en vous maint.
Et quant je pense et me souvient
Du trés grant plaisir qui me vient
De vous, amis, de tous la flour,
J'ay tel joye, souvent avient,
Que ne sçay que mon cuer devient,
23Tant suis prise de grant doulçour.
En ce penser giette un doulz plaint
Mon cuer, qui a vous se complaint,
Quant vous estes trop longuement
Sanz moy veoir; car seulement
L'amour de vous le mien cuer vaint,
29Pour le grant bien qui en vous maint.
Note III:—6 A¹ j'oz—7 B se maintient—8 A¹ en tout h.—11 B pouoit g.
IV
Comme autre fois me suis plainte
Et complaintte,
De toy, desloial Fortune,
Qui commune
Es a tous, en guise mainte,
6Et moult faintte.
Si n'es pas encore lasse
De moy nuire,
Ainçois ta fausse fallace
10Me fait cuire
Le cuer, dont j'ay couleur tainte;
Car attainte
Suis de douleur et rancune,
Non pas une
Seule mais de mille ençainte
Et estrainte,
17Comme autre fois me suis plainte.
Mais il n'est riens qui ne passe;
Pour ce cuire
Me convient en celle masse
21Pour moy duire
En tes tours qui m'ont destraintte
Et contraintte,
Si que n'ay joye nesune
O enfrune!
Desloial! tu m'as enpaintte
En grant craintte,
28Comme autre fois me suis plainte.
Note IV:—5 B a g. m.—15 A² de m. attainte.—18 B me p.—20 B en ceste m.—24 B Tant q.
V
Belle ou il n'a que redire,
De qui l'en ne peut mesdire,
Sanz mentir,
Or vous vueilliez consentir
A estre de mes maulz mire;
Car Amours m'a fait
7Vous que j'aim sanz alentir.
Regardez ma voulenté,
Et comment entalenté
Suis par desir
D'obeir a vo bonté;
Car vous avez surmonté
13A vo plaisir
Mon cuer qui ne puet desdire
Vo vueil, mais trop grief martire
Fault sentir,
A moy qui n'en vueil partir
Pour riens, car je ne desire
Fors vous, sanz y contredire,
Que j'aim sanz ja repentir,
21Belle ou il n'a que redire.
A vous qui m'avez dompté
Je me suis tant guermenté
A long loisir,
Si doy bien estre renté
Des biens, dont avez plenté;
27Doncques choisir
Vueillés moy si que souffire
Vous daigne sanz escondire,
Car partir
Ferez mon cuer com martir,
Si que le mal qui m'empire
Ostez, car trop me martire;
Et vous vueilliez convertir,
35Belle ou il n'a que redire.
Note V:—2. B D. q. nulz ne p. m.—11 A¹ D'o. et talenté—B De servir vostre bonté—12 A¹ De servir car s.—13 A¹ A vou—14 A¹ M'avez sy ne puis d.—15 A¹ Vou v.—22 A¹ donbté—32 B Doncques le m.—34 A² Or.
VI
Mon gracieux reconfort,
Mon ressort,
Mon ami loial et vray,
De ma joye le droit port,
Et le port
Que toudis, tant com vivray,
7Poursuivray.
En vous, dont je me navray,
Mon vivre ay
Mis, et jusques a la mort
Jamais autre ami n'avray;
Ce devray
13Faire, et j'en ay doulz enort.
Car par vo gracieux port,
Que je port
En mon cuer, je recevray
Joye, plaisir et confort,
Ne de fort
Amer ne vous decevray;
Si avray
24Mon gracieux reconfort.
Ne oncques ne dessevray
Ne seuvray
Mon cuer de loial acort,
Et toudis, si com savray,
M'esmouvray
27A vivre en ce doulz recort.
Car tant me vient doulz raport,
Sanz nul tort,
De vous, que j'apercevray
Que vivre sanz desconfort
Doy au fort;
Et pour ce joye ensuivray,
Et suivray
35Mon gracieux reconfort.
Note VI:—12 A² Ce me d.—17 A¹ J. et p. et c.—22 A² Ne ja ne—28 A² me v. bon r.
VII
La grant doulour que je porte
Est si aspre et si trés forte
Qu'il n'est riens qui conforter
Me peüst ne aporter
5Joye, ains vouldroie estre morte,
Puis que je pers mes amours,
Mon ami, mon esperance
Qui s'en va, dedens briefs jours,
9Hors du royaume de France
Demourer, lasse! il emporte
Mon cuer qui se desconforte;
Bien se doit desconforter,
Car jamais joye enorter
Ne me peut, dont se deporte
15La grant doulour que je porte.
Si n'aray jamais secours
Du mal qui met a oultrance
Mon las cuer, qui noye en plours
19Pour la dure departance
De cil qui euvre la porte
De ma mort et qui m'enorte
Desespoir, qui raporter
Me vient dueil et enporter
Ma joye, et dueil me raporte
25La grant doulour que je porte.
Note VII:—12 omis dans A¹.—14 A¹ N. m. p. ne me deporter—16 A² Si n'a. plus de s.
VIII
Puis que vous estes parjure
Vers moy, dont c'est grand laidure
A vous qui m'aviez promis
Moy estre loyaulz amis;
5Vostre loiaulté pou dure.
Je vous avoye donnée
M'amour toute entierement,
Cuidant l'avoir assennée
9En vous bien et haultement.
Car vous aviez mis grant cure
A l'avoir, mais je vous jure
Et promez, puis qu'entremis
S'est vo cuer d'estre remis,
Que de vostre amour n'ay cure
15Puis que vous estes parjure,
Tost est ceste amour finée
Dont me desplaist grandement,
Car ja ne fusse tanée
19De vous amer loyaument.
Mais n'est pas drois que j'endure
Vostre grant fausseté pure;
Ce poise moy quant g'y mis
Mon cuer, s'il en est desmis
Point ne vous feray d'injure,
25Puis que vous estes parjure.
Note VIII:—3 B A moy.
IX
Je suis de tout dueil assaillie
Et plus qu'oncques mais maubaillie,
Quant cellui se veult marier
Que j'amoye sanz varier,
5Si suis de joye en dueil saillie.
Helas! il m'avoit promis
Que ja ne se marieroit,
Quant tout mon cuer en lui mis,
9Et qu'a tousjours tout mien seroit;
Mal eschange m'en a baillie,
Car hors s'est mis de ma baillie;
Une autre veult apparier,
Et encontre moy guerrier;
Puis que s'amour or m'est faillie
15Je suis de tout dueil assaillie.
Cellui devient mes anemis
Qui jadis vers moy se tiroit
Comme mes vrais loiaulx amis,
19En moy regardant souspiroit.
Or est celle amour tressaillie
En autre, et vers moy deffaillie;
Car ne lui puis, pour tarier,
Sa voulenté contrarier,
Dont d'en morir j'en suis taillie,
25Je suis de tout dueil assaillie.
Note IX:—6 et 8 Sic dans tous les mss. Corr. H. il m'a. [bien] p.—Q. t. m. c. en l. [ay] m.—10 B vers omis.—11 B Mais—14 B Car p. q. s. m. f.—24 B Si suis d'en m. bien t.
X
Trés doulz ami, or t'en souviegne
Que au jour d'ui je te retien
Pour mon ami, et aussi mien
4Vueil je que tout ton cuer deviegne;
Car c'est la guise, et bien l'entens,
Entre les amans ordennée,
Que le premier jour du printemps
8On retiengne ami pour l'année.
A celle fin que l'amour tiegne
Un chappellet vert fait trés bien;
On doit donner chascun le sien,
Tant que l'autre année reviegne
13Trés doulx ami, or t'en souviegne.
Si t'ay choisi et bien attens;
Car m'amour te sera donnée;
Grant peine as souffert, mais par temps
17Te sera bien guerredonnée.
Afin que la guise maintiengne
Le jour Saint Valentin, or tien
Mon chappellet, mais ça le tien,
Je t'ameray, quoy qu'il aviegne,
22Trés doulx ami, or t'en souviegne.
Note X:—21 A¹ B Je t'aimeray.
XI
En ce printemps gracieux
D'estre gai suis envieux,
Tout a l'onnour
De ma dame, qui vigour
De ses doulz yeulz
Me donne, dont par lesquielx
7Vifs en baudour.
Toute riens fait son atour
De mener joye a son tour,
Bois et préz tieulx
Sont, qu'ilz semblent de verdour
Estre vestus et de flour
13Et qui mieulx mieulx.
Oysiaulx chantent en maint lieux;
Pour le temps delicieux
Et plein d'odour
Se mettent hors de tristour
Joennes et vieux;
Tous meinent et ris et jeux
Ou temps paschour,
21En ce printemps gracieux.
Et moy n'ay je bien coulour
D'estre gay, quant la meilleur,
Ainsi m'aist Dieux,
Qui soit, je sers sanz erreur,
N'a autre je n'ay favour,
27Car soubz les cieulx
N'a dame ou biens soient tieulx;
Si doy estre curieux
Pour sa valour
D'elle servir sanz sejour,
Car anieux
Ne pourrait estre homs mortieulx
De tel doulçour
35En ce printemps gracieux.
Note XI:—19 B T. m. r. et gieux—20 B Ou t. pastour—22 B Et m. en ay je c.—24 A¹ Ami se m'a. D.—28 B ou b. sont t.—32 A¹ C. en mieulx.
XII
Se pris et los estoit a departir
Et a donner, selon mon jugement;
J'en sçay aucuns qui bien petitement
4Y devraient a mon avis partir.
Et non obstant qu'ilz cuident bien avoir
Assez beauté, gentillece et proece,
Et que chascun cuide un prince valoir,
8A leurs beaulx fais appert leur grant noblece.
Mais puis qu'on voit, qui qu'il soit, consentir
A villains fais et parler laidement,
Pas nobles n'est; ains deust on rudement
D'entre les bons si faitte gent sortir,
13Se pris et los estoit a departir.
Ne en leurs dis il n'a nul mot de voir,
Grans vanteurs sont, n'il n'est si grant maistrece
Qu'ilz n'osent bien dire que leur vouloir
17En ont tout fait, hé Dieux! quel gentillece!
Comme il siet mal a noble homme a mentir
Et mesdire de femme! et vrayement
Telle gent sont drois villains purement,
Et devrait on leur renom amortir,
22Se pris et los estoit a departir.
Note XII:—9 A² Car—19 B N'a m.—20 B Telles gens.
XIII
Dieux! que j'ay esté deceüe
De cellui, dont je bien cuidoie
Qu'entierement s'amour fust moye!
4A tart me suis aperceüe.
Or sçay je toute l'encloüre
Et comment il se gouvernoit;
Une autre amoit, j'en suis seüre,
8Et si beau semblant me monstroit
Que j'ay ferme creance eüe,
Qu'il ne desirast autre joye
Fors moy; mais temps est que je voie
La traïson qu'il m'a teüe;
13Dieux! que j'ay esté deceüe!
Mais d'une chose l'asseüre,
Puis que je voy qu'il me deçoit,
Que jamais sa regardeüre,
17Ne le semblant qu'il me monstroit,
Ne les bourdes dont m'a peüe,
Ne feront tant que je le croie;
Car oncques mais, se Dieux me voie,
Ne fu tel traïson veüe.
22Dieux! que j'ay esté deceüe!
Note XIII:—2 A que je b. c.—4 B A t. m'y s. a.—5 je omis dans B—21 B t. faulsseté v.
XIV
Trestout me vient a rebours,
Mal a point et au contraire,
En tous cas, en mon affaire:
4Je pers en vain mes labours.
Ce n'est pas de maintenant
Qu'ainsi je suis demenée,
Car dix ans en un tenant
8J'ay esté infortunée.
Mal me prent de commun cours
De tout quanque je vueil faire,
Et ce que me devroit plaire
Me deffuit, et à tous tours
13Trestout me vient a rebours.
Pour riens me vais soustenant
Puis que Fortune encharnée
Est sus moi, qui demenant
17Par mainte trés dure année
Me va, et Dieux est si sours
Qu'il ne daigne vers moy traire
Son oreille debonnaire;
Pour ce, plus tost que le cours,
22Trestout me vient a rebours.
Note XIV:—12 A² Me destruit—B et a t. jours.
XV
De meschief, d'anui, de peine,
Je fais dis communement,
Car selon mon sentement
4Sont, et de chose certaine;
Mais quant d'autrui voulenté
Faire dis me vueil chargier,
De cuer mal entalenté
8Les me fault si loings cerchier,
Et de pensée foraine;
Pour ce y metz je longuement:
C'est un droit controuvement;
Car a toute heure suis pleine
13De meschief, d'anui, de peine.
Et se le cuer dolent é
Il ne m'est mie legier
Joyeux ditz faire a plenté,
17Mais pour un pou alegier
La doulour qui m'est prochaine
Je les fais communement
Joyeux, trestout ensement,
Comme se je fusse saine
22De meschief, d'anui, de peine.
Note XV:—2 B Je f. d. legierement—15 B¹ Il n'est m. de l.
XVI
On doit croire ce que la loy commande;
Il est trop folz qui encontre s'opose;
Et s'elle fait a croire, je suppose
4Que maint devront envers Dieu grant amende.
Il est bien voir que naturelement
Nous sommes tous enclins et entechiez
A tost pechier; mais plus orriblement
8Cheent aucuns en trop plus grant pechiez
Qu'autres ne font, et se l'en me demande
Quelz gens ce sont, verité dire n'ose
Pour leur grandeur, mais Dieux scet toute chose,
Et s'il est voir qu'en enfer on descende,
13On doit croire ce que la loy commande.
Merveilles n'est s'on voit communement
Au monde moult avenir de meschiefs;
Car trop de maulx sont fait couvertement
17De maint meismes qui sont docteurs et chiefs
De doctriner le monde qu'il s'amende.
Mais Dieux scet bien quelle pensée enclose
Est en leurs cuers, combien qu'on les alose
Pour leur estas; mais, a quoy que l'en tende,
22On doit croire ce que la loy commande.
Note XVI:—9 A¹ Que a.—17 B¹ q. s. des d. c.—B² q. s. d. c.—18 B D'endoctriner—19 B q. p. est e.—20 B En l. faulx c.
Note Titre: A² B. de plusieurs façons
BALADE RETROGRADE
QUI SE DIT A DROIT ET A REBOURS
Doulçour, bonté, gentillece,
Noblece, beaulté, grant honnour,
Valeur, maintien et sagece,
4Humblece en doulz plaisant atour,
Conforteresse en savour,
Dueil angoisseux secourable,
7Acueil bel et agreable.
Flour plaisant, de grant haultece
Princece, ma prisiée amour,
Tour forte noble fortresse,
11Largece en honneste sejour,
Deesse, estoille, cler jour,
Oeil, mirouer aimable,
14Acueil bel et agreable.
Coulour fine, vraie adrece,
Tresce blonde, et bonne oudour,
Ardour, souesve simplece,
18Parece sanz nulle foulour,
Lucrece de simple cremour,
Brueil de soulas delictable,
21Acueil bel et agreable.
Maistresse loyal, ma tenrour,
Leesse plaisant, ma doulour,
Vueil dire a vous trés louable
25Acueil bel et agreable.
Note Ballade retrograde:—1 A¹ Doulceur—4 A H. ou d.—5 A en savoir—8 A¹ Fleur—15 A¹—Couleur—17 A¹ A. s. en s.—22 à 25 omis dans A.
BALADE A RIMES REPRISES
Flour de beaulté en valour souverain,
Raim de bonté, plante de toute grace,
Grace d'avoir sur tous le pris a plain,
4Plain de savoir et qui tous maulz efface,
Face plaisant, corps digne de louenge,
Ange en semblant ou il n'a que redire,
D'yre vuidié, a vous des preux ou renge,
8Renge mon cuer qui fors vous ne desire.
Et j'ay espoir qu'il soit en vostre main
Main jour et nuit en gracieux espace,
Passe le temps, car ja a bien haultain
12Atain par vous, et amours qui m'enlasce
Lasce mon cuer qui du vostre est eschange,
Change vous fais de lui qui vous remire,
Mire plaisant, a vous qui joye arrange,
16Renge mon cuer qui fors vous ne desire.
Si me contraint a l'amour dont vous aim
L'aim de voz yeulz ou grant doulçour s'amasse,
Masse d'onneur ou j'ay tout mon reclaim,
20Claim des vaillans dont nul temps ne me lasse.
Lasse! comment or a prime m'i prenge?
Pren je en amer riens qui mon bien dessire,
Sire, en vo main qui des bons ne desrenge
24Renge mon cuer qui fors vous ne desire.
Amis loyaulx, cil qui maint meschief venge,
Venge mon cuer du vostre en lieu eslire,
Lire a doulz son, afin que je le prenge,
28Renge mon cuer qui fors vous ne desire.
Note B. à rimes reprises:—3 B le p. s. t.—13 B en est change—18 A¹ B² de vous y.—20 B¹ en nul t—25 à 28 omis dans A.
BALADE A RESPONSES
Mon doulz ami.—Ma chiere dame.
—S'acoute a moy.—Trés volentiers,
—M'aimes tu bien?—Ouïl, par m'ame.
4—Si fais je toy.—C'est doulz mestiers.
—De quoy?—D'amer.—Voire, sanz tiers.
—Deux cuers en un.—Sanz decepvoir
7—Voire aux loiaulz.—Tu as dit voir.
Dame sanz per.—Amis sanz blasme.
—Quant vous verray?—T'est il mestiers?
—Oïl; tost soit.—Je crain diffame.
11—Qui le saroit?—Les nouveliers.
—Occions les!—Ilz sont trop fiers.
—Nuisent ilz doncques?—Ouïl voir.
14—Voire aux loiaulz.—Tu as dit voir.
Las! que feray?—Sueffre la flamme.
—De qui?—D'amours.—Voire, et dongiers
—Elle m'art tout.—Et moy entame.
18—Que ferons nous?—Soyons entiers.
—Sanz reconfort.—Nannil, mestiers
A aux amans.—Quoy?—Bon espoir.
21—Voire aux loiaulz.—Tu as dit voir.
Dame ottroiez.—Ami, requiers
Que vous voie.—Quier les sentiers.
—Peine y mettray.—C'est le devoir.
25—Voire aux loiaulx.—Tu as dit voir.
Note B. a responces:—15 A² Je sens le dart—Et moy la f.—19 A¹ N'a nul m.
BALADE A VERS A RESPONCES
Amours, escoute ma complainte?
—Or dis: qu'as tu? de quoy te plains?
—De toy par qui je suis destraintte.
—Tort as quant de ce te complains?
5—Non ay voir, car ma joye estains.
—Joye en aras s'en toy ne tient?
—Trop crain le grant mal qui en vient.
—Pense au bien, non pas au dommage?
—Vueille ou non, d'un seul me souvient.
10—Aime le; si feras que sage.
Veulz tu que j'aime? est ce contrainte?
—C'est drois quant ton cuer est attains.
—Sera ce cil qui m'a estraintte?
—Ouïl, car de tout bien est pleins.
15—Je n'ay donc pas tort si je l'aims?
—Non, car chascun a bon le tient.
—Mais se mon honneur ne soustient?
—Si fera voir, c'est son usage.
—Or m'en di ce qu'il apartient?
20—Aime le; si feras que sage.
Raison me met en trop grant crainte?
—Ne la croys, joye toult a mains.
—Tu m'as vers elle en guerre enpainte?
—Desconfis la, joing moy les mains.
25—Honneur dit qu'en vauldroie mains?
—Il ment, chascun bon en devient.
—Fait et donc amer me convient?
—Ce te sera grant avantage.
—Que feray donc se cil revient?
30—Aime le; si feras que sage.
Princes gentilz, Amours me tient?
—Il apertient bien a ton aage.
—Un bel ami mon cuer retient?
34—Aime le; si feras que sage.
Note B. a vers a responces:—Rubrique omise dans A¹ et B—C'est la 21e ballade des ballades de divers propos dans B—3 B¹ destainte—7 B Je c. trop le m. q. en v.—9 B Mon cuer vueille ou non un retient—11 B V. tu dont qu'a.—12 B Droit est—13 A qui m'a destraintte—14 B de tous biens—17 A¹ Et—19 A¹ Or me di qu'en faire a.—21 B R. me tient—25 B Raison dit—26 à 29 B:
Elle ment et qui le maintient?
—Helas! merveilleux cas m'avient.
—De quoy?—D'amer; est ce folage?
—Ouïl, quant d'amy me souvient.
—31 à 33 B:
Amours, ou yray? ou me tient?
—Ne fuy plus, mais fay moy hommage.
—Que feray je se cil revient?
LAY DE CCLXV VERS LEONIMES
Amours, plaisant nourriture,
Trés sade et doulce pasture,
Pleine de bonne aventure,
Et vie trés beneureuse,
5Du vray loial cuer l'ointture,
Qui entour lui fais ceinture
De joye, c'est ta droitture,
Doulce esperance amoureuse.
Et qui toute creature
10Esjoïs de ta nature
Peine fais par aventure;
Mais elle est si doulcereuse
Qu'on te suit tout a esture,
N'il n'est ponce ne rasture
15Qui effaçast ta pointure
Tant est au cuer savoureuse.
Tant plait ta vie a maintenir
A qui loial se veult tenir
En ton agreable dongier,
20Pour le bien qu'on puet retenir
De toy servir, quant retenir
Daignes l'amant sanz estrangier.
De toy si li fais soustenir
Sa peine en gré, et s'astenir
25Se veult de jamais ne changier,
Du bien lui fais grant point tenir
Qui a lui doit apartenir,
Mais qu'il s'y tiegne sanz bougier.
Et s'il est aucun qui soustiegne
30Que de toi viengne
Plus mal que bien, vers moi viegne
Et retiegne;
Prouver lui vueil que nullement
N'en vient mal, mais qu'on s'y contiengne
35Et maintiegne;
Si bien que par droit apartiegne
Que chascun tiengne
Que servi soiés loiaument.
Mais qui fault, mal lui en conviengne
40Quoy qu'il aviengne
Ne, qui que loiaulté te tiengne,
Croy qu'il soustiegne
Joye et doulceur plus que tourment,
Mais drois est qu'a l'amant soviegne
45Que gay se tiegne,
N'en lui fausseté ne retiengne,
Sanz plus detiengne
Une amour vraye seulement.
Tant y a compris
50De bien en ton pris,
Qu'on ne pourroit extimer
Le bien que la pris
En ton doulz pourpris
A, par loyaument amer;
Ne par droit repris
Cuer de toy espris
Ne doit estre, ne blasmer
On ne puet le pris
De toy, car apris
60Il a vie sanz amer.
Tu pues mander
Et comander,
Sanz amender,
De mal garder,
65Dueil retarder,
Un cuer bourder,
D'amour bauder,
A toy soulder,
Poindre et larder,
70Et posseder
Sanz nul frauder,
Faire tarder
De demander
Pour foy garder
75De mal monder.
Peine esmonder,
Joye abonder,
Tout marchander,
Et dueil seder,
80Bas affonder,
Et reffonder,
Bel regarder,
Voir recorder,
Sanz point bourder,
85Pais accorder,
Non descorder,
Droit recorder
Pour amender,
En sens fonder
90Et perfonder.
Et s'aucuns n'ont de ta vie
Nulle envie,
Ains la veulent mesprisier,
Gentillece est d'eulx ravie;
95Car plevie
L'ont les bons pour eulx aisier,
Et plaisier
Fais les cuers, ou poursuivie
Est joye sanz delaissier.
Par toy est dame servie,
Assouvie
Sanz amenuisier
Son honneur n'estre asservie
Mais suivie
105De baudour, qui rabassier
Et froissier
Fait doulour qui gent desvie;
Joye est qui la puet puisier.
Mais on fait maint mauvais raport,
110Disant qu'au port
De toy a doulereux aport,
Et dont pluseurs se duellent,
Et que moult pou y a deport
Quoy qu'on s'i port
115Gaiement, et qu'en gré le port
Cellui ou ceulx qui te veulent.
Et que mieulx vault qu'on se deport
De ton aport,
Que tel faissel on s'en emport,
120Et qu'a ton molin meulent
Paille sanz grain ceulz qui ton port
Suivent, deport
N'ont de toy ne qui les raport
A bien, ains perir suellent.
Si est trop mau dit,
Car pour voir je tien
Que, sanz contredit,
Quant l'en devient tien
On se desrudist,
130Qui ton doulz maintien
Poursuit, n'escondit,
Si com je maintien,
N'yert ja ne desdit.
L'amant, qui du tien
135Enrichis, mesdit
Het; pour ce soustien
Que qui te laidist
Son meffait retien
Et fais un edit
140Ou pour fol le tien;
De toy soit maudit
Et son preu detien.
Soit party,
Ressorty,
145Perverty,
De ton doulz soulas
Hors sorty,
Converti
En party
150Dur party
Qui mesdit de tes laz!
Dire halas!
Vain et las!
Comme las,
155Lui fais sanz dire «gar t'y»,
S'ainsi l'as
Se follas
Ne meslas
N'affolas
160Onc nul, cil soit amorty.
Si debat son chief
En vain, qui destruire
Cuide par nul chief
Ton fait, ne toy nuire,
165Que l'en voit sur tous reluire
Et qui est tant fort
Que ou monde n'a tel effort.
Et c'est grant meschief
De tel gent, qui duire
170Cuident de rechief
Le monde, et recuire
En nouvel sain, et reduire
Gent sanz le confort
De toy, mais tu vains au fort.
Amour sanz chalange,
Honneur et louange
T'apartient, et ment ge?
Quant fus par l'archange
En ce monde estrange
180Envoyé en change
De la male arrange
Qui nous mist en fange,
Et par toy en range
Ou ciel sommes d'ange,
Ce fu noble eschange
Et un doulz meslange,
Dont se te revenge
Nul ne m'en laidenge,
Car ne me desrenge
190De loial losenge.
Mon cuer s'i essange
Quant bien il te venge
Et du tout estrange
Haïneuse grange.
Dont blasmée
Ne clamée.
Diffamée
Ne nommée,
Mau renommée
200Ne fusmée
Ne dois estre, mais amée
Et prisée plus qu'autre rien.
Car armée
Enarmée,
205Affermée,
Confermée
T'es et formée
Bien fermée
Pour nous, c'est chose informée,
210Ne le nyer n'y vauldroit rien.
Exprimée
Ne primée,
Point frimée
N'extimée
215De hors limée
Trop semmée
Ne pues estre n'enflammée
En ce monde terrien.
Ains est dommage
220Qu'en ton hommage
Et fol et sage
Par droit usage
N'est, car l'oultrage
Qui fait la rage
225Ou monde ombrage
Par male et fausse convoitise.
Seroit en cage
Et hors usage;
Ne tel langage,
230Comme on l'engage
Par le hautage
D'orgueil qui nage
En maint rivage,
N'iert ou monde, et ce qui l'atise
C'est le buvrage
Qu'envie charge
Qui n'assowage,
Ains deheberge
De son heberge
240Toy qui sanz barge,
Comme en mer large,
Vas flotant par telle faintise.
Mais ou passage,
Ou le peage
245Devons de gage,
En l'eritage
Du monde ombrage
Y a ymage
De fausse targe,
250D'amour fainte et fausse cointise.
Si conclus qu'en ta closture,
Vraye non pas couverture,
On ne doit avoir roupture
A vie trés doulcereuse,
255Et qui en fait sa pousture
Jusqu'il soit en sepulture
Il puet bien la pourtraiture
Porter de paix laüreuse.
Car avec lui par jointure
260L'a a trés forte cousture
Cousue par aventure
Si que peine doulereuse
N'ara en la deffritture
Infernal qui, par droitture,
265Punist humaine faitture
En l'orde valée ombreuse.
EXPLICIT LAY LEONIME.
Note: Rubrique A² Si s'ensuit une assemblée de plusieurs rimes auques toutes leonnines en façon de lay pour apprendre à rimer leonninement.—B¹ Lay de LXII vers leonimes—Le ms. B², dont quelques feuillets ont été arrachés, ne contient pas ce lai—5 B¹ Du v. c. l.—13 A¹ C'on—16 B¹ en c. s.—19 A² B¹ En ton trés doulz plaisant dangier—25 A¹ Sa v.—26 B¹ g. part t.—28 B¹ q. se t.—31 Sic dans tous les mss. Corr. [que] v. m. v.—32 Sic dans tous les mss. Corr. Et [le] r.—34 A¹ qu'on s'y tiengne.—35 Sic dans tous les mss. Corr. Et [s'y] m.—41 que omis dans A¹ et B—46 B¹ N'en plusieurs lieux n'aille ne viengne—48 A¹ U. a seule vraiement—50 B¹ De b. en toy p.—63 B¹ ajoute Ne nul frauder—65 B¹ Et bien garder—B¹ ajoute:
Et toy bourder
Senz essourder
—66 B¹ Un c. bauder—67 B¹ De feu bourder—70 à 72 B¹:
Tout eschauder
Et lapider
Faire habonder
—73 et 74 omis dans B¹—76 B¹ Et e.—77 omis dans B¹—79 A² Et posseder—omis dans B¹—82 B¹ Bien r.—83 et 84 B¹:
Et faiz garder
De trop tarder
—85 à 87 omis dans B¹—90 B Et refonder—94 A¹ de eulx r.—99 A Et suivie—100 et 101 A Joye et sanz point delaissier—N'abaissier—102 B¹ Sic, Corr. Sanz [jamais] a.—105 B¹ De joye qui abaissier—107 A Assouvie.—107 et 108 B¹:
Ne jamais n'yert assouvie
Doulour qui la peut puisier.
—110 A² De ton fait en d. q. p.—111 A¹ douloureux—114 à 124 A²:
Cil qui aime s'il n'a le port
De toy et d'espoir qui le port,
Dont mains amans mieulx veulent
Que la mort briefment les emport
Que le mal qu'il fault que l'en port
Par toy, et qui n'ont pas raport
De douleur tous ceulx qui te veulent.
—116 Sic dans tous les mss. Corr. Cil—B¹ qui ce v.—118 B¹ De t. emport—119 B¹ ou on e.—130 et 131 omis dans A¹.—133 A Ne n'y. ja d.—137 B¹ Q. q. ce l.—153 et 154 intervertis dans B¹—157 B¹ S'affolaz—159 B¹ Ne soulaz—165 B¹ sur tout.—167 B¹ Qu'el m.—173 A² Veult s.—181 B¹ De la grant losange—185 à192 B¹:
Dont ne me reppan ge
De toy louer quand je
Dy voir et appran ge
Quant tort me laidange,
Qui pour tel eschange
Dist que je te venge;
Quant je te revenge
Mon cuer s'i essange
—199 A¹ Mon r.—206 A¹ confermé—B¹ ajoute Enfourmée—208 manque dans B¹—210 A² vault r.—213 A² Ne fermée; B¹ Ne firmée—215 omis dans B¹—228 B¹ h. d'usage—233 B¹ En tout r.—237 A² ajoute De nul malage—239 B¹ ajoute Met et en servage—241 omis dans B¹—247 à 250 B¹:
Du monde targe
De faulz ymage
Y a qui charge
D'avoir fausse et fainte cointise.
—256 A¹ Jusque il—262 A douloureuse.
LAY
Se je ne finoye de dire
Et d'escripre,
Je ne pourroie souffire,
Amis, pour louer assez,
5En cent ans voire passez,
Vostre bonté, n'a descripre
Vo beaulté ou l'en se mire,
N'a redire
N'y a, si sont amassez
10En vous tous biens entassez
Ou grace et honneur se tire.
N'il n'est royaume n'empire
Ou eslire
On peüst tel, n'oÿ lire
15N'ay des vaillans trespassez
Tant de bien, vous effassez
Leur grant vaillance, beau sire;
Car le monde se remire
Et desire
20Vous qui tous vices cassez
Ne du bien n'estes lassez
Nul temps, n'on n'en puet mesdire.
Et quant vous estes si parfait
Que chascun loe vostre fait
25Et dit que vous n'avez pareil
Ne qu'oncques nul n'y vid meffait,
Mais cil qui les despris reffait,
Plein de sens et de bon conseil
Enluminant com le soleil
30Qui toutes tenebres deffait,
Et ou prouece a son recueil,
La porte de joye et le sueil
Et cil qui les nobles reffait.
Ne vous doy je de cuer parfait
35Amer et m'esjoïr de fait
D'avoir ami si a mon vueil,
Bon, noble et preux, qui het tort fait,
Ne qui n'a riens de contrefait,
Bel, jeune et doulz, plaisant a l'ueil,
40Franc, courtois et de doulz accueil,
Si bon que ou monde n'a si fait
Humain, trés humble, sanz orgueil;
Si puis dire, nul n'en ait dueil,
Cil qui tout bien met a effait.
Et, se m'amour vous doy nommer
N'ami clamer
Et reclamer,
Sachiez que j'en fais mon devoir
Si bien qu'on ne m'en doit blasmer;
50Car affermer
Et confermer
Amours a fait par estouvoir
Mon cuer en vous, si que mouvoir
Pour nul avoir
55Cellui vouloir
Je ne pourroie. Ains a la mer
Osteroie trestout l'amer;
Doulçour avoir,
Et remouvoir
60Li feroie et s'iaue toloir
Entierement, et reprimer
Son flo que l'en voit escumer,
Toute semer
Et enflammer
65S'arene, et que fable fust voir,
Le monde de nouvel former,
Fondre, entamer
Et refformer
Pierres dures, et feu plouvoir,
70Les estoilles toutes ardoir,
Que main fust soir,
Sans desmouvoir
Tout l'umain siecle consommer,
Paistre le monde, et affermer
75Et apparoir
Que blanc fust noir
Feroie, ainçois que desmouvoir
Me peüsse de vous amer.
Car vous estes la joye
80Qui me resjoye
Et avoye
A tout bien,
Ne sanz vous ne pourroie
Et ne vouldroie
85Ne saroie
Valoir rien,
Et pour ce a vous emploie
Toute et ottroye
L'amour moye;
90Car sçay bien
Que vous estes la voie
Qui me ravoie,
Ne m'esjoye
Aultre rien,
95Et c'est ce qui m'apoye
Ou que je soye,
Mais que voie
Vo maintien.
Si n'en cuide estre deceüe,
100Car je me suis apperceüe
Que vous m'amez de cuer entier;
Car par long temps m'avez sceüe
Et quant j'ay bien l'amour sceüe,
Qui n'est pas depuis avantier
105Encommenciée, et que mestier
Vous estoit que fust receüe
Vostre amour ou pou exploitier
Postés long temps par nul sentier,
Lors fu vostre amour conceüe
110En moy qui si bien m'a sceüe
Que mon cuer de joye est rentier.
Car par seulement la veüe
Avoir de vous je suis peüe
De quanque on pourroit souhaidier
115D'autre bien, car j'ay esleüe
Ma joye en vous, chose est deüe
De vous amer, c'est doulz mestier
Ou l'on apprent a accointier
Tout honneur; si suis pourveüe
120D'ami loial, au mien cuidier,
Qui de moy fait tout mal vuidier.
S'en lo Amour par qui eüe
Ay vostre amour et qui meüe
M'a a l'amer encommencier.
Et puis qu'Amours nous a joins
Ensemble et conjoins,
Soient noz soins,
Et près et loings,
Amis, de loiaument
130Nous entr'amer et tous besoins
Et tous amers poins,
Se sommes poins
De durs poins,
Nous porterons doulcement
135Et vivrons joyeusement
Et trés liement
Gaiement
Car nous serons enoins
De doulz espoir qui fermement
140Et trés purement
Finement
Nous soustendra a ses poins.
Et d'ainsi nos jours user
Sanz mal user
145Nulz ne pourra accuser
De nul meffait nostre vie,
Ne sur nous nul mal causer
Ne gloser,
Car sur nul n'arons envie
150Ne vouloir d'autre encuser
Pour nous excuser.
Car de tous poins assouvie
Leesce en nostre penser
Sera, par quoy ert ravie,
155Sanz nul offenser,
Tristece qui gent devie,
De nous, qui fausser
Ne voulons, ainçois plevie,
Sanz nul jour cesser,
160Avons foy vraye assouvie.
Et pour tant se mesdisans
Pour nous grever
Vont disant leurs moz cuisans
Par controuver
165Ne devons pas estre aver
Des tresors doulz, advisans,
Qu'Amours aux amans trouver,
Par esprouver,
Fait sur tous biens reluisans,
170Et qui sauver
Pevent de tous maulz nuisans
Sanz emblasver.
Si n'en soions pas exans;
Pour quoy laver
175Nous en devons, quant lever
En joye plus de dix ans
Nous puet li moins souffisans
Des biens, prouver
Le puis par tous poursuivans,
180Sanz controuver.
Et s'en contrée longtaine
Vostre noblece vous meine
Et la prouece haultaine,
Qui vo noble cuer demeine,
185Ce me sera moult grant peine;
Mais je prendrai reconfort
En ce que je suis certaine
Que de vraie amour certaine,
Plus qu'aultre chose mondaine,
190Ne que Paris belle Heleine,
Comme dame souveraine,
M'amez de tout vostre effort.
Et combien que de dueil pleine
Seray nuit, jour et sepmaine,
195Et tout le temps triste et vaine,
Sanz estre lie ne saine,
En pire point qu'en quartaine,
Ce me soustendra au fort
Que, se Dieux tost vous rameine,
200Oncques si joyeuse estraine
N'ot dame, noble ou villaine,
Com j'aray, ne chastellaine,
Quant tendray en mon demaine
Vous que j'aim sur tous trés fort.
Si vous pri, ma vraye amour,
Ma doulçour,
Mon bien, ma paix, ma vigour,
Mon retour,
La riens que j'aime le mieulx,
210Qu'en tous lieux
Gay, jolis, joieux tousjour,
Sanz mal tour,
Soyez et plein de baudour,
Pour m'amour; car se m'aist Dieux,
215Pour vous sera mon atour
Par honnour
Gay, jolis, gent et joyeux.
Si me tendray sanz tristour
Ne doulour;
220Car voz amoureux beaulz yeulz
Tous mes dieux
Gariront par leur vigour,
De vous venra la savour
Par quoy mes jours seront tieulx.
Amis de mes maux le mire,
Qui sanz yre
Me tenez et sanz deffrire,
De qui les grans biens tauxes
Ne pourroient ne pensez
230Estre, car tout tire a tire
Vostre bon cuer les atire,
Ou remire
Ont tous ceulx qui oppressez
Sont et de dueil empressez
235Cui martire;
Et le mal qui les empire
Et fait frire
Confortez par vo doulz rire
Qui le mien cuer enlascez.
240Je vous pri ja ne cessez
D'estre en l'amoureux navire
Qui vers toute joye tire
Et n'empire,
Ne ja ne vous en lascez,
255Et vous serez surhaulcez
Sur tous bons sanz contredire.
EXPLICIT LAY
[Note Lay:—Titre B¹ Autre lay—2 B Ne—5 omis dans A¹—15 A N'ay de v.—16 A T. de b. certes beau sire—17 A¹ vers rayé—26 qu' manque dans A²—B Et qu'o. n. ne v.—33 B Et des nobles le plus parfait—37 B omet et—39 B omet et—42 B h. et s. o.—55 omis dans B—56 B Ne l'en p. A. de la m.—58 à 60 B:
Et doulçour luy feroye avoir
Et remouvoir
Son cours et son eaue toloir
—60 et 61 A² Sa nature par droit devoir—S'on veult bien chanter et rimer.—61 omis dans B—62 B Et s. f. qu'on v.—63 à 66 B:
Retendroye et poissons armer
Et enflammer
Toute et semer
L'arene et que fable fust voir
67 A² Souldre e.—67 à 73 B:
Tout le monde en un gant fermer,
Fondre, entamer
Et refformer
Pierres dures, et feu plouvoir,
Les estoilles faire former,
Toutes sciences concevoir,
Les mors ravoir
—70 A² t. frimer—71 à 76 A²:
Et extimer
Sans reprimer,
Toutes sciences concevoir
Et tout humain siecle affamer,
Le ciel fermer
Sans deffermer
—74 à 76 manquent dans B—79 B C. v. e. la voye—80 B Q. me ravoye—83 A² Et s.—84 B Ne ne v.—87 B en v. e.—91 B Q. v. e. la joye—92 B Q. me resjoye—99 B Si ne c.—116 B Ma gloire—126 A E. et joins—133 omis dans A²—134 A¹ N. p. trés d.—135 omis dans A—139 A De d. penser q. finement—141 omis dans A—194 B n. et j. et s.—207 A¹ viguour—212 omis dans B—225 A¹ de m. yeulz le m.—236 A q. l. fait firre—237 omis dans A—238 B p. voz d. r.—239 A² Et le—242 B v. t. j. vire—244 Ne jamais jour ne faussez.
I (1396)
Com turtre suis sanz per toute seulete
Et com brebis sanz pastour esgarée;
Car par la mort fus jadis separée
4De mon doulz per, qu'a toute heure regrette.
Il a sept ans que le perdi, lassette,
Mieulx me vaulsist estre lors enterrée!
7Com turtre suis sans per toute seulete.
Car depuis lors en dueil et en souffrete
Et en meschief trés grief suis demourée,
Ne n'ay espoir, tant com j'aré durée,
D'avoir soulas qui en joye me mette;
12Com turtre suis sans per toute seulete.
Note I:—4 A¹ regraitte—10 B Ne je n'e.
II
Que me vault donc le complaindre
Ne moy plaindre
De la doulour que je port
Quant en riens ne puet remaindre?
Ains est graindre
6Et sera jusqu'a la mort.
Tant me vient doulour attaindre,
Que restraindre
Ne puis mon grant desconfort;
10Que me vault donc le complaindre?
Quant cil qu'amoye sanz faindre
Mort estraindre
A voulu, dont m'a fait tort;
Ce a fait ma joye estaindre,
Ne attaindre
Ne poz puis a nul deport;
17Que me vault donc le complaindre?
Note II:—6 B Et ce s.—12 A¹ estaindre.
III
Je suis vesve, seulete et noir vestue,
A triste vis simplement affulée;
En grant courroux et maniere adoulée
4Porte le dueil trés amer qui me tue.
Et bien est droit que soye rabatue,
Pleine de plour et petit enparlée;
7Je suis vesve, seulete et noir vestue.
Puis qu'ay perdu cil par qui ramenteue
M'est la doulour, dont je suis affolée,
Tous mes bons jours et ma joye est alée,
En dur estat ma fortune embatue;
12Je suis vesve, seulete et noir vestue.
Note III:—11 B En d. e. je me suis e.
IV
Puis qu'ainsi est qu'il me fault vivre en dueil
Et que jamais n'aray bien en ce monde,
Viegne la mort qui du mal me confonde,
4Qui si me tient et pour qui morir vueil.
Et delaissier bien doy quanque amer sueil,
Si qu'en griefz plours mon doloreux cuer fonde,
7Puis qu'ainsi est qu'il me fault vivre en dueil.
De tout maintien et contenance et d'ueil
Doy bien sembler femme, en qui dueil habonde;
Car tant est grant le mal qui me suronde
Que de la mort desir passer le sueil,
12Puis qu'ainsi est qu'il me fault vivre en dueil.
Note IV:—3 B Je suis d'accort que le m. me c.—5 B Et d. d. b.—8 B de c. d.
V
Quelque chiere que je face
Et comment que souvent rie,
Si n'y a il plus marrie,
4Je croy, de moy en la place.
A tort seroie en ma grace,
Car joye est en moy tarie,
7Quelque chiere que je face.
Mais pas n'appert a ma face
La doulour qui me tarie,
Qui nulle heure n'est garie;
Mais grief dueil ma joye efface,
12Quelque chiere que je face.
Note V:—4 B Je c. que m.—6 A¹ C. joy—8 pas omis dans B¹.
VI
En esperant de mieulx avoir,
Me fault le temps dissimuler,
Combien que voye reculer
4Toutes choses a mon vouloir.
Pour tant s'il me fault vestir noir
Et simplement moy affuler,
7En esperant de mieulx avoir,
Se Fortune me fait douloir,
Il le me convient endurer,
Et selon le temps moy riuler
Et en bon gré tout recevoir,
12En esperant de mieulx avoir.
VII
Je ne sçay comment je dure;
Car mon dolent cuer font d'yre,
Et plaindre n'oze, ne dire
4Ma doulereuse aventure, 4
Ma dolente vie obscure,
Riens, fors la mort, ne desire;
7Je ne sçay comment je dure.
Et me fault par couverture
Chanter quant mon cuer souspire,
Et faire semblant de rire;
Mais Dieux scet ce que j'endure;
12Je ne sçay comment je dure.
Note VII:—2 A¹ fent d'y—-4 A¹ douloureuse—5 B Ne ma lasse v. o.
VIII
Puis que vous vous en alez,
Je ne vous sçay plus que dire,
M'amour, mais en grief martire
4Me tendrez, se vous voulez.
Ne sçay se vous en doulez;
Mais nul mal n'est du mien pire
7Puis que vous vous en alez.
Baisiez moy et m'acolez,
Pour Dieu, vueilliez moy rescripre,
Et du mal soiez le mire,
Dont le mien cuer affolez
12Puis que vous vous en alez.
Note VIII:—4 se omis dans B¹.
IX
Bel a mes yeulx, et bon a mon avis,
Trés assouvi de grace et de tout bien,
Digne d'onneur, plaisant sur toute rien,
4Estes m'amour sur touz a mon devis.
Jeune, gentil, gent de corps et de vis,
Sage, humble et doulz, de gracieux maintien,
7Bel a mes yeulx, et bon a mon avis.
Et quant veoir je vous puis vis a vis
J'ay tel plaisir, dont vous estes tout mien,
Qu'en ce monde plus ne vouldroie rien;
Car vous estes sur tous, je vous plevis,
12Bel a mes yeulx, et bon a mon avis.
X
Puis qu'Amours le te consent,
Par qui as empris l'emprise,
Amis, dont tu m'as surprise,
4Mon cuer aussi s'i assent.
Mon vouloir du tout descent
A toy amer sanz faintise,
7Puis qu'Amours le te consent.
Si n'a il pas un en cent
Dont Amours m'eust ainsi prise;
Mais quant c'est par ta maistrise
Ne te doy estre nuisant,
12Puis qu'Amours le te consent.
Note X:—5 B M. cuer encline et descent—10 M. q. c'est pour sa m.—11 A¹ e. musent.
XI
De triste cuer chanter joyeusement
Et rire en dueil c'est chose fort a faire,
De son penser monstrer tout le contraire,
4N'yssir doulz ris de doulent sentement.
Ainsi me fault faire communement,
Et me convient, pour celer mon affaire,
7De triste cuer chanter joyeusement.
Car en mon cuer porte couvertement
Le dueil qui soit qui plus me puet desplaire,
Et si me fault, pour les gens faire taire,
Rire en plorant et trés amerement
12De triste cuer chanter joyeusement.
Note XI:—2 A¹ est c.—B c. forte a f.—2 et 3 intervertis dans A².
XII
Pour ce que je suis longtains
De vous, belle, que tant aims,
A nulle joye n'attains,
4Ains est mon bien tout estains.
Ou païs aux tremontains
Mon cuer est de doulour tains,
7Pour ce que je suis longtains.
Regretant voz biens haultains
Je mourray, j'en suis certains;
Car je seray desert ains
Que cy m'ait joye ratains,
12Pour ce que je suis longtains.
Note XII:—A² Ou lieu ou t.—6 A² Je suis adès de dueil t.—11 B Qui cy n'ait.
XIII
C'est grant bien que de ces amours,
Qui miracles font si appertes
Que maintes dames font appertes
4Qui ja aloient en decours.
Ilz garissent, de commun cours,
De plus grans maulz que fievres quartes,
7C'est grant bien que de ses amours.
N'il n'est si vieulx, soit longs ou cours,
S'il en est bien ferus acertes,
Qu'il ne lui semble tout de certes
Qu'il prendrait bien le lievre au cours;
12C'est grant bien que de ses amours.
Note XIII:—1 A ses a.—3 B Qui.
XIV
M'amour, mon bien, ma dame, ma princepse
Tresmontaine, qui a bon port m'adrece,
Dequanque j'ay, souveraine maistresse,
4Estes dame et confort de ma leesce.
Je vous doy bien appeller ma deesse,
Mon doulz espoir, mon mur, ma forteresse,
7M'amour, mon bien, ma dame, ma princesse.
Car si belle ne fut oncques Lucrece,
Ne prisiée tant Penelope en Grece,
Semiramis vous passez en noblece,
Si vous doy bien dire, par grant humblece,
12M'amour, mon bien, ma dame, ma princesse.
Note XIV:—1, 7, 12 A² et ma p.—4 A² c. et l.—B de ma destresse—6 A² M. d. tresor—8 A² C. de beauté tant n'ot L.—B C. plus b. vous estes que L.—9 B Plus p. que P.—11 B p. g. leesce.
XV
Quant je ne fois a nul tort,
Pour quoy me doit on blasmer
De mon doulz ami amer?
4Et a son vueil je m'acord.
S'en lui est tout mon deport,
N'autre n'y puet droit clamer,
7Quant je ne fois a nul tort.
Je l'aim, qu'en est il au fort?
En fault il tel plait semer
Partout pour moy diffamer?
En ay je desservi mort
12Quant je ne fois a nul tort?
Note XV:—4 B S'a son doulz vouloir m'accort—5 B devie—9 A¹ t. p. mener.
XVI
Doulce dame, que j'ay long temps servie,
Je vous suppli, alegiez ma doulour
Et mon complaint ne tenez a folour,
4Si soit par vous ma grief peine assovie.
Voiez comment pour vous amer desvie,
Je pers vigour, sens, maniere et coulour,
7Doulce dame, que j'ay long temps servie.
Ne n'aiez pas de moy grever envie,
Ou je mourray d'amoureuse chalour
Pour vo beauté et vo fresche coulour,
Et pour ce adès pour eslongner ma vie,
12Doulce dame, que j'ay long temps servie.
Note XVI:—3 A² Et me c.—10 A¹ P. vou b.—B et pour vostre valour—11 B p. aloingnier.
XVII
Je suis joyeux, et je le doy bien estre,
D'avoir ouÿ si trés doulce nouvelle
Que ma dame son doulz ami m'appelle;
4Or n'est de moy ou monde plus grant maistre.
Ne me pourroit chose venir senestre
Puis qu'elle dit que je suis amé d'elle,
7Je suis joyeux, et je le doy bien estre.
Et quant je suis en paradis terrestre
Et hors d'enfer, pour la doulçour de celle
Que chascun tient des dames la plus belle,
Et je regard son maintien et son estre,
12Je suis joyeux, et je le doy bien estre.
Note XVII:—4 B si g. m.—6 A¹ P. que elle—B¹ P. que je di q.
XVIII
Rians vairs yeulx, qui mon cuer avez pris
Par voz regars pleins de laz amoureux,
A vous me rens, si me tiens eüreux
4D'estre par vous si doulcement surpris.
On ne pourroit sommer le trés grant pris
De voz grans biens qui tant sont savoureux,
7Rians vairs yeulx, qui mon cuer avez pris.
Tant estes doulz, plaisant et bien apris,
Qu'ou monde n'a homme si doulereux
Que, s'un regart en avoit doulcereux,
Que tantost n'eust par vous confort repris,
12Rians vairs yeulx, qui mon cuer avez pris.
Note XVIII:—1 B R. vers y.—4 D'e. de v.—9 A¹ douloureux—9 B Ou m.—11 A² Q. p. v. n'e. t. c. r.
XIX
Tout en pensant a la beauté ma dame,
Qu'on ne pourroit prisier souffisament,
Ce rondellet ay fait presentement;
4Car mon penser n'est ailleurs, par mon ame. 4
Se je l'ay fait ne s'en esmerveille ame,
Car survenu m'en est le sentement
7Tout en pensant a la beauté ma dame.
De vraie amour, qui mon cuer tout enflamme,
Est tout venu le doulz enortement
Qui esjoïst mon cuer trop grandement,
Dont suis plus gay que oyselet sus la rame,
12Tout en pensant a la beauté ma dame.
Note XIX:—9 A² E. tost v.
XX
Sage maintien, parement de beauté,
Assis en corps digne de grant louenge,
Cuer ferme et vray, qui nulle heure ne change,
4En celle maint en qui j'ay feaulté.
Trés grant honneur, grant grace et leaulté
Si la conduit et nulle heure n'estrange,
7Sage maintien, parement de beauté.
Cuer noble et hault sanz raim de cruauté,
Humilité qui nullui ne laidenge,
Et assez a la belle comme un ange,
Pour gouverner une grant royaulté,
12Sage maintien, parement de beauté.
Note XX:—4 A Et c. m. a q.—5 B T. haulte h. g. g. et loyauté.
XXI
S'espoir n'estoit, qui me vient conforter,
Et souvenir qui mes maulx fait tarir,
Les maulx que j'ay ne pourroie porter,
4Dont ne me veult ma dame secourir.
Car desconfort me vouldroit aporter
Present de mort, et me feroit perir,
7S'espoir n'estoit, qui me vient conforter.
Mais souvenir si me vient raporter
Joye et soulas, et espoir de garir,
Et que pitié luy fera enorter
Ma garison, si me faudroit morir
12S'espoir n'estoit, qui me vient conforter.
Note XXI:—2 A² B q. f. m. m. t.—3 B Le mal q. j'ay—6 B Presens.
XXII
De tous amans je suis le plus joyeux,
Puis qu'envers moy s'est ma dame acoisiée,
Qui contre mi si mal ere apaisiée
4Que je n'osoie aler devant ses yeulx.
Puis qu'elle a fait la paix, or me va mieulx,
Et qu'il lui plaist que je l'aie baisiée
7De tous amans je suis le plus joyeux.
Moult m'a esté son courroux anieux
Et a porter la doulour mesaisiée,
Mais or suis liez quant elle est amaisiée;
Puis qu'ainsi va, et louez en soit Dieux,
12De tous amans je suis le plus joyeux.
Note XXII:—3 A¹ erre—A² mi ert si m. a.—B¹ yere—5 A¹ P. que elle—10 A¹ amaisié.
XXIII
Belle, ce que j'ay requis
Or le vueilliez ottroier,
Car par tant de fois proier
4Bien le doy avoir conquis.
Je l'ay ja si long temps quis,
Et pour trés bien emploier,
7Belle, ce que j'ay requis.
Se de moy avez enquis,
Ne me devez pas noyer
Mon guerdon, ne mon loier;
Car par raison j'ai acquis,
12Belle, ce que j'ay requis.
Note XXIII:—2 A² V. le moy o.
XXIV
Jamais ne vestiray que noir,
Puis que l'en m'a donné congié,
Et que du tout m'a estrangié
4Ma dame qui me fist son hoir. 4
Plus n'entreray en son manoir,
Et pour le trés grant dueil que j'ay
7Jamais ne vestiray que noir. 7
Si ne quier plus cy remanoir,
Durement y suis laidengié,
Trop s'est le temps vers moy changié,
Et pour plus en ce dueil manoir
12Jamais ne vestiray que noir. 12
Note XXIV:—3 B Et de tous poins m'a e.—6 B Et p. ce du g. d.
XXV
En plains, en plours me fault user mon temps,
Se de vous n'ay, dame, aucun reconfort
Mieulx me vauldroit briefment morir au fort
4Que soustenir la douleur que j'attens.
Pour vous, Belle, je me morray par temps,
Et sachiez bien qu'en trop grant desconfort,
7En plains, en plours me fault user mon temps.
Et se vo trés doulz cuer est consentens,
Que je muire, certes ce seroit fort
De reschaper contre si grant effort;
Car vraiement, se vivoie cent ans,
12En plains, en plours me fault user mon temps.
Note XXV:—6 B q. trés g. d.—8 A² Et se vostre d.—B Puis que vo cuer si en est c.
XXVI
Visage doulz, plaisant, ou je me mire,
De grant beaulté le parfait exemplaire,
3Moult suis joyeux et lié quant vous remire.
Ne il n'est riens qui me peüst souffire
Sans vous veoir, et bien me devez plaire,
6Visage doulz, plaisant, ou je me mire.
Car ou monde l'en ne pourroit eslire
Nul si trés bel, et je ne me puis taire
De vous louer, si me fault souvent dire:
10Visage doulz, plaisant, ou je me mire.
Note XXVI:—5 vers effacé dans A.
XXVII
A Dieu, ma dame, je m'en vois;
Cent fois a vous me recommande,
3Je revendray dedens un mois.
Plus ne verray a ceste fois
Vo beaulté qui toudis amende;
6A Dieu, ma dame, je m'en vois.
Et de voz biens cent mille fois
Vous remercy, Dieu le vous rende,
Ne m'obliés pas toutefois;
10A Dieu, ma dame, je m'en vois.
XXVIII
A Dieu, mon ami, vous command,
A Dieu, cil dont tout mon bien vient,
3Et pour Dieu retournez briefment.
En plorant trés amerement,
Puis que departir vous convient,
6A Dieu, mon ami vous command.
Or ne m'obliez nullement,
Car toudis de vous me souvient;
Baisiez moy au departement,
10A Dieu, mon ami, vous command.
Note XXVII et XXVIII:—Ces deux rondeaux sont placés à la suite du rondeau XLVI dans A².
XXIX
Il me semble qu'il a cent
2Que mon ami de moy parti!
Il ara quinze jours par temps,
4Il me semble qu'il a cent ans!
Ainsi m'a anuié le temps,
Car depuis lors qu'il departi
7Il me semble qu'il a cent ans!
XXX
Il a au jour d'ui un mois
2Que mon ami s'en ala.
Mon cuer remaint morne et cois,
4Il a au jour d'ui un mois.
«A Dieu, me dit, je m'en vois»;
Ne puis a moy ne parla,
7Il a au jour d'ui un mois.
XXXI
Se loiaulté me puet valoir
Et bien servir et fort amer,
3Sanz faille j'aré mon vouloir.
Ne me fault plaindre ne doloir
Ne dire qu'aye dueil amer,
6Se loiaulté me puet valoir.
Et s'on la met en nonchaloir
Il me vauldroit mieux estre en mer,
Mais nulz ne puet mon droit toloir
10Se loiaulté me puet valoir.
XXXII
Trés doulz regart, amoureux, attraiant,
Plein de doulçour et de grant reconfort,
3Mon cuer occis et navrez en treiant.
Mais ja pour ce ne t'ailles retrayant
De traire a moy de trestout ton effort,
6Trés doulz regart, amoureux, attraiant.
Car en mon cuer ta doulceur pourtraiant
Va vraie amour, par quoy mon desconfort
En garis tout en mon cuer soubtraiant,
10Trés doulz regart, amoureux, attraiant.
Note XXXII:—4 A² M. non pour tant ne t'a.—A¹ ne t'a. recreant—7 A² Et—8 B Va bonne a.
XXXIII
Le plus bel qui soit en France,
Le meilleur et le plus doulx,
3Helas! que ne venez vous?
M'amour, ma loial fiance,
Mon dieu terrien sur tous,
6Le plus bel qui soit en France.
S'il est en vostre poissance
Pour quoy n'approchiez de nous?
Si verré lors sanz doubtance
10Le plus bel qui soit en France.
Note XXXIII:—8 B P. q. tost n'approuchons nous.
XXXIV
J'en suis d'acort s'il vous plaist que je muire
Pour vous, belle, mais ce sera pechié;
3Car desservi n'ay que me doiez nuire.
Se vous voulez au fort me laissier cuire
En mon meschief sanz estre relachié,
6J'en suis d'acort s'il vous plaist que je muire.
Car a vo vueil je me doy du tout duire,
Et de voz laz, ou je suis atachié,
Ne partiray se me voulez destruire,
10J'en suis d'acort s'il vous plaist que je muire.
Note XXXIV:—7 B je me vueil du t. d.—A¹ C. a vou v.—9 B¹ Ne me p.
XXXV
De mieulx en mieulx vous vueil servir,
Ma dame, dont tout mon bien vient,
3Pour vostre grace desservir.
Et pour moy du tout asservir
A vous, ainsi qu'il apertient,
6De mieulx en mieulx vous vueil servir.
Mais ne me vueilliez desservir
De joye, se mon bien avient;
Car pour vo vouloir assouvir
10De mieulx en mieulx vous vueil servir.
XXXVI
Helas! le trés mauvais songe
Que j'ay ceste nuit songé,
3Fait que mon cuer toudis songe.
Oncques ne retint esponge
Mieulx chose, certes, que j'é,
6Helas! le trés mauvais songe.
Mais ne me dit chose dont je
Doye esperer que congié;
Dieux doint que ce soit mençonge,
10Helas! le trés mauvais songe.
Note XXXVI:—5 A¹ Nulle riens c.—8 B¹ Ne d. e. c.
XXXVII
Trés doulce dame, or suis je revenu
Prest d'obeïr, s'il vous plait commander,
3Comme vo serf vous me pouez mander.
J'ay longuement esté de joye nu
Hors du paÿs, mais, pour tout amender,
6Trés doulce dame, or suis je revenu.
Mais je ne sçay s'il vous est souvenu
De moy qui vueil vous servir sanz tarder,
Et en espoir de vo grace garder,
10Trés doulce dame, or suis je revenu.
Note XXXVII:—9 B Et en e. de vostre amour g.
XXXVIII
Puis qu'ainsi est que ne puis pourchacier
Nulle merci vers vous, ma chiere dame,
3De vous me pars, moult courroucié par m'ame.
D'y plus venir ne me quier avancier,
Car ce pourroit vous tourner a diffame
6Puis qu'ainsi est que ne puis pourchacier.
Et si ne sçay comment pourray laissier
L'amour que j'ay a vous, qui si m'enflamme;
Mais du laissier ne me doit blasmer ame
10Puis qu'ainsi est que ne puis pourchacier.
Note XXXVIII:—7 B Ne si ne s.
XXXIX
Doulce dame, je vous requier
Vostre amour que je vueil cherir;
3Donnez la moy sanz rencherir,
Or m'ottroiez ce que je quier,
Et pour faire mes maulz tarir,
6Doulce dame, je vous requier.
Et se vers vous tel grace acquier
Je penseray du remerir,
Et pour mes pesances garir,
10Doulce dame, je vous requier.
XL
Se m'amour voulsisse ottroier
Ja pieça m'a esté requise,
3Mais j'ay ailleurs m'entente mise
On vendroit trop tart au proier,
Et pour tant bien je vous avise
6Se m'amour voulsisse ottroier
Car maint dient que par loier
La devroient avoir acquise,
Si fusse ailleurs pieça assise,
10Se m'amour voulsisse ottroier.
Note XL:—5 B Sire et p. t. je v. a.—9 B Si l'aroye ja a. a.
XLI
De tel dueil m'avez rempli,
Dame, par vostre reffus
3Qu'oncques plus dolent ne fus.
Mis m'avez en si dur pli
Qu'enroiddis suis comme uns fus,
6De tel dueil m'avez rempli.
Que m'occiez vous suppli,
Car de mere mar nés fus,
Nul de moy n'est plus confus,
10De tel dueil m'avez rempli.
Note XLI:—2 B D. pour v.—3 B Q. si d.—4 B Or suiz en si trés d. p.—7 B Tuez moy je v. s.—8 A² B de m. mal.—9 A² Ne de m.—B N'il n'e. de m.
XLII
Or est mon cuer rentré en double peine
Quant le mary ma dame est revenu,
3Qui du païs s'est hors long temps tenu.
Helas! j'ay eu du tout en mon demaine
Joye et plaisir et soulaz maintenu,
6Or est mon cuer rentré en double peine.
Il me touldra, Dieux lui doint male estraine,
Tout mon deduit, car souvent et menu
J'estoye d'elle au giste retenu,
10Or est mon cuer rentré en double peine.
Note XLII:—1, 6, 10 A¹ entrez en d. p.—4 A a m. d.—5 B J. p. et s.—9 A J'e. au g. d'e. r.
XLIII
Hé lune! trop luis longuement,
Par toy pers les biens doulcereux
3Qu'Amours donne aux vrais amoureux.
Ta clarté nuit trop durement
A mon cuer qui est desireux,
6Hé lune! trop luis longuement.
Car tu fais le decevrement
De moy et du doulz savoureux;
Nous ne t'en savons gré touz deux,
10Hé lune! trop luis longuement.
Note XLIII:—4 B Ta c. luist t. d.—8 B Et nous tiens tous deux langoureux.
XLIV
Amis, ne vous desconfortez,
Car je seray en vostre aye,
3Et, fusse enclose en abbaye,
Ne seray du mal que portez
Conforter lente n'esbahie.
6Amis, ne vous desconfortez.
Toudis environ moy hentez
Et ne doubtez nulle envaÿe,
Et se je suis pour vous haïe,
10Amis, ne vous desconfortez.
Note XLIV:—8 B Ne ne d.—9 B par v. h.
XLV
Souffise vous bel accueil,
Sire, trop me requerez,
3Tout perdrez se tout querez.
Plus donner je ne vous vueil
A present, mais esperez,
6Souffise vous bel accueil.
Toudis plus que je ne sueil
Vous donne, et plus acquerez
Et tant plus me surquerez,
10Souffise vous bel accueil.
Note XLV:—2 A² Trop de choses r.—4. A² B Car p. d. ne v. v.—4 A¹ je ne v. quier.—7 A² Mieulx vous fais q.—B Et t. p. q. ne s.—8 A² Mais tant p. y a.—9 A² Et t. p. me requerez—B Et de t. p. me querez.
XLVI
Se souvent vais au moustier,
C'est tout pour veoir la belle
3Fresche com rose nouvelle.
D'en parler n'est nul mestier,
Pour quoy fait on tel nouvelle
6Se souvent vais au moustier?
Il n'est voye ne sentier
Ou je voise que pour elle;
Folz est qui fol m'en appelle
10Se souvent vais au moustier.
Note XLVI:—2 A¹ p. veir.
XLVII
Combien qu'adès ne vous voie,
Simple et coye
Ou est ma joye,
Que j'aim et serfs loiaument,
Ne pourroie nullement,
6Vivre se je vous perdoie.
Car sanz vous je ne pourroie
Ne saroie
Ne vouldroie
Vivre un jour tant seulement,
11Combien qu'adès ne vous voie.
Et si sachiez toutevoie
Que j'emploie,
Ou que je soye,
En vous tout mon pensement;
Car il n'est avancement
Qui me venist d'autre voie,
18Combien qu'adès ne vous voie.
Note XLVII:—5 B Ne p. longuement—8 Manque dans A¹—9 Sic dans tous les mss., Corr. [Ne] ne v.
XLVIII
Comme surpris
Et entrepris
De vostre amour,
Je me rens pris
En vo pourpris,
6Dame d'onnour.
Si ne mespris
Quant j'entrepris
Si haulte honnour
10Comme surpris.
Mais en despris
Ne m'ait le pris
De vo valour;
Car j'ay apris
Les biens compris
En vo doulçour
17Comme surpris.
Note XLVIII:—9 A¹ Si hault h.
XLIX
Vous en pourriez exillier
Un millier
Des amans par vo doulz oeil,
4Plains d'esveil,
Qui ont fait maint fretillier
Et veillier.
Je m'en sens plus que ne sueil
8Et m'en dueil.
Belle, qui bien traveillier
Et pillier
Savez cuers a vostre vueil,
En recueil
13Vous en pourriez exillier.
Mais bien sçavez pou baillier
Et taillier
Moins de joye et plus de dueil
17Sur le sueil,
Pour musars entortillier,
Conseillier,
Par vostre attraiant acueil
Sans orgueil
22Vous en pourriez exillier.
Note XLIX:—4 A¹ Sanz orgueil—7 et 8 manquent dans A¹ et B—11 A¹ S. c. a vo doulz vueil—12 manque dans A¹ et B—14 A¹ B Et—17 A¹ En recueil—20 et 21 vers effacés dans A¹—21 B En requeil.
L
Pour attraire
Vostre amour,
Et moy traire
4De doulour
Me vueil traire
Vers vous, flour,
Sanz retraire
8Nuit ne jour.
Ne doy taire
Ma langour,
Mais retraire
Sanz rigour
13Pour attraire.
Exemplaire
De valour,
Pour vous plaire
17Tant labour,
Je vueil faire
Par honnour
Et pourtraire
Vo doulçour
22Pour attraire.
Note L:—17 B Tout l.
LI
Amis, venez encore nuit,
2Je vous ay aultre fois dit l'eure.
Pour en joye estre a no deduit,
4Amis, venez encore nuit.
Car ce qui nous empesche et nuit
N'y est pas, pour ce, sanz demeure,
7Amis, venez encore nuit.
Note LI:—3 B Et pour mener nostre d.
LII
Il me tarde que lundi viengne,
2Car mon ami doy veoir lors.
A fin qu'entre mes bras le tiengne
4Il me tarde que lundi viengne.
Si lui pri qu'il lui en souviengne;
Car pour veoir son gentil corps
7Il me tarde que lundi viengne.
Note LII:—2 A¹ C. m. a. doit venir l.
LIII
Cest anelet que j'ay ou doy
2Mon doulz ami le m'a donné.
Souvent nous assemble toudoy
4Cest anelet que j'ay ou doy.
Je l'aime bien, faire le doy;
Car pour ma joye est ordené
7Cest anelet que j'ay ou doy.
LIV
La cause de mon annuy
2N'ose plaindre n'a nul dire.
Ne la diray demain n'uy
4La cause de mon annuy.
Se je pleure a nul n'en nuy,
Et mourir me fera d'ire
7La cause de mon annuy.
Note LIV:—Omis dans A.
LV
Dure chose est a soustenir
2Quant cuer pleure et la bouche chante;
Et de faire dueil se tenir
4Dure chose est a soustenir.
Faire le fault qui maintenir
Veult honneur qui mesdisans hante,
7Dure chose est a soustenir.
LVI
Cil qui m'a mis en pensée novelle
Et qui requiert que je le vueille amer
Me plaist sur tous, non obstant qu'afermer
4Ne lui vueille m'amour, ainçois lui celle.
Et si est il plus doulz qu'une pucelle,
Jeune, plaisant, bel, courtois, sanz amer
7Cil qui m'a mis en pensée novelle.
Mais de paour qu'estre en peust nouvelle
Je n'ose en lui du tout m'amour fermer,
Le retenir, ne mon ami clamer,
Si est il bien digne d'avoir plus belle
12Cil qui m'a mis en pensée novelle.
Note LVI:—3 A¹ que fermer—6 B J. p. doulz—9 A¹ m'a. du t.—10 B Ne r.—11 A¹ d'amer p. b.
LVII
Vostre doulçour mon cuer attrait,
Je ne vous vueil plus reffuser;
Doulz ami, que vault le muser
4Quant par voz yeulx Amours me trait?
Si vous vueil amer sanz retrait
A tousjours mais, car sanz ruser
7Vostre doulçour mon cuer attrait.
Or soiez tout mien, sanz faulx trait,
Ainsi pourrons noz jours user
En grant doulçour, sanz mal user;
Car par vostre plaisant attrait
12Vostre doulçour mon cuer attrait.
Note LVII:—3 A le ruser—4 A¹ p. vous y.
LVIII
Se d'ami je suis servie,
Craintte, obeïe et amée,
Je ne doy estre blasmée
4D'avoir entrepris tel vie.
Ne me suis pas asservie,
Ainçois suis dame clamée
7Se d'ami je suis servie.
Car de tous biens assouvie
Seray par sa renommée;
Si n'en seray ja clamée
Fole, se n'est par envie,
12Se d'ami je suis servie.
Note LVIII:—9 B Je suis p. sa r.
LIX
Chiere dame, plaise vous ottroier
2Ce que vous ay humblement supplié.
Sanz que d'aultre vous en face proier,
4Chiere dame, plaise vous ottroier.
Mon cuer, mon corps, quanque j'ay en loier,
Tout je vous offre, et pour moy faire lié,
7Chiere dame, plaise vous ottroier.
Note LIX:—Omis dans B.
LX
Vous n'y pouez, la place est prise,
Sire, vous perdez vostre peine:
De moy prier c'est chose vaine,
4Car un bel et bon m'a acquise.
Et c'est droit qu'un seul me souffise,
Plus n'en vueil, folz est qui s'en peine;
7Vous n'y pouez, la place est prise.
Toute m'amour ay en lui mise
Et l'ameray d'amour certaine,
Mais ne m'en tenez a villaine;
Car je vous di qu'en nulle guise
12Vous n'y pouez, la place est prise.
Note LX:—4 B C. un seul m'a du tout a.—5 et 6 B:
Toute m'amour ay ailleurs mise,
J'ayme un autre d'amour certaine
8 et 9 B:
C'est raison qu'un seul me souffise,
Plus n'en vueil, folz est qui s'en paine
9 A¹ Et l'aimeray.
LXI
S'il vous souffist, il me doit bien souffire;
Mais quant a moy mieulx voulsisse autrement;
Car je voy bien qu'il ne vous chault grandment
4De moy veoir; or, de par dieu, beau sire,
Passer m'en fault, combien que j'en souspire;
Mais puis qu'amer voulez si faittement
7S'il vous souffist, il me doit bien souffire.
Car n'est pas drois que dame plus desire
Que son ami n'aime plus loiaument,
Puis qu'ainsi va, je vous di plainement
Que j'en feray comme vous: a tout dire,
12S'il vous souffist, il me doit bien souffire.
Note LXI:—8 A¹ Q. s. a. m'a.—B p. ardamment—11 B Q. je f.
LXII
Source de plour, riviere de tristece,
Flun de doulour, mer d'amertume pleine
M'avironnent et noyent en grant peine
4Mon pauvre cuer qui trop sent de destresce.
Si m'affondent et plungent en asprece;
Car parmi moy cuerent plus fort que Saine
7Source de plour, riviere de tristece.
Et leurs grans floz cheent a grant largece,
Si com le vent de Fortune les meine,
Tous dessus moy, dont si bas suis qu'a peine
Releveray, tant durement m'oppresse
12Source de plour, riviere de tristece.
Note LXII:—Omis dans B.
LXIII
Bel et doulz et gracieux,
Jeune, courtois, sanz amer,
Qui avez mis en amer
4Vostre cuer pour valoir mieulx.
Vray, loial soiez et tieulx
Qu'on vous puist partout clamer
7Bel et doulz et gracieux.
Et, ainçois que soiez vieulx,
Faites vous tant renommer
Qu'on vous puist partout nommer
Bon, vaillant, et en tous lieux
12Bel et doulz et gracieux.
Note LXIII:—Omis dans B.
LXIV
Pour quoi m'avez vous ce fait,
Trés bel, ou n'a que redire?
Et si sçavez mon martire
4N'oncques ne vous fis meffait.
Et parti estes de fait,
Sanz moy daigner a Dieu dire;
7Pour quoy m'avez vous ce fait?
Au dieu d'amours du tort fait
Me plaindray disant: Dieux Sire,
Ami m'avez fait eslire,
Dont me vient si dur effait,
12Pour quoy m'avez vous ce fait?
Note LXIV:—Omis dans B
LXV
S'ainsi me dure
2Ne puis durer.
Je muir d'ardure,
4S'ainsi me dure.4
Doulour ay dure
A endurer
7S'ainsi me dure.7
LXVI
Amoureux oeil,
2Plaisant archier.
De toy me dueil,
4Amoureux oeil.
Car ton accueil
Me vens trop chier,
7Amoureux oeil.
LXVII
Ma dame
2Secours,
Par m'ame,
4Ma dame.
J'enflame
D'amours,
7Ma dame.
LXVIII
Je vois
2Jouer.
Au bois
4Je vois.
Pour nois
Trouver
7Je vois.
LXIX
Dieux
2Est.
Quieux?
4Dieux.
Tieulx
Plaist
7Dieux.
Note LXIX:—omis dans A.
EXPLICIT RONDEAULX.
1
Je vous vens la passerose.
—Belle, dire ne vous ose
Comment Amours vers vous me tire,
4Si l'apercevez tout sanz dire.
2
Je vous vens la fueille tremblant.
—Maint faulx amans, par leur semblant,
Font grant mençonge sembler voire,
4Si ne doit on mie tout croire.
3
Je vous vens la paternostre.
—Vous scavez bien que je suis vostre,
Ne oncques a autre ne fus,
Si ne faittes de moy reffus,
Belle que j'aim, mais sanz demour
6Me vueilliez donner vostre amour.
Note 3:—5 B et s. d.
4
Je vous vens le papegay.
—Vous estes bel et bon et gay,
Sire, et en tous cas bien apris;
Mais oncques a amer n'appris,
Encore n'y sçaroie aprendre
6N'a amer par amours me prendre.
Note 4:—4 A¹ Ne o.—5 B E. ne s.
5
Je vous vens la fleur de mellier.
—Sire joly chevalier,
Telle pour vous souvent souspire
4Qui vous aime et ne l'ose dire.
6
Je vous vens l'esparvier apris.
—Bien vouldroie estre de tel pris,
Qu'aucune damoiselle ou dame
Me daignast amer, car, par m'ame,
A mon pouoir la serviroie
6Tant que s'amour desserviroie.
Note 6:—6 B Si q.
7
Je vous vens le vert muguet.
—Mesdisans sont en agait,
Amis, pour nous agaitier;
Si querez autre sentier
Quant vers moy venir devrez
6Et l'eure sonner orrez.
Note 7:—3 A² Doulx a. p.
8
Du dieu d'amours vous vens le dart
Qui m'a navré par le regart
De voz beaulx yeulx, dame jolie,
Qui a vous amer si me lie
Que j'en seray a mort livré
6Se par vous ne suis delivré.
Note 8:—6 B Se p. v. n'en s. d.
9
Du pré d'Amours vous vens l'usage.
—Pas n'apert a vostre visage
Que vous soiez d'amours malade;
Car la maladie est moult sade
Dont le visage en riens n'empire,
6Mais tel n'a nul mal qui souspire.
10
Je vous vens la fleur de lis.
—Vray amant doit estre jolis,
Sage, courtois et bien apris,
Amer honneur, armes et pris,
Loial, secret et sanz amer,
6Qui tel l'a bien le doit amer.
Note 10:—5 A¹ S. l et s. a.—6 A¹ b. la d. a.
11
Je vous vens du rosier la fueille.
—Je pri au dieu d'amours qu'il vueille
Briefment m'ottroier tant de grace
4Qu'acquerir puisse vostre grace.
Note 11:—3 de manque dans A¹.
12
Je vous vens la turterelle.
—Seulete et toute a par elle
Sanz per s'envole esgarée,
Ainsi suis je demourée,
Dont jamais je n'aray joye
6Pour nulle chose que j'oye.
13
Je vous vens le cerf voulant.
—De bien amer ne soiez lent,
Amis, car vous avez amie
Qui talent d'autre amer n'a mie;
Si lui soiez vrais et entiers,
6Car elle vous aime sanz tiers.
Note 13:—4 A² d'a. a. n'a envie.
14
Je vous vens le chappel de Saulx.
—S'Amours vous prent par ses assaulx,
Dame jolie et gracieuse,
Ne soiez nul jour envieuse
De voz loiaulx amours fausser,
Pour abaissier ne pour haulcer.
Se vous estes dame clamée
De vostre ami et bien amée,
Tenez vous y; j'ay ouï dire
10Que qui plus change plus s'empire.
Note 14:—10 B omet s'.
15
Je vous vens la harpe et la lire.
—Vraie amour si m'a fait eslire
Vous seule pour dame et maistresse,
Belle, or me mettez en l'adrece
De joye avoir, et a mon dit
6Vous accordez sanz contredit.
Note 15:—6 B V. a. s. escondit.
16
Je vous vens les gans de laine.
—Je seroie trop villaine
Se vostre amour reffusoie;
Car volentiers si j'osoie
Seroit en vous m'amour fermée
Par si que de vous fusse amée,
Car vous estes digne d'avoir
8D'Heleine le corps et l'avoir.
Note 16:—8 B De H.
17
Je vous vens la fleur de parvanche.
—N'aiez pas le cuer en la manche,
Amans de bonne volenté,
Hardiement joye et santé
Requerez, mais loiaulz soiez
En quelque lieu que vous soiez,
Car se fausseté en vous maint
8Des biens d'amours y perdrez maint.
Note 17:—8 A¹ y manque.
18
Je vous vens la rose amatie.
—Vous avez vostre foi mentie
Vers Amours, dont vous valez mains,
De telz tours sçavez faire mains,
Si se fait bon des gens retraire
6Qui sont a loiaulté contraire.
Note 18:—5 A¹ de gent r.
19
Je vous vens le pont qui se haulce.
—Dieux! que vous semblez estre faulse,
Bien savoir conter et rabatre,
Et a maint l'eaue faire batre,
Et faire en vain cornars veillier
Et pour neant eulx traveillier,
Monstrer semblant de fort amer,
8Sanz en sentir ne doulz n'amer.
20
Je vous vens le panier d'ozier.
—On ne doit amer ne proisier
Homme qui de femme mesdie,
Ne le croire de riens qu'il die;
Si estes de ce renommé
6Dont vous en estes moins amé.
21
Je vous vens l'oisellet en cage.
—Se vous estes faulx c'est dommage,
Car vous estes et bel et doulz,
Si n'aiez telle tache en vous
Et digne serez d'estre amé,
6Bel et bon et bien renommé.
Note 21:—6 B Bel et bien r.
22
Je vous vens le vers chapellet.
—Nul amant ne peut estre let,
Mais que ses taches soient bonnes,
De loiaulté suive les bonnes,
Si sera digne que l'en l'aime
6Et que sa dame ami le claime.
23
Je vous vens la clere fontaine.
—Je voy bien que je pers ma peine,
Dame, de tant vous requerir;
Puis que riens n'y puis acquerir;
Qu'oncques vous vy l'eure maudi,
6Je m'en vois et a Dieu vous di.
24
Je vous vens le chappel de soie.
—Cuidiez vous qu'a pourveoir soie
D'ami plaisant, jeune et joly,
Qui de bon cuer m'aime et je li?
Nanil voir; si pert bien sa peine
6Qui de m'amour avoir se peine.
Note 24:—3 B D'a. gentil j. et j.
25
Je vous vens le cuer du lion.
—Vostre cuer et le mien lion
A tousjours, mais sanz deslier,
Et pour nostre amour alier
Par vray serment le promettons
6Et corps et avoir y mettons.
26
Je vous vens la couldre qui ploie.
—En bien amer mon cuer emploie;
Je ne sçay se je suis amée,
Mais je ne doy estre blasmée
D'avoir mon cuer a cil donné
6Qui sur tous est bien renommé.
27
Je vous vens l'anelet d'or fin.
—Je pri a Dieu que male fin
Puissent tous ces mesdisans faire,
Qui se meslent d'autrui affaire;
Souvent esveilient jalousie,
6Qui met pluseurs en frenesie.
Note 27:—6 B Q. p. m.
28
D'un esparvier vous vens la longe.
—Quant un amant plein de mençonge
Est et souvent parjur trouvé,
D'Amours doit estre reprouvé;
Car amant ne doit a sa dame
6Mentir ne pour loz ne pour blasme.
Note 28:—6 A² B M. ne p. mort ne p. b.
29
Je vous vens le coulomb ramage.
—On scet assez bien vostre usage,
Assez sçavez du bas vouler
En faingnant plaindre et flajoler,
Et en mains lieux querir santé,
6Dient ceulz qui vous ont henté.
30
Je vous vens le songe amoureux,
Qui fait joyeux ou doulereux
Estre cellui qui l'a songié.
—Ma dame, le songe que j'é
Fait anuit, ferez estre voir,
6Se je puis vostre amour avoir.
Note 30:—2 A¹ douloureux—5 A¹ faites e. v.
31
Je vous vens l'aloe qui vole.
—Vostre gracieuse parole,
Et vostre doulz et bel semblant,
Doulz ami, va mon cuer emblant.
Si ne vous puis plus escondire,
6Car vostre suis sanz contredire.
Note 31:—2 A¹ gracieux.
32
Je vous vens l'espée de guerre.
—Que venez vous cy entour querre,
Sire, qui si bien savez faindre
Le loial amant et vous plaindre;
Par vous sont maintes barguignées,
Blanches, brunes, ou bien pignées;
Si alez hors de no dongier
8Ailleurs voz roisins vendengier.
Note 32:—8 A² v. voisins v.
33
Je vous vens la fleur d'acolie.
—Je suis en grant melancolie,
Amis, que ne m'aiez changée;
Car vous m'avez trop estrangée,
Dittes m'en le voir, sanz ruser,
6Sanz plus me faire en vain muser.
Note 33:—2 B¹ merencolie.
34
Je vous vens la branche d'olive.
—Ou monde n'a femme qui vive
Que je vueille servir fors vous.
Si me retenez donc sur tous,
Belle plaisant de moy cherie,
6Ne soiez vers moy rencherie.
35
Je vous vens la fleur d'ortie.
—Je suis d'amours bien sortie;
Car j'ay ami loial et bon,
4A qui cuer, corps et amour don.
Note 35:—2 A² b. partie.
36
Je vous vens le chapel de bievre.
—Jalousie vault pis que fievre;
Si ne croiez riens qu'on vous die
Qui vous traye a tel maladie,
Se voulez amours maintenir,
6Gaiement et lié vous tenir.
Note 36:—6 B Lyement et gay v. t.
37
Je vous vens la rose de may.
—Oncques en ma vie n'amay
Autant dame ne damoiselle
Que je fais vous, gente pucelle,
Si me retenez a ami,
6Car tout avez le cuer de mi.
Note 37:—4 B Comme f.
38
Je vous vens la fleur de seür.
—Je ne suis pas bien aseür
Que j'aye vostre amour ou non
Pour tant se d'ami ay le nom;
Car partout vostre belle chiere,
6Ce me semble, envers nul n'est fiere.
Note 38:—6 A² n'e. chere.
39
Je vous vens la violete.
—De joye mon cuer volete,
Quant je voy vostre doulz vis
4Sur tous bel a mon avis.
40
Je vous vens le blanc corbel.
—Vostre gracieux corps bel
Et vostre ris savoureux
4Fait mon cuer estre amoureux.
41
Je vous vens l'aloue volant.
—De bien amer n'avez talent;
Mais vous savez bien decevoir,
4Pluseurs ne l'ont pas assavoir.
42
Je vous vens le dyamant.
—Sachiez que j'ay bel amant,
N'il n'est homme soubz les cieulx
4A mon gré plus gracieux.
Note 42:—3 A² Il n'e.—B N'il n'a h.—4 B A. m. g. qui vaille mieulx.
43
Je vous vens le tourret de nez.
—Gay et joli vous maintenez,
S'estre voulez renommé
4Et des dames bien amé.
Note 43:—4 A¹ Et de d. b. a.—B Des d. et b. a.
44
Je vous vens la marjoleine.
—Je tiens la dame a vilaine,
Se amant mercy lui crie
Et humblement la deprie,
De repondre rudement
6Et lui mettre a sus qu'il ment.
Note 44:—3 B Quant amy m. l. c.
45
Je vous vens la fueille de houx.
—J'ay bel ami plaisant et doulx;
Dieu veuille qu'aussi bon soit il
4Come il est bel, jeune et gentil.
Note 45:—4 A b. gent et g.
46
Je vous vens la blonde tresce.
—Ma trés gracieuse maistresse,
Que j'aim et crain et servir vueil,
Trés belle, plaisant, sanz orgueil,
Comandez moy, je suis tout prest
6A vous obeïr sanz arrest.
47
Je vous vens le souspir parfont,
Que mains faulz amans contrefont.
—Telz gens fierent sanz deffier,
Si ne s'i doit on pas fier,
Car tel a assez souspiré
6Qui n'est malade n'empiré.
48
Je vous vens le blanc orillier.
—Assez ne me puis merveillier
Comment Amours peut endurer
Fausseté si long temps durer
Qu'a peine qui veult esprouver
6Puet on nullui loial trouver.
49
Je vous vens la voulant aronde.
—Dame, la plus belle du monde,
Pour Dieu, aiez de moy pitié;
4Car je muir pour vostre amitié.
50
Du blanc pain vous vens la mie.
—Pour Dieu, ne m'oubliez mie
Quant je seray loing de vous,
4A Dieu vous di, mon cuer doulz.
51
Je vous vens la rose d'Artois.
—Amez honneur, soiez courtois,
Bien servez en toute saison,
4Et des biens arez a foison.
52
Je vous vens la colombelle.
—Dame qui tant estes belle,
Ne vueilliez avoir en despris
Vostre ami pour vostre grant pris,
Mais prenez son service en gré,
6Si le mettrez en hault degré.
Note 52:—6 B Si le mettez.
53
Je vous vens le blanc cueuvrechief.
—Vostre amour met a grant meschief
Mon las cuer, qui toudis souspire
4Pour vous, n'il n'est mal du sien pire.
54
Je vous vens de soye le laz.
—Oncques vray amant ne fut las
De bien amer pour escondit,
On dit communement un dit:
Que qui bien puet souffrir il vaint;
6Et ainsi l'ont esprouvé maint.
Note 54:—5 B Q. q. b. veult s.—6 B Car.
55
Je vous vens l'anelet d'argent.
—Vostre doulz gracieux corps gent,
Voz ris, voz yeulx, vo doulz chanter
Feroit les mors ressuciter;
Ne je ne suis pas souvenant
6Qu'oncques veisse plus avenant.
Note 55:—2 doulz manque dans A² et B—3 A² v. r. v. gieux.
56
Je vous vens la fleur de glay.
—Chantons, dançons, menons bon glay,
En despit de mesdisans
4Qui aux amans sont nuisans.
Note 56:—1 B Je v. v. la fueille de g.—4 B Q. s. a. a. n.
57
Je vous vens la perle fine.
—Se par vous ma doulour ne fine,
Ma dame trés affinée,
4Vous fustes pour ma fin née;
Car Amours m'a si affiné
Que tost me verrez deffiné;
Mais mieulx vueil ma vie finer
8Que d'ainsi languir ne finer.
Note 57:—2 A² Se p. v. mon mal ne f.
58
Je ne vens ne donne les yeulz
Beaulz et plaisans, doulz, gracieux,
De vo beau vis, qui m'ont attrait,
Doulce dame, par leur doulz trait,
Ainçois les retiens pour ma part;
6Car par eulx tout mal de moy part.
Note 58:—4 B p. vo d. t.—5 B de ma p.
59
Chascun vous vent, mais je vous veuil donner
Mon cuer, mon corps, et vous abandoner
Tout quanque j'ay, si n'en faites reffus,
4Trés belle a qui suis et seray et fus.
Note 59:—1 A² vous donne—2 A² v. abandonne—et manque dans B¹.
60
Je vous vens la fleur de peschier.
—Je ne vous vueil mie empeschier;
Parler voulez secretement?
4Je m'en vois, a Dieu vous command.
61
Je vous vens du rosier la branche.
—Oncques neige ne fu plus blanche,
Ne rose en may plus coulourée
Qu'est la beauté fine esmerée
De celle en qui entierement
6Me suis donné tout ligement.
62
Je vous vens d'Amours la prison.
—S'oncques vers vous fis mesprison,
Pour Dieu, prenez moy a mercy,
Ma dame, je vous cry mercy,
Et je suis tout prest d'amender
6Ce qu'il vous plaira commander.
63
Je vous vens la rose vermeille.
—Amours me comande et conseille
Que je face de vous ma dame,
Dites moy, belle, par vostre ame,
Pourray je vostre amour avoir
6Se je fais vers vous mon devoir?
Note 63:—5 et 6 intervertis dans B.
64
Je vous vens plein panier de flours.
—On ne doit marchander d'amours,
On doit servir a l'aventure;
S'ainsi faites par aventure,
Des biens d'Amours arez assez,
6Se vous n'estes d'amer lassez.
65
Je vous vens la feuille de tremble.
—De paour tout le cuer me tremble,
Que pour moy ne soiez blasmée,
4Ma belle dame trés amée;
Et, se vers vous je n'ose aler
Pour la doubtance du parler
De ceulz qui nous ont encusé,
8Si m'en tenez pour excusé.
Note 65:—3 A² vous s. b.
66
Le Saphir vous vens d'Orient.
—Ce que je vous di en riant;
Que mon cuer a vous amer muse,
Ne le tenez pour tant a ruse;
Car je le vous di tout acertes,
6Et vous aime plus que rien certes.
67
Flours vous vens de toutes couleurs.
—Je suis gary de mes douleurs,
Quant vous me faittes bonne chiere,
Ma gracieuse dame chiere;
Mais quant vers moy estes yrée
6La mort est de moy desirée.
Note 67:—5 A² q. e. v. m. y.
68
Je vous vens le levrier courant.
—Pour vostre amour me vois morant;
Ce pouez vous veoir a l'ueil,
4Et pitié n'en avez ne dueil.
69
Je vous vens la fleur mipartie.
—Sommes nous a la departie
De noz amours, beau doulz ami?
S'il est ainsi ce poise mi,
Car je ne l'ay pas desservi;
6Doulent suis quant oncques vous vi.
Note 69:—6 B¹ Ce poise moy qu'oncques v. v.
70
Je vous vens l'escrinet tout plein.
—Mon nom y trouverez a plain
Et de cil qu'oncques plus amay,
Par qui j'ay souffert maint esmay,
Se vous y querez proprement;
6Or regardez mon se je ment.
Note 70:—On trouve dans «escrinet» les anagrammes de «Crestine» et de «Estien». Rubrique B¹ Ci fenissent gieux a v.
EXPLICIT JEUX A VENDRE.
I
Assez acquiert tresor et seigneurie,
Trés noble avoir et grant richece amasse,
Qui par bonté, qui nul temps n'est perie,
4Acquiert honneur, bon renom, loz et grace.
Car ou monde n'est chose qui ne passe
Fors que bienfait, tout ne vault une miche
Autre tresor ne chose que l'en brace;
8Car qui est bon doit estre appellé riche.
Et bonté faitte est haultement merie,
Car Dieu le rend, et qui le bien porchace
Acquiert honnour, soit en chevalerie
12Ou aultre estat, qui des bons suit la trace.
Loz doit avoir sur tous en toute place
Qui es vertus du tout son cuer affiche;
Tel tresor a que fortune n'efface;
16Car qui est bon doit estre appellé riche.
Ne l'en ne doit une pomme pourrie
Riche mauvais prisier, quoy qu'il embrace,
Ne lui louer; car c'est grant desverie
20De loz donner a mauvais, quoy qu'il face;
Mais au vaillant, qui a tout honneur chace,
Apartient loz, s'il n'est aver ne chiche,
Des biens qu'il a soit large en deue place;
24Car qui est bon doit estre appellé riche.
Princes vaillans et de gentil attrace,
Ne souffrez pas vaillantise estre en friche;
Poursuivez la, ne vous chaut d'or en masse;
28Car qui est bon doit estre appellé riche.
Note I:—4 A² conqueste h.—6 A¹ F. qui b.—9 B Et b. est si h.—10 B Que D.—22 A¹ si n'e.—23 A¹ D. b. q. a dont grant tresor on masse—B ou g. t. amasse—27 B¹ a masse.
II
[Eloge de Charles d'Albret.]
Or est Brutus ressuscité,
De qui Bretaigne fu nommée,
Et qui de Romme la cité
Fu consule, et qui mainte armée
8Fist en son temps, et tant fu sage,
Preux, vaillant et plein de bernage,
Qu'a tousjours renom en remaint,
Et tant fu après sa mort plaint;
Charitable le fist Dieux naistre
10Si com tous vaillans doivent estre.
De cil Brutus est recité
Maint hault bien par grant renommée;
Les dames en adversité
Confortoit, ne par lui blasmée
15Ne feust de fait ne de langage
Femme; ainçois qui feist oultrage
Aux dames, par lui fust estaint
Le meffait et le bien attaint;
Leur champion fut en tout estre,
20Si com tous vaillans doivent estre.
Or l'ensieult par grant charité
Charles d'Alebret, qui amée
A la voie de verité,
Dont ja partout est voix semmée
25De lui et de son vacelage,
Pour dames garder de dommage;
Se de tort nulle se complaint,
Veult estre, sanz avoir cuer faint,
Leur deffension et main destre,
30Si com tous vaillans doivent estre.
Au bon Brutus de hault parage
Retrait Charles, car d'un lignage
Descendirent, ce scevent maint,
C'est des Troyens qui furent craint;
Pour ce ensuivant est son ancestre
36Si com tous vaillans doivent estre.
Note II:—La 3e ballade dans B—2 A² Du quel—3 B Qui puis—8 B Qui—12 B M. beau fait—27 B Se de t. aucune se plaint—35 A¹ P. ce est suivant s. a.
III
(A Charles d'Albret.)
Bon chevalier, ou tous biens sont compris,
Noble, vaillant et de royal lignage,
Qui par valeur avez armes empris,
4Dont vous portez la dame en verde targe
Pour demonstrer que de hardi visage
Vous vous voulez pour les dames tenir
Contre ceulz qui leur porteront dommage,
8Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir!
Dieux et pitié vous ont tout ce apris
Et la valeur de vo noble courage,
Et certes moult en croistra vostre pris,
12Et paradis arez a heritage.
Car aux dames pluseurs font maint oultrage,
C'est aumosne de leur droit maintenir;
Si le ferez comme vaillant et sage,
16Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir!
Or ay espoir que ceulx qui ont mespris
Vers les dames de fait et de langage
Si se rendront comme las et despris;
20D'or en avant n'aront pas l'avantage,
Confus seront par vostre vacellage.
A tel baron doit bien apartenir
Que des dames soit amé par usage,
24Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir!
Mon redoubté seigneur, soubz vostre hommage,
Je vous suppli, me vueilliez retenir,
Car les vesves garderez de servage,
28Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir!
Note III:—La 2e dans B—2 B de loyal l.—17 A² Or ay je e.—B Or e.—27 A² de dommage—B¹ de vesvage.
IV
A vous les chevaliers aux dames,
Humble recommendacion
De par moy la mendre des femmes,
4Priant Dieu que l'affection,
Qu'avez en bonne entencion
De vouloir garder le droit d'elles,
Vous doint mettre a perfection
8Et honneur en toutes querelles.
Car le sauvement de voz ames
Ferez, et sera mencion
A tousjours de voz belles armes;
12De revenchier l'extorcion
Et d'estre la deffension
De femmes vesves et pucelles;
Si en arez salvacion
16Et honneur en toutes querelles.
Or vient le temps que, les diffames
Et la grant murmuracion
Que maint dient d'elles, et blasmes,
20Sanz avoir nulle occasion,
Yert par vous a destruction.
Si prieront les damoiselles
Que Dieux vous doint remission
24Et honneur en toutes querelles.
Priez Dieu par devocion
Pour les bons, toutes jovencelles,
Qui ont noble condicion
28Et honneur en toutes querelles.
Note IV:—11 B nobles a.—19 A¹ et les b.—26 B P. l. b. dames et ancelles.
V
Les biens mondains et tous leurs accessoires
Chascun voit bien qu'ilz sont vains et fallibles,
Si sommes folz quant pour les transitoires
4Choses, laissons les joyes infallibles
Que Dieux donne aux innocens paisibles
Qui n'ont nul soing de tresor acquerir;
Mais pour prisier pou choses corruptibles
8Avisons nous qu'il nous convient morir.
Qu'est il des grans, dont on lit es hystoires,
Qui porterent les fais griefz et penibles
Pour avoir loz, grans honneurs et vittoires?
12Ne sont ilz mors et a noz yeulx visibles?
Ne veons nous, soient choses sensibles
Ou non, faillir toute riens? fault porrir;
Si n'ayons foy en choses impossibles,
16Avisons nous qu'il nous convient morir.
Et pour les biens qui ne valent deux poires
Pour nous sauver, ains souvent sont nuisibles,
Ne perdons Dieu, disans choses non voires,
20Pour accomplir pechiez laiz et orribles
Et pour deliz vains, laiz et non loisibles;
Car Dieu scet tout: on ne lui puet couvrir;
Pour eschiver ses vengences terribles
24Avisons nous qu'il nous convient morir.
Princes et clers d'entendemens sensibles,
Ne vueillons pas par noz meffais perir,
A nous sauver soions tous entendibles,
28Avisons nous qu'il nous convient morir.
Note V:—2 B q. s. fains et f.—10 A grans et p.—22 B C. D. t. s.—23 B Et p. fouïr—26 B pour n. m.
VI
Helas! ou donc trouveront reconfort
Pouvres vesves, de leurs biens despoillées,
Puis qu'en France qui sieult estre le port
4De leur salut, et ou les exillées
Seulent fouïr et les desconseillées,
Mais or n'i ont plus amistié?
Les nobles gens n'en ont nulle pitié,
Aussi n'ont clers li greigneur ne li mendré,
9Ne les princes ne les daignent entendre.
Des chevaliers n'ont elles nesun port,
Par les prelaz ne sont bien conseillées,
Ne les juges ne les gardent de tort,
13Des officiers n'aroient deux maillées
De bon respons; des poissans traveillées
Sont en maint cas, n'a la moitié
Devers les grans n'aroient exploitié
Jamais nul jour, alleurs ont a entendre,
18Ne les princes ne les daignent entendre.
Ou pourront mais fuïr, puis que ressort
N'ont en France, la ou leur sont baillées
Esperences vaines, conseil de mort,
22Voies d'Enfer leur sont appareillées,
S'elles veulent croire voies broullées
Et faulz consaulx, ou apointié
N'est de leur fait, nul n'ont si acointié
Qui leur aide sanz a aucun mal tendre,
27Ne les princes ne les daignent entendre.
Bons et vaillans, or soient esveilliées
Voz grans bontez, ou vesves sont taillées
30D'avoir mains maulz de cuer haitié;
Secourez les et croiez mon dittié,
Car nul ne voy qui vers elles soit tendre,
33Ne les princes ne les daignent entendre.
Note VI:—5 A² Veulent f.—6 B Or n'i o. mais a.—17 B¹ a. n'ont a—23 A¹ v. bourillées—27 B ne les veulent e.—32 B C. je ne v. nul q. leur ait cuer t.
VII
Se de Pallas me peüsse accointier
Joye et tout bien ne me fauldroit jamais;
Car par elle je seroie ou sentier
De reconfort, et de porter le fais
5Que Fortune a pour moy trop chargier fais;
Mais foible suis pour soustenir
Si grant faissel, s'elle ne vient tenir
De l'autre part, par son poissant effort
Pour moy aidier, Dieu m'i doint avenir,
10Car de Juno n'ay je nul reconfort.
Pallas, Juno, Venus vouldrent plaidier
Devant Paris jadis de leurs tors fais,
Dont chascune disoit qu'a son cuidier
Plus belle estoit, et plus estoit parfais
15Ses grans pouoirs que de l'autre en tous fais;
Sus Paris s'en vouldrent tenir,
Qui lors jugia que l'en devoit tenir
A plus belle Venus et a plus fort,
Si dist: «Dame, vous vueil je detenir,
20Car de Juno n'ay je nul reconfort.»
Pour la pomme d'or lui vint puis aidier
Vers Heleine Venus, mors et deffais
En fu après; si n'ay d'elle mestier,
Mais de joye seroit mon cuer reffais,
25Se la vaillant Pallas, par qui meffais
Sont delaissié et retenir
Fait tous les biens, me daignoit retenir
Pour sa serve: plus ne devroie au fort
Ja desirer pour a grant bien venir,
30Car de Juno n'ay je nul reconfort.
Ces trois poissans deesses maintenir
Font le monde, non obstant leur descort;
Mais de Pallas me doint Dieux sovenir,
34Car de Juno n'ay je nul reconfort.
Note VII:—14 B¹ et e. p.—23 B En fu depuis—33 B M. D. me d. de P. s.
VIII
Dieux! on se plaint trop durement
De ces marys, trop oy mesdire
D'eux, et qu'ilz sont communement
4Jaloux, rechignez et pleins d'yre.
Mais ce ne puis je mie dire,
Car j'ay mary tout a mon vueil,
Bel et bon, et, sanz moy desdire,
8Il veult trestout quanque je vueil.
Il ne veult fors esbatement
Et me tance quant je souspire,
Et bien lui plaist, s'il ne me ment,
12Qu'ami aye pour moy deduire,
S'aultre que lui je vueil eslire;
De riens que je face il n'a dueil,
Tout lui plaist, sanz moy contredire,
16Il veult trestout quanque je vueil.
Si doy bien vivre liement;
Car tel mary me doit souffire
Qui en tout mon gouvernement
20Nulle riens ne treuve a redire,
Et quant vers mon ami me tire
Et je lui monstre bel accueil,
Mon mary s'en rit, le doulz sire,
24Il veult trestout quanque je vueil.
Dieu le me sauve, s'il n'empire,
Ce mary: il n'a nul pareil,
Car chanter, dancier vueil' ou rire,
28Il veult trestout quanque je vueil.
Note VIII:—Omise dans B.
IX
Or sus, or sus, pensez de bien amer,
Vrais amoureux, et joye maintenir
Ce moys de may, et vuidiez tout amer
4De voz doulz cuers, ne lui vueilliez tenir,
Soiez joyeux et liez sanz retenir
Nul fel penser, car resjouïr se doit
Tout vray amant par plaisant souvenir;
8Amours le veult et la saison le doit.
Or y parra qui sçara reclamer
Amours a droit pour a grant bien venir,
Faire beaulz ditz, soy pour amours armer,
12Et ces beaulz cops a jouste soustenir,
Et le bon vueil sa dame retenir,
Tost obeïr, s'elle lui commandoit.
C'est le devoir, qui bon veult devenir;
16Amours le veult et la saison le doit.
Si vous vueilliez es doulz biens affermer
Qui a tous bons doivent apertenir,
Rire, jouer, chanter, nul ne blasmer,
20Et tristece toute de vous banir,
Vestir de vert pour joye parfurnir,
A feste aler se dame le mandoit,
Vous tenir liez quoy qu'il doie avenir;
24Amours le veult et la saison le doit.
Vrais fins amans, pour a joie avenir
Soiez jolis, car esperer on doit
En ce doulz temps a tout bien parvenir;
28Amours le veult et la saison le doit.
Note IX:—14 B s'e. le c.
X
Trés humblement, dames et damoiselles,
Me recommand a vostre gentillece,
Et de par moy sachiez, bonnes et belles,
4Qu'Amours a fait crier de sa richece
Ce jour de May joye, et a grant largece
Roses et flours qu'yvers chieres vendoit,
Et que voz cuers vous teniez sanz tristece,
8Amours le veult et la saison le doit.
Et doulz Deduit anonce ces nouvelles,
Et qu'il n'y ait nulle si grant maistresse
Qui a l'amant reffuse ses querelles,
12Voire en honneur et en toute noblece,
Sanz que renom ne loiaulté on blece,
Car tort aroit se plus en demandoit;
Mais qu'ottroiez bel accueil en simplece,
16Amours le veult et la saison le doit.
Et si commande aux jeunetes pucelles
Chapiaulx de flours dessus la blonde trece,
Jouer, dancer en prez sus fontenelles
20Simpletement, de maintien en humblece;
Rire, chanter, fuïr dueil et destrece;
Car jeune cuer, se leece perdoit,
Il seroit mort, si l'aiez sanz parece,
24Amours le veult et la saison le doit.
Belles plaisans dames de grant hautece,
Je vi Deduit qui grant oudeur rendoit
Et haultement crioit: «Aiez leesce!
28Amours le veult et la saison le doit.»
Note X:—2 B a v. grant noblesce—3 B Vueilliez savoir toutes b. et b.—4 B a grant largesce—5 B Ce j. de M. baudour j. et gayesse—12 B et t. gentillesse—22 B C. tout c. gay.
XI
Haulte, poissant, trés louée Princece,
Bonne et belle, vaillant de tous nommée,
Pleine de sens, d'onneur et de noblece,
4Et en maint lieux redoubtée et amée,
Par le monde trés excellant clamée,
Et parfaitte toute de corps et d'ame,
On ne pourroit vostre grant renommée
8Assez louer, ma redoubtée dame.
Acomparer a Pallas la deesse,
Et a Juno qui tant est reclamée,
Certes vous puis, pour vostre grant sagece;
12Et pour la trés riche honneur affermée
Ou vous estes, ne jamais extimée
Vostre valeur ne pourroit estre de ame
N'escripture, fust en prose ou rimée,
16Assez louer, ma redoubtée dame.
Semiramis ressemblez de largece
Qui fu si preux et tant est reclamée,
Et de purté la trés belle Lucrece,
20La rommaine de grant constance armée,
De loyaulté Hester la non blasmée.
En touz estaz, plus que nulle autre femme,
On ne vous puet, tant estes bien formée,
24Assez louer, ma redoubtée dame.
Trés excellent en grace confermée,
De vous partout cuert si trés noble fame
Qu'on ne vous puet, c'est bien chose informée,
28Assez louer, ma redoubtée dame.
Note XI:—2 B trés renommée—4 B En pluseurs l.—5 B t. parfaicte c.—11 B par v. g. s.—18 A² Q. tant fu p.—B Q. tant fu p. dont grant voix est semée—27 A Q. ne pourroit vous, c'e. c. i.
XII
Priez, dames et damoiselles,
Pour les bons chevaliers vaillans
Qui, pour soustenir voz querelles,
4Mettent leurs corps et leurs vaillans:
Que ja Dieu ne leur soit faillans,
Ains leur doint honneur et victoire
Encontre tous leur assaillans,
8Si qu'a tousjours en soit memoire.
Qui l'escu vert aux dames belles
Portent sanz estre deffaillans,
Pour demonstrer que l'onneur d'elles
12Veulent, aux espées taillans,
Garder contre leur mauvueillans.
Si devez prier Dieu de gloire
Que priz et loz soient cueillans,
16Si qu'a tousjours en soit memoire.
Du bon Torsay bonnes nouvelles
Avons, com preux et traveillans
Les armes Obissecourt, celles
20Facent joye a ses bienvueillans;
Castelbayart qui est veillans
A poursuivre armes, chose est voire,
A honneur en soit hors saillans,
24Si qu'a tousjours en soit memoire.
Or priez Dieu a yeulx moillans,
Qu'on die d'eulx si bonne hystoire,
Que chascun en soit merveillans,
28Si qu'a tousjours en soit memoire.
Note XII:—6 leur omis dans B—22 A¹ A p. et c. e. v.—28 A² Et q.
XIII
Gentilz amans, faittes ce jugement,
Et, je vous pry, jugiez selon le voir:
Une dame retient entierement
Un pour ami, cuidant en lui avoir
5Loial amant qui face son devoir
D'elle servir, ainsi qu'il apertient;
Ce lui promet quant elle le retient,
Mais tost après le contraire aperçoit.
S'un aultre aime, qui d'elle près se tient,
10Vous semble il que ce fausseté soit?
Quant le premier la voit negligemment,
Et si la puet assez souvent veoir,
Et par pluseurs foiz moult piteusement
Celle lui dist que moult a le cuer noir,
15Dont elle voit lui en si pou chaloir;
Mais riens n'y vault, trop pou de compte en tient
Et fierement vers elle se maintient,
Dont s'un autre qui mieulx l'aime reçoipt
Quant elle voit qu'a cil si pou en tient,
20Vous semble il que ce fausseté soit?
Et encor pis, car il dit plainement
Present elle, qu'il n'est pour nul avoir
Que il voulsist en femme nullement
Mettre son cuer pour peine en recepvoir,
25Selon le dit peut le fait apparoir
Qu'il ne l'aime, ne ne lui en souvient,
Et un autre vers elle se contient
Si loiaument, quelque l'escondit soit,
Qu'elle voit bien qu'il l'aime, si s'i tient,
30Vous semble il que ce fausseté soit?
Amans, jugiez, quant un tel cas avient,
Se avoir doit congié, se il revient,
L'amant premier qui la dame deçoipt,
Se par faulte de luy aultre y avient,
35Vous semble il que ce fausseté soit?
Note XIII:—2 B Je v. supply, or en j. le v.—6 B si com il a.—7 B Ainsi—11 B Car—17 B Et rudement—18 B Et—23 B v. de f.—24 B Soy assoter p.—32 A² se il remaint.
XIV
Viegne Pallas, la deesse honnourable,
Moy conforter en ma dure destresce,
Ou mon anui et peine intollerable
4Mettront a fin ma vie en grant asprece.
Car Fortune me cuert sure
Qui tout mon bien destruit, rompt et deveure,
Et pou d'espoir me destraint jour et nuit;
8Juno me het et meseür me nuit.
Ne je ne truis nul confort secourable
A mon meschief, ainçois quant je me drece
Vers quelque part ou voye reparable
12Deusse trouver, tout le rebours m'adrece,
Et en vain peine et labeure;
Car Fortune despece tout en l'eure
Quanque j'ay fait, ou me plaise ou m'anuit;
16Juno me het et meseür me nuit.
Et pour ce pri la haulte venerable
Fille de Dieu, Pallas qui tous radrece
Les desvoiez, qu'elle soit apparable
20En mes pensers, comme vraie maistrece
Me dottrine et me secueure;
Diane soit avec elle a toute heure,
Car de long temps me commence, yer n'anuit
24Juno me het et meseür me nuit.
Princes, ains que mort m'acueure,
Priez Pallas que pour mon bien accueure;
Car en tous cas, ou que j'aye reduit,
28Juno me het et meseür me nuit.
Note XIV:—4 A¹ M. ma v. a f.—B Mettra a f. ma v. en g. espresse—12 A² vers le r.—23 B Ces deux m'aiment, mais non obstant je cuit.
XV
Mon cher Seigneur, vueilliez avoir pitié
Du povre estat de vostre bonne amie,
Qui ne treuve nulle part amistié.
4Pour Dieu mercy, si ne l'oubliez mie,
Et souvenir
Il vous vueille de son fait, ou venir
Lui convendra a pouvreté obscure,
8Se Dieu et vous ne la prenez en cure.
Ne peut avoir, tant ait nul acointié,
Son las d'argent: charité endormie
Treuve en chascun, dont tout ne la moitié
12N'en puet avoir, Fortune est s'anemie
Qui survenir
Lui fait maint mal, si ne puet soustenir
Son povre estat ou elle met grant cure
16Se Dieu et vous ne la prenez en cure.
Si vous plaise que par vous esploistié
Soit de son fait, car ja plus que demie
Est cheoite au bas, dont a cuer dehaitié
20Souventes fois et de soussi blesmie,
Dont si tenir
A memoire vueilliez et retenir
Son fait qu'a chief en soit ou trop endure
24Se Dieu et vous ne la prenez en cure.
Tost avenir
Puisse par vous et son fait parfurnir,
Mon chier Seigneur, car trop a peine dure
28Se Dieu et vous ne la prenez en cure.
Note XV:—9 B Ne p. a. pour peine n'amistié—10 B Ce qui est sien—11 B T. partout—15 B S. foible e.—22 A² V. a m.—23 A¹ ou t. demeure—26 B a s. f.
XVI
(A Charles d'Albret, connétable de France.)
Noble vaillant, chevalier de grant pris,
Mon cher seigneur, de France connestable,
En qui prouesse et tous biens sont compris,
4De Dieu amé et au monde agreable,
Loyal en foy, baron trés honnorable,
Je pri a Dieu et a la Vierge belle
Qu'il vous octroit joye et bien permanable
8Ce premier jour que l'an se renouvelle.
Par bon renom qui queurt en tout pourpris
De vous, seigneur, de constance inmuable
Le mien cuer est de grant desir espris
12De faire a vous plaisir, se si solvable
Estoie que de vous feust acceptable,
Mon chier seigneur, comme de vostre ancelle,
Si l'ait a gré vo bon cuer charitable
16Ce premier jour que l'an se renouvelle.
Humble seigneur, si n'aiez en despris
Mon bon vouloir, tout soit il pou valable
Et pardonner me vueilliez se mespris
20D'escrire a vous, personne si notable,
Je ay, moy femme ignorant non savable,
Mais voulentiers je diroye nouvelle
Qui resjouïst vo bon cuer amiable
24Ce premier jour que l'an se renouvelle.
Mon cher Seigneur puissant et redoutable,
Prenez en gré ma balade nouvelle,
Que Dieux vous doint tout soulaz delitable
28Ce premier jour que l'an se renouvelle.
Note XVI:—Omise dans A.
XVII
Jadis Circes l'enchanteresse
Fist chevaliers devenir porcs;
Mais Ulixes par sa sagece
4De ce meschief les gitta hors.
Mais je ne sçay se c'est droit sors
D'aucunes gens, dont j'ay grant yre,
Qui sont plus que pors vilz et ors,
8N'on n'en pourroit assez mesdire.
Grans vanteurs sont et sanz proece,
Mais trés bien parez par dehors,
Orgueilleux pour leur gentillece,
12Et tiennent bien aise leurs corps;
Mais en eulx a maint mal remors,
Et combien qu'on ne l'ose dire
A bien faire n'ont pas amors,
16N'on n'en pourroit assez mesdire.
Il n'est nulle si grant maistrece,
Ne femme autre, soit droit ou tors,
Que leur fausse lengue ne blece
20Leur bon renom; aise sont lors
Quant ilz en font mauvais rapors,
Qui s'i vouldra mirer s'y mire,
Mais mieulx que vifs vaulsissent mors,
24N'on n'en pourroit assez mesdire.
Je ne mesdi de nullui, fors
D'aucuns qui sont de Judas pire
Et sont de tous mauvais accors,
28N'on n'en pourroit assez mesdire.
Note XVII:—3 B p. sa prouesse—4 B se gecta h.—10 B M. b p. sont p. d.—17 A² B N'il—18 A² s. d. soit t.—27 B Qui s.
XVIII
(A la reine Isabelle de Bavière.)
Haulte, excellent Roÿne couronnée
De France, trés redoubtée princece,
Dame poissant et de bonne heure née,
4A qui honneur et vaillance s'adrece,
Des princeces souveraine maistresse,
Je pri cil Dieu, qui ne fault a nulle ame,
Qu'il vous envoit de toute joye adrece,
8Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.
Boneur, bon temps, trés agreable année,
Vray reconfort de ce que plus vous blece,
Plaisir, soulas, vous doint ceste journée
12Et les autres plus en plus vous eslece,
Toudis accroisse et garde vo haultece,
Vostre valeur et vo trés noble faame,
Et vous envoit joye qui ja ne cesse,
16Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.
Mais je suppli, haulte bien ordennée,
Ma excellent redoubtée, ou humblece
Fait son manoir, que mercy soit donnée
20A moy se je mesprens par ma simplece
D'escripre a vous, ou tant a de noblece;
Digne n'en suis, si n'en aye nul blasme,
Car grant desir de vous servir m'i drece,
24Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.
Ma balade pregne en gré vo sagece,
Si suis vostre creature par m'ame
Qui volentiers vous donroie leece,
28Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.
Note XVIII:—8 A² ma trés souvraine d.—13 B T. g. et croisse vo h.—14 B et vostre n. f.—16, 24, 28 A² ma trés souvraine d.—18 B r. en h.—25 A² vo haultece.
XIX
(A Louis de France, duc d'Orléans.)
De tous honneurs et de toutes querelles,
De tout boneur et de bonne aventure,
De tous plaisirs, de toutes choses belles,
4Et de cellui qui creé a nature,
De quanque ou ciel et en terre a mesure,
Et de tout ce plus propre a homme né,
Mon redoubté seigneur plein de droiture,
8Ce jour de l'an vous soiez estrené.
Trés noble duc d'Orliens, de nouvelles
A vo souhaid et d'amour vraie et pure,
De ris, de jeux et de notes nouvelles
12Resjouÿssanz, d'union sanz murmure
Et de tout ce de quoy tous bons ont cure,
De tout le bien qu'en corps bien ordenné
Il doit avoir, de pais qui tousjours dure
16Ce jour de l'an vous soiez estrené.
De tous nobles, de dames, de pucelles
Et de chascun par communal jointure
Amé soiez, et de ceulz et de celles
20Qu'oient parler, de bouche ou escripture,
De vous, prince de roiale faitture,
De leur salut loiaulz en tout regné
Et de leur loz sanz fausse couverture
24Ce jour de l'an vous soiez estrené.
Prince excellent ou il n'a desmesure,
De ce livret qu'ay fait mal ordené,
De par moy, vo trés humble creature,
28Ce jour de l'an vous soiez estrené.
Note XIX:—11 A¹ de totes n.—22 B De leurs saluz royaulx—23 B de leurs l.
XX
(A Marie de Berry, comtesse de Montpensier.)
Bon jour, bon an, bon mois, bonne novelle,
Ce premier jour de la present année
Vous envoit Dieux, ma chiere damoiselle
4De Monpensier, si soiés estrenée
De toute joye.
A vo souhaid Dieux pri qu'il vous envoie
Tous voz plaisirs, tout gracieux revel,
Quanque vouldriez vous consente et ottroie
7Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.
Et ma trés chiere et redoubtée, et celle
Que je desir autant com dame née
Servir, louer, et que chascun appelle
13De grant bonté et beaulté affinée,
En plaisant joye
Vo noble cuer Dieux permaine et convoie
Ou jolis temps dont vient le renouvel,
Et a present a tout bien vous avoie
18Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.
Noble, plaisant, trés gracieuse et belle,
Bonne, vaillant, sage, bien aournée,
Prenez en gré ma balade nouvelle
22Que j'ay faitte pour vous ceste journée,
Car ou que soie
Vostre je suis et obeïr vouldroie,
Amer, cherir vo gracieux corps bel.
Si vous doint Dieux quanque pour moy voldroie
27Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.
Du petit don, pour Dieu, ne vous anoie,
Car bon vouloir mieulx que fermail n'anel
Vault moult souvent; voulentiers plus feroie
31Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.
Note XX:—10 second «et» omis dans B—19 B N. puissant—20 B plaisant s.—20 A² b attournée—B¹ b. ordonnée—26 B tout q. je v.
XXI
(Christine fait hommage à Charles d'Albret de son poème «Du Débat de
deux Amans.»)
Bon jour, bon an et quanqu'il puet souffire
De bien, d'onneur et de parfaitte joye,
Mon redoubté seigneur, d'Alebret sire,
Charles poissant, pri Dieu qu'il vous envoie
5Ce jour de l'an qui maint bon cuer resjoie,
Et vous presente
Cestui livret, que j'ay fait par entente,
Ou est escript et la joye et la peine
Qu'ont ceulz qu'Amours met d'amer en la sente,
10Si le vueilliez recepvoir pour estreine.
Et s'il vous plaist a l'ouïr ou le lire,
De deux Amans orrez qu'Amours maistroie
Si a entr'eulx debat; car l'un veult dire
Qu'Amours griefve trop plus qu'elle n'esjoie,
15L'autre dit non et que plus bien envoie,
E a l'atente
De jugement, lequel a mieudre entente
Se soubzmettent et a sentence pleine;
Cest nouvel cas a journée presente,
20Si le vueilliez recepvoir pour estreine.
Et non obstant qu'ayent voulu eslire
Mon seigneur d'Orliens que leur fait voie
Et juge en soit, ne vueilliez escondire
Leur bon desir, car chascun d'eulx vous proye
25Trés humblement, s'il vous plaist toutevoie,
Et se guermente
Que vous dissiez vostre avis: se dolente
Vie est qu'amer ou trés joieuse et saine,
Et le livret le fait vous represente,
30Si le vueilliez recepvoir pour estreine.
Mon redoubté seigneur, des meilleurs trente
Me reçoivent a vo bonté haultaine,
Cui mon service ottroy sanz estre lente,
34Si le vueilliez recepvoir pour estreine.
Note XXI:—manque dans B.
XXII
(Christine recommande son fils aîné au duc d'Orléans.)
Trés noble, hault, poissant, plein de sagesse,
D'Orliens duc Loys trés redoubtable,
Mon redoubté seigneur, en grant humblece
Me recommand a vous, prince notable,
5En desirant faire chose agreable
A vous, vaillant seigneur de haute emprise,
Et si vous viens donner d'amour esprise
La riens qui soit que doy plus chier avoir
Et soubzmettre du tout a vo franchise,
10Si le vueilliez, noble duc, recevoir.
C'est un mien filz, lequel de sa jonnece
A bon vouloir d'estre en son temps valable
Et desir a selon sa petitece
De vous servir, s'il vous est acceptable;
15Pour ce suppli, vaillant prince amiable,
Qu'il vous plaise le prendre a vo servise.
Don vous en fais, et tout a vo devise
Faire de lui vueilliez, car bon vouloir
De vous servir a de cuer en craintise;
20Si le vueilliez, noble duc, recevoir.
Ja trois ans a que pour sa grant prouesse
L'en amena le conte trés louable
De Salsbery, qui moru a destrece
Ou mal païs d'Angleterre, ou muable
25Y sont la gent; depuis lors, n'est pas fable,
Y a esté, si ay tel peine mise
Que je le ray non obstant qu'a sa guise
L'avoit Henry qui de la se dit hoir,
Or vous en fais je don de foy aprise,
30Si le vueilliez, noble duc, recevoir.
Prince excellent que chascun loue et prise,
Du requerir je ne soye reprise
N'escondite, car de tel qu'ay savoir
Mon service vous ottroy sanz faintise,
35Si le vueilliez, noble duc, recevoir.
Note XXII:—1 B n. et h.—6 omis dans B—7 A² v. vueil d.—12 B en s. cuer v.—21 A g. promesse.
XXIII
S'il est ainsi que de vous soye amée
Si loiaument comme je vous oy dire
Et que vo cuer d'amour trés affermée
4M'aime si fort et ne veult ne desire
Fors moy sanz plus, je vous suppli, beau sire,
Sanz telz semblans ne telz ditz recorder
Pour m'asseurer qu'ailleurs vo cuer ne tire,
8Faittes voz faiz a voz ditz accorder.
Car les amans si male renommée
Ont a present, non obstant qu'on souspire
Et que mainte dame soit d'eulx clamée
12Dame et amour, que le meilleur ou pire
On ne cognoist, tant y a a redire
En leurs faulz cuers, s'ay je ouÿ recorder
Et pour ce a fin qu'il me doye souffire
16Faittes voz faiz a voz ditz accorder.
Et se je vueil estre bien informée
Ains qu'a ami du tout vous vueille eslire
J'ay bien raison, n'en doy estre blasmée;
20Car son renom dame trop fort empire
Qui a croire legierememt se tire,
Si demonstrez qu'en riens a moy frauder
Vous ne taschiez, et pour ne m'en desdire
24Faittes voz faiz a voz ditz accorder.
Se vous m'amez n'en aiez ne dueil n'yre,
Bien le sçaray, sanz longuement tarder;
Pour esprouver le vray sanz contredire
28Faittes voz faiz a voz ditz accorder.
Note XXIII:—6 B S. t. s. monstrer ne r.—7 B P. moy monstrer—15 B que me doyés s.—22 A¹ Si d. qu'a r.—25 B de ce n'ayez nulle yre—26 B B. le verray.
XXIV
Doulce dame que j'aim plus et desire
Qu'oncques n'amay nulle autre dame née
Partir me fault de vous, dont je souspire,
4Ne bien n'aray jusqu'a la retournée,
Car a vous ay toute m'amour donnée;
Ne je ne pense a autre riens nulle heure;
Mais s'a present m'en vois, trés belle née,
8Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.
Et loings de vous vivray en grief martyre,
Ne ma doulour ne sera ja finée
Jusqu'au retour, car riens ne puet souffire
12A mon vray cuer, n'avoir bonne journée
Se ne vous voy; soiez acertenée,
Belle plaisant pour qui mon penser pleure,
Ou que je voise, et y fusse une année,
16Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.
Si ne vueilliez nul autre ami eslire
Ne m'oublier, car soir ne matinée,
Ne heure du jour, vo beauté ou me mire
20Et vo doulceur parfaitte et affinée
N'oblieray, si ne soit ja finée
L'amour de nous, quel que soit la demeure;
De vous me pars, belle et bien atournée,
24Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.
Je prens congié celle a qui j'ay donnée
Toute m'amour; de cuer plus noir que meure
Vous di a Dieu, ma joye enterinée,
28Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.
Note XXIV:—13 B s. en certenée—23 B b. aournée.
XXV
Or soiez liez, jolis et envoisiez,
Vrais fins amans, puis que May est venu,
Voz gentilz cuers gaiement esleesciez;
4Ne soit de vous nul anuy retenu,
Ains soit soulas doulcement maintenu,
Quant vous voyez resjoïr toutes choses
Et qu'en saison sont adès et en cours
Chapiaulx jolis, violetes et roses,
9Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.
Voiez ces champs et ces arbres proisiez,
Et ces beaulz prez qui sont vert devenu,
Ces oisillons qui tant sont renvoisiez
13Que par eulx est tout doulz glai soustenu;
Tout se revest; il n'y a arbre nu;
Voiez ces fleurs espanies et closes,
Dont bien devez avoir pour les odours
Chapiaulx jolis, violetes et roses,
18Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.
De doulz pensers voz gentilz cuers aisiez,
Chantez, dancez pour estre retenu
Avec deduit par qui sont acoisiez
22Tous desplaisirs, et souvent et menu
Riez, jouez, soit bon temps detenu,
Amours le veult, pour ce nous a descloses;
Voiez, plaisans, si aiez tous les jours
Chapiaulx jolis, violetes et roses,
27Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.
Princes d'amours ou bontez sont encloses,
Ce moys de May portez les doulces flours,
Chapiaulx jolis, violetes et roses,
31Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.
Note XXV:—Manque dans B.
XXVI
Doulce chose est que mariage,
Je le puis bien par moy prouver,
Voire a qui mary bon et sage
4A, comme Dieu m'a fait trouver.
Louez en soit il qui sauver
Le me vueille, car son grant bien
De fait je puis bien esprouver,
8Et certes le doulz m'aime bien.
La premiere nuit du mariage
Très lors poz je bien esprouver
Son grant bien, car oncques oultrage
12Ne me fist, dont me deust grever,
Mais, ains qu'il fust temps de lever,
Cent fois baisa, si com je tien,
Sanz villennie autre rouver,
16Et certes le doulz m'aime bien.
Et disoit, par si doulz langage;
«Dieux m'a fait a vous arriver,
Doulce amie, et pour vostre usage
20Je croy qu'il me fist eslever.»
Ainsi ne fina de resver
Toute nuit en si fait maintien
Sanz autrement soy desriver,
24Et certes le doulz m'aime bien.
Princes, d'amours me fait desver
Quant il me dit qu'il est tout mien;
De doulçour me fera crever,
28Et certes le doulz m'aime bien.
Note XXVI:—Manque dans B—9 A²—du mesnage—25 A² P. mais il me f. d.
XXVII
Des trés bonnes celle qui vault le mieux,
Assouvie sur toute damoiselle,
Non pareille, telle vous fourma Dieux,
Pleine de sens, de haulte honneur et belle,
5Toutes passez
A mon avis, et croy que vous pensez
Toudis comment vous soiez exemplaire
De toute honneur qui tant en amassez,
9Et ce vous fait a tout le monde plaire.
Redoubtée princece, ou biens sont tieulx
Que un chascun parfaitte vous appelle,
De qui servir mon cuer est envieux,
Plus qu'autre riens, certes vous estes celle
14Qui enlascez
Mon cuer en vous, sanz ja estre lassez,
Mais se pou vail, ne vous vueille desplaire,
Car vous valez pour un royaume assez,
18Et ce vous fait a tout le monde plaire.
Doulce, plaisant, corps gent et gracieux,
Flun de doulçour, blanche com noif novele,
Le doulz regart de voz amoureux yeulz
Livre a mon cuer l'amoureuse estincelle,
23Dont embrasez
Il est d'amer et toudis a pensez
De vous servir, n'en demande salaire
Fors le regart que doulcement lancez,
27Et ce vous fait a tout le monde plaire.
Trés belle, en qui tous maulz sont effacez,
Je ne desir fors vo doulz plaisir faire;
Car tous les biens sont en vous entassez,
31Et ce vous fait a tout le monde plaire.
Note XXVII:—8 A¹ tout h.—19 B Toute p.—20 B com fleur n.—30 B en v. amassez.
XXVIII
Or soiez liez, joyeux et envoisiez;
Tous amoureuz, puis que May est venu.
De tous voz deulz ores vous aquoisiez;
Chantez, jouez trestuit, grant et menu,
5Et querez voye
De joye avoir, et chascun se pourvoye
De reconfort et entroublie esmay;
Car Amours veult qu'un chascun se cointoye
9En ce jolis plaisant doulz moys de May.
Voyez ces champs et ces arbres proisiez,
Et ces beaulx prez qui sont vers devenu,
Ces oisillons qui tant sont renvoisiez
Que par eulz est tout doulx glay maintenu,
14Or menez joye,
Et vous dames aussi, Amours l'octroye,
Soyez liez; car s'oncques je n'amay
Si vueil je amer chose qui me resjoye
18En ce jolis plaisant doulz moys de May.
Chapiaux de flours aux amans pourchaciez,
Dames d'onnour, et s'avez retenu
Aucun amy tant de bien lui faciez
Que du doulz May lui soit mieux avenu;
23Mais toutevoye
N'octroyez rien dont blasmer on vous doye,
Se m'en croyez, mais oncques ne blasmay
Que l'en n'amast par gracieuse voye
27En ce jolis plaisant doulz moys de May.
Dames, amans, chascun de vous s'avoye
De liement aler cueillir le may
Ce joli jour, et tout annuy renoye
31En ce jolis plaisant doulz moys de May.
Note XXVIII:—Omise dans A—1 et 2, 10 à 13, cf. XXXII.
XXIX
(Au duc d'Orléans, sur le combat de sept Français contre sept Anglais.)
[19 mai 1402.]
Prince honnoré, duc d'Orliens, louable,
Bien vous devez en hault penser deduire
Et louer Dieu et sa grace amiable
4Qui si vous veult en tout honneur conduire
Que le renom par le monde fait luire
De vostre court remplie de noblece
Qui resplendit comme chose florie
En noble loz, et adès est radrece
9De hault honneur et de chevalerie.
Or ont acreu le loz li sept notable
Bon chevalier que vaillance a fait duire
Si qu'a grant loz et victoire honnorable
13Ont desconfit les sept Anglois, qui nuire
Aux bons Francois cuident et les destruire;
Mais le seigneur du Chastel, ou proece
Fait son reduit et la bachelerie,
Bataille, ont mis Anglois hors l'adrece
18De hault honneur et de chevalerie.
Et Kerhoïs le breton secourable
Qui mains grans biens fera ainçois qu'il muire,
Et Barbasan et Champaigne amiable,
22Et Archambaut qui fait son renom bruire,
Le bon Glignet de Breban qui aduire
En armes veult son corps et sa jeunece;
Par ces sept bons est la gloire perie
De noz nuisans qui perdent la haultece
27De hault honneur et de chevalerie.
Prince poissant, honnourez a leece
Les bons vaillans ou valeur n'est perie,
Car vous arez par eulx toute largece
31De hault honneur et de chevalerie.
Note XXIX:—3 A sa g. louable—12 B Si q. g. peine—19 B Et Barbasan le vaillant combatable—21 à 23 B Champaigne aussi, Archambault secourable. Le bon Clignet, qui tout bien scet raduire, Keralouÿs, qui, sans cesser, reduire—29 B Tous b.
XXX
(Sur le combat des sept chevaliers français et des
sept chevaliers
anglais.) [19 mai 1402.]
Haultes dames, honnourez grandement
Et vous toutes damoiselles et femmes
Les sept vaillans qui ont fait tellement
4Qu'a tousjours mais sera nom de leurs armes.
Nez quant les corps seront dessoubz les lames,
Remaindra loz de leur fait en memoire
En grant honneur au royaume de France;
Si qu'a tousjours, en mainte belle hystoire,
9Sera retrait de leur haulte vaillance.
Et, comme on sieult faire ancienement
Aux bons vaillans chevalereux et fermes,
Couronnez lez de lorier liement,
13Car c'est li drois de Vittoire et li termes.
Bien leur affiert le lorier et les palmes
De tout honneur, en signe de Vittoire,
Quant ont occis et mené a oultrance
L'orgueil anglois, dont, com chose notoire,
18Sera retrait de leur haulte vaillance.
Et tant s'i sont porté tuit vaillamment
Que l'en doit bien leurs noms mettre en beaulx termes,
Au bon seigneur du Chastel grandement
22Lui affiert loz, a Bataille non blasmes,
Bien fu aisié Barbasan en ses armes,
Champaigne aussi en doit avoir grant gloire
Et Archambault, Clignet de grant constance,
Keralouÿs, de ceulz, ce devons croire,
27Sera retrait de leur haulte vaillance.
Princeces trés haultes, aiez memoire
Des bons vaillans qui, par longue souffrance,
Ont tant acquis qu'en maint lieux, chose est voire,
31Sera retrait de leur haulte vaillance.
Note XXX:—2 A Et v. d. et t. f.—5 B leurs c.
XXXI
(Même sujet.)
Bien viegnez bons, bien viegniez renommez,
Bien viegniez vous chevaliers de grant pris,
Bien viegniez preux et de chascun clamez
4Vaillans et fors et aux armes apris;
Estre appellez devez en tout pourpris
Chevalereux, trés vertueux et fermes,
Durs a travail pour grans cops ramener,
Fors et eslus, et pour voz belles armes
9On vous doit bien de lorier couronner.
Vous, bon seigneur du Chastel, qui amez
Estes de ceulz qui ont tout bien empris;
Vous, Bataille, vaillant et affermez;
13Et Barbasan, en qui n'a nul mespris;
Champaigne, aussi de grant vaillance espris;
Et Archambault; Clignet aux belles armes;
Keralouÿs; vous tous sept, pour donner
Exemple aux bons et grant joye a voz dames,
18On vous doit bien de lorier couronner.
Or avez vous noz nuisans diffamez,
Louez soit Dieux qui de si grans perilz
Vous a gittez, tant vous a enamez
22Que vous avez desconfiz, mors et pris
Les sept Anglois de grant orgueil surpris,
Dont loz avez et d'ommes et de femmes;
Et puis que Dieux a joye retourner
Victorieux vous fait ou corps les ames,
27On vous doit bien de lorier couronner.
Jadis les bons on couronnoit de palmes
Et de lorier en signe de regner;
En hault honneur et, pour suivre ces termes,
31On vous doit bien de lorier couronner.
Note XXXI:—3 B p. digne d'estre c.—4 B et des a. a.—24 A¹ B D. a. l.
XXXII
Quant je voy ces amoureux
Tant de si doulz semblans faire
L'un a l'autre, et savoureux
4Et doulz regars entretraire,
Doulcement rire, et eulx traire
A part, et les tours qu'ilz font,
7A pou que mon cuer ne font!
Car lors me souvient, pour eulx,
De cil, dont ne puis retraire
Mon cuer qui est desireux
11Que ainsi le peusse attraire;
Mais le doulz et debonnaire
Est loings, dont en dueil parfont
14A pou que mon cuer ne font!
Ainsi sera langoreux
Mon cuer en ce grief contraire,
Plein de pensers doloureux
18Jusques par deça repaire
Cil qu'amours me fait tant plaire;
Mais du mal qui me confont
21A pou que mon cuer ne font!
Princes, je ne me puis taire,
Quant je voy gent paire a paire
Qui de joye se reffont,
25A pou que mon cuer ne font!
Note XXXII:—Manque dans B.
XXXIII
(Au Sénéchal de Hainaut. 1402.)
Seneschal vaillant et sage
De Hainault, plein de valour,
Chevalier ou vacellage
4Et prouece fait demour,
Finerez vous jamais jour
Par mainte terre lontaine
7D'entreprendre armes et peine?
Veult donc vo noble corage
Vo beau corps mettre a doulour
En peril de mort sauvage,
11Pour tousdis porsuivre honnour?
Est vo vueil que sanz sejour
Ainsi vo vie se peine
14D'entreprendre armes et peine?
Vous ne plaignez le domage
Dont il s'ensuivroit maint plour
Se Fortune et son oultrage
18Vous jouoit de son faulx tour.
Dieux vous en gard, qui tousjour
A victoire vous amaine,
21D'entreprendre armes et peine.
Mais je croy qu'en grant cremour
Mettez celle, qui s'amour
A du tout en vo demaine,
25D'entreprendre armes et peine.
Note XXXIII:—19 B qui tout jour—22 A¹ M. croiez q.
XXXIV
Trés belle, je n'ose dire
La doulour et la pointure
Dont Amours mon cuer martire
4Pour vostre gente figure;
Mais du grief mal que j'endure
Apercevoir
7Vueillez le voir.
Car tant doubte l'escondire
Que la doulour que j'endure
Je n'ose dire n'escripre;
11Mais, sanz en faire murmure,
De ma grief doulour obscure
Apercevoir
14Vueillez le voir.
Et vous plaise estre le mire
De mon mal, car je vous jure
Que vostre, sans contredire,
18Suis et seray, c'est droiture,
Et se vous aim d'amour pure
Apercevoir
21Vueillez le voir.
Si ne soiez vers moy dure,
Ains de ma pesance sure
Apercevoir
25Vueillez le voir.
Note XXXIV:—Cette ballade et toutes les suivantes manquent dans B—22 à 26 omis dans A².
XXXV
Ha! le plus doulz qui jamais soit formé!
Le plus plaisant qu'oncques nulle acointast!
Le plus parfait pour estre bon clamé!
4Le mieulz amé qu'oncques mais femme amast!
De mon vray cuer le savoreux repast!
Tout quanque j'aim, mon savoreux desir!
Mon seul amé, mon paradis en terre
Et de mes yeulz le trés parfait plaisir!
9Vostre doulceur me meine dure guerre.
Vostre doulceur voirement entammé
A le mien cuer, qui jamais ne pensast
Estre en ce point, mais si l'a enflammé
13Ardent desir qu'en vie ne durast
Se doulz penser ne le reconfortast;
Mais souvenir vient avec lui gésir,
Lors en pensant vous embrace et vous serre,
Mais quant ne puis le doulz baisier saisir
18Vostre doulceur me meine dure guerre.
Mon doulz ami de tout mon cuer amé,
Il n'est penser qui de mon cuer gitast
Le doulz regard que voz yeulz enfermé
22Ont dedens lui; riens n'est qui l'en ostast,
Ne le parler et le gracieux tast
Des doulces mains qui, sanz lait desplaisir,
Vueiilent partout encerchier et enquerre,
Mais quant ne puis de mes yeulz vous choisir
27Vostre doulceur me meine dure guerre.
Trés bel et bon, qui mon cuer vient saisir,
Ne m'oubliez, ce vous vueil je requerre;
Car, quant veoir ne vous puis a loisir,
31Vostre doulceur me meine dure guerre.
XXXVI
(A la reine Isabelle de Bavière.)
Redoubtée, excellent, trés sage et digne,
Noble, vaillant, de hault honneur porprise,
Renommée Roÿne trés benigne,
4La souvraine des dames que l'en prise,
Je pri cil Dieu, qui sur tout a maistrise,
Qui a ce jour de l'an si bonne estraine
Il vous en voit qu'adès en vous esprise
8Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.
Ma redoubtée, ou tout le monde encline,
Pour ce que sçay que, comme bien aprise,
Livres amez, moy vostre serve indigne
12Vous envoie cestui ou est comprise
Matière qu'ay en haulte place prise;
En gré l'aiez, trés noble et de sens pleine,
En qui tousjours, sanz ja estre desprise,
16Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.
Et s'il vous plaist, trés poissant, vraie et fine.
Que vostre grant haultece un petit lise
En mon dittié, et vo sens determine
20De la cause qui est en termes mise.
Mieulx en vauldra en tout cas mon emprise,
Si en jugiez, princepce trés hautaine,
A qui Dieux doint grace qu'en toute guise
24Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.
Haulte, poissant et pleine de franchise,
Trés humblement a vo valeur certaine
Me recomand en qui trouvée et quise
28Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.
Note XXXVI:—4 A¹ souveraine—9 A² Ma trés souvraine—23 A¹ A q. d. D.
RONDEL
Mon chier seigneur, soiez de ma partie
Assaille m'ont a grant guerre desclose
Lez aliez du Romans de la Rose
4Pour ce qu'a eulx je ne suis convertie.
Bataille m'ont si cruelle bastie
Que bien cuident m'avoir ja presqu'enclose,
7Mon chier seigneur, soiez de ma partie.
Pour leur assaulz ne seray alentie
De mon propos, mais c'est commune chose
Que l'en cuert sus a qui droit deffendre ose;
Mais se je suis de sens pou avertie,
12Mon chier seigneur, soiez de ma partie.
XXXVII
Jadis avoit en la cité d'Athenes
Fleur d'estude de clergie souvraine;
Mais, non obstant les sentences certaines
4De leur grant sens, une erreur trop vilaine
Les decepvoit, car pluseurs divers dieux
Aouroient, dont aucuns pour leur mieulx
Y preschierent qu'ilz devoient savoir
Qu'il n'est qu'un Dieu, mais mal en prist a cieux;
9On est souvent batu pour dire voir.
Aristote le trés sage, aux haultaines
Sciences prompt, d'ycelle cité, pleine
De tel erreur, fu fuitis; maintes peines
13Il en souffri Socrates qui fontaine
De sens estoit; fu chaciez de cil lieux
Pluseurs autres occis des envieulx
Pour verité dire, et apercevoir
Peut bien chascun que partout soubz les cieulx
18On est souvent batu pour dire voir.
Se ainsi va des sentences mondaines;
Pour ce le di que pluseurs ont ataine
Sur moy, pour tant que paroles trés vaines,
22Deshonnestes et diffame incertaine,
Reprendre osay, en jeunes et en vieulx,
Et le Romant, plaisant aux curieux,
De la Rose, que l'en devroit ardoir!
Mais pour ce mot maint me sauldroit aux yeux
27On est souvent batu pour dire voir.
Princes, certes, voir dire est anyeux
Aux mençongeurs qui veulent decevoir,
Pour ce au pere voit on mentir le fieulx:
31On est souvent batu pour dire voir.
Note XXXVII:—8 A¹ que un—Vers 13 et 14, on pourrait ponctuer d'une autre façon: Mettre point et virgule après souffri, le supprimer après de sens estoit, et reporter le même signe à la fin du v. 14.—17 A¹ Ce puet c.—19 A² Et a.—22 A² Deshonneur—30 A¹ metir.
XXXVIII
(Sur la Cour du Duc Philippe de Bourgogne, 1403)
Gentillece qui les vaiilans cuers duit
De courtoisie fait sa messagiere
Qui ses rapors trés gracieux conduit
Et toute gent reçoit a lie chiere;
5Si voit on bien resplendir sa lumiere
En une court de France solennée,
De prince hault tellement gouvernée
Que personne n'y a qui toute aduite
Ne soit d'honneur, dont, chose est certenée,
10Selon seigneur voit on maignée duite.
Le trés hault duc filz de roy, qui est vuit
De tout orgueil et qui sagece a chiere,
Philippe bon des Bourguignons reduit
Et les Flamens touz a soubz sa baniere,
15En est le chief, en qui prudence entiere
Maint, si qu'il n'a o lui personne née,
Qui en touz cas ne soit si ordonnée
Qu'on peut dire de sa trés plaisant suite,
Tant noblement est et bien dottrinée,
20Selon seigneur voit on maignée duite.
Bel fait veoir celle court qui reluit
De nobles gens en fait et en maniere
Si beaulz, si gens, si courtois, que deduit
Est du veoir; et sanz maniere fiere,
25Si gracieux que c'est joye plainiere;
Et aux armes nulz meilleurs de l'année
On ne verra en champ ne a journée,
Mais, s'ilz sont bons et hardis et sanz fuitte,
C'est bien raison par coustume affermée
30Selon seigneur voit on maignée duite.
Prince excellent, se bien moriginée
Est vostre court par noblece conduitte,
Le proverbe dit, c'est chose infourmée:
34Selon seigneur voit on maignée duite.
Note XXXVIII:—5 A² sa banniere—8 A¹ t. duite—9 A¹ de h.—27 A² n'en c.
XXXIX
Fleur des meilleurs, haulte honnourée dame
De tout mon cuer trés amée et cherie,
Bonne, saige, trés parfaitte et sans blasme,
4Helas! vueillez que par vous soit garie
Ma dure paine,
Appercevoir vueillez que je me paine
De vous servir, ne je n'ay autre envie,
8Car je vous ay retenue a ma vie.
Et de pieça me tient, car corps et ame,
Pensée, amour soubz vostre seigneurie
Trés mon enffance y mis ne depuis ame
12Ne l'en osta, ne n'en sera garie,
Chose est certaine,
Ja ma douleur, fors par vous qui fontaine
Estes, dont puet ma joye estre assouvie,
16Car je vous ay retenue a ma vie.
Belle plaisant que mon cuer tant reclame,
Par vo pitié vous plaise que ravie
Soit l'ardure du desir qui m'enflame.
20N'est ce pas droit que me soit remerie
L'amour certaine
Dont je vous aim, trés doulce tresmontaine,
Puis que serés toujours de moy servie,
24Car je vous ay retenue a ma vie.
Ma souveraine
Dame, amez moi, car je vous acertaine
De n'en partir ja se je ne devie,
28Car je vous ay retenue a ma vie.
Note XXXIX:—14 A² Jamais nul jour f.—18 A² q. tarie.
XL
Ne doubtez point du contraire,
Car dit vous en ay le voir,
Belle, commant sans retraire
4Vous aim et sans decevoir
Vueillez ley appercevoir,
Et m'amez, ostez m'arsure,
Car, sans reconfort avoir,
8Je mourray se m'estes dure.
Voz beaux yeux viennent attraire
Sy mon cuer que desmouvoir
Ne l'en puis; d'autre part traire
12Luy vient Amours qui ravoir
Le veult, et force et sçavoir
M'ostent, n'il n'y a mesure,
Dont par tel mal recepvoir
16Je mourray se m'estes dure.
S'il vous plaise vers moy traire
Pitié qui face esmouvoir
Vo cuer, par quoy vous puist plaire
20M'amer, car si mon devoir
Feray, sans m'en desmouvoir
De vous servir, je vous jure,
Mais bien vous faiz assavoir:
24Je mourray se m'estes dure.
Ma dame, corps, ame, avoir
Est tout vostre, ayez en cure;
Puis que ne l'en puis ravoir,
28Je mourray se m'estes dure.
Note XL:—22 A² le v. j.
XLI
Merveilles est et seroit fort a croire
Es estranges contrées qu'il peust estre,
Qu'en ce pays, qui de longue memoire
4Est renommé en honnour sur tout estre,
Que verité, depuis le greigneur maistre
Jusqu'au petit, si a paine trouvée
Fust comme elle est, c'est bien chose senestre
8Qu'en France soit si mençonge eslevée.
Mais de parler bel n'y voit on recroire
Les principaulx, et pour faire gens paistre
Grans promesses, dont l'atente n'est voire,
12Ne leur coustent riens, mais qui s'en empestre
Se puet de vent comme pluvier repaistre;
Car long effait en yst, chose est prouvée,
Cest lait renom n'aquiert se noble en estre
16Qu'en France soit si mençonge eslevée.
Et quant a moy, pour ce que si nottoire
Mençonge voy, il n'est chose terrestre
Qu'on me die, quiconques la m'avoire,
20Ne promesce jurée de main destre,
Que, je croye se le voy ne voy n'estre;
Car pou y truys fors que fraude esprouvée,
Et c'est pitié, par le hault Dieu celestre,
24Qu'en France soit si mençonge eslevée.
Ha! haulx princes, pour Dieu ne vous adresce
Vice si lait, c'est chose reprouvée;
Sy déboutés tout homme qui empetre
28Qu'en France soit si mençonge eslevée.
Note XLI:—6 A¹ Jusques au p.—14 A² Par l. e. ou y.—15 A² C. l. r. qu'a sa n.—10 A² trés fort a c. d.—19 A¹ Que on.
XLII
(Sur la Mort du Duc de Bourgogne.) [27 avril 1404.]
Plourez, Françoys, tout d'un commun vouloir,
Grans et petis, plourez ceste grant perte;
Plourez, bon Roy, bien vous devez douloir,
Plourer devez vostre grevance apperte;
5Plurez la mort de cil qui par desserte
Amer deviez et par droit de lignaige,
Vostre loyal noble oncle le trés saige
Des Bourgongnons prince et duc excellent;
Car je vous dy, qu'en mainte grant besongne,
Encor dirés trestuit a cuer dollent
11Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.
Plourez, Berry, et plourez tuit sy hoir,
Car cause avez: mort la vous a ouverte;
Duc d'Orliens, moult vous en doit chaloir,
Car par son scens mainte faulte est couverte;
16Duc des Bretons, plourez, car je suys certe
Qu'affaire arés de luy en vo jeune aage;
Plourez, Flamens, son noble seignourage;
Tout noble sanc, allez vous adoullant;
Plourez, ses gens, car joye vous eslongne,
Dont vous dirés souvent en vous doullant
22Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.
Plourez, Roÿne, et ayez le cuer noir
Pour cil par qui feustes au trosne offerte;
Plourez, dames, sans en joye manoir;
France, plourez, d'un pillier es deserte,
27Dont tu reçoys eschec a descouverte,
Gar toy du mat quant mort par son oultrage
Tel chevalier t'a toulu, c'est dommaige;
Plourez, puepple commun, sans estre lent,
Car moult perdez et chascun le tesmoingne,
Dont vous dirés souvent mate et relent:
33«Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.»
Princes royaulx, priez par bon tallent
Pour le bon duc; car, sans moult grant parlongne,
En voz conssaulx de duc arés tallent,
37Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.
Note XLII:—24 A² P. c. pour q.—34 A² p. pour b. t.
XLIII
Dames d'onneur, gardez voz renommées,
Pour Dieu mercis eschevez le contraire
De bon renom, que ne soyés blasmées;
4Ne vueillez point acointances attraire
Telles, qu'on puist recorder ne retraire
Par voz maintiens qu'ayez legiers les cuers,
Ne qu'en nul cas vous daignissiez meffaire,
8Et ne croyez flajolz de decepveurs.
Car pou vous vault cuidier bien estre amées
D'ommes pluseurs, de recepvoir salaire
De mauvais loz, par parolles semées
12En divers lieux, qu'il eust en vostre affaire
Legiereté; sy vous est neccessaire
D'avoir recort toudis des deshonneurs,
La ou cheoir on puet par foulour faire,
16Et ne croyez flajolz de decepveurs.
Or soyés dont de parfait scens armées
Contre ceulx, qui tant taschent a soubztraire
L'onneur de vous, et de qui diffamées
20Estes souvent sans cause, et pour vous plaire
Font le courtoys; et je ne m'en puis taire,
Car j'en congnois et sçay de telz vanteurs
Qui vous flattent; vueillez vous ent retraire
24Et ne croyez flajolz de decepveurs.
Chieres dames, ne vous vueille desplaire,
Se je vous lo a garder des flateurs
Qui ne taschent qu'a voz honneurs deffaire,
28Et ne croyez flajolz de decepveurs.
Note XLIII:—5 A¹ que on—9 A² C. p. vauldroit c.—18 A¹ soultraire.
XLIV
Du mois de May je me tieng pour contente,
D'Amours aussi de qui me vient la joye,
Par ce que voy souvent com droite rente
4Ung bel amy que j'ay qui me resjoye;
Ce tient mon cuer en leece ou que soye,
Car choisy l'ay de tous biens pour ma part.
C'est mon plaisir, n'aultre ne me resjoye,
8Ne mon penser nulle heure ne s'en part.
O quel solas et quel joyeuse attente
Ce m'est quant suis en lieu seulette et coye
Ou je l'attens, combien qu'a l'eure sente
12Moult grant frayeur de paour qu'on le voye!
Mais quant vers moy a achevé la voye
Lors de baisiers serrez donnons tel part
Que la doulceur oublier ne pourroye
16Ne mon penser nulle heure ne s'en part.
Et se penser y ay, cuer et entente,
Merveilles n'est, c'est droiz qu'avoir lui doye,
Car le grant bien de lui m'i maine et tente
20Et sa doulceur et ce que tout s'employe
A me servir, si sçay que s'amour moye
Est nuement n'ailleurs point n'en depart,
Pareillement il m'en est par tel voye
24Ne mon penser nulle heure ne s'en part.
Mon doulx ami, qui es comble et monjoye
De tout honneur et bonté, il m'est tart
Qu'entre mes bras briefment je te festoye,
28Ne mon penser nulle heure ne s'en part.
Note XLIV:—Omise dans A¹—12 A² que on.
XLV
Par ta valour et par ton maintien saige,
Par ta doulceur et trés plaisant maniere,
Et les grans biens et l'amoureux langaige
4Qui en toy sont, tu as m'amour entiere
En tout, en tout acquise en tel maniere
Que sans cesser je ne pensse autre part.
Adès m'est vis que devant moy te voye,
Ne nulle heure le mien cuer ne s'en part.
9Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.
Sy as tant fait que mon cuer, qui sauvaige
D'amours estoit, et qui ne faisoit chiere
D'amer jamais, ore est ou doulx servage
13Du dieu d'amours, si qu'estre ne puis fiere
N'a luy n'a toy, ains convient que plainiere-
Ment me soye donnée sans depart
A toy, amis, n'est rayson que je doye
Desobeïr au bien qu'il me depart.
18Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.
Et puis qu'Amours, par son hault seigneurage,
Veult que tous deux soions soubz sa baniere,
Or lui faisons de trés bon cuer hommage
22Sans departir, amis, en tel maniere
Que soies mien, et plus ne seray fiere
A ton doulx vueil qui d'onneur ne se part.
Aimes moy bien, car tu as l'amour moye,
A toy me don, je te prens pour ma part.
27Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.
Fin cuer plaisant, or soions main et tart
Loyaulx amans, quant a moy je l'ottroye,
Plaisant desir le me conseille a part.
31Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.
Note XLV:—Omise dans A².
XLVI
Se je puis estre certaine
De ce dont je suis en doubte,
C'est que je n'aye pas plaine-
4Ment t'amour et que ja route
Soit ta foy; amis, escoute:
Saiches que, par saint Nycaise,
7Je m'en mettré a mon aise.
Ta maniere m'acertaine
Et monstre, se je voy goute,
Que d'amours foibleste et vaine
11Tu m'aimes, dont je suis toute
Esbahie; mais s'acoute:
S'ainsi est, ne t'en desplaise,
14Je m'en mettré a mon aise.
Car tousjours vivroye en paine
D'ainsi m'estre a toy trestoute
Donnée, et qu'a mon demaine
18Ne t' eusse aussi, si redoubte
Le fillé ou je me boute,
Pour ce, tout soit ce a mesaise,
21Je m'en mettré a mon aise.
J'ay ja plouré mainte goute
Pour toy pluseurs jours de route;
Mais, se ton cuer ne m'apaise,
25Je m'en mettré a mon aise.
Note XLVI:—16 A¹ me e.—18 A¹ Ne te e.—22 A² Car j'ay p.
XLVII
Belle plaisant, sur toutes trés amée,
De tout mon cuer ma souvraine maistresce,
Appercevez que, plus que chose née,
4Vous aims et crains et vous sers en humblesce,
Et pour ce, oster le mal qui tant me blesce
Vous plaise tost et ouÿr ma clamour,
7Et me vueillez ottroyer vostre amour.
Et se par vous m'est tel joye donnée
Vous me mettrés en la voye et adresce
D'estre vaillant, et bien guerredonnée
11Sera toute ma paine et ma destresce,
Or le faittes, ma souvraine princesce,
Sy n'y mettez plus dongier ne demour,
14Et me vueillez ottroyer vostre amour.
Mon fin cuer doulx, ma dame redoubtée,
Retenez moy, car je vous fais promesce
Que vostre honneur sera par moy gardée
18Entierement, et tousjours sans paresce
Vous serviray com ma doulce deesse;
Sy me prenez a mercy, doulce flour,
21Et me vueillez ottroyer vostre amour.
Plaisant tresor, faittes moy tel largesce
De voz doulx biens que ma douleur en cesse,
Secourez tost le mal ou je demour,
25Et me vueillez ottroyer vostre amour.
Note XLVII:—10 A¹ guerdonnée.
XLVIII
Amours, Amours, tu scés plus d'une voye
D'attrapper gens a ta mussée trappe;
Et qui fouÿr te cuide se forvoye,
4Car il n'est riens que doulx regart n'atrappe:
C'est ton veneur, cuer n'est qui luy eschape.
Plaisant maintien, courtoysie et lengaige,
Sont tes levriers, compaignie est la sente
Ou tu chaces plus souvent qu'en boscaige;
9Je le scay bien, il fault que je m'en sente.
Certes, tes tours mie n'appercevoye,
Ne comme tu scez soubz couverte chappe
Surprendre cuers; quant si bien me devoye
13De toy garder a mon dit; mais l'aggrappe
Dont tu tires a toy si mon cuer happe
Que il convient que je te face hommaige,
Ou vueilie ou non, et qu'a toy me consente;
Car ton pouoir seigneurist fol et saige:
18Je le sçay bien, il fault que je m'en sente.
J'apperçoy bien que je me decevoye
De te cuidier fouyr, car sy m'entrappe
Doulx Souvenir que mucié ne savoye;
22Et, quant je cuit ganchir, je me reffrappe
Dedens tes las, et Plaisance me frappe
De l'autre part; tu te tiens ou passage
Pour traire a moy; Biauté y est presente.
Rendre me fault, ou soit scens ou follage;
27Je le sçay bien, il fault que je m'en sente.
Ha! dieux d'amours, puis qu'en ton doulx servage
Prendre me veulx, faiz que ne m'en repente,
Car eschapper ne puis ton seigneuraige;
31Je le sçay bien, il fault que je m'en sente.
Note XLVIII:—11 A² Ne comment—25 A² De t.—28 A² p. qu'a t.
XLIX
Trop hardement et grant presumpcion
Aucuns instruit a oser diffamer
Les plus souvrains, faignant entencion
Juste et loyal, disant qu'on puet blasmer
5Tout viccieux, maudire et non amer;
Mais l'inutille
Parolle qui puet mettre en une ville
Noise et contens, traÿson et deffait,
Destruccion en contrée fertille;
10Je dis que c'est pechié a qui le fait.
Pour ceulx le di, qui, par destraccion,
Osent blasmer princes, pour enflamer
Puepple contre eulx par grief commossion,
Et les osent, ours, lyons, loups nommer,
15Et fiers tirans les fleurs qu'on sieult clamer
Lis trés nobille,
Pilliers de foy, sousteneurs d'euvangille;
Pour les flatter ne le dis; mais deffait
Dont puet venir esclande a plus de mille;
20Je dis que c'est pechié a qui le fait.
Sy ne faites, bons François, mencion,
Que vous ayés tirans fiers plains d'amer;
Laissiez parler a autre nacion;
Car ne sçavés qu'est tirant, et semer
25Souffrez a tort telz diz, ne mesamer
Voz souvrains qui le
Sueffrent de leur doulceur, c'est chose ville
De soustenir contre eulx si grant tort fait,
Et de ditter balades de tel stille,
30Je dis que c'est pechié a qui le fait.
Princes poissans, criminelle ou civille
Vengeance pour telz diz en voz cuers n'ait;
Car qui glaive contre son puepple afille,
34Je dis que c'est pechié a qui le fait.
Note XLIX:—4 A² que on—A² q. doit b.—8 premier et manque dans A²—9 A² Rebellion—12 A² Vont diffamant p.—18 A² m. meffait—26 A souverains.
L
Gentil homme, qui veult prouesce acquerre,
Escoute cy; entens qu'il te fault faire:
Armes suivir t'estuet en mainte terre;
4Estre loyal contre ton adversaire; 4
De bataille ne fouïr, non sus traire;
Et doubter Dieu; parolle avoir tardive;
En fait d'assault trouver voye soultive;
8Ne soit ton cuer de lascheté repris; 8
Des tours d'armes duis dois estre et apris;
Amer ton prince; et a ton chevetaine
Estre loyal; avoir ferme couraige;
Croire conseil; promesse avoir certaine;
13S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige. 13
Te gouverner par grant avis en guerre;
A voyagier souvent te doit moult plaire;
Princes et cours estranges tu dois querre,
17Tout enquerir leur estat et affaire; 17
Des bons parler et a toy les attraire;
Contre raison ta parolle n'estrive;
Ne mesdire de personne qui vive;
21Porter honneur aux vaillans ou a pris; 21
Henter les bons; n'avoir povre en despris;
Pour acquerir honneur ne plaindre paine;
Trop convoiteux n'estre, mès du tien large;
Et ta parolle soit vraye et non vaine;
26S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige. 26
Sans bon conseil de faire armes requerre
Ne dois autruy, et s'il n'est neccessaire
Pour ton honneur, ta bouche et tes dens serre,
30Qu'il n'en ysse chose qui face a taire; 30
L'autruy bienfait dois voulentiers retraire;
Taire le tien; ne t'entendre en oysive;
Estre attrempé; n'avoir teste hastive;
34Fouÿr tout vice et avoir en mespris; 34
Tost achever ce que tu as empris;
N'avoir orgueil ne parolle hautaine;
Ta contenance seure et non sauvaige.
Par bel maintien en tous lieux te demaine;
39S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige. 39
Prince gentil, ceste voye est certaine
Pour acquerir de hault honneur la targe;
Homme noble, suis la, je t'acertaine:
43S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige.
Note L:—10 et manque dans A¹—25 A² pas est ajouté en interligne après non.
LI
Trop sont divers et merveilleux les tours
De l'inconstant, double et faulsse Fortune;
Car ses maulx sont moult loncs, et ses biens cours;
4Nous le voyons, et c'est chose commune,
Dont je ne voy pourveance fors qu'une
Contre elle; c'est que l'omme soit si saige
Qu'il n'ait des biens d'elle leece aucune,
8Et ait ou mal fort et poissant couraige.
Veoir pouons que tout vient a rebours
Souvent aux bons par sa fellasse enfrune,
Et aux mauvais, sans desserte ou labours,
12Rent bon guerdon, mais de deux voyes l'une:
Ou reconfort ou lenguir en rencune;
Prendre conseil convient si qu'homs se targe
De bon espoir, quoy qu'elle luy soit brune,
16Et ait ou mal fort et poissant couraige.
Car puis que ses joyes ne font qu'un cours
Par le monde general en commune
Que nous veons plus souvent en decours
20Sus les greigneurs meismes que n'est la lune,
Homme ne doit les prisier une prune,
Mais, s'ilz viennent, pensser qu'en petit d'aage
Perdre on les puet, seurté n'y ait aucune,
24Et ait ou mal fort et poissant couraige.
Princes, soyés certains qu'oncques ne fu ne
Ja ne sera Fortune fors voulaige;
En soit chascun avisié et chascune,
28Et ait ou mal fort et poissant couraige.
Note LI:—3 A et se b. c.—7 A² es b.—10 A² fallace—14 A² P. c. si c. q.—15 A¹ que elle—22 A² pense.
LII
Qui est celluy qui ne sent la pointure
Aucunement d'amours, qui point ne blesce,
Ou mois de May jolis, plain de verdure?
4Sy ne croy pas, Prince de grant noblesce, 4
Hault et poissant, que vraye amour ne drece
Voz nobles faiz en toute bonne voye;
Et pour ce a vous ma balade s'adresce,
8Ce jour de May gracieux plain de joye. 8
Car je vous voy plus qu'autre créature
Reampli de biens et haulte gentillesce;
Pour ce je tiens que vous en tout temps dure
12Douls souvenir, qui departir ne laisse 12
Loyal amour de vous, et que maistresce
Avez plaisant et belle, en qui s'employe
Vo noble cuer, qu'elle tient sans tristesce,
16Ce jour de May gracieux plain de joye. 16
Si affiert bien que mettés temps et cure
D'amours servir, qui de sa grant richesce
Guerredonner vous puet de nourriture
20Doulce, plaisant, et qui fait en prouesce 20
Les bons monter, et que vo cuer s'eslesse
En ce doulx temps, qui aux amans envoye
Plaisant pensser et cuer tient en leesse
24Ce jour de May gracieux plain de joye. 24
Prince amoureux, doulx, humain, sans hautece
De nul orgueil, par moy Amours vous proye
Que gay soyés pour vo doulce deesse,
28Ce jour de May gracieux plain de joye. 28
Note LII:—15 A¹ que elle.
LIII
Je ne croy pas que ma malle fortune
Puisse souffrir qu'aucun bien me secuere;
Car de long temps, par rigle trop commune,
4M'a couru sus, et quanque je labeure
N'est fors en vain; car tout despiece en l'eure
La desloyal qui tout mal me pourchace;
7Quant bien me doit venir, meseur l'en chace.
N'il ne me vient a nulle heure pas une
Riens a droit point, pour chose que je queure,
La ou secours cuid trouver, mais nesune
11Voye n'y a: il fault que je demeure
A tousjours mais ainsi, par quoy je pleure
Souvent, veant que, par diverse chace,
14Quant bien me doit venir, meseur l'en chace.
Et puis qu'ainsi tel fortune respune
A tout boneur pour moy et tout deveure
Mes reconfors, avoir ne doy aucune
18Esperance de jamais veoir l'eure
D'avoir reppos du mal qui m'acuere;
Car je congnois qu'a tout quanque rechace,
21Quant bien me doit venir, meseur l'en chace.
Princes, ainsi a cuer plus noir que meure
Me fault lenguir; car tout vent me dechace;
Est ce bien droit meschief qui me cuert seure,
25Quant bien me doit venir, meseur l'en chace?
Note: Les cinq ballades et les quatre rondeaux qui suivent ne se trouvent que dans le ms. Harley 4431 du Musée Britannique folios 49 v° à 53.
I
Mon doulx amy du quel je tien
Le loyal cuer, et pour le tien
Le mien en eschange te donne.
Je te pry, ne te doubte en rien,
5Car je te jur et promet bien
Que se ne truys aultre que bonne
Ta voulenté vers ma personne,
En ce qui peut honneur toucher,
Se ne passez de droit la bonne,
10Je t'ameray et tiendray chier.
Et s'il te plaist qu'en ce lïen
Soit ton trés doulx cuer et le mien,
Et que ton vueil au mien s'ordonne,
Si qu'en nostre fait n'ait que bien,
15Saches de vray et le retien,
Sanz qu'aultre foiz plus t'en sermonne,
Que l'amour qui en moy s'entonne,
Dont ta doulceur me vient preschier,
Durera, puis que m'y adonne.
20Je t'ameray et tendray chier.
Par si que toudis ton maintien
Soit tel qu'ainsi que je le tien,
Non obstant qu'acueil t'abandonne,
M'onneur garderas par moyen
25De loyauté se tu es sien;
Tout le surplus je te pardonne,
Car, quoy que desir t'araisonne
Par force d'amour me touchier,
Mais que trop ne te desordonne,
30Je t'ameray et tendray chier.
Pour ce, amis, gaignes la couronne
Sur tous amans, ne t'approchier
D'aultre vueil; sanz t'estre felonne
35Je t'ameray et tendray chier.
Note I:—16, 22 et 23 A² que a—28 A² te t. Corr. me.
II
Ton alée me met en tel tristece,
Mon doulx ami, que ne puis avoir joye.
Dieux! joye helas! et dont vendroit l'adrece,
4Dont tant fust pou, se je ne te veoye,
M'en peust venir? Il n'y a tour ne voye;
Car esleu t'ay pour ma part de tous biens,
Tu es le tout et non mie partie;
Pour ce, de toy, que j'aim sur toute riens,
9Certes trop m'est dure la departie.
La departie, lasse! c'est destresse
Trop dure a cuer que grant amour mestroye!
Quant est de moy bien scay que sanz leece
13Demoureray, et, quel part que je soye,
N'aray plaisir ne chose qui m'esjoye.
Or je ne sçay quelz maulz seront les tiens
Ne quieulx regraiz aras de ta partie,
Mais quant a moy pour engriger les miens
18Certes trop m'est dure la departie. 18
Et non pour tant le mal que si me blesse
Sera plus court, s'il te plaist toutevoye
Que ton retour soit brief, mais c'est simplece
22Du dire a moy, je croy, ne que je doye
Penser qu'a toy en soit au fort se voye
Sauf ton honneur y a; tost t'en reviens,
Car te promet pour vray, sanz foy mentie,
Quoy qu'en faces, saches et le retiens,
27Certes trop m'est dure la departie.
Amours me tient pour toy en ses lyens,
Mon doulx amy, ou soit sens ou sotie,
Que de tes yeulx et tes plaisans maintiens
31Certes trop m'est dure la departie.
Note II:—23 A² que a.
III
A Dieu te dis, amis, puis qu'il le fault,
Combien qu'assez seuffre de dueil et peine
Pour ton depart qui me conduit et meine
4De joye en dueil, ce m'est douleureux sault.
Puis qu'il convient qu'ainsi soit, riens n'y vault
M'en doulourer, Dieu pry qu'il te ramaine,
7A Dieu te dis, amis, puis qu'il le fault.
Mais je sçay bien qu'en aray dur assault
D'Amours qui trop a son vueil me demaine,
Et qu'assez plus d'une foiz la sepmaine
Je pleureray, je ne sçay s'il t'en chault,
12A Dieu te dis, amis, puis qu'il le fault.
IV
Helas! par temps seront passez six moys
Que je ne vy la riens que j'aime mieulx
Qui sur tous est bel et bon a mon choix,
Sage et courtois, mais loings est de mes yeulx
5Dont me venoit
Joye et plaisir, c'est bien droit qu'il m'ennoit,
Car tout le bien qui est en souffisance
J'en avoie, ce puis je tesmoigner,
Et qui n'aroit regrait a tel plaisance
10Et a si trés doulce amour eslongner?
Car avec ce qu'a trés bon le congnoiz,
Tant de plaisirs me faisoit en tous lieux
De son pouoir, que pas seule une foiz
Je n'y trouvay faulte, et, ce m'aist Dieux,
15Tant s'en penoit
Que d'aultre riens, croy, ne lui souvenoit.
Il me servoit tout a mon ordonnance,
De riens qu'il peust ne me faloit songner.
Et qui n'aroit regrait a tel plaisance
20Et a si trés doulce amour eslongner?
Dont a bon droit se j'en ay dueil et poiz
Et se le lonc demour m'est ennuyeux,
Car seulement d'oÿr sa doulce voix
Et me mirer en ses ris et gieux
25Tant me donnoit
De leece, que mon cuer y prenoit
Deduit et paix, confort et soutenance,
Car le veoye mien sans espargner;
Et qui n'aroit regrait a tel plaisance
30Et a si trés doulce amour eslongner?
Princes, jugiez s'a tort la souvenance
D'un tel ami me fait en plours baigner,
Et qui n'aroit regrait a tel plaisance
34Et a si trés doulce amour eslongner?
Note IV:—24 Sic dans A², Corr. et ses gieux.
V
Quant chacun s'en revient de l'ost
Pour quoy demeures tu derriere?
Et si scez que m'amour entiere
4T'ay baillée en garde et depost.
Si deusses retourner plus tost,
A fin que faisiens bonne chiere,
7Quant chacun s'en revient de l'ost.
Puis qu' honneur point ne le te tolt
Qui te puet tenir si arriere?
Je m'en plaindray de la maniere
Au dieu d'amours, c'est mon prevost,
12Quant chacun s'en revient de l'ost.
VI
Tu soies le trés bien venu,
M'amour, or m'embrace et me baise
Et comment t'es tu maintenu
4Puis ton départ? Sain et bien aise
As tu esté tousjours? Ça vien,
Coste moy, te sié et me conte
Comment t'a esté, mal ou bien,
8Car de ce vueil savoir le compte.
—Ma dame, a qui je suis tenu
Plus que aultre, a nul n'en desplaise,
Sachés que desir m'a tenu
12Si court qu'onques n'oz tel mesaise,
Ne plaisir ne prenoie en rien
Loings de vous. Amours, qui cuers dompte,
Me disoit: «Loyauté me tien,
16Car de ce vueil savoir le compte».
—Dont m'as tu ton serment tenu,
Bon gré t'en sçay, par saint Nicaise;
Et puis que sain es revenu
20Joye arons assez; or t'apaise
Et me dis se scez de combien
Le mal qu'en as eu a plus monte
Que cil qu' a souffert le cuer mien,
24Car de ce vueil savoir le compte.
—Plus mal que vous, si com retien,
Ay eu, mais dites sanz mesconte
Quans baisiers en aray je bien?
28Car de ce vueil savoir le compte.
Note VI:—23 A² que a.
VII
Qui vous en a tant appris,
Noble duc des Bourbonnoiz,
Des gracieux esbanoiz
4Qui sont en dicter compris?
S'a fait Amours qui empris
L'a, pour oster voz ennoiz?
7Qui vous en a tant appris?
Car si bien vous estes pris
A dicter, se m'y congnoiz,
Que je dy et recongnoiz
Que vous en portez le pris;
12Qui vous en a tant appris?
VIII
Le plus bel des fleurs de liz
Et cellui que mieulx on prise
A mon gré en toute guise
4Est cil que sur tous j'esliz.
Car il est jeune et joliz,
Doulx, courtoiz, de haulte prise,
7Le plus bel des fleurs de liz.
Et pour ce je m'embeliz
En s'amour, dont suis esprise;
Si ne doy estre reprise
Se ay choisy, pour tous deliz,
12Le plus bel des fleurs de liz.
IX
Tout bon, tout bel, tout assouvi en grace,
Lequel bon loz tesmoigne tout parfaiz,
Duc de Bourbon, jeune, sage et qui passe,
Selon l'age, mains vaillans en tous fais,
5Vous soiez le trés bien venu
Du hault voyage, ou estes avenu
A ce a quoy desir d'onneur vous chace.
La merci Dieu, si en doit souvenir
A tout homme qui vaillance pourchace.
10De bien en mieulx vous puist il avenir!
Mais de voz fais louez en toute place
S'ilz sont vaillans et qu'en pouez vous mais?
Ce fait Amours, de qui vient toute grace,
Qui vous y duit et repaist de ses maits;
15Pour ce ne pourriés estre nu
Des bons desirs et faiz qu'ont maintenu
Ceulx qui suivent des trés meilleurs la trace,
Qu'il prent et duit par plaisant souvenir;
De ce vous vient tout boneur a grant mace.
20De bien en mieulx vous puist il avenir?
Dont ne croy pas que celle qui enlace
Vo gentil cuer en s'amour, quant le faiz
Du hault labour, qui nul temps ne vous lasse,
Ot raconter, que se souffrist jamais
25De vous amer, quoy que tenu
Vous soyez loings, maiz souvent et menu
D'or en avant verrez sa doulce face,
Pour au plaisir honorable avenir
Que dame peut donner sanz que mefface.
30De bien en mieulx vous puist il avenir!
Prince gentil, en qui bonté s'amasse,
En armes Dieux vous vueille maintenir
Aussi d'amours qui jamais ne defface.
34De bien en mieulx vous puist il avenir!
Note IX:—Entre le rondeau précédent et la ballade IX il y a dans le ms. Harley deux folios blancs qui portent les numéros 51 et 52.—16 A² que o.
I
Doulce dame, vueillez oïr la plainte
De ma clamour; car pensée destraintte
Par trop amer me muet a la complainte
4De mon grief plour
Vous regehir, si ne croiez que faintte
Soit en nul cas; car friçon, dont j'ay mainte
Et maint grief dueil me rendent couleur tainte
8Et en palour.
Chiere dame, dont me vient la dolour,
Par qui Amours trembler, en grant chalour,
Me fait souvent, dont j'ay vie et coulour
12Par fois estaintte.
Mon piteux plaint ne tenez a folour,
Pour ce qu'en vous il a tant de valour;
Car je sçay bien, du dire n'ay couleur,
16Mais c'est contrainte.
Dame sanz per, et sanz vous decevoir
Il m'est besoing de vous faire assavoir
De mon tourment amoureux tout le voir;
20Car amours fine
Sy m'y contraint pour faire mon devoir.
Hé! dame, en qui il a plus de savoir
Qu'il ne pourroit en autre dame avoir,
24La droitte mine,
Ou tout bien croist, se comble et se termine.
Helas! le mal qui occist et affine
Mon dolent cuer et ma vie decline,
28Apercevoir
Vueilliez un pou, ou dedens brief termine
M'estuet morir; se par vous medecine
Je n'ay, par quoy mon malage deffine,
32Je mourray voir.
Et mors fusse certes pieça de dueil;
Mais garison vo trés doulz riant oeil,
Par leur plaisant et gracieux accueil
36Si doulcement
Me promettent, quant, en plaisant recueil,
Leur amoureux et trés doulz regart cueil,
Dont torner font souvent en aultre fueil
40Mon marrement;
De nulle part n'ay confort autrement.
Dame, or vueilliez, s'il vous plaist, liement
Et bouche et cuer accorder plainement
44A leur doulz vueil,
Et se d'accort ils sont entierement,
Vous m'arez mis et trait hors de tourment,
Et de vivre a tousjours joyeusement
48Dessus le sueil.
Mais de mon mal je ne m'ose a nul plaindre;
Car mieulz morir je vouldroie ou estaindre
Que regehir, tant me sceust on contraindre,
52La maladie
Que j'ay pour vous, ne comment j'aim sanz faindre,
Fors seulement a vous que je doy craindre,
Car mesdisans doy doubter et recraindre
56Et leur boisdie;
Mais, fors a vous, n'avendra que le die;
Quant autrement sera, Dieu me maudie!
Mais, belle, a vous n'est droit que je desdie
60Par moy reffraindre
Ce qu'Amours veult que souvent vous redie
Trés humblement a chiere acouardie,
Pour moy garir du mal dont je mendie,
64Viegne a vous plaindre.
Helas! ma trés aourée deesse,
Et ma haulte souveraine princesse,
Ma seule amour, ma dame, ma leece,
68Qui reclamer
Me fault souvent en ma poignant destrece,
Ne prenez pas garde a la grant haultece
De vous envers ma foible petitece,
72Mais a l'amer
Que j'ay pour vous, qui me fait las clamer,
Et tant de plours et de larmes semer,
Et comment je vous vueil toudis amer
76Comme maistrece,
Servir, doubter, obeïr et fermer
En vostre amour, et toudis confermer
A vo bon vueil, sanz ja m'en deffermer,
80Pour nulle asprece.
Mais j'ay doubte qu'en vain tant me travail;
Car je sçay bien, dame, que trop pou vail
Pour si hault bien, et croy bien se g'y fail
84Ce yert par despris,
Mais s'il vous plaist a daignier prendre en bail
Mon povre cuer que vous livre et vous bail,
Je sçay de vray que se je ne deffail
88Ou mort ou pris,
Que je pourray par vous monter en pris,
En qui tous biens sont parfais et compris,
Et en qui puet a toute heure estre pris,
92A droit detail,
Los et honneur; en quoy seray apris
Par vous, si bien que ne seray repris
D'avoir failli, se je puis, ne mespris,
96Se si hault fail.
Ha! hay dolens! mais trop me desconforte
Esperance, qui en mon cuer est morte,
Soventes fois, dont trop grief doulour porte
100Et trop grant rage,
Quant je repense a la trés haulte sorte
Dont vous estes, par quoy doubt que la porte
D'umble pitié pour mon bien sera torte
104Chose et ombrage;
Mais Amours vient après qui m'assoage
Et me redit par si trés doulz langage
Que jadis ot Pymalion de l'ymage
108De pierre forte
Vray reconfort de l'amoureux malage,
Par lui servir de trés loial corage,
Et vraye amour, ouquel trés doulz servage
112Tout bien enorte.
Helas! dame, puisque Pymalion,
Aussi Pirra et Deücalion,
Ains que fondé fust le noble Ylion,
116Amolierent
Pierres dures, n'ayez cuer de lyon
Et sanz pitié vers moy; ains alion
Noz deux vrays cuers et ne les deslion
120De leurs jointures
Jamais nul jour pour nulles aventures;
En loiaument amer soient noz cures,
Et noz amours savoureuses et pures
124Apalion,
Si bien que les desloiales pointures
De mesdisans, et leurs fausses murmures,
Ne nous soient ne nuisables ne sures,
128Si nous celion.
Et vous vueille, ma dame, souvenir
Que de ce fait ainsi ne puist venir
Com retraire j'oÿ et maintenir
132Que il avint
D'un vray amant qu'Amours si voult tenir
En ses durs las et tant lui maintenir,
Que hors du sens lui convint devenir,
136Et a tant vint
A la parfin que morir lui convint
Par trop amer, mais pour riens qu'il avint
A sa dame nulle pitié n'en vint,
140Ne retenir
Ne le daigna n'en vie soustenir,
Ainçois le voult la crueuse banir
D'environ soy pour lui du tout honnir,
144Dont mort soustint.
Mais le dolent amant trés douloreux,
Gitant sangloux et plains mausavoureux,
Quant vint a mort par piteux moz aireux,
148D'entente pure
Moult supplia aux dieux a yeulz plureux,
Que de celle qui le tint langoureux,
Par qui moroit dolent maleüreux,
152De mort trop sure
Encor vengiez peust estre de l'injure
Qu'elle lui fait, et sentir tel pointure
Lui donnassent que fust com pierre dure,
156Mal doulcereux,
Son corps cruel toudis comme estature,
Dont les dames en ycelle aventure
Se mirassent, qui n'ont pitié ne cure
160Des amoureux.
Adonc fina le las a tel hachée;
Mais n'ot en vain sa priere affichée;
Car bien ont puis les dieux sa mort vengée,
164Et quant en terre
On le portoit, la felonne approchée
De la biere s'est, lors fut accrochée,
Car tel pitié s'est en son cuer fichée
168Et si la serre,
Que, tout ainsi com fouldre chiet grant erre,
Celle enroidi et devint une pierre
De marbre blanc; encor la puet on querre
172La accrochée.
Ainsi les dieux qui aux amans fait guerre
Vengence en font; pour ce vous vueil requerre
Dame, pour Dieu, qu'en ce vostre cuer n'erre,
176Dont mal en chée!
Ne me devez doncques bouter arriere
Combien qu'a moy si haulte honneur n'affiere,
Quant en penser n'ay en nulle maniere
180Chose villaine,
Ne ne croiez, dame, que vous requiere
Ne que jamais en ma vie je quiere
Chose nulle dont vostre honneur acquiere,
184Soiez certaine,
Blasme en nul cas ne nulle riens mondaine
Ou vostre honneur ne soit entiere et saine,
Ma doulce amour, ma dame souveraine,
188Et la lumiere
De mon salut qui me conduit et meine
A joyeux port, trés noble tresmontaine,
Ne vueilliez pas vers moy estre hautaine
192N'a ma priere.
Et s'il vous plaist, trés belle, a ottroier
Moy vostre amour, sanz la me desvoier
Et que j'aye si trés noble loier
196Par vous servir,
Je vous promet a du tout emploier
Et cuer et corps, et moy tout avoier
A vous servir sanz jamais anoyer,
200Pour desservir
Si hault honneur: je m'y vueil asservir,
Et loiaulté vous promettre et pleuvir;
Et quant ainsi m'y vueil du tout chevir,
204M'en envoier
Honteux et maz par escondit ouïr
Ne me vueilliez, pour ma vie ravir,
Et pour mes jours faire tost assovir,
208N'en plours baignier.
Or y pensés, pour Dieu, trés belle née,
Dame d'onnour en ce monde ordonnée,
Pour ma plaisant joyeuse destinée,
212De qui je port
Emprainte ou cuer, toute heure de l'année,
La trés plaisant face escripte et signée,
Et vo beauté parfaicte et affinée,
216Et le doulz port
De vo gent corps, lequel est le droit port,
Ou joye maint et plein de doulz aport,
En qui je prens mon savoureux deport;
220Et deffinée
Soit ma dolour du tout et tel raport
Vo trés doulz oeil, a qui je me raport,
Me facent tost que tout mon mal enport
224En brief journée.
Trés doulce flour, de qui fault que j'atende
Le doulz vouloir, a vous me recommande
Trés humblement et vo cuer pri qu'entende
228M'umble requeste,
Et a garir mon mal amoureux tende
Humble pitié, qui envers moy s'estende,
Si que soulas qu'ay tout perdu me rende
232Et joye et feste.
Adonc sera souvie ma requeste,
Et m'esperance amoureuse et honneste.
Si pry a Dieu qu'a ce vous face preste,
236Et vous deffende
De tout anuy, et vous doint sanz arreste
Tous voz desirs et longue vie preste
A vo beau corps, et puis a l'ame apreste
240Legiere amende.
EXPLICIT COMPLAINTE AMOUREUSE.
Note I:—5 B et ne c.—13 A¹ ne teniez—50 B et e.—53 B et c.—55 B Car m. je d. trop fort r.—61 B que vous die et r.—62 B T. h. non pas a l'estourdie—63 B P. m. q. a chiere pou hardie—64 B Vieng je—67 B Ma vraye a.—71 A² n'a ma trés f. p.—78 B et du tout c.—95 Omis dans A—91 B a t. honneur est p.—95 A² A mon pouoir n'en nulle faulte pris—101 A Q. je pense—117 B neis c. de l.—126 A² Des m.—157 A² ainsi (en interligne) c. e.—166 B Lors s'est du corps, adonc f. a.—167 B fu en s. c.—169 A² a. que f.—178 A² si h. amour—181 A² Et ne—191 B p. e. v. m. h.—193 a effacé dans A¹—A² ma t. b. o.—194 A² A m.—199 A² A v. amer—203 A¹ B a. me v.—227 A² a vo c.—231 A² Et q.
II28
Note 28: Cette complainte ne se trouve que dans le ms. Harley 4431 du Musée Britannique, fol. 48b
Ci commence une complainte amoureuse.
Vueillez oÿr en pitié ma complainte,
Belle plaisant pour qui j'ay douleur mainte
Et que j'aour plus que ne saint ne sainte,
4Chose est certaine;
Et ne cuidez que ce soit chose fainte,
Trés doulce flour dont je porte l'emprainte
Dedens mon cuer pourtraicte, escripte et painte.
8Car la grant peine
Du mal d'amours qui pour vous me demaine
Me grieve tant, de ce vous acertaine,
Que plus vivre ne puis jour ne sepmaine,
12Dont par contrainte
Dire me fault a vous, ma souveraine,
Le trés grant faiz dont ma pensée est plaine,
Bonne, belle, tout le vous dis je a peine
16Et en grant crainte. 16
Et se je crains, doulce dame, a le dire
Merveilles n'est, car qui vouldroit eslire
En tout le mond sans trouver a redire
20Une parfaicte
Haulte dame pour estre d'un empire
Couronnée, si devroit il souffrir
De vous, souvraine, ou tout honneur se tire;
24Maiz, trés doulcette
Jouvencelle, que mon cuer tant regraitte,
S'amours contraint mon cuer qu'en vous se mette
Pour vous servir sanz que ja s'en desmette,
28N'en ayés yre,
Pour tant se ne vous vail, flour nouvelette,
Rose de may, belle, sade et simplette,
A qui serf suis, lige, obligié de debte
32Ou je me mire.
Mais s'il avient que vo valour s'orgueille
Contre mon bien, pour ce que pas pareille
N'estes a moy et que ne m'appareille
36A vo haultece,
Je suis perdus se fierté vous conseille
Que m'occiez, dangier qui tousjours veille
Me courra sus, si seroit bien merveille
40Qu'en tel asprece
Vesquisse, helas! ma dame et ma maistresse,
Mon seul desir, mon espoir, ma deesse;
Pour Dieu mercy que ne muire a destresce,
44Dame, ainçois vueille
Vostre doulceur tost me mettre en adresse
De reconfort quant voyez que ne cesse
De vous servir de fait et de promesse
48Quoy que m'en deuille.
Hé! trés plaisant et amoureux viaire,
Doulx corselet, de beauté l'exemplaire,
Que vraye amour me fait amer et plaire
52Sur toute chose,
Le mal que j'ay je ne vous puis plus taire,
Car vo secours m'est si trés neccessaire
Que, se ne l'ay, a la mort me fault traire,
56Ne ne repose,
Si en ayez pitié, fresche com rose,
Voyez comment tout de plour je m'arrose,
Et toute foiz a peine dire l'ose
60Ne vers vous traire,
Tant vous redoubt; pour ce ay tenue close
Ma pensée, mais or vous est desclose;
Car grant amour m'a fait a la parclose
64Le vous retraire.
Helas! belle, trop seroie deceu
Se le maintien que j'ay en vous veü
Tant doulx, tant quoy, si humble et qui m'a meu
68A vous amer,
Avoit en soy, sanz qu'il fust apperceu,
Fierté, dangier; certes ne seroit deu
Que si trés doulx ymage fust peü
72De fiel amer,
Et m'est advis qu'on vous devroit blasmer
Se cruaulté qu'on doit tant diffamer
Estoit en vous qu'on doit doulce clamer,
76Car a mon sceu
Nulle meilleur de vous n'oy renommer.
Ha! trés plaisant, ou je me vueil fermer,
Vostre doulx cuer a moy amy clamer
80Soit esmeü.
Et m'est advis, belle, se je pouoye
Vous demonstrer comment, ou que je soye,
Entierement suis vostre et qu'il n'est joye
84Qui d'aultre part
Me peust venir, certes je ne pourroye
Croire qu'en vous, doulce simplete et quoye,
N'est tant de bien, et c'est la ou m'apoye
88Et main et tart;
Et de pitié que vo trés doulx regart,
Qui de mon cuer a nulle heure ne part
Ne dont n'ay bien fors quant je sent l'espart
92Par quelque voye,
Ne confortast le mal dont j'ay grant part;
Mais je ne puis en secret n'en appart
Parler a vous, dont mon cueur de dueil part
96Et en plours noye.
Et doncques las! dont vendroit reconfort
A mon las cuer qui meurt par amer fort,
Quant ne savez, m'amour, le desconfort
100Ou pour vous suis
Ne comment vous aim de tout mon effort?
Si couvendra que je soie a dur port,
Se vraye amour a qui m'attens au fort
104Tost n'euvre l'uys
D'umble pitié ou a secours je fuys;
Si vous dye comment durer ne puis
Pour vostre amour ou tout je me suis duys,
108Soit droit ou tort.
Par quoy voyez comment et jours et nuis
De tous solas et de joye suis vuys.
Se tel secours bien brief vers vous ne truys
112Vez me la mort!
Car mesdisans tant fort redoubte et crain
Que je n'ose parler ne soir ne main
N'a nulle heure, dont je suis de dueil plain,
116A vous, trés belle, 116
Pour vostre honneur qui est entier et sain,
Ne ja pour moy, vo cuer en soit certain,
N'empirera, quel que soit mon reclain,
120Ains mort cruele
Endureray, pour Dieu, ma demoiselle,
Ne doubtez point que vous face querelle
Fors en honneur, Dieux tesmoing en appelle,
124Mais je me plain
De ce qu'Amours si haulte jouvencelle
M'a fait amer qu'ouÿr n'en puis nouvelle,
Se par pitié ne me vient, pour ce a elle
128Seule m'en claim.
Mais puis qu'Amours a voulu consentir
Qu'en si hault lieu me meisse sanz mentir,
Je ne croi pas, quoy que soie martir,
132Qu'au lonc aler
Ne resveille Pitié qui departir
Face le mal dont suis au cuer partir.
Si me couvient, quoy que j'aye a sentir,
136Tout mon parler,
Mes faiz, mes diz, sanz riens lui en celer,
A vraye amour adrecier, qui voler
En vo doulx cuer vueille et vous reveler
140Comment ne tir
Fors a tout bien; ainsi s'Amour mesler
S'en veult, plus n'ay besoing de m'adouler,
Or vueille tost vo doulx cuer appeler
144Et convertir.
Si couvient dont qu'a Amours m'en attende,
Lui suppliant qu'a mon secours entende,
Et a Pitié qui sa doulce main tende
148Pour redrecier
Mon povre cuer, car rien n'est qu'il attende
Fors que la mort qui son las corps estende
Dedens briefs jours; pour ce lui pry qu'il tende
152A avancier
Ma garison, et se vueille adrecier
Par devers vous, ma dame, et ne laissier
Vo cuer en paix jusqu'a ce qu'eslaissier,
156Si que j'amende,
Vueille le mien et de joye laissier.
Humble pitié a ce vueille plaissier
Vo bon vouloir pour mon mal abaissier,
160Joye me rende,
Et entendis qu'Amours pour ma besongne
S'employera, belle, sanz faire alongne,
A celle fin qu'encor mieulx vous tesmongne
164Que je dis voir,
Vueillez, m'amour, sans en avoir vergongne,
Me commander que pour vous m'embesongne
En quelque cas, ne point n'en ait ressongne
168Vo bon vouloir,
Car je vous jur que se daignez avoir
Fiance en moy si que peusse savoir
Aucune riens qui vous pleust, tant valoir
172Toute Bourgongne,
Se moye estoit, ne me pourroit d'avoir
Com se de vous peüsse recevoir
Aucun command, car a aultre chaloir
176Mon cuer ne songne.
Plus ne vous sçay que dire, belle née:
Tout vostre suis, non pas pour une année
Tant seulement, mais tant que soit finée
180Ma vie lasse.
Si vous plaise que paix me soit donnée
De la guerre d'amours qu'ont ordenée
Voz trés doulx yeulx et beauté affinée.
184Dieu par sa grace
Vous doint joye et tout bien, et a moy face
Tant de bonté que puisse en quelque place
Faire chose dont je soye a vo grace.
188Tel destinée
A vous et moy doint, qu'Amours, qui enlace
Maint gentilz cuers, les nostres deux si lasse
Que jamais jour ne vous en voye lasse
192Ne hors menée.
EXPLICIT COMPLAINTE.
Note: 74 A² que on—75 A² que on—126 A² que o.—132 A² Que au—Les vers 149 et 151 se trouvent répétés dans le manuscrit, avec cette variante pour le vers 151 «Dedens briefs jours si luy pry qu'il attende»—155 A² jusque a—182 A² que ont.
CENT BALLADES (p. 1 à 100.)
Nous avons déjà dit que ce recueil avait été publié par M. Guichard dans le Journal des Savants de Normandie (1844, p. 371.) Quelques-unes de ces mêmes ballades se trouvent également reproduites dans divers ouvrages que nous devons indiquer ici.
I
Christine consent à la prière de quelques amis à composer aucuns beaulz diz. Cette ballade a été publiée par Mlle de Kéralio mais d'une façon fort incorrecte (Collection des meilleurs ouvrages composés par des dames. Paris, 1787, in-8°, III, p. 52.)
III
L'auteur s'est évidemment inspiré des Épitres XVIII et XIX des Héroïdes d'Ovide. Ce poète lui était d'ailleurs très familier, comme nous aurons souvent l'occasion de le constater.
V à XX
Ces ballades sont consacrées à la douleur de la veuve et à l'inconstance de la Fortune. La XIIe a été publiée par M. Poujoulat (Collection des Mémoires relatifs à l'Histoire de France, I, p. 584) et par Mlle de Kéralio (Op. cit., III, p. 53) et la XIXe par la même (III, p. 54).
XXI
Publiée par M. Paulin Paris (Manuscrits françois, V, p. 152).
XXIII et XXVI
Données par Mlle de Kéralio (Op. cit., III, p. 55 et 56).
XXXI
Publiée par Mlle de Kéralio (Op. cit., III, p. 57) et par M. Paulin Paris (Op. cit., V, p. 152).
XXXIV
Jolie pièce sur le mois de mai (publiée par Mlle de Kéralio. Op. cit., III, p. 58), sujet fort goûté de l'époque et qui a inspiré à Christine plusieurs ballades dans lesquelles elle trace, d'après la même facture, des sentiments divers.
XLII
L'idée exprimée dans le premier couplet de cette pièce est prise des Métamorphoses d'Ovide (Livre XI, XVIII, Céyx et Alcyone).
LII
Pièce également inspirée d'Ovide.
LIV
Préceptes adressés aux jeunes gens qui désirent remplir les qualités requises des honnêtes poursuivants d'amour. Les comparer aux commandements de la chevalerie donnés plus loin dans la ballade LXIV.
LVIII
Quel est ce personnage dont Christine trace avec esprit le portrait ironique? Quel est ce chevalier qui se piquait d'aimer les lettres et auquel on reprochait sa médisance et son peu d'ardeur au métier des armes?
M. Paulin Paris, qui a publié cette ballade (Manuscrits françois, V, p. 155) s'est demandé si elle ne visait pas Guillaume de Machaut. L'hypothèse ne nous paraît pas admissible, ce poète n'ayant pu être le contemporain de Christine, puisque l'époque de sa mort, bien que n'étant pas déterminée d'une façon certaine, ne peut cependant être reculée au-delà de 1380 et que notre ballade n'a certainement pas été composée avant 1394.
LXI
Io et Jupiter (Métamorphoses d'Ovide, I, VIII).
LXIV
Cf. avec une autre pièce de Christine sur le même sujet, Autres Balades, N° L, p. 264.
LXXVIII
Publiée par M. Paulin Paris (Op. cit., V, p. 155).
XC
Adonis (Métamorphoses d'Ovide, X, VIII).
XCII
Éloge d'un chevalier que Christine compare aux neuf héros qui ont été choisis dès les premières années du XIVe siècle comme les types de la vaillance et ont donné lieu à la légende des neuf preux (Voy. Bulletin de la Société des Anciens Textes, 1883, pp. 45-54).
XCIII
Au vers 10 de cette pièce il a été imprimé par erreur Ottonien pour Ottovien, c'est-à-dire Octavien, premier nom de l'empereur Auguste.
XCIV
Le refrain de cette ballade est un des proverbes les plus répandus de l'époque (voy. des exemples analogues dans Leroux de Lincy, Livre des Proverbes, I, p. 240).
XCV
Elle a été publiée par M. Leroux de Lincy (Chants hist. Paris, 1841, I, p. 276 à 278).
Cette pièce qui exprime si bien toute la part que Christine prenait à la douleur publique, a du être composée au commencement de l'année 1394 quelque temps après ce funeste divertissement de cour connu dans l'histoire sous le nom de «ballet des Ardents» et qui frappa si vivement l'imagination du roi.
XCVII
Christine s'élève encore une fois contre la fragilité des dons de la Fortune et invoque à l'appui l'autorité de Boëce qui a consacré au triomphe de cette thèse générale les deux premiers livres de son «de Consolatione philosophica». Elle oppose avec raison aux biens de la Fortune ceux qui sont le partage de la Nature et met en avant l'opinion d'Aristote qui fait de la mémoire l'une des plus précieuses qualités. Le grand philosophe dit en effet au début de sa Métaphysique:
«Le genre humain a pour se conduire l'Art et le Raisonnement.
«C'est de la mémoire que pour les hommes provient l'expérience. En effet, plusieurs souvenirs d'une même chose constituent une expérience. Or, l'expérience ressemble presque, en apparence, à la science et à l'art. C'est par l'expérience que la science et l'art font leurs progrès chez les hommes».
XCVIII
Pièce entièrement philosophique et à la louange de la Science qui est la source de tous les biens et de toutes les richesses; le début de la ballade est emprunté à Aristote qui a formulé en tête de sa Métaphysique la même pensée: «Tous les hommes ont naturellement le désir de savoir». Ce début a d'ailleurs été reproduit dans un grand nombre de compositions du moyen âge; Dante, l'a employé dans le Convivio, Richart de Fournival dans son Bestiaire ou Arrière Ban, etc. (Voy. Bulletin de la Société des Anciens Textes, 1879, p. 84).
C
Publiée par Mlle de Kéralio (Op. cit., III, p. 59) et par M. Paulin Paris (Op. cit., V, p, 149).
VIRELAIS (p. 101 à 118).
IV
Cf. Cent Ballades, VII, X et XII.
X
Publié par M. Paulin Paris (Op. cit., V, p. 156).
XII et XVI
Dans ces deux virelais Christine s'élève avec une grande franchise contre les défauts et les vices de son siècle; elle ne craint pas de s'adresser au plus nobles, aux plus puissants et ses réticences sont presque des désignations:
.. et se l'en me demande Quelz gens ce sont, verité dire n'ose Pour leur grandeur, mais Dieux scet toute chose.
BALLADES D'ÉTRANGES FAÇONS (p. 119 à 124).
Ballade rétrograde.
Publiée incomplètement et fort incorrectement par Mlle de Kéralio (Op. cit., III, p. 60), cette ballade consiste simplement dans un assemblage de mots qui permet de prendre chaque vers par la fin et de recomposer ainsi, sans en altérer le sens, une pièce également rimée.
Ballade à rimes reprises.
La rime de chaque vers sert de premier mot au vers suivant.
Ballade à réponses.
C'est un dialogue amoureux, chaque vers renferme une interrogation ou une exclamation suivie d'une réponse.
Ballade à vers à réponses.
Pièce également composée sous forme de dialogue, mais différent de la précédente en ce sens que les interrogations et les réponses alternent d'un vers à l'autre; c'est une adresse à l'Amour qui s'efforce de répondre aux reproches qu'on lui oppose et engage à la persévérance la personne qui l'implore. Christine a trouvé la situation de ce morceau dans son «Dit de la Pastoure» où elle le reproduit intégralement.
LAIS (p. 125 à 145).
Le premier lai, indiqué dans la rubrique comme composé de 165 vers léonins, contient cependant un nombre plus considérable de rimes léonines. La composition des deux lais de Christine ne nous paraît pas d'ailleurs avoir été établie sur un plan bien déterminé, c'est plutôt un recueil de rimes qu'une oeuvre d'ensemble; ajoutons qu'en tout cas l'oeuvre ne serait encore qu'ébauchée, car, ainsi que l'on pourra le remarquer, la concordance entre les paragraphes d'un même couplet n'est pas toujours parfaite et les textes donnés par les différents mss. ne nous ont pas permis de la rétablir partout.
RONDEAUX (p. 147 à 185).
Pour le rondeau I Cf. Cent Ballades, XIV, v. 15.
Les rondeaux III, XXII, XXIII, XXXIII, ont été donnés par Mlle de Kéralio (Op. cit., III, pp. 63 et 64).
Le rondeau LVI par M. Paulin Paris (Op. cit., V, p. 161).
JEUX A VENDRE (p. 187 à 205).
Les jeux 1 et 70 ont été publiés par M. Paulin Paris (Op. cit., V, p. 162).
Les jeux 10, 12, 18, 21, 23, 26, 35, 37, 42, 50 et 61, par Mlle de Kéralio (Op. cit., III, pp. 66 à 68.)
AUTRES BALLADES (p. 207 à 269).
I
Cf. Cent Ballades, XCVI.
II et III
Ces deux pièces sont consacrées à l'éloge de Charles d'Albret que Christine fait descendre du fabuleux Brutus, qui, suivant la légende, avait donné son nom à la Grande-Bretagne. On sait que Charles d'Albret était fils de Arnaud-Amanieu, sire d'Albret, et de Marguerite de Bourbon, soeur de Jeanne de Bourbon, femme de Charles V. 11 fut nommé connétable de France en 1402, servit en Guyenne contre les Anglais (1406-1406), embrassa le parti des Armagnacs, fut destitué (1411) et rétabli dans sa charge en 1413. Il mourut à la bataille d'Azincourt où il commandait l'avant-garde le 25 octobre 1416. Ce prince aurait recueilli en héritage toutes les qualités de son ancêtre Brutus et paraîtrait aux yeux de Christine le modèle du chevalier le plus accompli (Voy. encore la ballade XVI), elle exalte surtout son courage à soutenir la réputation des dames et fait allusion (Dont vous portez la dame en verde targe) à une célèbre association dont il était l'un des plus fervents compagnons, l'ordre de chevalerie appelé l'Escu vert a la dame blanche et institué par le maréchal de Boucicaut à son retour d'Orient le 11 avril (jour de Pâques fleuries) 1399. Les treize chevaliers de cet ordre avaient juré de défendre l'honneur des dames envers et contre tous et devaient porter «chascun d'eulx liée autour du bras une targe d'or esmaillée de verd, a tout une dame blanche dedans» (Voy. les statuts de cette association dans le Livre des faicts du Mareschal de Boucicaut, Ire partie, chap. XXXIX). Ainsi que nous l'avons exposé dans la préface de ce volume la défense de l'honneur des femmes était un des thèmes favoris de Christine de Pisan, on y peut rattacher également la composition des ballades IV et XII qui suivent.
VI
Les veuves sont abandonnés de tout le monde, Christine fait ici allusion aux démêlés qu'elle eut à subir avec des débiteurs de mauvaise foi, circonstances dans lesquelles elle regrette amèrement de n'avoir trouvé aucun soutien, aucun bon conseil.
XI
Éloge d'une princesse, probablement la reine Isabelle de Bavière que Christine nomme généralement «ma redoubtée dame» (voy. plus loin Ballade XVIII).
XII
Cette pièce a été composée en l'honneur des chevaliers qui défendent la réputation des dames. Les personnages que cite Christine faisaient partie de la célèbre association l'Escu vert a la dame blanche dont nous avons parlé plus haut.
Jean de Torsay, seigneur de Lezay, de la Mothe Sainte Heraye et de la Roche Ruffin, chevalier, maître des Arbalestriers de France, chambellan du roi et du duc de Berry, sénéchal de Poitou, servit en Guyenne avec le connétable d'Albret, vint à Paris en 1404 avec cent hommes d'armes sous les ordres du duc de Berry, fut nommé maître des Arbalestriers de France le 8 janvier 1415. Destitué par la faction de Bourgogne en 1418, il s'attacha à la personne du Dauphin, devint capitaine de Saint-Maixent en 1425 et mourut peu après 1428. Il avait épousé Marie d'Argenton, veuve de Bertrand de Caselers et fille unique de Jean d'Argenton, seigneur d'Hériçon et de Gascognolles. (P. Anselme, VIII, p 69).
François d'Aubiscourt, chevalier, seigneur de Ville-Oiseau, était chambellan du duc de Bourbon. Il épousa le 27 avril 1401, Jeanne Flotte, fille d'Antoine Flotte, chevalier, seigneur de Revel, de Montcresson, etc. (P. Anselme, VI, p. 277). Il était le fils du brave chevalier, messire Eustache d'Aubiscourt, souvent cité dans Froissart et dont les amours furent célèbres (Kervyn de Lettenhove, Étude sur Froissart, II, p. 32).
Bernard de Castelbajac, fils de Arnaud-Raymond de Castelbajac et de Jeanne de Barbasan, chevalier, seigneur de Castelbajac, etc., sénéchal de Bigorre, fut institué héritier de son oncle maternel, Arnaud-Guilhem de Barbasan, par testament du 10 août 1410. Il était encore en 1426 sénéchal de Bigorre. (La Chenaye-Desbois et Badier, IV, p. 770).
XIII
Sur un cas d'amour. La même espèce est posée dans le Dit des Trois Jugements et forme le premier des trois cas d'amour soumis à l'appréciation du sénéchal de Hainaut.
XIV
Invocation à Pallas. Christine traduit ici la même pensée qui lui avait déjà inspiré la ballade VII.
XVII
Cette ballade a été composée contre les hommes insidieux et menteurs. L'auteur fait dès les premiers vers allusion à l'aventure d'Ulysse chez Circé. C'est encore une flétrissure des défauts et des vices du siècle dont on trouve si souvent le modèle dans les poésies d'Eustache Deschamps. (Voy. aussi plus loin la ballade XLI).
XVIII, XIX et XX
Ces ballades ont été adressées comme présents et souhaits de nouvelle année. Les envois de compliments et de voeux se faisaient toujours le 1er janvier. Nous en trouvons la preuve dans les inventaires de la librairie du duc de Berry où nous voyons Christine de Pisan elle-même offrir certains de ses ouvrages en étrennes, le 1er janvier.
La première de ces ballades est envoyée à la reine Isabelle de Bavière, la seconde à Louis de France, duc d'Orléans; quant à la troisième elle a été composée à l'intention de Marie de Berry, fille du duc Jean de Berry, l'un des plus puissants protecteurs de Christine. On sait que cette princesse avait épousé en 1400 Jean Ier duc de Bourbon auquel elle apporta en dot le duché d'Auvergne et le comté de Montpensier.
XXI
Christine offre en étrennes à Charles d'Albret une transcription de son poème du Débat de deux Amans. Cet exemplaire même doit être le ms. 11034 de la Bibliothèque royale de Bruxelles en tête duquel se trouve placée la présente ballade.
XXII
M. Paulin Paris en a donné le texte dans ses Manuscrits françois, V, p. 156.
Christine place son fils aîné sous la protection du duc d'Orléans. Cette ballade nous apprend aussi que le comte de Salisbury avait emmené à la cour d'Angleterre le fils de Christine. Bien que Richard II eût été détrôné (septembre 1399) et le comte de Salisbury décapité, Henri de Hereford, duc de Lancastre, usurpateur de la couronne, avait retenu auprès de lui l'enfant de la célèbre femme; mais la mère réclama bientôt son fils, qui dut revenir en France, après une absence de 3 ans, en 1400 ou 1401.
XXVI
Cette ballade sur les douceurs du mariage a été publiée par M. R, Thomassy, Essai sur les Écrits politiques de Christine de Pisan, p. 107.
XXVIII cf. XXV
XXIX, XXX et XXXI
Sur le combat de sept chevaliers français contre sept chevaliers anglais. (Voy. dans Jean Juvenal des Ursins le récit de cet engagement qui eut lieu à Montendre près de Bordeaux le 19 mai 1402. Ces trois ballades ont été publiées par M. Leroux de Lincy dans la Bibl. de l'École des Chartes, I, p. 379 et suiv., et la troisième seulement dans son Recueil de chants historiques, I, p. 280; la XXXe a été en outre donnée par Mlle de Kéralio, III, p. 61.)
La première ballade a été composée en l'honneur du duc d'Orléans qui avait présidé lui-même aux préparatifs de la victoire remportée par les sept chevaliers de sa maison, la seconde est à la louange des chevaliers et la troisième s'adresse aux dames qui ont été l'objet du combat.
Voici les noms des champions français que Christine de Pisan glorifie dans ces ballades:
1° Arnauld Guillem de Barbazan, gouverneur de Champagne, de Brie et de Laonnais, prit une part active et glorieuse aux guerres du XV siècle, Charles VII en fit son premier chambellan; il était le chef des chevaliers français dans le combat dont il est ici question. Il défendit toujours la cause royale et on l'avait surnommé le «chevalier sans reproche». Il fut tué à la bataille de Bulgnéville près de Nancy le 2 juillet 1431.(Paulin Paris, Manuscrits françois, II, p. 137).
2° Guillaume du Chastel, chambellan de Charles VI et du duc d'Orléans, se distingua dans plusieurs expéditions heureuses contre Jersey, Guernesey et Plymouth, mais fut vaincu et blessé à mort dans une attaque contre Darmouth (1404).
3° Guillaume Bataille, chevalier, sénéchal du comté d'Angoulême et chambellan du duc d'Orléans. Vivait encore en 1410. (Bibl. Nat. Pièces orig., 212).
4° Guillaume de la Champagne, chevalier, seigneur d'Apilly, chambellan du duc d'Orléans, puis de Charles VI; il faisait presque toujours partie de la suite du duc d'Orléans et accompagna ce prince dans le voyage qu'il fit en 1403 «es parties de Lombardie et d'Ytale»; nommé capitaine de la ville et chastel d'Avranche le 26 août 1404. (Bibl. Nat. Pièces orig., 662).
5° Archambault de Villars, écuyer, maître d'hôtel du duc d'Orléans (1402-1409), capitaine de Pontorson, envoyé en Allemagne le 28 juillet 1406 par le duc d'Orléans «pour aucunes besoignes qui grandement nous touchent», capitaine de Blois en 1408 et 1414. (Bibl. Nat. Pièces orig., 3002).
6° Pierre de Brebant, dit Clignet, seigneur de Landreville, lieutenant général en Champagne, chambellan du roi, nommé amiral de France en 1405, mort vers 1430.
7° Ivon de Karouis, chevalier breton.
Les sept chevaliers anglais étaient, le seigneur de Scales, Aymont Cloiet, Jean Fleury, Thomas Trayes, Robert de Scales, Jean Héron et Richard Witevale. (Leroux de Lincy. Recueil de chants histor., I, p. 280).
XXXIII
Cette ballade est adressée à Jean de Werchin, sénéchal de Hainaut, dont nous retrouverons le nom sous la plume de Christine qui le choisit souvent comme arbitre de questions controversées et fort délicates. (Voy. surtout le Dit des Trois Jugements); c'était d'ailleurs l'un des chevaliers les plus renommés et les plus entreprenants de son époque. La présente pièce fait l'éloge de son courage indomptable qui l'entraînait sans cesse à courir de nouveaux dangers, elle se rapporte sans doute au célèbre cartel du mois de juin 1402 par lequel le sénéchal de Hainaut s'engageait à se trouver à Coucy au mois d'août suivant et à attendre devant le château quiconque voudrait mesurer ses armes avec lui. (Voy. Monstrelet, I, chap. VIII).
XXXIV
Publiée par Mlle de Kéralio (Op. cit., III, p. 62).
XXXV
Reproduite dans le Dit de la Pastoure.
XXXVI
Christine fait hommage à la reine Isabelle de Bavière de l'une de ses oeuvres, peut-être le Débat de deux Amans.
XXXVII
Cette ballade, ainsi que le rondeau qui la précède (publié par Thomassy, Op. cit., p. 108), se rattache à la polémique de Christine contre le Roman de la Rose.
XLII
Cette ballade a été publiée par M. Thomassy (Op. cit., p. 131) et par M. Leroux de Lincy dans son Recueil de chants historiques, I, p. 289 à 292.
Le duc de Bourgogne, dont Christine pleure la mort, est Philippe le Hardi, quatrième fils de Jean, roi de France, et de Bonne de Luxembourg, né le 15 janvier 1342, marié à Marguerite, fille unique et héritière de Louis de Male, comte de Flandre. Il mourut le 27 avril 1404 au château de Hall en Hainaut; grand admirateur de Christine de Pisan, il fut l'un de ses plus généreux protecteurs. Celle-ci d'ailleurs ne tarissait pas en éloges sur sa personne et sur sa cour (voy. la ballade XXXVIII). Pour répondre à son désir elle avait commencé à écrire en cette même année 1404 le Livre des fais et bonnes moeurs du Roy Charles le Sage, et c'est avec un désespoir presque prophétique que se traduit dans la présente ballade l'expression de sa vive douleur, à laquelle elle associe celle du roi, de la reine, du duc de Berry, de Louis d'Orléans, du jeune duc de Bretagne (Jean VI) désormais privé des sages conseils et de la puissante sollicitude de son tuteur.
XLIX
Pièce composée à l'occasion de ballades sanglantes contre les princes, dont Christine redoutait les mauvais effets sur le peuple.
L
Cf. Cent Ballades, LXIV.
ENCORE AUTRES BALLADES (p. 271 à 279).
IX
Cette ballade et les deux rondeaux (VII et VIII), qui la précèdent, concernent le duc Jean Ier de Bourbon, né en mars 1382 et qui succéda en 1410 à son père Louis II. Il avait épousé, en 1400, Marie de Berry qui lui apporta en dot le duché d'Auvergne et le comté de Montpensier. Prince d'un courage éprouvé, comme le témoigne sa glorieuse campagne de 1413 contre des compagnies de brigands, il devait aussi posséder quelques qualités littéraires auxquelles Christine fait allusion dans le rondeau VII, mais il se distingua surtout par son humeur galante et aventureuse qui l'entraîna dans les «emprises» les plus extraordinaires. C'est ainsi que le 1er janvier 1415 il fit publier un cartel par lequel lui et seize chevaliers et écuyers s'engageaient à porter à la jambe, en l'honneur de leurs dames, un fer de prisonnier, d'or pour les chevaliers et d'argent pour les écuyers. Ces fers votifs devaient être conservés pendant deux années entières s'il ne se présentait avant cette époque un nombre égal de chevaliers et d'écuyers pour s'en rendre maîtres et les enlever après un combat à outrance. Mais le duc de Bourbon fut fait prisonnier l'année même à la bataille d'Azincourt et emmené à Londres où il mourut en captivité au mois de janvier 1434.
TABLE
I.—Pour acomplir leur bonne voulenté.
II.—Digne d'estre de lorier couronné.
III.—Voyez comment amours amans ordonne!
IV.—En traïson, non pas par vacellage.
V.—Quant cil est mort qui me tenoit en vie.
VI.—Et si ne puis ne garir ne morir.
VII.—Qui ma vie tenoit joyeuse.
VIII.—C'est bien raison que me doye doloir.
IX.—Que mes griefs maulx soyent par toy delivré.
X.—Puis que Fortune m'est contraire.
XI.—Seulete suy sanz ami demourée.
XII.—Que ses joyes ne sont fors que droit vent.
XIII.—Car trop griefment est la mer perilleuse.
XIV.—Qu'a tousjours mais je pleureray sa mort.
XV.—Puis qu'ay perdu ma doulce nourriture.
XVI.—C'est souvrain bien que prendre en pacience.
XVII.—Cuer qui en tel tristour demeure.
XXIII.—Car trop grief dueil est en mon cuer remais.
XIX.—De faire ami, ne d'amer.
XX.—Encor n'en suis pas a chief.
XXI.—Qu'a peine le puis escondire.
XXII.—De reffuser ami si gracieux.
XXIII.—Certes c'est cil qui tous les autres passe.
XXIV.—Car vous tout seul me tenez en leece.
XXV.—Helas! que j'aray mautemps!
XXVI.—Les mesdisans qui tout veulent savoir.
XXVII.—J'en ay fait a maint reffus.
XXVIII.—Pour le desir que j'ay de vous veoir.
XXIX.—Par Dieu, c'est grant grace.
XXX.—Qu'a vraye amour puissent faire grevance.
XXXI.—Je vueil quanque vous voulez.
XXXII.—Se demeurez loing de moy longuement.
XXXIII.—Puis que partir vous convient.
XXXIV.—Pour la doulçour du jolis moys de May.
XXXV.—Tant ont a durer mes peines.
XXXVI.—Et qui pourroit telle amour oublier?
XXXVII.—Et si ne m'en puis partir.
XXXVIII.—Puis que le terme est passé.
XXXIX.—Il en pert a ma coulour.
XL.—Pour un seul bien plus de cinq cens doulours.
XLI.—Ne plus, ne mains ne que s'il estoit mort.
XLII.—Cil nonce aux gens mainte chose notable.
XLIII.—Ce me fait la maladie.
XLIV.—Je m'en sçay bien a quoy tenir.
XLV.—Et a la fois grant joye aporte.
XLVI.—Ne nouvelles ne m'en vient.
XLVII.—Puisqu'il m'a mis en nonchaloir.
XLVIII.—Je ne m'i vueil plus tenir.
XLIX.—Vous me ferez d'environ vous foïr.
L.—Je m'en raport a tous sages ditteurs.
LI.—Ce poise moy quant ce m'est avenu.
LII.—Et que jamais leur meschance ne fine.
LIII.—Qui plus se plaint n'est pas le plus malade.
LIV.—Ainsi sera grance en vous assouvie.
LV.—Car le voiage d'oultremer.
A fait en amours maint dommage.
LVI.—Car l'oeuvre loe le maistre.
LVII.—Jusques a tant que je le reverray.
LVIII.—Ha Dieux! Ha Dieux! quel vaillant chevalier!
LIX.—Sont ilz aise? certes je croy que non.
LX.—Mais vous parlez comme gent pleins d'envie.
LXI.—Mais il n'est nul si grant meschief.
Qu'on ne traye bien a bon chief.
LXII.—De moy laissier ainsi pour autre amer.
LXIII.—A il doncques tel guerredon?
LXIV.—Qui maintenir veult l'ordre a droite guise.
LXV.—Ne me vueilliez, doulce dame, escondire.
LXVI.—Et vous retien pour mon loial ami.
LXVII.—Hé Dieux me doint pouoir du desservir!
LXVIII.—Dame, pour Dieu, mercy vous cry.
LXIX.—Sire, de si tost vous amer.
LXX.—Que vigour et cuer me fault.
LXXI.—Doulce dame, je me rens a vous pris.
LXXII.—Ne sçay qu'on vous a raporté.
LXXIII.—Las! que feray, doulce dame, sanz vous?
LXXIV.—Je vous laisse mon cuer en gage.
LXXV.—Ne vous oubli je nullement.
LXXVI.—De son ami, desirant qu'il reviegne.
LXXVII.—Dame, qu'a vous servir j'entende.
LXXVIII.—Qui tant de maulz et tant d'anuis nous fait!
LXXIX.—Si vous en cry mercy trés humblement.
LXXX.—Voulez vous donc que je muire pour vous?
LXXXI.—Prenez en gré le don de vostre amant.
LXXXII.—Le dieu d'amours m'en soit loial tesmoins.
LXXXIII.—Ha desloial! comment as tu le cuer?
LXXXIV.—Se vous me faittes tel grief.
LXXXV.—Mais, se Dieux plaist, j'en seray plus prochains.
LXXXVI.—Se les fables dient voir.
LXXXVII.—A Dieu vous di, gracieuse aux beaulz yeux.
LXXXVIII.—Ce sera fort se je vif longuement!
LXXXIX.—Ou autrement l'amour est fausse et fainte.
XC.—BALADE POUETIQUE. Il y morra briefment, au mien cuidier.
XCI.—N'il n'est si bon qu'ilz n'y treuvent a dire.
XCII.—Ainsi est il de vous certainement,
En qui Dieux a toute proece assise.
XCIII.—Il a assez science acquise.
XCIV.—Mais fol ne croit jusqu'il prent.
XCV.—Nostre bon Roy qui est en maladie.
XCVI.—S'il n'a bonté, trestout ne vault pas maille.
XCVII.—Se font pluseurs sages qui font a croire.
XCVIII.—Qui des sages font grant derrision.
XCIX.—Dieux nous y maint trestous a la parclose!
C.—En escrit y ay mis mon nom.
I.—Je chante par couverture.
II.—Amis, je ne sçay que dire.
III.—Pour le grant bien qui en vous maint.
IV.—Comme autre fois me suis plainte.
V.—Belle ou il n'a que redire.
VI.—Mon gracieux reconfort.
VII.—La grant doulour que je porte.
VIII.—Puis que vous estes parjure.
IX.—Je suis de tout dueil assaillie.
X.—Trés doulz ami, or t'en souviegne.
XI.—En ce printemps gracieux.
XII.—Se pris et los estoit a departir.
XIII.—Dieux! que j'ay esté deceüe.
XIV.—Trestout me vient a rebours.
XV.—De meschief, d'anui, de peine.
XVI.—On doit croire ce que la loi commande.
Acueil bel et agreable.
Renge mon cuer qui fors vous ne desire.
Voire aux loiaulz.—Tu as dit voir.
Aime le; si feras que sage.
I.—Com turtre suis sanz per toute seulete.
II.—Que me vault donc le complaindre?
III.—Je suis vesve, seulete et noir vestue.
IV.—Puis qu'ainsi est qu'il me fault vivre en dueil.
V.—Quelque chiere que je face.
VI.—En esperant de mieulx avoir.
VII.—Je ne sçay comment je dure.
VIII.—Puis que vous vous en alez.
IX.—Bel a mes yeulx, et bon a mon avis.
X.—Puis qu'Amours le te consent.
XI.—De triste cuer chanter joyeusement.
XII.—Pour ce que je suis longtains.
XIII.—C'est grand bien que de ces amours.
XIV.—M'amour, mon bien, ma dame, ma princesse.
XV.—Quant je ne fois a nul tort.
XVI.—Doulce dame, que j'ay long temps servie.
XVII.—Je suis joyeux, et je le doy bien estre.
XVIII.—Rians vairs yeulx, qui mon cuer avez pris.
XIX.—Tout en pensant a la beauté, ma dame.
XX.—Sage maintien, parement de beauté.
XXI.—S'espoir n'estoit, qui me vient conforter.
XXII.—De tous amans je suis le plus joyeux.
XXIII.—Belle, ce que j'ay requis.
XXIV.—Jamais ne vestiray que noir.
XXV.—En plains, en plours me fault user mon temps.
XXVI.—Visage doulz, plaisant, ou je me mire.
XXVII.—A Dieu, ma dame, je m'en vois.
XXVIII.—A Dieu, mon ami, vous command.
XXIX.—Il me semble qu'il a cent ans.
XXX.—Il a au jour d'ui un mois.
XXXI.—Se loiaulté me puet valoir.
XXXII.—Trés doulz regart, amoureux, attraiant.
XXXIII.—Le plus bel qui soit en France.
XXXIV.—J'en suis d'acort s'il vous plaist que je muire.
XXXV.—De mieulx en mieulx vous vueil servir.
XXXVI.—Helas! le trés mauvais songe.
XXXVII.—Trés doulce dame, or suis je revenu.
XXXVIII.—Puis qu'ainsi est que ne puis pourchacier.
XXXIX.—Doulce dame, je vous requier.
XL.—Se m'amour voulsisse ottroier.
XLI.—De tel dueil m'avez rempli.
XLII.—Or est mon cuer rentré en double peine.
XLIII.—Hé lune! trop luis longuement.
XLIV.—Amis, ne vous desconfortez.
LXV.—Souffise vous bel accueil.
XLVI.—Se souvent vais au moustier.
XLVII.—Combien qu'adès ne vous voie.
XLVIII.—Comme surpris.
XLIX.—Vous en pourriez exillier.
L.—Pour attraire.
LI.—Amis, venez encore nuit.
LII.—Il me tarde que lundi viengne.
LIII.—Cest anelet que j'ay ou doy.
LIV.—La cause de mon annuy.
LV.—Dure chose est a soustenir.
LVI.—Cil qui m'a mis en pensée novelle.
LVII.—Vostre doulçour mon cuer attrait.
LVIII.—Se d'ami je suis servie.
LIX.—Chiere dame, plaise vous ottroier.
LX.—Vous n'y pouez, la place est prise.
LXI.—S'il vous souffist, il me doit bien souffire.
LXII.—Source de plour, riviere de tristece.
LXIII.—Bel et doulz et gracieux.
LXIV.—Pour quoy m'avez vous ce fait?
LXV.—S'ainsi me dure.
LXVI.—Amoureux oeil.
LXVII.—Ma dame.
LXVIII.—Je vois.
LXIX.—Dieux.
1.—Je vous vens la passerose.
2.— —— la fueille tremblant.
3.— —— la paternostre.
4.— —— le papegay.
5.— —— la fleur de mellier.
6.— —— l'esparvier apris.
7.— —— le vert muguet.
8.—Du dieu d'amours vous vens le dart.
9.—Du pré d'Amours vous vens l'usage.
10.—Je vous vens la fleur de lis.
11.— —— du rosier la fueille.
12.— —— la turterelle.
13.— —— le cerf voulant.
14.— —— le chappel de saulx.
15.— —— la harpe et la lire.
16.— —— les gans de laine.
17.— —— la fleur de parvanche.
18.— —— la rose amatie.
19.— —— le pont qui se haulce.
20.— —— le panier d'ozier.
21.— —— l'oisellet en cage.
22.— —— le vers chapellet.
23.— —— la clere fontaine.
24.— —— le chappel de soie.
25.— —— le cuer du lion.
26.— —— la couldre qui ploie.
27.— —— l'anelet d'or fin.
28.—D'un esparvier vous vens la longe.
29.—Je vous vens le coulomb ramage.
30.— —— le songe amoureux.
31.— —— l'aloe qui vole.
32.— —— l'espée de guerre.
33.— —— la fleur d'acolie.
34.— —— la branche d'olive.
35.— —— la fleur d'ortie.
36.— —— le chapel de bievre.
37.— —— la rose de may.
38.— —— la fleur de seür.
39.— —— la violete.
40.— —— le blanc corbel.
41.— —— l'aloue volant.
42.— —— le dyamant.
43.— —— le tourret de nez.
44.— —— la marjoleine.
45.— —— la fueille de houx.
46.— —— la blonde tresce.
47.— —— le souspir parfont.
48.— —— le blanc orillier.
49.— —— la voulant aronde.
50.—Du blanc pain vous vens la mie.
51.—Je vous vens la rose d'Artois.
52.— —— la colombelle.
53.— —— le blanc cueuvrechief.
54.— —— de soye le laz.
55.— —— l'anelet d'argent.
56.— —— la fleur de glay.
57.— —— la perle fine.
58.—Je ne vens ne donne les yeulz.
59.—Chascun vous vens, mais je vous vueil donner.
60.—Je vous vens la fleur de peschier.
61.— —— du rosier la branche.
62.— —— d'Amours la prison.
63.— —— la rose vermeille.
64.— —— plein panier de flours.
65.— —— la feuille de tremble.
66.—Le saphir vous vens d'Orient.
67.—Flours vous vens de toutes couleurs.
68.—Je vous vens le levrier courant.
69.— —— la fleur mipartie.
70.— —— l'escrinet tout plein.
I.—Car qui est bon doit estre appellé riche.
Éloge de Charles d'Albret.
II.—Si com tous vaillans doivent estre.
A Charles d'Albret.
III.—Et Dieux vous doint leur bon droit soustenir.
IV.—Et honneur en toutes querelles.
V.—Avisons nous qu'il nous convient morir.
VI.—Ne les princes ne les daignent entendre.
VII.—Car de Juno n'ay je nul reconfort.
VIII.—Il veult trestout quanque je vueil.
IX.—Amours le veult et la saison le doit.
X.—Amours le veult et la saison le doit.
XI.—Assez louer, ma redoubtée dame.
XII.—Si qu'a tousjours en soit memoire.
XIII.—Vous semble il que ce fausseté soit?.
XIV.—Juno me het et meseür me nuit.
XV.—Se Dieu et vous ne la prenez en cure.
XVI.—A Charles d'Albret, connétable de France.
Ce premier jour que l'an se renouvelle.
XVII.—N'on n'en pourroit assez mesdire.
XVIII.—A la reine Isabelle de Bavière
Ce jour de l'an, ma redoubtée dame.
XIX.—A Louis de France, duc d'Orléans
Ce jour de l'an vous soiez estrené.
XX.—A Marie de Berry, comtesse de Montpensier.
Ce plaisant jour premier de l'an nouvel.
XXI.—Christine fait hommage à Charles d'Albret de
son poème «Du Débat de deux Amans»
Si le vueilliez recepvoir pour estreine.
XXII.—Christine recommande son fils aîné au duc
d'Orléans
Si le vueilliez, noble duc, recevoir.
XXIII.—Faittes voz faiz a voz ditz accorder.
XXIV.—Le corps s'en va, mais le cuer vous demeure.
XXV.—Chapiaulx jolis, violetes et roses,
Fleur de printemps, muguet et fleur d'amours.
XXVI.—Et certes le doulz m'aime bien.
XXVII.—Et ce vous fait tout le monde plaire.
XXVIII.—En ce jolis plaisant doulz moys de May.
XXIX.—Au duc d'Orléans, sur le combat de sept Français
contre sept Anglais (19 mai 1402).
De hault honneur et de chevalerie.
XXX.—Sur le combat des sept chevaliers français et
des sept chevaliers anglais (19 mai 1402).
Sera retrait de leur haulte vaillance.
XXXI.—Même sujet
On vous doit bien de lorier couronner.
XXXII.—A pou que mon cuer ne font!
XXXIII.—Au sénéchal de Hainaut, 1402.
D'entreprendre armes et peine.
XXXIV.—Apercevoir
Vueillez le voir.
XXXV.—Vostre doulceur me meine dure guerre.
XXXVI.—A la reine Isabelle de Bavière.
Soit, sanz cesser, toute joye mondaine.
RONDEL.—Mon chier seigneur, soiez de ma partie.
XXXVII.—On est souvent batu pour dire voir.
XXXVIII.—Sur la Cour du duc Philippe de Bourgogne, 1403.
Selon seigneur voit on maignée duite.
XXXIX.—Car je vous ay retenue a ma vie.
XL.—Je mourray se m'estes dure.
XLI.—Qu'en France soit si mençonge eslevée.
XLII.—Sur la mort du duc de Bourgogne (27 avril 1404)
Affaire eussions du bon duc de Bourgongne.
XLIII.—Et ne croyez flajolz de decepveurs.
XLIV.—Ne mon penser nulle heure ne s'en part.
XLV.—Mon doulx amy, d'autre ne me vient joye.
XLVI.—Je m'en mettré a mon aise.
XLVII.—Et me vueillez ottroyer vostre amour.
XLVIII.—Je le sçay bien, il fault que je m'en sente.
XLIX.—Je dis que c'est pechié a qui le fait.
L.—S'ainsi le faiz, tu seras preux et saige.
LI.—Et ait ou mal fort et poissant couraige.
LII.—Ce jour de May gracieux plain de joye.
LIII.—Quant bien me doit venir, meseur l'en chace.
I.—Je t'ameray et tiendray chier.
II.—Certes trop m'est dure la departie.
III.—A Dieu te dis, amis, puis qu'il le fault.
IV.—Et qui n'aroit regrait a tel plaisance
Et a si trés doulce amour eslongner?
V.—Quant chascun s'en revient de l'ost.
VI.—Car de ce vueil savoir le compte.
VII.—Qui vous en a tant appris?.
VIII.—Le plus bel des fleurs de liz.
IX.—De bien en mieulx vous puist il avenir.
Doulce dame, vueillez oïr la plainte.
Vueillez oÿr en pitié ma complainte.
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